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[RP] Retour...

Guillaume_de_jeneffe
Il sent le froid du métal dans son poing. Il sent la chaleur qui, aussi, l'enveloppe. Elle lui confie l'accès à ses terres. Mais n'est-ce pas plus que cela ? Elle lui offre l'accès à tout ce qu'elle possède. C'est ce qu'il voit, ce qu'il comprend. Le pacte est tout autre désormais. Il le sait depuis qu'il a posé ses lèvres contre les siennes. Ils ne sont plus uniquement frère et sœur, maître et tyran. Il a ébréché son mur pour y placer une Pivoine.

Son
« Merci » est suivi d'un autre baiser. Il sait qu'il va devoir repartir. Et ne la revoir que couverte de métal, certainement, criant ses ordres à des cohortes de gens d'armes, à condition qu'on leur en laisse l'occasion. C'est pour cela qu'il prolonge l'étreinte. Qu'il goutte ce moment. Nombreuses avaient été ses conquêtes et innombrables les baisers que déjà il avait donné et reçu. Mais rarement avait-il ressenti ce qu'il éprouve en ce moment. Il n'y a plus de jeu. Ses défenses se sont abaissées. Le contrôle lui échappe peu à peu. L'envie le remplace. Envie de demeurer ici encore et encore. Envie de faire durer ce baiser. Envie de retrouver en elle ce qu'il a connu dans les bras d'une seule autre. Ce bien-être, ce calme, cette confiance, ce repos. C'est pour cela que sa main commence à descendre de son épaule vers les bas de son dos.

C'est pour cela aussi qu'elle s'arrête une fois les épaules dépassées. Il ne peut pas. Il ne veut pas en faire une conquête de plus. Ni qu'elle se sente comme une autre de ses maîtresses. Il se refuse à tout cela, il s'éloigne doucement d'elle. En lui souriant.


« Oui, je vais devoir repartir, chevalier… Comme toujours… » Les mots sortent lentement, comme s’ils devaient franchir quinze rangées de boucliers avant de s’échapper. Mais n’est-ce pas cela, aussi, l’esprit d’un chevalier ? « Mais pas encore, pas déjà… » Il l’attire à lui, collant Sa tête de feu contre le haut de son torse – les avantages d’être grand – et respire cette odeur si particulière. Respire lentement. Goûte chacun de ces instants. Tente de remettre ses pensées en ordre, aussi. Que se passera-t-il, désormais ? On disait des Spartiates qu’ils composaient des régiments d’amants pour se rendre plus redoutables sur le champ de bataille. Est-ce ainsi qu’ils deviendront ? C’est à cela aussi qu’il songe, alors qu’ils restent immobiles. Comme si le moindre mouvement ferait tout disparaître.

« Quand je partirai… tout… rien ne sera fini… C’est un début… » bon, il ne savait pas exactement vers quoi, mais au moins il savait que quelque chose commençait. Faudrait voir à pas trop lui en demander, hein !

Un nouveau baiser vient se poser sur ses lèvres, comme pour sceller un traité. Il se détache, ensuite, lentement… La regarde, longtemps. Comme pour graver en sa mémoire un visage qu’il ne pourrait jamais oublier. Puis recule, vers la porte. Il vient de l’ouvrir quand, au moment ultime, celui des adieux larmoyants, il se contente d’un laconique et pourtant si clair : « Nous nous reverrons ». Le sourire se veut convaincant. L’esprit est détruit. La porte se ferme. Le doute apparaît. Le premier pas se pose sur l’escalier. La porte se rouvre. En cinq enjambées il est sur elle. Il la saisit par la nuque et les reins. Elle est contre lui. Il l’embrasse. Encore. Sauvagement. Il n’est plus le chevalier courtois. Il est l’amant.
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Cerridween
Elle l’avait regardé fermer la porte.

Résignée. Un peu.
Elle écoute les mots. Elle reçoit les caresses du bout des lèvres.
Oui, je vais devoir repartir, chevalier… Comme toujours…
Elle entend l’inévitable. Elle sait. On part toujours. C’est surtout le retour qui est incertain. Comme à chaque fois que l’un d’entre eux prend la route. Comme celui qui n’est pas revenu… sur la même route qu’elle. Il vient de mettre un pied sur son chemin, le suivra-t-il ? Elle ne sait pas. Elle ne veut pas y penser. Tout du moins elle ne voudrait pas. Elle se contente de peu, de ça, de ces quelques minutes, de ces quelques baisers. On ne peut demander beaucoup, lorsqu’autour du cou on a un collier. Une chaine…

Raisonnable. Beaucoup.
Car elle range tout dans un coin. Toutes ces pensées qui l’assaillent d’un coup maintenant que le temps reprend son court qu’il avait avec une violente douceur arrêté. Tout se remet en place.
Mais pas encore, pas déjà…
Même si du bout des lèvres et des doigts, il tente de retenir les quelques secondes qui coulent entre ses doigts comme des grains de sable. Ne pas bouger ou si peu. Pourquoi ? Parce qu’elle ne peut pas. L’abandon est une drogue plus qu’addictive lorsqu’on doit tout maîtriser… Mais si rare qu’on ne peut souvent y toucher.

