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[RP] J'irai chanter sur vos tombes

.mahaut.
Dans une nuit noire et glacée, aussi noire qu’une nuit noire et aussi glacée qu’une nuit noire et glacée (c’est pour vous situer le contexte, hein), les portes du cimetière grincèrent dans un cliquetis inquiétant.

- Vache, y’a même les effets sonores !


La silhouette encapuchonnée qui s’était tenue tapie dans l’ombre du mur de la chapelle rajusta sa prise sur le petit portail avant de se retourner.

- Anatole ?
-
- Anatoleuh !
-
- Oh mais quelle femmelette ! Debout !
- Je… Pourquoi devons-nous venir de nuit ? De grâce… Nous avons voyagé tout le jour et avons à peine posé nos affaires… Demain matin, nous aurons tout le temps et…
- Cela ne peut attendre. Il faut le faire maintenant. Je dois le faire. Je lui dois. Nous nous le devons. Nous nous dûmes. Dûmes ? Dûmes. C’est marrant ça, vous entendez la sonorité ? Dûmes dûmes dûmes !
- Je vous en prie ! Il fait nuit noire et le vent est glacial… Je suis sûr que nous pouvons repousser sans qu’il vous en veuille !
- Au contraire !
- Oui bon, certes, il vous en veut sûrement de toute façon mais comme il est mort, je pense que son courroux ne sera pas pire si on attend demain quoi.
- Oh, Anatole, que vous êtes bouffant…
- Touchant. C’est touchant, le mot.
- Ne vous avisez pas de me toucher. Vous pensez que je peux repousser ce moment ? Que je pourrais aller m’allonger dans un lit et dormir tranquillement, alors qu’il est là, tout près ?
- Alors vous je ne sais pas, mais moi, j’arrive assez bien à me projeter.
- Non ! Je ne peux pas attendre un jour de plus. J’ai déjà bien trop attendu.
- Bon… Alors vous faites vite, hein ?
- Je prendrai le temps qu’il faudra. Ne me pressez pas.
- Non non, bien sûr… Mais si vous préférez être seule, je pourrais fort bien vous attendre au château…
- Non.
- Au coin de la cheminée, avec une pelisse d’ours sur les jambes et…
- Non.
- Je pourrais refaire les calculs de cet après midi si vous voulez. Nous avons peut-être oublié un facteur.
- Oh je vous en prie, mes pigeons voyageurs sont tous là.
- Pardon ?
- Non, vous venez avec moi.
- Mais pourquoi ?
- Pour veiller à ma sécurité.
- Mais vous avez Débile premier pour ça !
- Foulopchone, il s’appelle Foulopchone. Et je doute qu’il apprécie ce délicieux petit surnom dont vous l’affublez…
- N’empêche que ça lui va comme un gant.
- N’empêche que vous venez avec moi et que vous cessez de ronchonner et de trouver des excuses.

Une chouette hulula au loin et un petit craquement retentit dans un fourré proche.

- Hiiiiii !
- Anatole, toutes proportions gardées…
- Oui ?
- Fermez-la.
- Ah.

_________________
.mahaut.
Les silhouettes s’engagèrent dans le cimetière, se guidant de la lueur pâle de la lanterne pour distinguer les noms sur les petites plaques perdues entre les herbes folles. Le cimetière était petit et, Aristote soit loué, assez éloigné des habitations pour que quelqu’un décide de venir voir qui avait le cran de venir se balader en pleine nuit au beau milieu de la propriété du Vicomte. A vrai dire, si quelqu’un avait eu l’idée folle de sortir en pleine nuit pour aller en plein cimetière voir de plus près la silhouette encapuchonnée, il en aurait été bon pour une bonne petite crise de nerfs et de honte. Car sous la silhouette se trouvait tout simplement la propriétaire des lieux, à savoir la vicomtesse de Verteuil, baronne de Barbezieux, dame de Nabinaud, future impératrice de quelque chose, connue habituellement sous le prénom de Mahaut ou pour ses premières années sous le sobriquet de « Mais arrêtez-la bon sang ! ».
Et que faisait-elle en pleine nuit, en plein cimetière de la chapelle de Barbezieux ? Je vous le donne en mille.


- Aieu !
- Chuuut !
- J’ai buté sur une plaque !
- Ah ! Faites-voir ? C’est qui ?
- Cocottine première.
- On s’approche !
- De toute façon, à mon avis, on le reconnaitra de suite hein.
- Pourquoi ?
- Ben on a dans le cimetière les dépouilles des poules, des employés du château sans famille et le tombeau de M. le Vicomte. A mon avis ça donne trois types bien différents de tombeaux.
- Oh. Vous sous entendez que mon époux éprouvait le besoin de compenser quelque chose en se faisant bâtir un très gros tombeau ?
- Euh…
- Il n’était pas comme ça du tout. Non, lui, il s’en fichait. Il suffisait que cela fasse noble et puis ça allait. Il était humble.
- Ah donc le gros truc en marbre rose, là bas, c’est pas lui ?
- Ah si !
- Ben alors ?
- Ah ben ce n’est pas parce que lui n’était pas m’as-tu vu que moi je devais respecter toutes ses volontés, hein.
- Je me disais aussi…



Les silhouettes s’avancèrent à pas mesurés vers le tombeau, sautillant de ci de là pour éviter certaines tombes, surtout celles des poules.
A distance raisonnable, la silhouette encapuchonnée s’arrêta brusquement pour contempler l’édifice. La deuxième silhouette s’encastra donc promptement dans la première, se rejetant soudainement en arrière pour éviter une baffe et déplaça ainsi une pierre mal ajustée, qui laissa apparaître un os blanc sous la faible lueur de la lune.

