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[RP] Sur vous je veille

Clemence.de.lepine
Citation:
Très chère Isaure,

Qu'il est bon de recevoir quelques nouvelles de vous ! J'ai bien cru que vous m'aviez oubliée, je n'ai rien reçu de vous depuis mon départ. Je m'inquiétais, je pensais que vous m'en vouliez encore, alors je vous avoue que je me suis forcée à ne point vous écrire non plus, toute vexée que j'étais par votre silence. Mais voilà qu'arrive votre lettre, précédée de peu par une de mon époux qui m'apprenait que vous vous portiez bien.

Je me demande ce qui vous amène en Castille. Aimbaud a bien évoqué un voyage, et la Castille, mais il n'a jamais dit qu'il s'y rendait lui-même et j'en suis assez étonnée. Je sais bien qu'en Castille il y a Blanche et peut être a-t-il voulu épargner mon orgueil en me taisant sa destination. Je ne sais si je dois trouver cela louable ou tout à fait mesquin. Quoiqu'il en soit, le Très-Haut aura trouvé ses intentions assez mauvaises pour le retenir au lit. Je vous le dis à vous, je suis bien contente que la variole l'ait attrapé et j'espère que cela lui donnera une bonne leçon. Une leçon à propos de je ne sais quoi, mais une leçon tout de même.

Il est possible que nous nous revoyons très bientôt. Ne le dites surtout pas à Aimbaud, mais j'ai pour idée d'avorter ma progression vers Rome, ou de la précipiter. Je suis pour l'instant à Florence, qui est une ville étonnante et ô combien raffinée, où je m'interroge depuis hier soir sur la conduite à tenir. Vous connaissez il me semble le dénommé Sancte von Frayner, de par votre propre passage en Guyenne. Il tient sous son éducation mon suzerain et vous devinez alors les préoccupations qui peuvent me tarauder, préoccupations qui m'empêchent de me concentrer vraiment sur les motifs qui me menaient jusque là vers Rome. J'ai dans l'idée de me rendre en Guyenne pour le rencontrer directement et tenter de mesurer à quel point l'âme de Charlemagne pourrait être pervertie. Il serait tellement dommageable que le fils de Béatrice embrasse une foi différente de la foi officielle... Dites-moi, Isaure, l'homme en question est-il dangereux, mauvais, vil, menteur, sournois ?

Je suis heureuse qu'Agnès de Saint-Just vous ait prise comme vassale, elle reconnaît ainsi votre valeur, et il ne fait aucun doute que vous vous faites ainsi une alliée de poids. Il s'agit d'une bonne chose. Je ne dirais rien sur l'époux que je n'ai jamais officiellement vraiment porté haut dans mon estime mais peut-être savez-vous qu'il était pourtant celui que je voulais voir sur le trône également. Alors vraiment, je vois cette union d'un œil des plus favorables. Je suis fière de vous.

Si je prenais la décision de faire route vers la Guyenne, je pourrais me rendre à Miramont, s'il vous plaît bien sûr, et vous en dresser un tableau par écrit. Miramont se trouve bien en Guyenne n'est-ce pas ? Je n'en ai aucune idée mais je le suppose. Je serais tellement heureuse que vous déviez de votre route pour m'y attendre, mais j'ai peur de vous savoir sans Aimbaud et privée de son escorte. Qu'en pensez-vous ? Dans tous les cas, il ne faut pas qu'il apprenne que j'ai l'intention de ne pas gagner Rome au profit de la Guyenne. Il ne comprendrait certainement pas et douterait des mes primes intentions, celles qui m'ont d'abord conduites vers Rome. Mais vous savez, vous, que je n'agis jamais à mauvais dessein, n'est-ce pas ?

J'ai hâte de vous retrouver.

Que le Très-Haut vous garde.

Votre aimante cousine.




Citation:
Mon époux,

Si mes intrigues sont vilaines, alors de quel adjectif qualifieriez-vous les vôtres ? J'apprends de ma cousine que vous vous rendez en Castille quand vous ne me parlez que de voyage d'agrément. J'en suis certaine, oui, que la Castille vous agréera fortement puisque nous savons fort bien vous et moi ce que vous vous attendez à y trouver. Passons. Vous retournez de toute façon en Bourgogne. Puis, vous êtes assez responsable pour savoir ce que vous faites et ce n'est pas moi que vous devez craindre, vous le savez sûrement. Il y a un autre homme dans cette histoire, un homme qui doit bien, lui, avoir quelque honneur à désirer défendre, dans le cas où celui-ci tendrait à se trouver compromis. Faites attention à vous, s'il vous plaît.

