Clemence.de.lepine
Citation:
Très chère Isaure,
Qu'il est bon de recevoir quelques nouvelles de vous ! J'ai bien cru que vous m'aviez oubliée, je n'ai rien reçu de vous depuis mon départ. Je m'inquiétais, je pensais que vous m'en vouliez encore, alors je vous avoue que je me suis forcée à ne point vous écrire non plus, toute vexée que j'étais par votre silence. Mais voilà qu'arrive votre lettre, précédée de peu par une de mon époux qui m'apprenait que vous vous portiez bien.
Je me demande ce qui vous amène en Castille. Aimbaud a bien évoqué un voyage, et la Castille, mais il n'a jamais dit qu'il s'y rendait lui-même et j'en suis assez étonnée. Je sais bien qu'en Castille il y a Blanche et peut être a-t-il voulu épargner mon orgueil en me taisant sa destination. Je ne sais si je dois trouver cela louable ou tout à fait mesquin. Quoiqu'il en soit, le Très-Haut aura trouvé ses intentions assez mauvaises pour le retenir au lit. Je vous le dis à vous, je suis bien contente que la variole l'ait attrapé et j'espère que cela lui donnera une bonne leçon. Une leçon à propos de je ne sais quoi, mais une leçon tout de même.
Il est possible que nous nous revoyons très bientôt. Ne le dites surtout pas à Aimbaud, mais j'ai pour idée d'avorter ma progression vers Rome, ou de la précipiter. Je suis pour l'instant à Florence, qui est une ville étonnante et ô combien raffinée, où je m'interroge depuis hier soir sur la conduite à tenir. Vous connaissez il me semble le dénommé Sancte von Frayner, de par votre propre passage en Guyenne. Il tient sous son éducation mon suzerain et vous devinez alors les préoccupations qui peuvent me tarauder, préoccupations qui m'empêchent de me concentrer vraiment sur les motifs qui me menaient jusque là vers Rome. J'ai dans l'idée de me rendre en Guyenne pour le rencontrer directement et tenter de mesurer à quel point l'âme de Charlemagne pourrait être pervertie. Il serait tellement dommageable que le fils de Béatrice embrasse une foi différente de la foi officielle... Dites-moi, Isaure, l'homme en question est-il dangereux, mauvais, vil, menteur, sournois ?
Je suis heureuse qu'Agnès de Saint-Just vous ait prise comme vassale, elle reconnaît ainsi votre valeur, et il ne fait aucun doute que vous vous faites ainsi une alliée de poids. Il s'agit d'une bonne chose. Je ne dirais rien sur l'époux que je n'ai jamais officiellement vraiment porté haut dans mon estime mais peut-être savez-vous qu'il était pourtant celui que je voulais voir sur le trône également. Alors vraiment, je vois cette union d'un il des plus favorables. Je suis fière de vous.
Si je prenais la décision de faire route vers la Guyenne, je pourrais me rendre à Miramont, s'il vous plaît bien sûr, et vous en dresser un tableau par écrit. Miramont se trouve bien en Guyenne n'est-ce pas ? Je n'en ai aucune idée mais je le suppose. Je serais tellement heureuse que vous déviez de votre route pour m'y attendre, mais j'ai peur de vous savoir sans Aimbaud et privée de son escorte. Qu'en pensez-vous ? Dans tous les cas, il ne faut pas qu'il apprenne que j'ai l'intention de ne pas gagner Rome au profit de la Guyenne. Il ne comprendrait certainement pas et douterait des mes primes intentions, celles qui m'ont d'abord conduites vers Rome. Mais vous savez, vous, que je n'agis jamais à mauvais dessein, n'est-ce pas ?
J'ai hâte de vous retrouver.
Que le Très-Haut vous garde.
Votre aimante cousine.
Qu'il est bon de recevoir quelques nouvelles de vous ! J'ai bien cru que vous m'aviez oubliée, je n'ai rien reçu de vous depuis mon départ. Je m'inquiétais, je pensais que vous m'en vouliez encore, alors je vous avoue que je me suis forcée à ne point vous écrire non plus, toute vexée que j'étais par votre silence. Mais voilà qu'arrive votre lettre, précédée de peu par une de mon époux qui m'apprenait que vous vous portiez bien.