Touchée. A la folie ?
Non la folie, elle l’a délaissée. Oubliée. Battue. Elle entend juste les gonds se plaindre doucement et le loquet se fermer sans regarder la porte. Et ressentir la vague qui l’emporte. Est-ce que tu crois toujours qu'on peut vivre d'amour ? Quand l'eau n'est plus fraîche, quand laisse échapper le coeur trop de sang dans l'écume ? Est-ce que l'on tiendra assez loin ? Est-ce qu'il y a quelque chose après ?
Est-ce qu'on se prend pour mieux se laisser ? Tombés comme des poussières de Dieu, il n’y a plus que des cendres entre nous deux. Entre les flots et les crocs aux rétines… Dis-moi, est-ce que tu m'aimes ?*
Nous nous reverrons…
Les yeux se ferment. Respirer. Se recentrer sur le présent. Les scies qui chantent.
Le domaine. Oui. Celui qu’il faut relever.
Redevenir le Tyran.
Reprendre le livre de compte. Voilà.
Les questions, plus tard. Elle fouille sans voir.
Il y avait la lettre, cette lettre de commande.
La sceller. La bougie. La cire. Le sceau…
Et…

La porte claque.
De la douceur à l’ouragan.
Un cri étouffé par des lèvres entrouvertes.
Elle se sent soulevée, emportée, enserrée.
Elle se cambre, sous l’assaut. Main appuyée sur l’épaule qui vient de se poser contre elle, l’autre s’accrochant à la hanche. Révolte instinctive, pour essayer d’échapper…
A quoi ? A ces deux mains qui semblent vouloir l’arracher à l’abime du présent ? Aux lèvres qui sont en train lui faire perdre pieds, dont le bout des bottes touche à peine le sol ? A sang qui bat brutalement ses tempes et
à son cœur qui vient de sonner la charge d’un galop débridé ?
Tu sais que demain, il peut mourir, Pivoine. Et toi aussi…
Les muscles se détendent…
Le dos épouse la main. Creux contre paume.
Trainée de poudre qui remonte tout le long de la colonne vertébrale jusqu’à la nuque qui s’appuie contre la chaleur de sa peau.
Danse, la langue, contre la sienne.
En apesanteur, elle s’appesantit sur ce cou offert, lentement. Lire les desseins du bout des doigts.
Elle sent les lacets qui se délassent, toujours enlacée…
Bruit feutré de laine qui tombe sur le sol… le froid vient la caresser à travers le mince rempart de la chemise déjà précédemment malmenée.
Il la redessine… souligne courbes qui se devinent à peine sous le tissu brut et élimé… celles qui restent. La courbe d’une hanche, celle d’une épaulière de cuir. Il rencontre les creux… creux innés, ceux d’une taille, et acquis, ceux qui se sont imprimés par la lame… au fur et à mesure, il lit toute son histoire du bout des doigts.
Mise à nue, sans être dénudée. Il la déshabille de ses secrets, de ses blessures, de ces frissons qui s’envolent. Le manque, l’envie quand ses lèvres se posent sur tout ce qu’elle peut dérober de cet assaut sauvage et pourtant qui se fait précautionneux au fur et à mesure qu’il sent les traces des lésions diverses dont elle est parée, abimée. Tout devient plus doux, plus précis.
Il recule. Elle le suit. Il s’assoie sur le fauteuil et l’attire. Elle se love contre lui. Ses mains s’enfuient sous le tissu. Ses lèvres s’aventurent. Elle chavire et s’accroche à sa nuque, lèvres pendues à son cou.

Chevalier ?

D’un coup tout s’arrête. En suspens. Il y a bien eu des coups sur la porte. De nouveau. Et une voix. Alfred…

Le petit d’Hugues s’est blessé le bras. Ca doit pas être cassé mais… je… préfère que vous veniez voir ça… si possible, Chevalier.

Elle le regarde dans les yeux. Que lira-t-il ? Regret, gêne, envie ?... Elle se retourne vers la porte et lance...

J’arrive.


Elle reste là contre lui… une seconde, une minute… Murmure.


Pardonnez-moi…

Un baiser… fugace et presque timide. Elle se relève et ramasse le doublet. Elle le met presque adroitement pour qui a une épaule qu’on a crue morte pendant un temps et qui reste malade. Elle attrape une trousse de cuir qu’elle dénoue sur le bureau, et vérifie avec une précision chirurgicale, les bandes, les outils, les fioles. Dos tourné, pourtant, elle en tremble encore...

Dire au revoir. Elle n’a jamais su le faire, Grand Ecuyer.


* Saez, Des marées d'écume.
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Guillaume_de_jeneffe
En d’autres temps, en d’autres circonstances, il aurait pesté, certainement, soupiré, aussi, et ne se serait pas laissé ainsi ignorer. Il se serait levé, aurait rejoint sa maîtresse et, d’une façon ou d’une autre, obtenu ce qu’il était venu chercher. Car, en ce domaine, le chevalier était un véritable prédateur. N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’il a prouvé en prenant, de force presque, l’offre entrevue un instant plus tôt ? Ne s’était-il pas comporté comme le lion qui refuse de reculer sans sa proie ? Mais la Pivoine est-elle véritablement cette proie ou bien toute autre chose ? N’avait-elle pas quitté sa compagnie pour la seule véritable bonne raison qui se puisse être ? Se donner aux autres, sacrifier ses envies aux besoins de ceux qu’elle s’est engagée à protéger et défendre ?