Racontez-moi plus en détails ce qui se passe en France, je ne peux démêler vérités et rumeurs de ce que l'on colporte sur les routes, et j'ai besoin d'un rapport plus abouti que ce que peuvent bien me donner les voyageurs. Que pensez-vous, vous, de la situation ? Nous avons soutenu le Duc de Bouillon, j'étais certaine que la majorité ferait de même, et voilà qu'un autre est pourtant monté sur le trône. La règle voudrait que nous fassions profil bas sans discuter et que notre allégeance aille, irrévocablement, à celui qui fut finalement choisi comme notre roi et suzerain en Ile de France. Le fait que vous le disiez usurpateur rejoint ce que je peux entendre ici, mais de votre plume, cela n'a pas sur moi le même effet. Avez-vous rejoint quelque cause, vous êtes-vous engagé dans quelque entreprise ? Vous n'avez pas été très loquace sur le sujet, ni sur aucun autre d'ailleurs, et je ne sais s'il s'agit là de prudence ou au contraire d'imprudence, mais il me faut savoir, c'est un sujet de prime importance vu notre position.

Concernant Corbigny, je suppose qu'il n'est rien arrivé de fâcheux à votre père, sans quoi vous ne m'auriez pas annoncé la nouvelle avec un tel détachement. Sans doute a-t-il choisi d'imiter mon père et de vous léguer prématurément ce qui ne devait vous revenir qu'à sa mort. Pensez à faire redessiner notre blason, si ce n'est déjà fait. Vous voilà à devoir gérer un duché en sus d'un marquisat, j'espère que vous n'en êtes pas trop inquiet. Mais votre père aura sûrement su vous préparer correctement en prévision de cet héritage et nul doute que vous devez connaître autant que lui la façon de tenir Corbigny.

Je suis heureuse que vous ayez accepté les fiançailles entre Yolanda et Thibert. Vous avez donc apprécié le garçon ? Avez-vous déjà discuté de dispositions contractuelles ? Les festivités de fiançailles se feront-elles en Languedoc ? Il faudra qu'elles soient splendides, il s'agit de Yolanda tout de même. Avez-vous fixé une date ? Yolanda doit être ravie, je me souviens de sa réaction lorsque vous lui annonçâtes la proposition de Sa Seigneurie le Vicomte de Tournel.

Je suis actuellement à Rome, je devrais prendre le chemin du retour la semaine prochaine. Je pensais passer d'abord par Saint-Robert. Je vous ferais prévenir en temps voulu, mais il me ferait plaisir de vous y voir lorsque j'y parviendrai enfin.

Adressez mes encouragements à votre laquais mais s'il vous plaît, la prochaine fois, évitez de lui donner comme brouillon à ses exercices la missive que vous me destinez. Son écriture et ses fautes d'orthographe m'ont donné mal à la tête.

Rétablissez-vous bien.
Que le Très-Haut vous garde en toutes circonstances.

Clémence.



Citation:
Monsieur Von Frayner,

J'ai décidé de profiter d'un voyage d'agrément que j'entreprends actuellement pour vous rendre visite, parce qu'il est des discussions qui ne peuvent se faire par missives interposées. Je crois savoir que vous résidez à Montauban, qui se trouve peu ou prou sur ma route. Si tel n'est pas le cas, ou si vous n'y étiez pas sous vingtaine, merci de me le faire savoir le plus rapidement possible afin que je ne me retrouve pas à attendre en Guyenne pour rien. Il se peut que je descende à Miramont, fief dont vient d'être dotée par Agnès de Saint-Just ma cousine Isaure que vous avez déjà rencontrée je crois.

A dans vingt jours, si Dieu le veut.

Clémence de L’Épine

_________________
Aimbaud
Citation:

    À ma dame bien aimée,

    Pardonnez le délai de ma réponse, j'ai été longuement alité. Je ne m'étendrai pas sur le récit du mal qui me corrompait, sachez seulement que j'ai trouvé médecin parmi les plus habiles qui, à l'aide de procédés pourtant douteux et de potions suspectes au premier abord, est parvenu à me rendre vigueur. On appelle ce personnage Danavun, et j'ai décidé de le prendre à mon service aux côtés d'Aymon. Prenez, s'il vous plait, le temps d'au moins le voir avant de comploter à son renvoi !

