Le baron s'attendait à cette remarque, c'est là l'un des points que ne comprennent pas de nombreuses personnes, comment peut-on dire défendre un duché et son peuple si l'on ne respecte pas le choix du peuple ? La réponse, le baron l'avait pourtant déjà donnée, mais puisque la jeune femme voulait l'entendre à nouveau, il n'allait pas la laisser ainsi à attendre.
Comme je vous l'ai dis, les nobles ont pour devoir de défendre le peuple, non pas en s'assurant que rien ne lui déplaise ou que sa volonté soit faite en toute chose, mais en s'assurant que rien n'aille à l'encontre de ses intérêts réels, non les intérêts personnels de quelques uns, j'entends donc par là de mauvais gestionnaires qui ruineraient tant le duché en terme de richesses qu'en terme de renommée et qui par dessus tout ne respecteraient pas les valeurs de la Touraine et pervertiraient ainsi le coeur du peuple. Ce pourquoi je dis que les élections ne sont qu'une première étape. Dès lors qu'un conseil est élu, les nobles suivent avec grande attention ce qu'il se passe afin de s'assurer que le duché, et donc son peuple, mais surtout ses valeurs, ne soient pas menacés par les personnes au pouvoir.
De là à penser que les nobles nommaient les conseillers il n'y avait qu'un pas, certains en étaient d'ailleurs persuadés car oubliaient que les dits nobles ne font de la politique que s'ils y sont forcés et n'ont donc cure de savoir qui pose son séant sur le trône du moment qu'il ne menace ni les valeurs du duché ni le peuple d'une quelconque manière.
Aussi, ne vous hâtez pas à méjuger mes mots, nous ne chassons pas du pouvoir les personnes nous déplaisant mais celles qui nuisent au duché. Bien entendu en général elles nous déplaisent également puisqu'elles menacent la Touraine, mais en aucun cas nous nous opposons au choix du peuple si celui-ci ne menace pas le duché. Ainsi nous n'avons eu recours aux armes que deux fois alors que le nombre de ducs et duchesses nous déplaisant a été bien plus important, mais comme leurs actes ne portaient pas préjudice à la Touraine, ils se contentaient juste de ne rien faire, nous ne pouvions dire d'eux qu'ils menaçaient quoi que ce soit puisque les périodes d'alors n'étaient pas troubles et la nécessité d'avoir un Duc fort sachant manier l'épée et la parole, et dont la fidélité tant au Duché qu'à la Couronne et à l'Église ne faisait aucun doute, n'était pas aussi importante qu'aujourd'hui.
Autrement dit les nobles faisaient ce pour quoi ils sont nobles, défendre le peuple quand bien même celui-ci serait trop ignorant pour voir s'être fourvoyé. Car qui pourrait reprocher à des gueux passant leurs journées dans les champs ou dans les mines pour le bien du duché d'ignorer ce qu'il en est de la bonne gestion du duché ? Si les nobles existaient c'était justement pour se charger des affaires que le peuple n'a pas le temps de gérer ni les connaissances nécessaires pour juger de la nécessité d'agir ou non, c'était là le devoir de la noblesse en échange des privilèges qu'elle possédait.
Ainsi, je l'ai dis, nous ne sommes pas nobles pour être aimés mais pour servir. Néanmoins nous n'avons jamais eu à subir de reproches de la part du peuple, seuls ceux que nous avons chassés pour leur incompétence se sont opposés à nous, ainsi que leurs gens bien sûr, ce qui est plutôt normal puisque nous leur avons enlevé toute possibilité de s'amuser avec ce duché qu'ils prenaient pour un jouet et dont ils oubliaient que son Histoire, ses valeurs et son peuple ne peuvent être traînés dans la boue sans devoir en payer le prix.
Souvenez-vous en, et je suis sûr que Bartimus ici présent est d'accord avec mes mots, le devoir d'un noble n'est pas de paraître bon mais bien de l'être, ce qui parfois l'amène à paraître mauvais puisque l'Homme dans sa perversion déclare mauvais tout ce qui s'oppose à sa quête de pouvoir et de richesses.
Plutôt qu'attendre sa prochaine question découlant de celle-ci, le baron décida de parler de Jeremi.
Concernant les élections actuelles, vous l'aurez compris, nous ne tolérerons pas qu'un membre de la famille d'Anclair soit sur le trône alors même qu'il se refuse à reconnaître les méfaits des siens. Qu'il soit simple conseiller, cela se peut car alors nous aurons toujours l'espoir de le faire revenir sur le droit chemin, mais en aucun cas nous n'admettrons qu'un soutien de traîtres comptant sur les voix de serviteurs du Ponant et prévoyant de traiter avec les ennemis de la Couronne puisse monter sur le trône de Touraine. Car ce serait là renier nos serments et laisser le peuple à la merci des mêmes félons qui ont fait de l'Anjou un duché peuplé de brigands n'ayant plus aucune identité ni valeur et n'existant plus qu'à travers la Bretagne et le Poitou ou encore de ceux qui ont poussé à l'exil des gens de bien tel l'ancien maire de Châteauroux ici présent qui, pour respecter le droit, a dû fuir dans l'espoir de pouvoir un jour faire cesser la tourmente que subissent les siens.
Aussi, soyez-en assurée, il nous importe peu d'être compris par tous ou même d'être aimés par tous, nous avons été nommés traîtres, nous avons été nommés félons, nous avons pour certains été frappés d'excommunications et pour d'autres menacés de l'être, et pourtant à chaque fois que la Couronne tremble elle nous appelle, à chaque fois que l'Église tremble elle nous appelle et à chaque fois que le peuple tremble, il nous appelle. Et dites moi, quel Homme honnête dans ses condamnations viendrait requérir l'aide de celui qu'il a condamné si ce n'est parce qu'il le sait droit et ne l'a condamné que pour paraître lui même bon au près de puissants tremblant pour leur pouvoir mal acquis devant une noblesse se refusant au moindre compromis ?