Il sourit le chevalier, lentement. Car il sait ne plus être pressé. Ce qui a été délacé et défait dans l’emportement de leurs pulsions est soigneusement renoué, comme s’il se préparait pour quelque rencontre au Louvre. Le temps est passé chevalier, il est temps de reprendre le cours de ta vie, et de voir si, finalement, celle-ci te rompra avant que tu n’atteignes l’âge de Mathusalem. Il se passe la main dans les cheveux qu’il n’a plus, sent à peine les quelques poils blancs qui, vaillamment, s’efforcent encore de le coiffer de-ci de-là. Pendant ce temps, il voit le corps féminin penché sur ses armes de soin. Il sourit en la devinant se concentrer.

Sa main vient se poser sur son épaule, et sa bouche se coller à son oreille :
« C’est ainsi que nous allons nous séparer, je crois. L’on vous rappelle à vos devoirs, alors que j’ai abandonné les miens, un temps. Il me faudra les retrouver. Il nous faudra nous retrouver ».

Il laisse un temps se passer, tandis qu’elle poursuit son jeu avec ces produits qui lui restent tous plus inconnus les uns que les autres. Sa senestre vient dégager cette nuque et glisser, doucement, jusqu’au bas des reins. Leur parenthèse se referme presque. Il en perçoit déjà la fin…

« Je ne vous dirai pas adieu. Nous nous reverrons. Ici ou ailleurs, que vous m’y invitiez ou que le hasard nous rassemble. Le destin est joueur. »

Un dernier baiser vient réchauffer la naissance de son oreille, pendant qu’une autre idée lui traverse l’esprit. Il plonge sa main sous ses vêtements et y déniche ce qu’il était allé chercher. Un petit sac de toile frustre est ressorti. Et il en extrait le pendentif qu’il avait reçu peu après son retour en France, remis en quelque sorte par contumace. Pour le déposer devant les yeux de la dame de Léard.

« Gardez-le. Vous n’avez pas le vôtre, encore, mais je veux vous l’offrir. Et je jouterai pour vous, lors du prochain tournoi. Une bande de tissu rouge. »

Il a avancé et peut désormais la regarder, et lui sourire.

« Il est temps. »

Ce seront les seuls mots qu’il dira. Il s’incline devant elle, désigne son cœur de l’index, sourit, envoie un clin d’œil complice et déjà il n’est plus là.
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Guillaume_de_jeneffe
Et un message arriva, bien des jours plus tard, après un mariage et un voyage par mer tout ce qu'il y eut de plus paisible. Ce n'était pas cette fois qu'il mesurerait son adresse à l'escrime navale...

Citation:
A Cerridween de Vergy, Dame de Léard, Guillaume de Jeneffe, Possesseur des clés de Léard, Salut.

Que connute chose soit à vous que d'ici quelques minutes, je prendrai la route de l'Ouest. En effet, l'Usurpateur, celui par qui je me suis présenté en Léard devant vous, m'a invité en ses terres de Bouillon pour des raisons qui me paraissent toutes plus étranges les unes que les autres. Mais il ne sera pas dit que mon grand âge m'empêche de me défier de tout homme ambitieux. Me croyait-il vraiment prêt à me présenter dans ses terres où il vit entouré de brigands, tire-laines, hérétiques de tout crin qu'au passage il anoblit. L'on dit même qu'il y accueille Angevins et Bretons? Aussi, parce que je suis curieux d'entendre ce qu'il désire me dire et ce qu'il attend de moi, j'ai pris le parti d'accepter son invitation. Mais à ma condition, celle que notre rencontre prenne place dans un lieu que je choisirais, en l'occurrence un hôtel de la ville brabançonne de Bruxelles. Je gage qu'il ne pourra en faire un lieu de guet-apens à mon intention.

Aussi ai-je pris la plume pour vous demander ce que vous désirez que je vous rapporte de Bruxelles, dont on vante les tapisseries jusqu'à Paris, et à raison.

Que le Très Haut vous garde.

Donné à Ghent, le quart jour de mai del an de grasce MCDLX


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Cerridween
Il devrait être récupérable, chevalier…

Le doigt passe sur les piqures de rouille du plastron pour apprécier leur profondeur et leur aspérité.

Charbon ?
Je pense que ça pourrait suffire largement.
Les attaches en cuir sont à refaire…
Il en reste et de l’épais. Dans deux jours je pense qu’il est prêt.
Bien…


La Pivoine fait le tour du mannequin sur lequel la pièce d’armure repose.

Alors c’est la guerre, chevalier ?
Je ne sais pas, Alfred…


Il reste silencieux.

Vous vous préparez cependant.
Je déteste être prise au dépourvu… qu’en est-il de vos recherches ?
J’en ai trouvé un, chevalier… mais le prix est élevé.
Comme toujours… le transport maritime est toujours risqué et la bête plutôt … encombrante.


Elle sourit en coin tout en inspectant les épaulières.


C’est le cas de le dire, chevalier. Je demande au forgeron de faire autre chose ?
Non cela suffira, merci Alfred… faites juste nettoyer les pièces qu’il me reste.


Elle salue de la tête et rejoint son bureau. Sur lequel trône les courriers qui sont arrivés aujourd’hui. Un retient tout particulièrement son attention. Le sourcil se lève à la lecture de la première ligne. Un soupir clôt la lecture pendant que la main retombe et laisse la lettre sur le côté.
Après un temps où les yeux fixent un point imaginaire dans la pièce, la main prend un velin et une plume.