- AAAAAAAH !
- Oui je suis d’accord. C’est une pure merveille.
- Je… Je… mon cœur a des ratés, je… Je ne me sens pas bien, je… Au secours !
- Taisez-vous. Si Robert vous entend, il est bien capable de décider de dessaouler pour venir voir de quoi il retourne.
- He bien à vrai dire, je pense que sa présence…
- Ne serait en rien réconfortante, étant donné que ce garde débile persiste à souhaiter ma mort à chaque fois qu’il me voit.
- Non, vraiment, vous vous imaginez des choses. Il vous maudit même quand vous n’êtes pas devant lui hein…
- Je ne comprends pas cet homme là. Son attachement à Roudoudou aurait pu se transférer à ma personne quand même.
- Je crois qu’il pense que vous l’avez tué.
- HAN !
- Chuuut.
- Jamais je n’aurais tué Roudoudou ! Je comptais le programmer pour être roy de France enfin ! Au lieu de ça, MOSSIEU a préféré mourir chez les moines, emportant au passage un joli petit pactole.
- Mais… Je m’excuse de ne pas bien comprendre… Vous avez dit que vous aviez changé, que vous étiez au dessus de tout ça… Je pensais que vous veniez vous recueillir sur la tombe de votre époux. Pas l’insulter.
- Oh, l’insulter, comme vous y allez… Non. Je ressens le besoin de partager une dernière fois quelque chose de fort avec lui. Je n’ai pas pu l’accompagner vers la mort. Vu que mossieu a préféré mourir chez les moines pendant que j’étais en bretagne.
- Serait-ce du ressentiment qui pointe ?
- Nullement. Nullement.
Un instant. Bon. Une petite pointe alors.
- Donc vous venez vous épancher auprès de sa dépouille afin de vous débarrasser de ce sentiment de colère.
- Et le débarrasser aussi par la même occasion.
- Le débarrasser ? De vous ?
- Je sens que son âme ne parvient pas à s’envoler vers la cave divine tant qu’il sait que je ne suis pas tranquille. Je dois le libérer, l’assurer que tout va bien entre nous, que nous nous retrouverons dans la mort et que tout se passera bien.
- Dites, il était pas si bête, il sait bien que si vous recroisez son âme il va morfler.
- Non, Anatole, j’ai changé.
- En pire ?
- Je suis plus posée, plus calme. Moins… Enfin ça se voit, non ?
- Euh…
- Je dois me recueillir. Maintenant.
- Je pars ?
- Non, vous m’attendez avec Leonard.
- Avec qui ?
- Bonsoir.
- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

_________________
.mahaut.
- Mais vous êtes complètement malade ! Vous voulez ma mort ou quoi ?
- Oh non, nooon, je vous assure, même si j’adorerais découvrir de quoi est composé votre double menton, je peux encore patienter.


Anatole se tâta machinalement le cou et décida de garder les mains à proximité au cas où. Maintenant que son cœur avait définitivement déclaré forfait pour un rythme de croisière (ou alors une Costa croisière au large de la Toscane), il prit le temps de regarder l’italien.
Celui-ci le laissa faire en souriant doucement tandis que la brune s’éloignait près du tombeau.


- Leonard ?
- Oui, c’est moi.
- Oui je sais.
- Non mais vous demandiez…
- Non mais en fait je le savais.
- C’était rhétorique ?
- Oui. Je voulais vous demander… Vous êtes derrière moi depuis combien de temps ?
- Oh, environ une heure.
- Une heure ??
- J’étais là avant vous, en fait. Je vous ai vu arriver mais comme vous étiez en pleine discussion, j’ai préféré attendre sagement.
- Ah. D’accord. Vous attendiez.
- Voilà.
- Habillé en suaire avec des os dessinés sur la peau.
- Oh non, c’est dessiné sur le tissu, j’ai fait ça à la va-vite, mais je ne voulais pas avoir trop froid alors j’ai créé un tissu résistant au froid. C’est déperlant, voyez-vous ? Un procédé tout simple que j’ai mis au point en prenant un bain, un soir. Je me disais combien il serait utile d’avoir des tissus résistants à l’eau car je venais de faire tomber mon petit coussin support de tête dans la baignoire et je ne supporte pas d’avoir la nuque mouillée. Au début, j’ai pensé à un système d’accroche automatique dudit coussin à la baignoire, technique toute simple qui m’a par la suite servi lors de la conception d’un nouveau bât pour les ânes de la propriété, voyez-vous car j’avais remarqué… Mais je m’égare. Je disais donc qu’en y réfléchissant, la conception d’un petit support de tête imperméable était sans doute plus approprié, ne pouvant pas décider d’une taille classique de baignoire. Dans certaines auberges, les baignoires sont de dimensions tout à fait modestes alors qu’au château, M. le Vicomte qui était un utilisateur hors pair de baignoire à ce qu’on m’a dit…
- RAAAAAH
- Faites pas attention, c’est juste un sujet toujours sensible chez elle.
- Oh. Bref, les baignoires ne sont pas toutes adaptables au soutien-de-tête-intégré, alors j’ai décidé de réfléchir au support déperlant. Voilà.
- Oh.


Les deux hommes regardèrent la brune passer la main sur le tombeau, prirent soin de tourner la tête au son du « bordel c’est froid sa raaace » qui sortit de ses lèvres et se sourirent avec l’amabilité distante de deux hommes amenés à se fréquenter sans jamais pouvoir se comprendre.


- Leonard ?
- C’est moi.
- Non mais… Laissez tomber.
- Ah.
- A la base je voulais juste savoir… Vous vous baladez souvent déguisé en squelette à moitié dévoré ?
- Oh noooon…
- Ah. A un moment je me suis presque inquiété.
- Habituellement j’ai des habillements plus développés mais je voulais tester une théorie.
- Ah.


Le coup d’œil que lança Anatole au costume de Leonard ne provoqua en retour qu’un sourire poli.

