Calixteconstantinm
Assise en tailleur dans sa chaumière à l'atmosphère alourdie par la moiteur d'un mince brasier, Calixte étudiait de ses yeux émeraudes une lettre au papier froissé par les intempéries d'un long voyage. L'enveloppe était cachetée à la va-vite, d'un cachet de cire impersonnel et de bon marché. Calixte ne devina pas immédiatement l'expéditrice, son amie ayant pour habitude de sceller soigneusement ses missives d'une cire agréablement parfumée. Une calligraphie aussi ordonnée que distinguée s'étirait pour former son nom ― mais encore une fois, c'est avec un sourire perplexe qu'elle examinait l'ensemble, ne reconnaissant guère plus l'écriture. Elle eut un sourire d'emportement, aussitôt brimé par la fatigue d'une journée de dur labeur. Elle décacheta hâtivement le courrier et ses yeux partirent à l'assaut des phrases dansant en harmonie avec le vacillement de la flamme. La lettre était confuse, l'écriture tremblotait. Ce n'était pas la même que sur le dessus de la lettre. Peut-être avait-elle été pliée et expédiée par un tiers quelconque. Cela n'était pas habituel à sa bonne amie. Et puis, ses lettres étaient toujours constituées d'une clarté presque stricte. Mais celle-ci était à peine intelligible. Les mots se dérobaient, ils sombraient, faisaient de leur mieux pour être aspirées par le louvoiement d'une pliure dans le papier. De ce qu'elle en comprit, sa chère amie lui souhaitait bonheur et succès dans la vie.
Calixte haussa, par habitude, un sourcil. Son engouement avait fait place à une vive inquiétude. Même le papier semblait d'une fadeur inhabituelle. L'encre semblait terne. Si elle eût été superstitieuse, elle s'eût dit que cela respirait la mort. Un soupir; elle rabattit les côtés de la lettre puis la plia afin que les rabats retrouvent la place qui leur était due. Une nostalgie s'empara d'elle; puis, laissant glisser ses longs cheveux noirs de son habituelle coiffure, elle accota la nuque contre le rebord de sa couche. Elle se rappelait son enfance et son adolescence. Tous ces bons moments passés à Paris...
Ce pensionnat, elle n'avait pas choisi d'y aller. Comme aucun enfant, présumait-elle. Elle avait accepté son sort les dents serrées, à contre-coeur. Ses parents disaient vouloir faire d'elle une femme respectable. Les histoires que l'on racontait sur les pensionnats de Paris étaient toutes fausses, ou presque. Les femmes qui oeuvraient à inculquer manières et pensées à tous ces tendres enfants n'étaient pas toutes rudes et mauvaises. Certes, il y en avait toujours une plus stricte et plus sévère que les autres. Ils lui donnaient un surnom... Si seulement elle pouvait s'en souvenir... Mais les souvenirs sont toujours brumeux. Elle se rappelait par contre de cette fille qui était chargée de lui apprendre les rudiments de la lecture. Elle était jolie; à cette époque, Calixte regrettait de ne pas être blonde. Elle admirait tant les cheveux couleur blé et les yeux céruléens de sa jeune instructrice personnelle. Avec elle, elle avait découvert les plaisirs de la lecture. Cette fille lui avait montré à s'évader et à voir le monde de mille façons différentes tout en restant bien assise au coin d'un feu... Puis, lorsqu'elles quittèrent toutes deux le pensionnat, elles se jurèrent de tenir une correspondance régulière, promesse qu'elles honorèrent avec dignité.
Bientôt, Calixte s'assoupit. L'alanguissement avait pris possession de son corps, et c'est au milieu de ces souvenirs florissants d'une enfance bercée par les mots et une passion inconsidérée pour la littérature qu'elle gagna l'univers infini des rêves. La lettre postée en équilibre sur une cuisse glissa au sol dans un bruit mat, presque indignée de n'avoir reçu qu'une aussi faible attention.
Calixte haussa, par habitude, un sourcil. Son engouement avait fait place à une vive inquiétude. Même le papier semblait d'une fadeur inhabituelle. L'encre semblait terne. Si elle eût été superstitieuse, elle s'eût dit que cela respirait la mort. Un soupir; elle rabattit les côtés de la lettre puis la plia afin que les rabats retrouvent la place qui leur était due. Une nostalgie s'empara d'elle; puis, laissant glisser ses longs cheveux noirs de son habituelle coiffure, elle accota la nuque contre le rebord de sa couche. Elle se rappelait son enfance et son adolescence. Tous ces bons moments passés à Paris...
Ce pensionnat, elle n'avait pas choisi d'y aller. Comme aucun enfant, présumait-elle. Elle avait accepté son sort les dents serrées, à contre-coeur. Ses parents disaient vouloir faire d'elle une femme respectable. Les histoires que l'on racontait sur les pensionnats de Paris étaient toutes fausses, ou presque. Les femmes qui oeuvraient à inculquer manières et pensées à tous ces tendres enfants n'étaient pas toutes rudes et mauvaises. Certes, il y en avait toujours une plus stricte et plus sévère que les autres. Ils lui donnaient un surnom... Si seulement elle pouvait s'en souvenir... Mais les souvenirs sont toujours brumeux. Elle se rappelait par contre de cette fille qui était chargée de lui apprendre les rudiments de la lecture. Elle était jolie; à cette époque, Calixte regrettait de ne pas être blonde. Elle admirait tant les cheveux couleur blé et les yeux céruléens de sa jeune instructrice personnelle. Avec elle, elle avait découvert les plaisirs de la lecture. Cette fille lui avait montré à s'évader et à voir le monde de mille façons différentes tout en restant bien assise au coin d'un feu... Puis, lorsqu'elles quittèrent toutes deux le pensionnat, elles se jurèrent de tenir une correspondance régulière, promesse qu'elles honorèrent avec dignité.
Bientôt, Calixte s'assoupit. L'alanguissement avait pris possession de son corps, et c'est au milieu de ces souvenirs florissants d'une enfance bercée par les mots et une passion inconsidérée pour la littérature qu'elle gagna l'univers infini des rêves. La lettre postée en équilibre sur une cuisse glissa au sol dans un bruit mat, presque indignée de n'avoir reçu qu'une aussi faible attention.