Aimelina
RP écrit à 4 mains.
[La veille, à Saint-Félix, est de Narbonne]
Saint-Félix, deuxième étage, les appartements : une grande salle divisée par des tentures et paravents, et l'alcôve réservée à Magalona au plus proche de l'âtre. La perpétuelle malade était lovée sous une couverture, étudiant quelque lai récent.
Aimelina écarta la tenture, une frusque en main.
-« Lona ! Je ne sais pas que porter pour demain ! Que vas-tu porter, dis ? On pourrait être atretzenatas ! »
-« Porter ? »
Je reste interloquée par l'idée saugrenue de Lina qui voudrait que je me présente à l'allégeance alors que je suis alitée. « Mais je ne porterai rien Lina ! »
La Linèta rit sans grâce, yeux pétillants d'inconséquence.
-« Rien ? Lona, arrête de me picanhar ! Tu ne peux pas y aller toute desnuda ! »
Malgré la gêne de son mal, Magalona eut un sourire.
-« Effectivement, je ne le peux pas. C'est pourquoi je n'irai point. »
Silence de convenance, pour que Lina entende bien ma volonté de ne pas me déplacer, puis, d'un ton plus doux :
« Mais je puis tout à fait t'aider à trouver toilette pour cette occasion ! »
La chevaucheur en herbe fronça les sourcils. Le monde marchait sur la tête ! Sa sur, d'ordinaire si raisonnable, si bien pensante et respectueuse des convenances, de ses devoirs, de son nom, elle boudait les obligations nobiliaires ?
-« Et comment, tu n'iras point ? C'est ton devoir ! Et le paratge, Lona, et la loyauté, et la dreiture ? C'est un peu de tossiment qui t'arrête ? »
-« Non je n'irai point. Parce que me déplacer est une souffrance. Parce que prendre la parole est une souffrance. Parce que j'ai pris mes dispositions suite à cette fichue crise. Et enfin, parce que je ne saurai paraître une nouvelle fois ainsi. Surtout si c'est pour me retrouver au milieu de querelles stériles et idiotes qui ne me concernent même pas ! »
Et pour le coup de tousser au point de presque cracher mes poumons puisque je viens de bien trop parler. Et j'en viens même à m'étrangler alors que je tente de ne pas perdre pied.
Aimelina s'approcha de Magalona et la soutint par les épaules, de son bras valide. Elle s'assit lentement sur le bord de sa couche.
-« Tu me parles bien, à moi, et c'est important. Nous partirons sitôt l'allégeance prêtée, si tu veux ! Il n'y a pas beaucoup plus de mots que ce que tu viens de me dire là ! »
-« Lina ! » C'était dit d'un ton implorant entre plusieurs quintes de toux qui m'empêchent de répondre alors que mes pensées fusent.
La Linèta soupira.
-« Magalona, on ira en litière, ce sera plus facile pour toi, et Joana sera avec nous, tu le sais ! Ne dis plus rien, va, je choisirai ce que tu porteras. »
-« Lina ! » Ton ferme cette fois, mais une fois encore je dois céder face... à cette quinte de toux infecte que je maudis plus de mille fois en mon for intérieur.
Lina déposa sur le front de sa sur un baiser. Ce mal la blessait, mais rien n'arrêtait sa détermination, car elle n'avait pas vraiment conscience de la gravité de l'état de sa sur. Elle croyait qu'avec un peu de volonté, on pouvait aller contre vents et marées.
-« Allons, repose-toi, tu en auras besoin. Je vais dire à Asémar de préparer la litière et tout ce qu'il faudra pour l'amener à Montpellier. Repose-toi, ma Lona... »
Que répondre à cela ? Que dire ? Du repos, oui, c'est certain : il m'en faut. Est-il vraiment utile que je lutte contre Lina alors qu'elle finira pas n'en faire qu'à sa tête ? Je préfère alors garder mes forces pour l'épreuve de demain. Mais avant, une dernière parole dans un gémissement :
-« Robe... blanche ... deuil. » Parce que toute malade que je suis, je reste en deuil. Et parce que je suis ce que je suis et qu'il m'est impensable de mal paraître en public.
Lina offrit à sa sur un nouveau baiser, sur la joue cette fois.
-« Bien sûr... Je n'imaginais pas autre chose pour toi, Lona. Repose-toi bien, meuna pichona sòrre ! »
*
[Montpellier, jour de la cérémonie]
Une fois le coche arrêté dans la cour, les trois jeunes femmes étaient descendues, et l'on avait aussitôt placé Magalona en litière. Monter les marches vers la salle de plaid, en litière... Soit. Un jour, Actarius avait bien fait entrer une charrette de foin dans la salle de plaid, pour l'octroi des Fenouillèdes à Cristòl ! Alors une litière, tout spectaculaire que ce soit, cela passerait.
Elles avancèrent, toutes trois, ou plutôt toutes deux, Aimelina et Jehanne, précédant la litière portée par des hommes de la mesnie de Sìarr, dans laquelle Magalona était assise, pâle comme un cadavre... vêtue de blanc comme un fantôme. Cela contrastait fort avec les vêtements d'Aimelina, qui n'avait pas de robe grise ou noire ou blanche ou pourpre - rien pour un deuil, comme si elle le niait.
Elle réalisa qu'en tant que chevaucheur, sa place aurait pu être au côté de Puèchgaug ; mais Puèchgaug ne l'avait pas sollicitée, et elle boudait. C'est facile de bouder lorsque l'on a mille autres choses à faire et mille plaisantes invitées à héberger ! Elle la salua toutefois avec un profond mouvement de la tête, puis Ayena, à qui elle adressa un signe frivole de la main. Actarius était là, mais en grande conversation, alors...
(Image non contractuelle : il faut imaginer Magalona sur la litière, et Aimelina debout, et Jehanne pas loin, dans sa robe pourpre et sa pelisse grise)
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En dòl... Meu Paire visquèt e moriguèt en eròi.[En perte de vitesse, risque de caler bientôt]