- Et euh… C’est quoi cette théorie ?
- Oh je pensais que vous ne demanderiez jamais !
- Oh ben quitte à être au bord de vomir, hein…
- C’est une réaction toute naturelle vous savez, vous n’avez pas à avoir honte. Vomir face à un corps à moitié pourri est tout à fait normal, c’est votre cortex subfrontal qui vous indique un risque de contagion tout à fait réel au demeurant et qui vous pousse à réagir violemment, créant un surplus de production biliaire qui, ne pouvant s’évacuer par les circuits classiques, alors que votre urée, elle, peut fort bien s’échapper naturellement dans la même occasion ! Le corps n’est-il pas un merveilleux et fascinant sujet d’études ? Bref, vous avez peur, vous vomissez. Vous êtes tout pâle d’ailleurs.
- Ah. C’est que je regardais de plus près le dessin de ver sur votre bras. C’est très réaliste.
- Oui j’en suis très satisfait. Pour arriver à ce résultat j’ai prélevé divers sortes de vers sur des cadavres, obtenant ainsi différentes étapes de leur développement, celui-ci est en pleine maturité, gorgé de chairs putréfiées, c’est ce qui le rend si réel. Mais si vous voulez regarder dans mon dos, j’ai également représenté différents œufs de mouche sur le point d’éclore, si vous vous intéressez à l’entomologie, vous serez ravi !
- Juste ciel. Je… C’aurait été avec plaisir, vraiment, mais je m’intéressais plus à votre théorie.
- Ma théorie ?
- Oui.
- Laquelle ?
- He bien celle de tout à l’heure, là…
- Oh. Non, je n’ai pas réussi à faire revivre la vache avec le sang de porc. Pas plus de 12 minutes en tous cas. Pas beau à voir, je dois dire. Bah, ça fait progresser la science !
- Mais euh… Juste ciel… Votre théorie sur l’habillement en cadavre ?
- Ah celle làààààà !
- Celle qui fait que vous ressemblez à un mort vivant, là, oui. Celle-là.
- C’est un système que nous mettons au point avec Dame Mahaut.
- Pardon ??
- M’ayant mis au courant qu’une guerre risquait d’éclore entre elle et le reste du monde, elle m’a demandé de mettre au point des techniques d’attaques sournoises efficientes.
- J’imagine que le terme vient d’elle ?
- Naturellement. Nous avons donc réfléchi à une technique d’approche des ennemis fondée à la fois sur la répulsion et sur la disparition.
- La ?
- Disparition. Par mimétisme. Associée au syndrome de terreur panique.
- Oh. C’est plus clair. Limpide.
- N’est-ce pas ?
- Non, je disais ça pour meubler, Leonard, je n’ai rien compris.
- Oh. Ça me paraissait évident pourtant. He bien nous voulions savoir s’il n’était pas possible de prendre une place forte par des moyens humains réduits en s’introduisant par les cimetières, lieux mal surveillés en cas d’attaques et donc en mettant au point des déguisements adaptés, prompts à détourner l’attention des soldats en mimant parfaitement une attaque zombie, destinée à les faire fuir à toutes jambes sans avoir à faire de démonstrations de force.
- Ah oui quand même.
- Oui. Je dois dire que Dame Mahaut souhaitait uniquement leur envoyer de très jolies chèvres.
- Tiens donc.
- Mais elle a aimé l’attaque zombie, même si elle nous coûte cher en miel.
- Ah ?
- Ca irrite énormément la gorge de crier « Braiiiiiins !» toute une soirée. J’ai essayé au château. Efficace, cela dit.


Anatole se remémora alors les courriers reçus plusieurs mois auparavant signés de tous les employés du château demandant le renvoi immédiat de l’italien dans ses propriétés toscanes. Il lui revint alors de la réponse de la brune. Et l’accueil très froid qui leur fut réservé l’après midi même lors de leur arrivée.

- Et donc ? Elle fonctionne votre théorie ?
- A voir l’état de vos braies, oui.


Anatole serra un peu les jambes et s’éloigna de la lanterne.

- Hmpf.
- Tout d’abord vous ne m’avez pas vu, allongé au sol près d’une pierre tombale mal fixée.
- Disons que j’ai vu les os, mais j’ai détourné les yeux.
- Voilà ! C’est exactement ça ! Disparition ! J’étais là mais comme vous ne vouliez pas me voir, vous ne m’avez pas vu !
- On aurait dit un cadavre !
- Mimétisme. D’où peur panique. D’où braies sales.
- Raaah mais cessez avec ça… Vous n’avez pas crié « Brains ».
- Non, effectivement, voyant que c’était vous je me suis contenté de vous sourire mais vous étiez trop paniqué pour relever le fait que je vous faisais gaiement coucou de la main droite.
- Et donc vous étiez là pour tester votre théorie sur moi ? C’est pour ça qu’elle voulait que je vienne ?
- Oh non, nous avions juste rendez-vous.
- Rendez-vous ?
- Oui, vous savez, quand deux personnes veulent se voir et qu’elles conviennent d’un lieu et d’une heure pour se retrouver facilement.
- Je sais ce qu’est un rendez-vous.
- Oh. Comme elle m’avait dit que vous n’étiez pas très au point socialement, j’ai préféré assurer…
- Hmpf.


Les deux hommes se regardèrent avant de détourner les yeux gênés. Anatole tapota du pied en regardant la lune tandis que Leonard s’amusait à prélever les insectes attirés par la qualité de son déguisement pour étude ultérieure.

- On… On doit l’attendre, donc ?
- Oh oui, je crois.
- Vous savez pourquoi on est là ?
- Ah, je savais bien que vous aviez un problème avec le concept de rendez-vous. Je reprends. Quand deux personnes veul…
- J’AI TRES BIEN COMPRIS, MERCI.
- Ben alors ?
- Ben alors on attend longtemps ?
- Le temps qu’elle soit prête j’imagine.
- Elle fait quoi ?
- Ses adieux, je pense.
- Oh. Formidable. Elle a prévu de se tuer, après j’espère ?
- Oh je ne suis pas au courant mais si c’était une surprise qu’elle voulait nous faire, c’est raté.
- Pff.
- Elle a raison, vous aimez bien gâcher le plaisir des gens…
- Raaaah !