Je me demande ce qui vous amène en Castille. Aimbaud a bien évoqué un voyage, et la Castille, mais il n'a jamais dit qu'il s'y rendait lui-même et j'en suis assez étonnée. Je sais bien qu'en Castille il y a Blanche et peut être a-t-il voulu épargner mon orgueil en me taisant sa destination. Je ne sais si je dois trouver cela louable ou tout à fait mesquin. Quoiqu'il en soit, le Très-Haut aura trouvé ses intentions assez mauvaises pour le retenir au lit. Je vous le dis à vous, je suis bien contente que la variole l'ait attrapé et j'espère que cela lui donnera une bonne leçon. Une leçon à propos de je ne sais quoi, mais une leçon tout de même.
Il est possible que nous nous revoyons très bientôt. Ne le dites surtout pas à Aimbaud, mais j'ai pour idée d'avorter ma progression vers Rome, ou de la précipiter. Je suis pour l'instant à Florence, qui est une ville étonnante et ô combien raffinée, où je m'interroge depuis hier soir sur la conduite à tenir. Vous connaissez il me semble le dénommé Sancte von Frayner, de par votre propre passage en Guyenne. Il tient sous son éducation mon suzerain et vous devinez alors les préoccupations qui peuvent me tarauder, préoccupations qui m'empêchent de me concentrer vraiment sur les motifs qui me menaient jusque là vers Rome. J'ai dans l'idée de me rendre en Guyenne pour le rencontrer directement et tenter de mesurer à quel point l'âme de Charlemagne pourrait être pervertie. Il serait tellement dommageable que le fils de Béatrice embrasse une foi différente de la foi officielle... Dites-moi, Isaure, l'homme en question est-il dangereux, mauvais, vil, menteur, sournois ?
Je suis heureuse qu'Agnès de Saint-Just vous ait prise comme vassale, elle reconnaît ainsi votre valeur, et il ne fait aucun doute que vous vous faites ainsi une alliée de poids. Il s'agit d'une bonne chose. Je ne dirais rien sur l'époux que je n'ai jamais officiellement vraiment porté haut dans mon estime mais peut-être savez-vous qu'il était pourtant celui que je voulais voir sur le trône également. Alors vraiment, je vois cette union d'un il des plus favorables. Je suis fière de vous.
Si je prenais la décision de faire route vers la Guyenne, je pourrais me rendre à Miramont, s'il vous plaît bien sûr, et vous en dresser un tableau par écrit. Miramont se trouve bien en Guyenne n'est-ce pas ? Je n'en ai aucune idée mais je le suppose. Je serais tellement heureuse que vous déviez de votre route pour m'y attendre, mais j'ai peur de vous savoir sans Aimbaud et privée de son escorte. Qu'en pensez-vous ? Dans tous les cas, il ne faut pas qu'il apprenne que j'ai l'intention de ne pas gagner Rome au profit de la Guyenne. Il ne comprendrait certainement pas et douterait des mes primes intentions, celles qui m'ont d'abord conduites vers Rome. Mais vous savez, vous, que je n'agis jamais à mauvais dessein, n'est-ce pas ?
J'ai hâte de vous retrouver.
Que le Très-Haut vous garde.
Votre aimante cousine.
Citation:
Mon époux,
Si mes intrigues sont vilaines, alors de quel adjectif qualifieriez-vous les vôtres ? J'apprends de ma cousine que vous vous rendez en Castille quand vous ne me parlez que de voyage d'agrément. J'en suis certaine, oui, que la Castille vous agréera fortement puisque nous savons fort bien vous et moi ce que vous vous attendez à y trouver. Passons. Vous retournez de toute façon en Bourgogne. Puis, vous êtes assez responsable pour savoir ce que vous faites et ce n'est pas moi que vous devez craindre, vous le savez sûrement. Il y a un autre homme dans cette histoire, un homme qui doit bien, lui, avoir quelque honneur à désirer défendre, dans le cas où celui-ci tendrait à se trouver compromis. Faites attention à vous, s'il vous plaît.