Citation:
A Guillaume de Jeneffe, détenteur d’un serment,
De Cerridween de Vergy, liée par serment,

A votre demande, une seule réponse : vous vivant.

Donné à Léard, le dixième jour de mai del an de grasce MCDLX

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Guillaume_de_jeneffe
Un autre courrier arriva, bien plus tard. Où une écriture plus méticuleuse avait pris la place de celle du chevalier.

Citation:
À Cerridween de Vergy, chevalier de l’Ordre royal de la Licorne et dame de Léard, Guillaume de Jeneffe, chevalier de l’Ordre royal de la Licorne, etc, salut et connaissance de déception.

Que connute chose soit à vous qu’en ce jour, une légende s’est brisée. Lors que nous avancions vers les félons retranchés en Tournai, ceux-ci ont tenté, par une sortie massive, de nous bousculer alors que nous avancions en direction de leur rempart. À peine eus-je le temps de mettre nos troupes en ordre que déjà le premier choc avait lieu. Le combat fut acharné, long et sanglant, comme chaque fois que des frères s’affrontent entre eux. Au final, j’ai rejoint mon campement blessé… par une presque enfant. Et bourgeoise de surcroît. Les gens ne respectent décidément plus rien du tout. Rassurez-vous, cependant, même si les rumeurs risquent de rapidement courir la France, je ne suis point mort et j’escompte bien me remettre rapidement sur pied. Quoi qu’avec l’égratignure de ce tantôt, je risque bien d’avoir une belle rivale à présenter aux vôtres.

Que le Très Haut vous garde.

Donné devant Tournai, le XXe jour de may del an de grasce MCDLX



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Guillaume_de_jeneffe
Il est des choses qui peuvent être faites par courrier et d’autres qui doivent être dites de vive voix. Et parmi celles-ci certaines se réalisent dans la publicité de la grand’salle d’un palais tandis que d’autres sont menées à bien dans la discrétion d’un petit fortin de province. Fortin, Léard l’était à peine. Place forte plutôt, qui repousserait peut-être des routiers sans capitaine mais qui ne saurait résister à l’assaut d’une véritable armée et de ses indispensables bouches à feu. Petit point sur les cartes de la région que le Grand Escuyer s’est fait confectionner il y avait plusieurs mois de cela, alors qu’il y résidait presque comme un citoyen manceaux. Petit point qui abritait une réalité toute autre que celle que remarqueraient des stratèges, aussi brillants puissent-ils être.

La route lui est connue, qui serpente entre les petites collines de la région, laissant de-ci de-là château, bourg ou tour de guet. L’été est bien arrivé et avec lui une trêve qui se prolonge, pour le bonheur des paysans poussant leurs charrettes ou récoltant le fruit de leur labeur. Pour le soulagement de ceux dont les armes est le métier, aussi. Parmi eux, il est un chevalier que, pourtant, la guerre n’a pas épargné. Il porte encore, dans son cœur plus que dans son corps, les séquelles de la bataille de Tournai qu’il a conduite, avec d’autres, face à la félonie. Mais il porte aussi, en son esprit, l’obstination la plus formidablement obstinée qu’il ait été donné de voir aux moines de Marchiennes. Guillaume de Jeneffe avait fait deux promesses, peu avant de sortir l’épée contre des Flamands. Jouter sous les couleurs de la dame de Léard et prendre part aux joutes données en mémoire de la reyne Nebisa de France. Et, malgré les avis de ses médicastres, il n’avait pas renoncé. Certes, le résultat n’avait pas été des plus remarquables – à peine un tour de passé, en plus des éliminatoires – mais au moins n’avait-il pas couvert de ridicule le rouge qui avait ceint sa lance.

C’est donc au début de ce riant mois de juillet que la tour de Léard se dessine devant les yeux bleus du chevalier. Son voyage touche à sa fin. À nouveau il salue les gens du domaine, à nouveau ceux-ci lui prêtent une attention qui n’a d’attention que le nom. Comme si les qualités d’escrimeuse de leur maîtresse les assuraient d’une totale et parfaite sécurité. Le Jeneffe ne retient pas le sourire qui lui vient alors en imaginant sa sœur d’armes repousser une légion entière l’épée à la main, ses longues boucles de feu volant autour d’elle. Cela pourrait faire une belle enluminure.

Arrivé dans la cour intérieure du manoir, il se laisse glisser de son cheval. Autour de lui, les six gardes qu’il conduit depuis ses déboires nordiques l’imitent, avisent un coin où personne ne s’active et commencent à taper le carton, l’arrosant à l’occasion d’une lampée de vin « du pays », de piquette en d’autres termes. Mais s’il fallait commencer à regarder à cela… Le chevalier, pour sa part, vêtu d’un léger gambison de cuir clouté, l’épée au flanc, rejoint l’escalier déjà emprunté plusieurs mois auparavant, l’avale en quelques enjambées et frappe à la porte, encore fermée. S’il n’a pas mésinterprété les regards du garçonnet qui a pris soin de sa monture, elle sera là.

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Cerridween
La porte s’ouvre sur une petite servante qui regarde le Grand depuis d’en bas de ses quelques printemps.

Oh… euh… Bonjour Votre Grandeur… Votre Grâce … euh… Bonjour…


La révérence est un peu vive, les joues empourprées et les mains de la jeunette tripotent son tablier sans pouvoir plus le regarder dans les yeux.