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.mahaut.
Plantée face au tombeau gigantesque en marbre rose, Mahaut resserra sa cape autour d’elle. Evidemment, elle avait déjà imaginé l’ensemble, elle avait même vu les plans et précisé quelques retouches lors de sa conception. Mais quand même. Une fois face au truc, ça vous rendait plus petit. Techniquement, ça avait même rendu son coffre à bijoux plus petit. Mais quand il s’agit de comparer richesses actuelles et gloire centenaire, le choix était rapide. On se souviendrait de Roudoudou pendant des siècles. Ne serait-ce que parce qu’elle avait fait graver son surnom en grand, tout là haut, au dessus de la statue.
Elle releva un peu la lanterne et admira les sculptures. Oui, c’était du beau travail, à n’en pas douter. Et même s’il n’avait rien demandé, elle était sûre qu’il appréciait de reposer dans un aussi bel objet. Rose, en plus.
Elle se rapprocha et posa sa main sur la première marche.


- Vaaaacheuh, c’est froid !


Elle soupira et renfila son gant.


- Voilà. Le moment est venu. Le dernier hommage. T’es content j’espère ?

Elle toisa le tombeau et ses statues de poules de Barbezieux un instant. Le regard fixe et vide des volailles la ramena à la réalité brusquement et elle frissonna. Avant de se ressaisir.

- Et c’est pas parce que t’es mort que tu es dispensé de répondre !


Non mais.
Elle avisa un petit emplacement avec rebord, marqué par une plaque « place de la pleureuse, ou de la veuve (coussin dans tiroir) ». Magnifique, Leonard avait vraiment pensé à tout. Elle donna un petit coup de pied sur le bas du marbre et un petit tiroir s’ouvrit, présentant un coussin confortable et rembourré. Elle l’installa sur l’emplacement et respira un bon coup.


- Roudoudou.

Elle leva la main et tapota la statue de son défunt mari.


- Je crains qu’il ne faille passer par les récriminations d’abord. Je sais que tu serais super impressionné que j’arrive à prononcer le mot sans me planter mais sache que je peaufine ça depuis des mois.

Elle retapota la statue.

- Ce que tu as fait… Ce que tu as fait est parfaitement ignoble. Déplacé. Antijeu. Ça mériterait un carton rouge. S’éliminer soi-même de l’équipe, c’est impardonnable. Surtout quand on était à ça d’y arriver.

Elle posa la lanterne sur le dos glacé d’une poule en train de couver.

- Mais bon, soit, tu l’as fait, c’est comme ça. Je comprends. Enfin non, je ne comprends pas, mais j’accepte. Enfin non. Mais j’ai pas le choix. Voilà, c’est ça. Je dois passer à autre chose. Et je dois quand même te remercier pour tout. Enfin j’ai tout fait presque toute seule, hein. Bon, non, d’accord. Je n’aurais jamais pu être Comtesse, personne n’aurait voté pour moi sans être bourré. Alors que toi, tu inspirais confiance. Du coup, tu as réussi à être Vicomte, juste pour me faire plaisir. Oui oh, et pour quelques broutilles politiques qui te tenaient à cœur. Mais quand même. Quand je pense, QUAND JE PEEEEENSE qu’on était à ça d’être Comte et Comtesse… On avait même commencé à réserver les fiefs qui nous plaisaient le plus. Quelle connerie que Monbazillac soit pris, hein ? On aurait été lumineux en Monbazillac. D’ailleurs, je t’en ai pris une bouteille ce soir. Comme tu n’es pas physiquement présent, je vais la boire pour toi. Ça t’apprendra, lâcheur.

Elle sortit une bouteille et fracassa le goulot sur un des représentants des « Périgourdins en pleurs après l’annonce de la disparition du plus grand Blond Vénitien du pays » comme l’indiquait la plaque.
Elle sortit un verre en cristal de son sac à main et se remplit largement le verre avant de le lever vers la statue.


- A la tienne, Roudoudou.

Elle vida la coupe d’un coup et se resservit.

- Bon. Donc, je te remercie. Attends.

Elle sortit une liste de son sac et raya « remercier pour les titres ». Satisfaite, elle reprit son verre.

- Ça manque de foie gras. Bouge pas.

Elle se baissa et inspecta le tiroir d’où était sorti le coussin. A force de manipulation, elle souleva le double fond et s’empara d’un bloc de foie gras dans une terrine. Au dos du couvercle, elle lut « Bien joué, Dame Mahaut ! Les couteaux sont sous les pattes des poules. Bien à vous, Leonard ». Elle sourit et farfouilla sous les poules.

- C’est bien mignon, Leonard mais sans pain…

Sous la poule en larmes devant la statue, elle aperçut un autre petit mot. « Ne pouvant décider du temps que vous alliez mettre à venir, j’ai opté pour des biscottes que vous trouverez dans la poche de la Périgourdine s’arrachant les cheveux. Toujours bien à vous, Leonard. »

- Hé, n’empêche, Roudoudou, tu peux dire ce que tu veux, mais j’ai toujours su bien m’entourer, hein ? Hein ? *scrountch scrouncth* Alors ch’est chûr, minche j’ai caché ma bichcotte, chaloperie… Ch’est chûr, mes employés ne chont pas d’une aide folle lors des cérémonies. Mais quand même. Plus que ton Robert qui ne peut pas me piffrer hein. Qu’est-ce que tu lui as dit sur moi pour qu’il me déteste autant ? J’ai pourtant fait de mon mieux avec lui ! Je lui ai offert une tenue faite sur mesure à mes couleurs ! Et le fuschia va très bien avec son début de calvitie. Sauf que quand je lui ai dit, j’ai bien cru qu’il allait me faire manger le joli petit béret à paillettes. Va comprendre. Tu vois, c’est un truc que j’aurais pu t’apporter, ça ! Savoir se mettre bien avec le petit personnel. Je gère ça parfaitement. Et toi, tu aurais pu m’apprendre… Ben je sais pas, moi, à me battre de façon conventionnelle ! Après tout pourquoi pas ? Il y avait peut-être du bon dans tes exercices d’esquive et d’estoc et de chaiplusquoilà. *scrounch scrounch* Oh minche, je te fous des miettes partout. Scuge moi, Choupinou.

