Anaon
"Comment tu peux te connaitre si tu t'es jamais battu ?"
_________________
Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]
-
- "Fight Club" de David Fincher-
- Le rixe. Paris. Paris la Belle, capitale éternelle de la noblesse, mère de misère, Reyne des vermines. Cur du monde grouillant de richesse et de détresse, elle a le visage austère des antiques cathédrales, les parures et les étoffes de pays exotiques, mais ses entailles sont putréfiées des vers qui la ronge. Mendiants et mécréants. Siège de la famille royale et royaume des coupe-jarrets. Paris, ville charogne qui sous couvert de la nuit libère ses pulsions les plus viscérales... ou brutales.
Paris, mes crimes et mes folies. Et mes lubies aussi...
Entre les murs d'une taverne, l'alcool coule à flot dans les gosiers où les rires gras se mêlent aux ragots salaces, ou les poings se font poignes sur les séants des filles de joie. Mais sous le plancher foulé par les bottes crasseuses, l'orgie a tout autre visage.
Le rixe. Ballet de plume et marre d'écume. Un arène de fortune, frêle palissade de bois pour contenir l'anarchie qui règne en son centre. Au cur d'une cohue de voix, deux êtres qui se déchirent, animés par la haine la plus primaire en ce monde: la haine de l'autre.
Sur un banc miteux, estrade de fortune qui encercle les deux combattants, elle est là. Menton calé sur ses doigts liés, orbes céruléennes pochées de cernes brunes, le regard se fait vague. Elle ne voit pas les coqs qui s'entretuent, ni l'or souillé qui s'échange de main en main. C'est le concept même de la violence qui l'assaille par tout les pores. Des paroles qui se déchirent. Jurons éructés. Relents rances de sueur et d'alcool. Le monde est une bulle lointaine qui l'enveloppe et l'assourdit. Elle est là, sans y être. Elle le vit sans le ressentir. Étrange sensation de flotter entre deux eaux. Tandis que les coqs s'étripent, les paris vont bon train. La hargne des volatiles s'enhardit sous les invectives électriques des joueurs. Dans ce flot de parole inarticulées, il n'en ressort qu'une masse de cris galvanisés. Ne sont t'ils pas plus bête que les bêtes?
La violence... Quel plaisir peut-on éprouver à détruire autrui?
Elle ne dort plus. Encore. L'insomnie est revenue ronger ses nuits, elle qui l'avait abandonné pendant tant de semaine. Quand les nuits étaient blanches, elles l'étaient dans les bras de l'amant. Désormais le lit est vide, les démons sont de retour. Après sa fausse couche elle avait dormit, longtemps, d'épuisement. Puis le sommeil l'avait quitté. Quand on est victime d'insomnie, on est jamais totalement réveiller et jamais totalement endormie. Les sens sont à vifs, tout est décuplé, mais c'est la conscience qui somnole sans jamais vraiment sombrer.
Montée d'octave. Les voix s'égosillent. L'un des coqs vient de clouer son adversaire dans la poussière. Tremblement spasmodique du mis à terre. Et si... Déjà des hommes se lèvent pour tenter de récupérer l'animal encore vivant. Et si...
Nouvelle lubie.
Les azurites s'animent d'une lueur toute neuve. Pour l'argent, pour la curiosité, pour le... plaisir? Le corps s'ébranle, quittant son piédestal. Et pourquoi pas... D'un geste lent elle défait son manteau, s'avançant sans empressement. Et pourquoi pas, frôler le gouffre encore un peu. Jouer avec le feu pour mieux s'y brûler. Un grain de folie en plus, si çà peut l'achever. C'te saleté sommeil viendra bien par la suite.
Alors qu'on se prépare à lâcher les prochains coqs, elle enjambe la palissade sous les regards étonnés de la lie qui l'entoure.
_ Cessez donc vos rigolades messieurs. Vos jeux deviennent bien trop répétitifs et ennuyeux.
Voix impavide. Le mantel est posé sur l'empilement de caisse servant de table de compte improvisée. Et les doigts s'activent à défaire les bracelets de force qui enserre ses avants-bras.
_ Vous êtes venu chercher l'argent et le sang...
Le corset est ôté, le surcot abandonné. La fiole qui orne son cou en pendentif est précieusement rangé dans une poche du mantel.
_ Je viens vous offrir l'adrénaline en plus...
Armes délaissées. Elle ne garde sur elle que le stricte minimum, délaissant les remparts d'étoffe pour ne garder que sa chemise. Immaculée qui ne le sera bientôt plus. Un regard glacial est lancé au gardien des comptes, menace muette et claire. Mieux vaut pour son matricule que rien ne disparaisse dans le cours de la soirée. Une bourse garnie vient alors surmonter le tout. Appât clairement mis en valeur. Qu'il exacerbe les convoitises!
_ J'offre vingt écus à la femme qui me battra! Quarante si c'est un homme!
Le double d'un salaire journalier pour un mineur. Elle n'a rien à perdre, et eux, tout à gagner. Sans doute sont t'ils plus avide qu'elle et le moindre denier, pour eux, vaut bien la perte d'un bras ou d'un il.
_ Un combat sans arme! Jusqu'à l'abandon ou bien la mort! Quarante écus en jeux, une belle somme! Un homme? Pour moi qui ne suis qu'une femme? Ou bien me forcerez-vous à me battre contre une volaille?
Courbe d'un sourire narquois qui se trace sur son visage. Les bottes se plantent au cur de l'arène de fortune au tapis de poussière maculé de sang frais. Les azurites balayent l'assemblée à la recherche du regard le plus cupide. A la recherche de l'étincelle qui n'attend que sa provocation. Et d'un claquement de doigt, elle mettra le feu aux poudres.
Quel plaisir peut-on éprouver à détruire autrui? Dis-le moi...
Viens à moi. Crève-moi si tu peux. Montre-toi, et fais moi valser dans l'écume et le sang.
_________________
Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]