Vous venez voir Madame ? Enfin le Chevalier de Vergy ?

Pour un peu, la surprise se serait lue sur son visage. S'il s'attendait à rencontrer un autre interlocuteur que la maîtresse des lieux, c'était plutôt l'un de ses métayers que sur une gamine. La dame de Léard s'était-elle donc attachée une damoiselle de compagnie? Baste, on verrait cela plus tard...

Si fait, jeune fille. Peux-tu lui annoncer que le chevalier de Jeneffe est là, tu serais mignonne ?

C’est que Votre… euh Seigneurie ?


Elle cherche maladroitement une confirmation dans les yeux du Grand Ecuyer avant de les rebaisser immédiatement .

Elle est un peu occupée, là tout de suite…

Le rouge monte encore plus sur ses joues.

Est-ce que c’est urgent ? Je veux dire vraiment ?

Chevalier conviendra.

Pendant ce temps, l'esprit du Flamand carbure à pleine vapeur - et d'façon vu que ni le carburateur ni l'énergie-vapeur n'existent en 1460, c'est pas incohérent de les associer, na - car s'il savait que la femme n'était pas un modèle d'inaction, il avait du mal à comprendre ce qui pouvait la rendre "occupée, là tout de suite". Etait-ce le début d'une jalousie? Ou, pour le dire autrement, l'hôpital qui se fout ouvertement de la charité?...

Mais... dis-lui que j'attendrai dans la cour. Oui, fais cela.

Hélène ? Tu veux bien venir m’aider à mettre mon épaulière et fermer cette porte s’il te plait ? Il fait froid.

Un clapotis d’eau se fait entendre et la petite se retrouvant entre deux feux, regarde le Chevalier avec les joues encore plus rouges.

Euh oui…. Oui ! Je viens tout de suite… dés qu’elle sera… enfin… visib… présentable. Voilà… présentable.

La porte se referme un peu prestement sur le Chevalier qui a presque eu le temps de voir une chevelure rousse enveloppée d’un grand drap de lin…
Et le chevalier flamand de redescendre dans la cour. Ce n'est pas parce que la seigneurie ne devait guère ignorer la nature des relations entretenues par les deux chevaliers qu'il allait défoncer la porte et rendre inutile toute préparation vestimentaire. Il savait se tenir. Moui, la plupart du temps...

Au bout d’un certain temps, il se fit raccompagner vers la chambre/bureau/salle d’eau de la maîtresse des lieux

Elle est maintenant… présentable.
Présentable pour Léard du moins. Un double noir, une chemise blanche, braies noires, bottes de cavalier. Cheveux étonnamment bien disciplinés – la petite fait presque des miracles- et teint légèrement parsemé de son qui poussent dans les champs avec le soleil.
Elle a l’air … reposée. Ce qui est un fait remarquable. Les cernes ne sont plus présentes. Mais au-delà, c’est le regard qui est apaisé. Elle se tient devant la fenêtre, avec un parchemin dans les mains, lorsque la porte s’ouvre. Un petit sourire filtre sur ses lèvres, comme les rayons de soleil qui jouent entre les nuages. Dans l'air, flotte une odeur de fleur d'oranger.


Le bonjour, Grand Ecuyer.

Elle le regarde de pied en cap.

Vous avez tenu votre promesse…
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Guillaume_de_jeneffe
C’est une toute nouvelle chevalier qu’il voit maintenant. Oublié le visage ravagé de rides le zébrant en tous sens, disparu le regard usé et néanmoins inquisiteur comme un faucon en chasse. Le Faucon est tombé d’ailleurs, il faudra le lui dire, plus tard. Ne serait-ce le corps sculpté par des années d’escrime, de guerre et de chevauchées, on aurait presque pu croire à une nobliote de moyenne extraction, attachée à la gestion du domaine de son mari parti en guerre. Une proie pour un chevalier tel que le Jeneffe. Proie trop facile à saisir, au vrai. Ce que n’était pas, ni proie ni facile, la Vergy.

- Vous en aviez douté ? Certes, je n’étais pas le seul à pouvoir m’empêcher de la tenir, mais il faut croire que personne n’a assez de volonté pour déraciner les vieilles racines de mon genre.

Il sort alors de sous son pourpoint le ruban de gueules qu’il a porté aux joutes de mai.

« J’ai tenu celle-ci, aussi. Même si je n’ai pu remporter la joute. J’ai rencontré un comte limousin plutôt… déterminé dirons-nous… Vous auriez vu la tête de mon médicastre… Je crois que je lui dois une place en enfer… Enfin, il n’a pas quitté mon service, comme quoi… Notez, si vos gens continuent, je crois que j’aurais une demi-douzaine de gardes qui n’aura de cesse de me dépouiller pour rembourser leurs pertes au jeu. Ou alors, il va me falloir prendre Arras pour en distribuer les richesses à Marchiennes ».

Il plastronne ? Oui, tout de même. Mais il lui dit aussi son existence, sans n’en rien cacher, lui offrant simplement ce vernis qui craque bien vite, dès lors que l’on en découvre la brèche.