Elle ôta son mouchoir en dentelle de son décolleté et épousseta les pieds de la statue.

- Bon, donc, les remerchiments ch’est fait. Rechte quoi ? Ah oui.

Elle fixa la liste. « Pardonner ». Houla. Il allait falloir gagner du temps. Elle promena sa main sur les bas reliefs.

- Bordel c’est froid sa raaaaaaaaaaaaace ! Hmpf. Oooooh regarde ! La scène de notre rencontre ! Regarde comme Leonard a bien fixé la terreur au fond de tes yeux ! Oh et là ! hiiiii ! La fois où je t’ai trouvé en douce sous une table avec Lynette en pleine réception de l’ambassadeur ! Oh et lààà ! Toi en train de signer le pacte de non agression viticole que j’avais mis au point avec la Bourgogne ! On voit bien que tu ronchonnes mais que tu es satisfait. Oh et… LEONARD BORDEL C’ETAIT VRAIMENT NECESSAIRE DE REPRESENTER LA SCENE DE LA BAIGNOIRE ?

Elle remordit rageusement dans une biscotte. Soudain, elle se repencha vers le bas relief.

- ET EN PLUS VOUS AVEZ MÊME MIS LA TÂCHE SUR MA ROBE, CORNEFIOUCHTRE !

Tout à coup, elle entendit comme une voix susurrer « mais qu’est-ce qui est arrivé à ta robe au fait ? » dans son oreille. Elle se releva en sursaut et s’agrippa à la bouteille.

- Tu es mort, tu n’as pas le droit de faire ça. Non mais oh. Je suis la veuve éplorée et toi le mari qui repose EN SILENCE dans le tombeau. C’est moi qui conduis la discussion. C’est fou quand même, ce besoin de participer.

Elle sirota sa coupe en regardant la fameuse scène. De la main gauche, elle froissait machinalement la liste.

- Bon. C’était un signe, c’est ça ? Genre « oh comme tu as pardonné pour la baignoire, tu peux bien pardonner pour la mort, ma Roudoudinette en sucre, non ? ». Bien tenté. Non, non, j’admets. MAIS TU PEUX CREVER ! J’ai jamais pardonné la baignoire ! J’attendais juste que tu passes à autre chose pour te le rebalancer à la tête ! Je suis une femme, moi, mossieu, je suis pleine de vices ! J’attends ma vengeance et je t’écrase le nez dedans ! Ah ah !

Relevée, elle donna une tape sur la statue pour donner de l’ampleur à son discours.

- Aieuuuu ! ‘tain, avec le froid je suis sûre que je me suis pétée un doigt… Je suis sûre que tu l'as fait exprès ! C’est nul de ta part, je tiens à te le dire.

Aristote que c’était dur de faire ce qu’elle avait prévu de faire… Evidemment qu’il était nécessaire d’en passer par là. Tout le monde le lui répétait. Il faut pardonner pour vivre en paix. Par-don-ner. Comme si elle s’était déjà véritablement excusée envers quiconque. Et là, là ! Après un coup aussi bas ! Aussi petit ! Aussi mesquin !
Elle s’agrippa à la cuisse de la statue et donna un petit coup avec le poing.


- Pff.

Mais elle avait beau faire, taper tout ce qu’elle voulait, hurler sur des poules en marbre… Elle n’obtiendrait aucune réponse. Aucune réponse satisfaisante, du moins. Non, ils avaient raison. Bon, ça, elle prendrait soin de ne jamais l’avouer publiquement hein, mais si, ils avaient raison. Elle devait pardonner. Pardonner et passer à autre chose. Bon sang que c’était dur. Elle enserra les jambes de la statue et pour la première fois, elle laissa couler une larme destinée à personne d’autre qu’elle. Il était temps de vraiment pleurer son défunt mari.

- Ordure.

Elle serra plus fort et enfouit sa tête dans les plis du manteau en marbre.

- ‘tain pis c’est dur en plus…

Il était temps.

- Roudoudou choupinou d’amour… Quelle vacherie que tu ne sois plus là… Tu aurais fait un Roy de France flamboyant, j’en suis sûre. Et je ne parle même pas d’un Empereur Magnificent. Mais je te pardonne. Elle laissa échapper un véritable sanglot de déchirement. Tu avais le droit de te reposer un peu. Enfin là, excuse-moi mais c’est quand même définitif comme repos, hein… Mais soit. J’espère que tu t’amuses bien là où tu es. Si tu n’es pas trop bête, tu éviteras de prononcer mon nom trop fort auprès d’Aristote. J’ai encore deux ou trois trucs à régler avec lui. Rien du tout. Trois fois rien. Enfin dis rien, hein. Dis que je t’ai forcé, ça passera comme un pigeon dans un poste. Repote en paix.

Elle desserra ses bras et s’éloigna un peu, ne laissant qu’une main au contact de la statue. De l’autre, elle lissa la liste et raya « pardonner ». Avisant une petite ligne, elle aperçut la main d’Anatole. « On dit « repose en paix", pas repote en paix. Je dis ça au cas où parce que vous répétez ça en dormant depuis des semaines et que c’est syntaxiquement idiot et faux. »

- Pff. Repose en paix. Là, voilà, tu es content, Roudoudou ? Repose en paix. Bieeeen en paix. Avec tout ce qu’il faut pour ça.

Elle releva la tête et s’aperçut qu’elle tapotait les fesses de son défunt mari depuis un moment.

- Tu te rends compte qu’on a raté ça, quand même ? Maintenant je sais comment on se reproduit et je n’ai personne pour essayer. C’était bien la peine de te montrer mes chevilles.

Elle redescendit d’une marche et essuya les quelques miettes de biscottes, machinalement.

- Bon. Je suis venue. Je t’ai remercié. Je t’ai pardonné. Pfiou...


Elle essuya ses larmes en effaçant au mieux les traces de maquillage dévasté. Rajustant sa cape, elle remonta soudain ses manches.