    Laissez-moi maintenant vous rassurer sur mon dessein de voyager vers l'Espagne. Je n'entends pas ce qui animait vos craintes, car je m'y rendais seulement pour jouter en tournoi. Mais enfin le débat est clos, car je suis revenu en Bourgogne avant même d'avoir franchi la frontière. Ne soyez pas si inquiète, vous allez vous gâcher le sang de mauvaises humeurs.

    La France va bien mal en ces temps. Il flotte partout un climat de tromperie, il me semble aussi que le peuple ne sait plus qui croire et se sent floué. Visiblement Eusaias engagerait, avec majesté, un mouvement de fronde et de contestation. Les quelques décrets qu'il publia auront épouvanté celui qu'on dit l'Usurpateur, car ce dernier, selon la rumeur, engagerait une marche armée sur la Bourgogne. Bien sot, m'est avis, celui qui s'élance tête baissée, sans preuve et sans droit, pour massacrer comme un gros bourrin les auteurs de quelques chuchotements... Mais le Roi que nous avons, vous l'aurez saisit, n'est pas de ceux qui entendent le mot "subtilité".

    Cependant je reste loyal à la couronne, car je sais qu'il en va de nos terres à tous deux, ma dame...

    La guerre d'Eusaias me semble perdue d'avance, et je ne peux que plaindre ce martyr. Jugez-vous mon choix judicieux ? À tout vous avouer j'aimerais vous avoir près de moi, pour trouver un appui en cette période d'incertitude. Il est toujours plus aisé d'y voir clair, à deux esprits.

    Concernant les terres de Corbigny, mon père me les octroie bien de son vivant, il a eut cette bonté et cette sagesse entre deux endormissements de sa conscience, car vous savez qu'il n'a plus toute sa tête... S'étant rendu compte qu'il n'avait plus la force de corps ni d'esprit pour se rendre aux allégeances des Ducs de Bourgogne, il me signa brusquement un édit sur le coin d'une table. Celui-là fut validé par son altesse Montjoie, et nous attendions mon parfait rétablissement pour officialiser l'événement en la salle du trône de notre beau château de famille, où tantôt mon père posera sur mon front la couronne ducale.

    Nous devrions signer prochainement le contrat de mariage de ma soeur à Paris. Nous donnons en dot le fief de Molières, et recevons pour Yolanda l'or nécessaire à la construction d'un hôtel parisien, les rentes de Rocheblave, le château de Boy en le vicomté du Tournel, ainsi que la baronnie de Florac. Les Euphor se chargerons les festivités et nous du trousseau, comme il est de coutume. Je vous résume tout cela brièvement car vous pourrez lire vous-même l'acte de fiançailles en détails, il fut négocié sagement.
    Je n'ai pas d'affection pour Thibert, c'est un fat, le teint bellâtre, il a peu d'esprit et préfère encore se taire que de l'étaler (en cela, je lui reconnais une qualité). Mais que voulez-vous, ma soeur l'aime... Son père en revanche est un homme droit, il a de la superbe et de l'humilité. Les échos que j'avais de sa conduite s'avérèrent véridiques. J'ai bon espoir qu'un jour mon beau-frère s'en inspire.

    Le marchand que j'ai dépêché en Espagne reviendra dans un couple de semaines, à sa main les brides de votre cadeau de mariage (avec un menu retard, j'en conviens). Je l'ai aussi chargé d'acquérir huit tapisseries de Bourbon pour nos chambres à Nemours, celles de Bruges, ne vous en déplaise, sont par trop maniéristes et me fichent mal aux yeux. Restons français. Avez-vous d'autres requêtes, petites commissions, corvées à me soumettre ? J'ai épuisé votre liste. Fou, non ?

    Allons, revenez-moi.

      Votre époux,

      Aimbaud de Josselinière



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Yolanda_isabel
Elle est à Paris, et devant elle, deux lettres toutes deux du Sud, la première de Rome, la deuxième du Languedoc. Et sur son visage, les larmes viennent du Sud aussi, elles ont un goût de mort et de déception, et pourtant, il faut répondre, à l’une du moins, l’autre attendra.. Quoi ? Qu’elle se remette de la nouvelle. Dans le studiolo, au dessus du lutrin, un cordon et une clochette qu’elle tire pour que vienne un serviteur qui sait écrire et à qui elle dicte les mots suivants.