« Et là, il me sera plus dur de tenir ma promesse. Je ne sais pas pourquoi, mais je subodore que mes voisins du Sud ne se laisseront pas faire le sourire aux lèvres. Bon, leurs épouses peut-être, pour de bien peu aristotéliciennes raisons, mais eux, ce sera une autre histoire… À moins que je n’engage quelques lances de bougres recrutés en la cour des miracles. Après tout, lorsque l’on voit ce que l’on qualifie d’armée, de nos jours… Même pas capable d’abattre un vieillard. Pour un peu, j’en serais déçu ».

Le spectacle de son interlocutrice ne le calme pas, étonnamment. Il se trouve une faconde bien rare chez lui quand ce n’est pas pour argumentailler au sujet de quelque idiot texte de loi ou autre décision dont l’absurde le dispute à l’inapplicable. Pourtant, il se sent serein. Il sait que le visage reposé n’est pas le fruit de savants maquillages au jus d’on-ne-veut-pas-trop-savoir-quoi mais bien celui d’une existence qui a trouvé une autre voie. Ponctuelle ? Définitive ? Il ne veut pas encore le savoir. La question viendra bien assez tôt, et avec lui des perturbations qu’il désire maintenir loin, pour le moment.

« Je suis heureux de vous revoir enfin, chevalier. De vous revoir ainsi, surtout ».

« À vous de choisir la voie de la discussion, maintenant. Ce n’est pas encore moi qui vous rejetterai dans le monde de vos obligations et du si lourd tortil ».
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Cerridween
Elle a porté sa main à ses lèvres, les doigts repliés s’appuyant sur la bouche, en l’observant depuis son coin de pièce.

Elle regarde d’abord le bout de tissu et tente d’éviter de lui ressembler. Il y en a un aussi qui avait arboré ces couleurs là, pour elle. Il était blond. Il était Varenne. Il était mort aussi… Un léger frisson parcourt la colonne vertébrale de la maître d’arme. L’air frais qui passe par la fenêtre adjacente sans doute… une ombre passe dans les yeux verts, mais elle continue à sourire.

Du moins un temps très court.


Vous auriez vu la tête de mon médicastre… Je crois que je lui dois une place en enfer…

Les sourcils se froncent et les yeux cherchent une faille quelque part. Pas de claudication, pas de bandage, pas de gêne apparente. L’oiseau de proie réapparaît un instant sur le visage, en piqué, avant de s’envoler de nouveau dans les hauteurs. Il a déjà passé le sujet, habile qu’il est dans la verve, pour noyer son interlocuteur dans les informations, dans un ordre d’importance assez anarchique. Mais elle note, du bout de son doigt qui tapote sa lèvre, le petit écart de conduite, avant de reprendre un sourire en coin. Elle le regarde agiter les petites provocations au fur et à mesure. Elle sait qu’il adorerait qu’elle y réponde, elle sait aussi très bien qu’il sait qu’elle ne le fera pas.

Pauvres soldats… si vous êtes dans le besoin, j’irai les voir… un bon repas, quelques bouteilles de bons vins et je suis persuadée qu’ils oublieront qu’on ne peut pas plumer toutes les oies… à défaut si la rancune est tenace, en cas d’envie de vous dérober quoi que ce soit , je me ferai un plaisir de leur expliquer que je n’aurai de cesse de les traquer et de les tailler en menues pièces… disons autant que celles qu’ils auront prises sur votre personne, je crois que cela sera équitable, non ? Et proportionnellement évidemment… en fonction de la taille… en guise d’entrainement, je ne pourrai rêver mieux…

Elle jette un coup d’œil à l’épée qui trône sur le bureau sagement rangée dans son fourreau. Qu’es-tu maintenant Pivoine ? Encore Licorne ? Toujours Maître d’arme ? Autre chose ? Elle chasse les questions en reportant ses yeux sur Guillaume qui est toujours au milieu de la pièce à la regarder.

Je suis heureux de vous revoir enfin, chevalier. De vous revoir ainsi, surtout.

Elle le regarde. Elle voudrait lui demander de l’emmener, de le suivre sur les chemins, de retrouver ce temps perdu, maintenant qu’elle se sent forte. Elle voudrait lui dire que l’attente était longue, qu’elle a usé des parchemins sans jamais se résoudre à les envoyer. Qu’elle aurait presque prié pour lui, si elle savait toujours le faire. Qu’elle voudrait lui dire que là, au fond, son cœur amoché bat les tambours qu’il a entendu au nord. Mais…

Moi aussi… Chevalier… vraiment…

Elle laisse le parchemin et s’approche de lui.

Vous êtes de passage ? Qu’est ce qui vous amène dans cette lande perdue ? Une joute dans le sud ? Une mission ? Quelques représentations chez un Grand dont vous allez savamment triompher par votre discussion et qui va vous dire amen sans le savoir lui-même ?

Dites moi que vous restez… un peu…
Et embrassez moi...

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Guillaume_de_jeneffe
Il sourit, quand elle lui détaille par le menu – les tripes à la Léardienne concurrenceront-elles un jour les tripes à la Romaine, le débat reste ouvert, pour oui, tapez 1, pour non, tapez 2, pour peut-être, tapez 3, pour Obi Wan Kenobi tapez D, la réponse D – le sort qu’elle réserve à ceux qui essaieraient d’en faire du pâté de flamand/t. Un nouveau rival pour le pâté de faisan ? Il ne sait s’il doit y deviner ce qu’il identifie d’habitude avec une aisance absolue, les traces d’un a… Mais elle est chevalier, comme lui, et les remparts de granit qu’elle a érigé dans sa poitrine ont-ils été submergés par les assauts du vicomte ? En un coin de son esprit, il l’espère certainement, mais le craint tout autant.