- Du coup on peut passer à l’étape 3, qui est quand même la plus intéressante de l’histoire… ANATOOOOOOOOOLE, LEONNNNNNNNNNNNNNARD ! C’est bon, vous pouvez venir !

Et tandis que les pas de ses employés s’approchaient, elle leva son verre une dernière fois avec un petit sourire n’inspirant pas confiance.

- Rends-moi mon fric, ordure.
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.mahaut.
- Ca y est ? Oh ! Vous avez pleuré !
- Oh ! Vous vous êtes fait dessus !
- Hmpff.
- C’est tout à fait naturel, je vous l’ai dit, il ne faut pas avoir honte de vos réactions corporelles.
- Je n’ai pas hon… Je fais ce que je veux ! Ce que je peux ! Ce que… Raaah pis laissez-moi ! Si je devais écouter mon corps, je serais à des lieues d’ici !
- Interdiction ! J’ai besoin de vous enfin !
- Pourquoi ?
- Vous ne croyez tout de même pas que je vais ouvrir le tombeau toute seule !?
- OUVRIR LE TOMBEAU ???
- Vous avez des problèmes d’audition ? Vous permettez que je regarde vos oreilles ? Je cherche à comprendre comment fonctionne l’oreille humaine alors…
- NON.
- Pourtant je vous assure, vous parlez trop fort, c’est signe de perte d’audition.
- Sourd ou pas, vous restez et vous aidez. Leonard ? Comment doit-on procéder ?
- Alors, suite à vos instructions, tout est démontable facilement. Je vous ai fait un mode d’emploi, regardez.
- Merci.


Elle prit un papier plié en accordéon, le déplia et s’absorba quelques instants dans sa lecture. Quelques instants plus tard, elle le replia, le reposa sur le marbre et se pinça l’arête du nez.

- Leonard ?
- Oui ?
- Je trouve ça très bien que vous ayez pris le soin de traduire tout ça en plusieurs langues, vraiment.
- C’est une idée que j’ai eu. Des fois, les gens viennent d’autres pays et comprennent mieux dans leur langue d’origine.
- Certes. Ca prend un peu de place, du coup, mais les plis en accordéon c'est tellement plus joyeux. Et les petits dessins au début sont merveilleux. 4 bonhommes, un marteau et un sceptre.
- Un tournevis ! Cruciforme !
- Ah donc ce n’est pas une mini couronne au dessus. Formidable. A quoi ça sert ?
- He bien c’est le mode d’emploi ! Il faut 4 personnes, un marteau et un tournevis cruciforme.
- Voilà qui est rassurant, j’avais justement laissé mon sceptre à la maison.
- Nous n’en avons pas besoin. Vous avez pris votre tournevis ?
- Bien sûr. J’en ai toujours sur moi voyons. Différentes tailles, plats, cruciformes, à embouts interchangeables.
- Merveilleux ! Sortez un cruciforme !
- C’était du sarcasme, Leonard.
- Oh ?
- Je ne me balade pas avec des tournevis sur moi.
- C’est dommage, c’est vraiment utile.
- Vous en avez, vous ?
- Malheureusement non… ça se serait vu sur mon costume, ça aurait fait moins peur.
- Ca reste à discuter, ça.
- Oh ! Vous accepteriez d’être un cobaye pour nos recherches sur la peur panique ?
- NON !
- L’audition, alors ?
-


La brune ôta sa cape et redéplia le mode d’emploi.

- Bon. De l’organisation. Nous sommes 3, dont le concepteur du tombeau, nous devrions pouvoir y arriver.
- Mais il y a 4 bonhommes.
- Ah oui tiens, Leonard.
- Oui, il faut être quatre.
- Vous comptiez nous prévenir ? Ou vous espériez qu’un promeneur serviable allait se pointer à minuit dans le cimentière ?
- La peste soit de ma légèreté d’esprit ! J’avais oublié ce détail !
- Et donc ? On peut s’en passer ?
- Oh non. C’est mieux à quatre.
- Avec un tournevis.
- Oui.
- Et un marteau.
- Oui.
- Admettons qu’on n’en ait pas ?
- Ce serait ennuyeux.
- Bon ben on s’en va alors ?
- Vous restez là. On ouvrira ce tombeau ce soir.
- A cœur vaillant rien d’impossible ! Haut les cœurs ! Enfin ne vomissez pas, Anatole, hein, c’est une expression.
- Gnagnagnagna.
- Bon, je suis noble, je compte comme deux personnes, ça devrait aller.


Un petit rire étouffé et maladroitement caché en toux sèche s’échappa du limousin. De son côté, Leonard inspectait les pieds des poules en marbre.
Elle fixa longuement Anatole jusqu’à ce qu’il se sente suffisamment gêné pour se taire. Puis, elle reprit le mode d’emploi.



- Leonard ?
- Hmm ?
- Leonard ?
- Je me disais qu’en brisant les bouts d’ailes des poules on pourrait avoir une espèce de truc cruciforme. Si je les relie aux mèches des périgourdines en pleurs, on pourra avoir un burin.
- Leonard, pourquoi vous avez mis des trémas sur toutes les voyelles des mots ?
- Pardon ?
- Je lis « Pläcëz des cäles söüs les möntänts Ä et B de fäçön hëlicöïdäle ».
- Ah oui, l’étape 5.
- Et donc ? Les trémas ?
- Je me suis dit que ça donnait un côté exotique. Allez savoir pourquoi, je pense que les trémas et les noms bizarres auront leur place dans les modes d’emplois dans les siècles à venir.
- Ah. D’où le… attendez, je me concentre… Le « Strübknopft » ?
- Entre autres.
- C’est quoi ?
- Le nom du coussin.
- Très joli.
- Merci.
- Aucun avenir. Bon. Donc étape 1 : « Rëtïrër lës ëlëments dëcorätïfs Knutzza, Rikdür et Flächer. » Allons-y gaiement. Anatole !
- Oui ?
- Ben… empoignez Rïkdür.
- C’est quoi ?
- Mais c’est limpide enfin ! Empoignez-le !
- La.
- Empoignez la et déposez-la avec précaution. Sur le gazon, là.
- Mais c’est quoiiiii Rïkdür bordel ?!
- C’est la poule qui est devant vous enfin !
- On n’est pas renduuuuuus…

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--Garde_robert
Des profondeurs de la nuit surgit une voix digne d'un ours accro à la nicotine un lendemain de cuite.