Racontez-moi plus en détails ce qui se passe en France, je ne peux démêler vérités et rumeurs de ce que l'on colporte sur les routes, et j'ai besoin d'un rapport plus abouti que ce que peuvent bien me donner les voyageurs. Que pensez-vous, vous, de la situation ? Nous avons soutenu le Duc de Bouillon, j'étais certaine que la majorité ferait de même, et voilà qu'un autre est pourtant monté sur le trône. La règle voudrait que nous fassions profil bas sans discuter et que notre allégeance aille, irrévocablement, à celui qui fut finalement choisi comme notre roi et suzerain en Ile de France. Le fait que vous le disiez usurpateur rejoint ce que je peux entendre ici, mais de votre plume, cela n'a pas sur moi le même effet. Avez-vous rejoint quelque cause, vous êtes-vous engagé dans quelque entreprise ? Vous n'avez pas été très loquace sur le sujet, ni sur aucun autre d'ailleurs, et je ne sais s'il s'agit là de prudence ou au contraire d'imprudence, mais il me faut savoir, c'est un sujet de prime importance vu notre position.
Concernant Corbigny, je suppose qu'il n'est rien arrivé de fâcheux à votre père, sans quoi vous ne m'auriez pas annoncé la nouvelle avec un tel détachement. Sans doute a-t-il choisi d'imiter mon père et de vous léguer prématurément ce qui ne devait vous revenir qu'à sa mort. Pensez à faire redessiner notre blason, si ce n'est déjà fait. Vous voilà à devoir gérer un duché en sus d'un marquisat, j'espère que vous n'en êtes pas trop inquiet. Mais votre père aura sûrement su vous préparer correctement en prévision de cet héritage et nul doute que vous devez connaître autant que lui la façon de tenir Corbigny.
Je suis heureuse que vous ayez accepté les fiançailles entre Yolanda et Thibert. Vous avez donc apprécié le garçon ? Avez-vous déjà discuté de dispositions contractuelles ? Les festivités de fiançailles se feront-elles en Languedoc ? Il faudra qu'elles soient splendides, il s'agit de Yolanda tout de même. Avez-vous fixé une date ? Yolanda doit être ravie, je me souviens de sa réaction lorsque vous lui annonçâtes la proposition de Sa Seigneurie le Vicomte de Tournel.
Je suis actuellement à Rome, je devrais prendre le chemin du retour la semaine prochaine. Je pensais passer d'abord par Saint-Robert. Je vous ferais prévenir en temps voulu, mais il me ferait plaisir de vous y voir lorsque j'y parviendrai enfin.
Adressez mes encouragements à votre laquais mais s'il vous plaît, la prochaine fois, évitez de lui donner comme brouillon à ses exercices la missive que vous me destinez. Son écriture et ses fautes d'orthographe m'ont donné mal à la tête.
Rétablissez-vous bien.
Que le Très-Haut vous garde en toutes circonstances.
Clémence.
Si mes intrigues sont vilaines, alors de quel adjectif qualifieriez-vous les vôtres ? J'apprends de ma cousine que vous vous rendez en Castille quand vous ne me parlez que de voyage d'agrément. J'en suis certaine, oui, que la Castille vous agréera fortement puisque nous savons fort bien vous et moi ce que vous vous attendez à y trouver. Passons. Vous retournez de toute façon en Bourgogne. Puis, vous êtes assez responsable pour savoir ce que vous faites et ce n'est pas moi que vous devez craindre, vous le savez sûrement. Il y a un autre homme dans cette histoire, un homme qui doit bien, lui, avoir quelque honneur à désirer défendre, dans le cas où celui-ci tendrait à se trouver compromis. Faites attention à vous, s'il vous plaît.