Peut-il lui infliger cela ? Il ne pense qu’à cela, tout en l’écoutant. Peut-il lui offrir un amant qui court plus de risques encore que les précédents de l’abandonner.
Omnes vulnerant, ultima necat. Et celle-ci ne restera plus longtemps loin de lui. Elle lui a dit ses souffrances, déjà. Pourra-t-il être autre chose que l’une d’entre elles ? Pourra-t-il lui épargner de souffrir ? Pourra-t-il lui éviter d’entendre les rumeurs, fondées ou construites sur la médisance ou l’envie, de ces messieurs et de ces dames ? Pourra-t-il éviter de ruiner sa lente reconstruction ?

Mais elle met un terme à ses questionnements quand elle s’avance vers lui. Comme déterminée, elle abandonne le papier qui ne l’avait pas quitté jusque là. Elle vient se mettre face à lui et leurs deux regards se lient. Pendant un temps, le silence s’impose à eux. Comme souvent quand un « pourquoi » est lâché. Le « pourquoi », ou la pire des combinaisons de lettres imaginables quand un homme et une femme se font face. Notez, ça fonctionne aussi avec deux hommes ou deux femmes. Et que dire si le nombre augmente… Mais là n’est pas le propos.

Il s’emplit les narines, et les poumons avec, de cette fragrance de fleur d’oranger qui règne dans la pièce, incline un peu plus sa tête vers elle, glisse lentement sa dextre le long de sa nuque et l’amène vers lui. Le sourire qui est sur ses lèvres ne s’évanouit que lorsque qu’il l’embrasse. Longuement. Pas comme une bête sauvage. Pas comme si c’était la dernière fois. Il se retire ensuite, le sourire revenu sur son visage.


- Pour cela.

« Pour vous sentir contre moi. Pour votre présence. Pour vous. Je n’ai d’autres raisons que celle-là, chevalier ». Il a répondu à ses questions précédentes. Le doute ne lui est plus permis. Il ne veut pas autre chose. Qu’importeront les obstacles qui se dresseront face à lui. Il en a connu d’autres, après tout. Un peu plus, un peu moins, fera-ce vraiment une différence ?

« Pour rien d’autre ».

L’accepterez-vous, dame de Léard ? Prendrez-vous ce risque ? Abaisserez-vous à nouveau ce barrage qui vous a si longtemps préservé ? Et que demanderez-vous en échange ? Le doute a refait son apparition dans l’esprit du nordiste. Et le dispute à l’espoir.
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Cerridween
« Pour cela ».

La main s’empare comme si elle allait se casser de sa nuque qui n’est plus d’albâtre. Les lèvres ont prolongé la caresse comme un point d’orgue.
Point d’orge. Moment en suspension. Quand on attend, le souffle arrêté, coupé dans son élan. Une suite, un signe, une reprise… la réponse à une question qui doit se déverser en notes. Mineur, majeur, allegro, crescendo, sfumato…


« Pour rien d’autre ».


Quatre mots… et une apostrophe. Une proposition qui n’est pas une conclusion. A demi mots, un pas en avant, qui est pourtant de côté, dans une danse qui s’installe. Comme juger, jauger son adversaire. A savoir d’où viendra le coup, l’envie, la direction… Les yeux verts sondent ceux qu’il lui opposent, lui offrent. Il a tout dit et rien à la fois. Et pourtant il a l’air sincère. Même si son sourire cache… l’incertitude. Que lui demande-t-il réellement ? Il offre une question sans contour, une affirmation demandant retour, précisions.

Elle le regarde… elle le regarde intensément. Comment lui expliquer. La connaissance des difficultés à venir qu’elle a déjà calculé, millimétré, selon tous les paramètres des pensées qu’il pourrait avoir… La position qu’elle occupe, la sienne… les distances et les lieues… et surtout… surtout… ce qu’elle a là, au fond… elle voudrait pouvoir ouvrir sa cage thoracique et voir le champs de ruine qu’a pu être son cœur… piétiné, fauché, joué, malmené… ne pas parler… qu’il voit… qu’il regarde… qu’il voit le terrain miné… qu’il ne s’y aventure pas à la légère. Autant pour le protéger lui… que se protéger elle. Car on ne peut pas cicatriser indéfiniment. Tout lasse et tout casse. Autant ses sentiments, que tous les coups qu’elle a retenus et qui sont autant d’épées de Damoclès qui peuvent s’abattre. Elle s’effondrera mais cette fois plus que tout autre, Némésis emportera quelqu’un. Et c’est à lui, qu’elle doit le droit de faire un choix.