PEUT ON SAVOIR CE QUI SE PASSE ICELIEU ?


[Modo Nicolas.df : Bonsoir, image retirée puisque dépassant les dimensions spécifiées dans les Règles d'Or. Bon jeu !]
.mahaut.
- PEUT ON SAVOIR CE QUI SE PASSE ICELIEU ?

La voix retentit tandis qu’ils en étaient à compter le nombre de vis de taille S63 et à constater qu’il en manquait une, qui semblait être tombée dans une ancienne tombe. Naturellement, Anatole refusait d’y aller et naturellement, la brune commençait à s’énerver. Aussi la question arriva-t-elle pile au bon moment.

- HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !

Anatole s’effondra sur place, sans même prendre le temps de ramasser la vis. Aucun sens pratique. 100% limousin.

- Vous avez vu ? Là encore, la nature. Il s’est refait dessus.

A dire la vérité, la brune également avait poussé un petit cri apeuré, mais son inconscience sans bornes lui permettait de mieux gérer la peur que le limousin au sol. Elle se retourna donc et fixa le nouvel arrivant (en reposant au passage un fémur qu’elle avait quand même brandi dans l’urgence).

- Ah, Robert. C’est une question piège ?
- Il n’a pas l’air de maîtriser les questions pièges.


Elle s’approcha, leva la tête vers le garde et lui fit son plus beau sourire innocent. Le regard qu’il lui lança lui fit baisser un peu les commissures et soupirer avant de recommencer vaillamment.

- Robeeeeert, vous tombez pile au bon moment ! Comme toujours ! On devrait vous appeler Super Robert. Une dame en détresse et hop, vous débarquez !
- Si ça s’trouve, il vient pour le limousin.


Elle regarda Anatole évanoui, puis Robert, puis Anatole, puis Robert, puis Leonard, et haussa les épaules.

- Chacun trouve son bonheur où il peut.

Elle re-regarda le garde et recommença à sourire, non sans lever le bras pour lui tapoter l’épaule.

- Je dois tout d’abord vous féliciter, Robert. On vous demande de surveiller le domaine, et vous vous en acquittez à la perfection. Du bruit dans le cimetière à minuit ? Ni une ni deux, vous débarquez ! Et puis quelle préseeeeeeeeeeence ! Imaginez un peu que nous étions en train de faire quelque chose de mal…
- Oui, voilà, imaginons.
- He bien nous aurions été pris la main dans le sac !
- Peut-être même aurions-nous succombé au phénomène de peur panique !
- Tout à fait ! Je vous félicite donc, Robert. Vous méritez une médaille. Tenez, je vais vous décerner une médaille. La médaille du meilleur garde du domaine de Barbezieux, du meilleur garde NOCTURNE du domaine ! Et on fera une cérémonie, d’accord ? Hein ?


Elle finit par retirer sa main de l’épaule du garde.

- Ah, et au cas où vous vous demanderiez ce qu’on fait là, en plein cimetière, au beau milieu de la nuit…
- On étudie notre théorie sur l’attaque sournoise liée à la peur panique.
- Parfaitement ! Regardez ! Costume et limousin d’essai. Anatole, levez-vous, c’est sale par terre.


Elle donna un petit coup de pied au limousin, tout en continuant de sourire au garde. Mais bordel, pourquoi ne répondait-il pas ? Et pourquoi fronçait-il les sourcils comme ça ? Il ne la croyait pas ? Mais tout le monde la croyait ! Et tout le monde l’adorait ! Pourquoi ne l’adorait-il pas, lui, hein, d’abord ? Parce qu’elle avait repeint le château en rose ? Mais Roudoudou n’avait rien dit ! Il s’était juste enfermé dans le monastère et n’en était jamais ressorti. S’il n’avait pas aimé, il l’aurait dit, hein, il n’aurait pas préféré mourir !
Elle re-re-regarda le garde. Bon. Le seul moyen pour qu’il ne s’énerve pas était de rappeler l’essentiel. Son affection pour Roudoudou.


- Par ailleurs, nous sommes aussi présents pour satisfaire la dernière volonté de votre maître.

Ah, une lueur d’intérêt dans le regard de Robert.

- Peu avant son tragique décès…emportant ainsi l’homme le plus choupinou de France et 3000 écus en parfait état de marche, Roudoud… aie, il grimaçait quand elle l’appelait Roudoudou. Aucun goût. Elle revint en arrière mine de rien. Peu avant son décès, le vicomte de Verteuil m’avait entretenue –et le premier que ça fait rire je l’empale- de sa peur panique à l’idée d’être enterré vivant.

Oui, bon, c’était la première idée qui lui était venue. Et non, Robert n’allait quand même pas lui faire l’affront de dire qu’elle avait mis des mois à venir s’en assurer, ce qui faisait que si le Vicomte avait véritablement été enterré vivant, il aurait fini par crever tout seul dans son tombeau en la maudissant. Non. Il n’allait pas réfléchir autant. En revanche, Léonard, si. Elle se retourna donc illico vers l’italien, en lui adressant un clin d’œil destiné à établir une connivence.

- Vous avez une poussière dans l’œil ?
- NAN. Donc, Robert, il est de notre responsabilité, que dis-je, de notre devoir ! de s’assurer qu’il était bien mort quand on l’a enterré.


Si, si, ça pouvait passer.

- Et donc d’ouvrir son tombeau.

En poussant sur les bords, ça pouvait passer.

- Par contre, il faut le faire de nuit pour que personne ne soit au courant qu’il avait peur d’être enterré vivant.