Citation:

    Ma sœur,

    Comme j’ai mis du temps à vous répondre, prise que j’étais dans les préparatifs des fiançailles et du départ pour le Languedoc. Mais maintenant qu’il n’y a plus de fiançailles, j’ai du temps, tellement de temps que je ne sais plus quoi faire d’autre que pleurer. Je viens d'apprendre que Thibert est mort, Clémence.. Je ne sais exactement ce qui c’est passé, on m’a écrit pour me prévenir de la chose, une rixe stupide entre deux jeunes gens. Il est mort.. On ne marie pas un mort. Me voilà sans fiancé, mais à tout malheur, bonheur est bon, vous avez attendu vous aussi avant de céder votre main à mon frère et quel hyménée cela a donné, deux grandes familles, de grandes terres. J’attendrai donc et porterai le deuil encore.. Puisque ma tante aussi, n’est plus. Vous souvenez-vous de ma tante, Clémence ? Kilia de Mauléon-Penthièvre, un fou l’aura assassinée alors qu’elle présidait à un discours et voilà que la Lumière d’Anjou s’est éteinte.. Et nous vivants que nous reste-t-il sinon la peine et les regrets. Je pleure tellement Clémence, et je gage qu’Aimbaud souffre de me voir dans cet état, et je pleure d’autant plus que je déteste le peiner. Que n’êtes-vous là pour me rappeler d’être forte..

    Et puisque je suis rentrée en Anjou pour assister à l’enterrement avec Aimbaud, je suis passée à Saint-Robert rapidement du moins, et j’ai bien pris garde de les prévenir de la raison de votre absence, et comme ils se réjouissent d’avoir une dame si fervente, et ils espèrent ma sœur, que vous ne les omettrez pas dans vos prières comme ils disent. Je n’y suis restée malheureusement qu’à peine deux jours et n’ai pas eu le temps de vérifier si Aimbaud avait tenu parole, toutefois, je le connais même s’il fait sa mauvaise tête, il n’aura pas manqué de le faire, mon frère est un homme d’honneur.

    Je vous quitte, ma sœur, mais ne vous en aime pas moins. A Paris, il n’y a pas de coquelicots, pas beaucoup de fleurs d’ailleurs, mais je vous garde dans mon cœur, cela vaut bien vos prières. Je vous aime et je vous embrasse.

    Moi.


Et plutôt que scellé d’un cachet de cire, c’est un ruban noir en soie de Damas qui vient fermer le pli, tandis qu’on fait venir un coursier pour le porter à la Marquise sur les routes.. Again. Et Yolanda dans tout cela ? Elle cherche son frère, cherche le refuge où cacher ses larmes.
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Clemence.de.lepine
Citation:
Chère Yolanda, chère petite sœur,

Il n'y a pas de mots assez forts pour décrire ce qui arrive. Ce qui vous arrive. Je suis en colère, mais je ne sais pas contre qui, contre quoi. Je suis en colère de vous savoir encore en souffrance, je suis en colère de vous voir encore opter pour le noir, de vous deviner malheureuse et pleine de questions. Je suis en colère d'être si loin de vous.

Oh, Yolanda. Croyez-le ou non, mais je me sens misérable de ne pouvoir rien faire pour vous. Vous savez bien que je vous aime, vous me connaissez assez pour le savoir maintenant. Et comme je déteste savoir en peine les gens que j'aime ! Et comme je déteste me savoir impuissante ! Il y a quelques mois, je vous aurais dit de ravaler vos larmes, de garder la tête haute et de vous dire que le Très-Haut en a décidé ainsi pour que vous soyez plus forte, à l'avenir. Mais aujourd'hui je ne vous mentirai pas et je ne ferai que vous dire que ces souffrances ne serviront à rien et que vous n'y gagnerez rien, si ce n'est d'apprendre à bloquer votre cœur et à refroidir vos sentiments. Ne le faites pas. On ne vit pas heureux ainsi. Si vous avez de la peine, continuez à le dire. Si vous avez envie d'aimer, continuer à le faire.