Alors elle raconte. Comme sur le banc de Ryes quand il est revenu du monde des morts, quand celui des vivants le croyait perdu. Elle raconte. Elle raconte ce qu’elle voudrait qu’il voit, qu’il a pu deviner.
Elle lui décrit.
D’une voix, murmure, la tête baissée.
Elle lui raconte son premier amour, celui qui n’en était pas vraiment un, mais qui ne l’a pas amenée jusqu’à l’autel et en a fait une fille-mère.
Elle raconte le soleil blond de Varenne… celui qui l’a aimé pour tout sauf son titre, celui qui a brandi un tissu rouge au milieu de joutes alors qu’elle était promise à un autre, qui lui voulait l’enfermer dans une cage dorée. Elle raconte sa mort, quelques semaines après qu’il eut la permission de l’épouser, ce secret gardé jusqu’à la tombe. Elle lui raconte ses larmes qu’elle n’a pas pu verser puisqu’elle qui était son tout, n’était aux yeux de tous, absolument rien. Elle raconte l’errance et la rencontre impromptu de deux cœurs blessés. Il était un Grand, elle n’était rien qu’une âme en peine. Et pourtant c’est à elle qu’il a demandé de l’aide. Elle ne trahit rien du secret qu’il lui a demandé de garder. Mais elle raconte encore ce qui est resté dans l’ombre. Les sentiments, jusqu’à l’affrérement et puis… la fuite et le silence. La cicatrice brûlée avec un tisonnier ardent pour effacer la douleur. Elle lui raconte ensuite sans donner de nom, le dernier qui a posé un pied dans sa vie avant de le retirer en arpentant les flots au loin. Son retour sans un mot. La fin qui s’est imposée jour après jour…

Elle relève les yeux. Elle sourit tristement. Elle n’a pu réprimer une larme. Elle restera à couler le long de sa joue qu’elle appuie sur le bras qui est resté contre elle.


Vous savez maintenant, Chevalier… vous savez… alors faites votre choix… je ne vous demande que peu… ce qu’on ne m’a pas offert. De la franchise, un peu d’attention, une once de considération… et une seule contrainte… ne jouez pas. Il se pourrait que je me casse entre vos doigts.

Embrasserez vous la vérité nue ? L' accepterez vous chevalier ?
Les murs de ma forteresse cachent une lande dévastée où une fleur tente encore de garder racine.
Prendrez vous le risque que vous m'avez demandé ?

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Guillaume_de_jeneffe
- Jamais je ne pourrai jouer avec vous, chevalier.

La réponse avait fusé comme une évidence. Elle ouvrait sur autre chose, toutefois, que cette simple profession de foi. Elle s’était découverte devant lui, lui laissant voir, lui faisant voir ce dont il n’avait appris ou deviné que des bribes, il ne pouvait pas ne pas faire autant. Tout raconter serait trop long, certainement, mais il était des choses qu’elle devait apprendre dès à présent.

Il lui dit à son tour son passé auprès des dames. Comment la séduction est devenue une part de son être, combien il aime à la pratiquer et combien elle a pu lui servir lorsqu’il devait remplir sa mission. Comment il s’en est abstenu dès lors qu’il est devenu l’époux de la comtesse de Scye. Et comment il a recommencé depuis la nouvelle du décès de cette dernière et son retour en France. Il ne dit pas ce qu’il s’est passé à l’Est, pas encore, pas maintenant. Cette absence dont personne ne sait vraiment ce qu’elle fut, il la garde secrète et scellé, loin d’eux. Il dit aussi qu’il a séduit par jeu, parfois. Qu’il l’a fait par sentiment, aussi, sans pour autant qu’il s’agisse toujours d’amour avec un grand A. Qu’il n’a jamais agi comme un chasseur, toutefois. Comme si cela importait aux yeux des autres. Qu’y verraient-ils d’autre qu’une auto-justification qu’ils jugeront certainement pitoyable ? Qu’y verrait-elle, elle ?


« Vous savez, maintenant, quel homme je suis vraiment. Franchement, sans détour. Je ne suis rien de plus, rien de moins. Un chevalier avec ses errements, en quelque sorte. Un chevalier qui pour autant ne pourra pas ne vous accorder qu’une once de considération, ni ne jamais se soucier de vous. Un chevalier qui reviendra à Léard aussi souvent que faire se peut, dès lors que vous y resterez. Un chevalier qui ne pourra pas recevoir de nouvelles du Maine sans appréhension. Un chevalier qui ne séduira plus, qui retrouvera cette contenance qu’il fit sienne, autrefois. Mais un chevalier dont la vie ne changera pas, ne changera plus. Et dont la mission est toujours la même. Aussi, celle qui a fauché celui qui avant moi a brandi le rouge étendard me veille peut-être, se réjouit sans doute de m’enlever bientôt ».

Encore et toujours, il en revenait là, à lui dire ce qu’elle savait déjà, car elle avait embrassé la même voie que lui. Se prenait-il encore pour un professeur qui avait à instruire une pupille ? En s’entendant parler de la sorte, il se détestait. Il haïssait cette habitude et les travers qu’elle avait créés chez lui. Était-ce de la sénilité ou une crainte qui se diffusait plus fortement en lui au fil des saisons qui passaient ? Ou des rois et reines qu’il commençait à enterrer lors même qu’il avait l’âge d’être leur père ou leur grand-père.

« Mais vous répéter cela est inutile, je le sais. Comment puis-je croire vous apprendre quelque chose à ce sujet ? Vous le savez mieux que personne, sans doute. C’est pourtant là tout ce que je peux vous offrir. Mon choix est fait depuis que j’ai choisi le chemin de Léard plutôt que d’autres qui s’offraient à moi. Je l’ai posé ici même, il y a plusieurs mois. Depuis, rien n’a vraiment changé en moi. J’abandonnerai ce que mon confesseur me dit être mon plus grand défaut, pour vous. Mais jamais je ne vous laisserai dans le silence. Jamais je ne fuirai comme lui l’a fait. Et encore moins en épouserai-je une autre après cette disparition ».
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