Racontez-moi plus en détails ce qui se passe en France, je ne peux démêler vérités et rumeurs de ce que l'on colporte sur les routes, et j'ai besoin d'un rapport plus abouti que ce que peuvent bien me donner les voyageurs. Que pensez-vous, vous, de la situation ? Nous avons soutenu le Duc de Bouillon, j'étais certaine que la majorité ferait de même, et voilà qu'un autre est pourtant monté sur le trône. La règle voudrait que nous fassions profil bas sans discuter et que notre allégeance aille, irrévocablement, à celui qui fut finalement choisi comme notre roi et suzerain en Ile de France. Le fait que vous le disiez usurpateur rejoint ce que je peux entendre ici, mais de votre plume, cela n'a pas sur moi le même effet. Avez-vous rejoint quelque cause, vous êtes-vous engagé dans quelque entreprise ? Vous n'avez pas été très loquace sur le sujet, ni sur aucun autre d'ailleurs, et je ne sais s'il s'agit là de prudence ou au contraire d'imprudence, mais il me faut savoir, c'est un sujet de prime importance vu notre position.
Concernant Corbigny, je suppose qu'il n'est rien arrivé de fâcheux à votre père, sans quoi vous ne m'auriez pas annoncé la nouvelle avec un tel détachement. Sans doute a-t-il choisi d'imiter mon père et de vous léguer prématurément ce qui ne devait vous revenir qu'à sa mort. Pensez à faire redessiner notre blason, si ce n'est déjà fait. Vous voilà à devoir gérer un duché en sus d'un marquisat, j'espère que vous n'en êtes pas trop inquiet. Mais votre père aura sûrement su vous préparer correctement en prévision de cet héritage et nul doute que vous devez connaître autant que lui la façon de tenir Corbigny.
Je suis heureuse que vous ayez accepté les fiançailles entre Yolanda et Thibert. Vous avez donc apprécié le garçon ? Avez-vous déjà discuté de dispositions contractuelles ? Les festivités de fiançailles se feront-elles en Languedoc ? Il faudra qu'elles soient splendides, il s'agit de Yolanda tout de même. Avez-vous fixé une date ? Yolanda doit être ravie, je me souviens de sa réaction lorsque vous lui annonçâtes la proposition de Sa Seigneurie le Vicomte de Tournel.
Je suis actuellement à Rome, je devrais prendre le chemin du retour la semaine prochaine. Je pensais passer d'abord par Saint-Robert. Je vous ferais prévenir en temps voulu, mais il me ferait plaisir de vous y voir lorsque j'y parviendrai enfin.
Adressez mes encouragements à votre laquais mais s'il vous plaît, la prochaine fois, évitez de lui donner comme brouillon à ses exercices la missive que vous me destinez. Son écriture et ses fautes d'orthographe m'ont donné mal à la tête.
Rétablissez-vous bien.
Que le Très-Haut vous garde en toutes circonstances.
Clémence.
Citation:
Monsieur Von Frayner,
J'ai décidé de profiter d'un voyage d'agrément que j'entreprends actuellement pour vous rendre visite, parce qu'il est des discussions qui ne peuvent se faire par missives interposées. Je crois savoir que vous résidez à Montauban, qui se trouve peu ou prou sur ma route. Si tel n'est pas le cas, ou si vous n'y étiez pas sous vingtaine, merci de me le faire savoir le plus rapidement possible afin que je ne me retrouve pas à attendre en Guyenne pour rien. Il se peut que je descende à Miramont, fief dont vient d'être dotée par Agnès de Saint-Just ma cousine Isaure que vous avez déjà rencontrée je crois.
A dans vingt jours, si Dieu le veut.
Clémence de LÉpine
J'ai décidé de profiter d'un voyage d'agrément que j'entreprends actuellement pour vous rendre visite, parce qu'il est des discussions qui ne peuvent se faire par missives interposées. Je crois savoir que vous résidez à Montauban, qui se trouve peu ou prou sur ma route. Si tel n'est pas le cas, ou si vous n'y étiez pas sous vingtaine, merci de me le faire savoir le plus rapidement possible afin que je ne me retrouve pas à attendre en Guyenne pour rien. Il se peut que je descende à Miramont, fief dont vient d'être dotée par Agnès de Saint-Just ma cousine Isaure que vous avez déjà rencontrée je crois.
A dans vingt jours, si Dieu le veut.
Clémence de LÉpine
_________________