Peut-être me trouverez-vous cynique si je vous dis que je suis certaine que vous trouverez un autre Thibert. L'épisode est des plus tragiques, et je pense aussi à sa famille, à son père, quelle tristesse... On peut remplacer un fiancé. Je suppose qu'on peut difficilement remplacer un fils. Vous ne pouvez pas douter de la qualité de votre futur hyménée. Votre frère ne vous voudra pas mariée à n'importe qui, et sur ce point, comment pourrais-je le contredire ? Pensez à la mort de Thibert, le jeune homme que vous portiez tellement aux nues, plutôt que de penser à la mort de votre mariage. Votre mariage n'est pas mort tant que vous restez, vous. Pour ce qui est de votre tante, détestez celui qui l'aura tuée, car malgré tout ce que l'on dit, la haine aussi maintient en vie et je n'ai jamais souffert d'avoir trop haï. Je sais que survivre à tous les autres est une épreuve, et que rester quand les autres partent est douloureux. Priez pour les morts et entretenez leur souvenir. Mais vivez pour les vivants. Car il en reste beaucoup.

Je serai bientôt de retour et alors vous trouverez au moins un coquelicot à Paris. Et ce coquelicot, ma sœur, ce coquelicot s'empourprera de vous voir rire à nouveau.

Soyez patiente, moi, je ne le suis pas, et il me tarde de retrouver vos jolies boucles blondes.

Clémence.



Citation:

Avignon, le dixième jour de mai, an de grâce MCDLX.

Mon cher époux,

Si votre choix est judicieux ? Non je ne le pense pas. Mais je ne peux le blâmer car je ne peux que comprendre la difficulté de votre position. En m'épousant, vous épousiez Nemours, mais saviez-vous alors les dilemmes que cette union pourrait engendrer ? La France et le Roy d'un côté, la Bourgogne et Blanc-Combaz de l'autre. Qu'est-ce que le Roy, cet inconnu, ce usurpateur, comme le disent tant de gens, face à Eusaias, cet homme que vous connaissez et affectionnez ?

Si cette rumeur de marche armée se révèle fondée alors oui, peut-être l'action est-elle un peu précipitée. Cependant, qu'auriez-vous fait, vous, si vous vous étiez retrouvé dans la même situation que le Roy ? Auriez-vous entamé le dialogue avec Eusaias, avec diplomatie, sans vous préoccuper de l'issue, sans assurer vos arrières ? Ou auriez-vous préparer vos armes, dans l'éventualité où l'histoire puisse mal tourner, dans l'éventualité où le Duc de Bouillon puisse se décider à agir de manière plus belliqueuse ? Une armée ne se monte pas en un jour, n'est-ce pas ? Je suppose que cela met un peu de temps. Peut-être le Roy ne cherche-t-il qu'à se protéger des éventualités. Rien de plus normal. Enfin. D'ici à ce que ma lettre vous parvienne, beaucoup de choses peuvent arriver. Peut-être que le Roy a bel et bien marché sur la Bourgogne, peut-être qu'elle se trouve sous tutelle, Eusaias aux arrêts, les bourguignons révoltés...

Quoiqu'il en soit je vais vous donner, moi, ma position. Elle est sûrement discutable et certains y verraient du conformisme et de l'étroitesse d'esprit. Soit, c'est ainsi que je suis finalement. Le trône revêt pour moi quelque chose de sacré et c'est à ce trône, et à la couronne, que je suis fidèle. Pas à un homme. On ne pose pas ses fesses sur le trône par hasard, il y a une raison à toute chose, j'en suis convaincue, et c'est à cette idée que je m'accroche. La vie est un jeu. On perd ou on gagne et pour gagner, oui, on peut tromper et tricher. Il y a aussi les bons et les mauvais joueurs. Tout comme il y a des bons et des mauvais perdants. Vonafred devait vouloir la couronne plus fort qu'Eusaias et il a dû se donner les moyens de l'avoir. Sont-ce ces moyens, qui sont discutés ? Car je ne sais pas même bien ce que l'on discute. Le soupçonne-t-on de corruption ? Quand bien même, la corruption fait partie de ce monde et nourrit les conquêtes. Vonafred aura été plus habile au jeu, voilà tout.

Un jour, il y a eu une fronde, et elle remettait en cause la légitimité du Roy, et elle se justifiait sur le fait que nul ne pouvait se prétendre roy s'il n'avait été sacré à Reims. J'en suis restée là, et Vonafred a été sacré à Reims il me semble, et il occupe le trône, et il porte la Couronne. Il est donc mon Roy légitime, tant qu'il sera sur le trône et portera la Couronne. Tant qu'aucun autre n'aura été sacré après lui.