Noooooon, il n’irait pas dire que ça n’avait pas de sens et que le vicomte devait bien s’en foutre du regard des gens à partir du moment où il était mort, enterré vivant ou pas. D’autant que Robert avait bien dû être là au moment de l’enterrement et donc voir qu’il était bien mort. Mais non, il ne dirait rien. Parce qu’on ne lui laisserait pas le temps de réfléchir.

- Adoncques…

Vache, elle parlait trop bien le noble, maintenant.

- Adoncques, placez-vous de ce côté-là si vous le voulez bien et poussez très fort, en prenant soin de ne pas coincer Anatole entre deux Svallrüp ou je ne sais quoi.

Elle sourit et prit place à côté du garde et de Léonard.

- A trois, poussez ! TROIS !!!

Et bizarrement, la plaque pivota et le tombeau laissa apparaître un linceul.

- Houuuu ! A première vue il a l’air bien mort, non ? Bordel, y’a pas des sacs d’écus quelque part ? Il faudrait le soulever, pour s’en assurer, je pense. Robert, vous voulez bien… Oh, quelque chose ! J’AI APERCU QUELQUE CHOSE ! Hiiiiiii ! C’est… C’est trop petit pour contenir 3000 écus. Faites-voir ? Oh. Juste une lettre. On va l’ouvrir, hein ? Juste pour savoir où il a planqué son fr… pour savoir son ultime message. Pfiouuuu, c’est émouvant, hein ? Trois mille écus et il laisse une lettre…
_________________
--Garde_robert
...

Le visage de Robert resta figé. Presque miraculeusement. Impossible de discerner quoi que ce soit sur son visage caverneux (non je n'ai pas l'exacte définition d'un "visage caverneux", désolé, mais vous avez compris l'idée).
Etait il en train de lancer un regard accusateur, lourd de sens et bientôt de conséquences ? Etait il en train de réfléchir au torrent d'information qui venait d'engourdir son cerveau encore bercé d'un sommeil rémanent ? Avait il fait un AVC, là devant eux, sans même broncher ?

Il rompit le silence d'un simple mais gras


Humpf

Après tout, la brune était sa nouvelle patronne et il avait réussi à semer le doute dans son esprit. S’il y avait une chance que Matpel fut en vie, il fallait que Robert en ait le cœur net. Il exécuta donc l’ordre sans poser plus de questions.
--Matpel
Citation:


A qui lira cette présente,

Vous posez les yeux, en ce jour macabre, sur les derniers mots d'un mourant. Cette lettre ne sera point remise et m'accompagnera dans l'au-delà. Elle ne vous est donc en rien destinée, vous qui souillez sans vergogne ma sépulture. De ce fait, qui que vous soyez, exception faite de mon extraordinaire (à tous les sens que l'on donne à ce terme) épouse, je vous vomis et vous conchie. Doublement si c'est Vonafred qui vous envoie.

A ma rose épouse,

je crois te connaitre assez pour penser que cette lettre croisera un jour ton regard. Sache que c'est avec une infinie tendresse que j'imagine ce moment, alors que tu viens sans doute de me faire les poches pour être sûre que je n'ai pas eu la bêtise de me faire enfermer sous terre avec ma fortune.

Avant d’aborder ce sujet, je souhaiterais profiter de la dernière occasion qui m’est donnée de t’adresser quelques mots :

En premier lieu, je souhaiterais te dire un dernier merci. Plusieurs, en réalité :
Merci d’avoir éclairé de ta fantaisie les jours gris d’un homme de guerre, droit et méthodique. Engagé pour son prochain jusqu’à s’oublier soi-même … non, ne commence pas à chercher, c’est de moi que je parle… Merci donc d’avoir su me faire oublier les images des champs de bataille, les chiffres du CAC, les articles du corpus, les bassesses et les trahisons. L’alcool a bien aidé aussi, merci aussi à lui.
Merci de m’avoir présenté à ta famille, à tes amis ; des plus respectables aux plus délurés. Puisse le Très Haut veiller sur eux et les protéger. Y compris des prévôts et d’eux-mêmes, pour la deuxième catégorie.
Merci d’aimer et de préserver le merveilleux patrimoine barbezilien. Surtout nos poules, que tu as appris à chérir à leur juste valeur, de par leurs qualités uniques.
Merci de m’avoir choisi. Nous étions nombreux sur cette Terre, et ce sont pourtant MES titres qui t’ont plu. Je rends grâce au Très Haut que les cœurs des Comtes de Monbazillac et de Cognac fussent pris. Et tous les autres aussi, oui bon certes. Peu importe. Je repense aussi avec nostalgie à tous ces moment passés en taverne, ou chez toi, on ne faisait pas bien la différence il faut dire. Tous ces efforts et trésors d’imagination déployés pour … pour … bon, à mon attention en tout cas, ça c’est incontestable. Et quelle persévérance !
Merci aussi de m’avoir pardonné. Bon, je n’y étais pour rien hein, et puis je n’ai rien fait en plus. En tout cas je n’étais pas responsable. Bon, ça c’est placé et ça peut servir en toute occasion. Inutile de rappeler lesquelles.
Merci de faire respecter mes dernières volontés. Il existe une probabilité non négligeable que tu fus ivre lorsque tu en as pris connaissance la première fois, aussi te les rappellerai-je car elles ne sont pas nombreuses :

Octroyer le fief de son (ton) choix à mon ami et frère d’armes, le très méritant Lenanceendu25.
Que tu fasses vœu de chasteté en mémoire et respect de ton seul amour véritable.
Oui, moi, oui, pffff.

Pour terminer, je voudrais que tu saches que notre union, aussi improbable que celle de l’eau et du feu, m’a comblé. Véritablement, et pleinement. Que tu me manques et que mon seul regret …
est de n’avoir aucune idée de ce que j’ai bien pu foutre de ces trois mille écus.
Allez, babaille ma petite poule barbezilienne.

Fact en le monastère des moines louches (mais ne le sont-ils pas tous ?)
Le deux avril mil quatre cent cinquante neuf

Matilin Llewelyn Pellean, dict Matpel, dict Roudoudou
Vicomte de Verteuil
Baron de Barbezieux



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