Je ne m'imagine pas protester contre ça. La Couronne a besoin de vassaux fidèles, et je ne parle pas de Vonafred, de l'homme, je parle de l'autorité royale. Je me contrefiche de l'homme, je ne le connais pas, il m'indiffère, et je pourrais bien le détester que mon opinion resterait la même.

J'ai envoyé mon serment à Montjoie car je me savais dans l'impossibilité d'être rentrée à temps pour la cérémonie des allégeances. Je me suis engagée et j'ai engagé Nemours. Je ne vous ai pas explicitement engagé, vous, mais vous savez fort bien qu'en m'engageant je vous engage et qu'en vous engageant vous m'engagez aussi. Il ne s'agit pas que de terres, le croyez-vous vraiment ? Croyez-vous en Dieu simplement parce que cela peut vous permettre d'accéder un jour au Paradis Solaire ? Je ne le pense pas. Vous êtes libre de vos choix, de vos pensées et de vos actes. Et moi, je vous ai aussi prêté serment de fidélité et la fidélité, ça n'est pas seulement refuser l'adultère. Je vous ai promis soutien. Je vous ai promis protection. Ne soyez pas inquiet. Je ne vous tiendrai rigueur de rien- sauf du choix de votre écuyer.

Mais je n'oublie pas que c'est surtout pour Nemours que vous m'avez épousée, et sans Nemours, il ne vous reste plus que moi.

Par ailleurs, et sans aucune transition, je me trouve rassurée de vous savoir rétabli et croyez bien que j'étais davantage inquiète à vous savoir malade que désireux de passer les frontières de Castille. Que vous souhaitiez parcourir des distances démesurées dans le seul but de prouver votre valeur au combat vous honore.

Concernant ce médecin dont vous me parlez, si vous le trouviez douteux d'abord, peut-être est-ce parce qu'il l'est véritablement. Ne devez-vous pas votre rétablissement à votre seule vigueur ? J'espère que vous m'autoriserez un entretien avec ce dénommé Danavun, un médecin, ça n'est pas un écuyer, la chose est importante. Car voilà, je ne comploterais pas, comme vous dites, si vous vous résigniez à m'entretenir de vos projets avant de les officialiser.

J'aurais aimé être là pour la cérémonie de Corbigny. Mais ne croyez-vous pas que cela mérite davantage ? Nous devrions organiser des joutes grandioses, un tournoi dont tout le monde parlerait encore des années après ! Une fête magnifique, des jeux, des chasses, des danses, du vin, inviter toute la noblesse de France, et pourquoi pas celle d'Empire, et celle d'Espagne puisqu'elle vous plaît tant, et celle de Bretagne et d'Angleterre ! Quoique je n'aime pas bien les anglais, ni les bretons d'ailleurs, que je n'ai pas d'affection particulière pour les espagnols et que les teutons me filent la chair de poule. Enfin, trouvons prétexte à la fête, amusons-nous, amusons-les, amusons Yolanda, car elle m'a appris de bien funestes nouvelles et qu'il me déplaît de l'imaginer en pleurs... Avez-vous en tête un autre parti pour elle ?

Il me tarde de voir la monture que vous me destinez. A-t-elle déjà un nom ? Si tel n'est pas le cas, ne chargez pas Isaure de lui en trouver un. Vous vous souvenez certainement de la qualité des noms qu'elle nous soumettait pour son propre cheval.

Je n'ai rien à vous demander d'autre. Loin de moi l'idée de vous infliger des corvées, il ne s'agissait pas de cela, simplement des choses que je n'avais pas eues le temps de mener à bien avant mon départ. Vous êtes désormais plus au courant que moi de ce qu'il y a à faire à Nemours et Decize, je vous fais confiance. Je ne connais rien aux tapisseries de Bourbon et je me dis que si je n'y connais rien, c'est que leur renommée n'est pas excellente. Je jugerai de la qualité à mon retour et puis moi, si je veux de la tapisserie flamande quelque part, je me chargerai d'en passer commande moi-même.

Je serai à Saint-Robert au début du mois prochain, puisque la route du retour est déjà bien entamée. J'ai promis de m'y arrêter en premier. Nous pourrions nous y attarder quelques jours, si vous le voulez bien, il faut que vous me présentiez.

A vous revoir bientôt,

Clémence.



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