Elle avait décidé de lui faire une surprise.
Installée dans sa cuisine, les cheveux rassemblés sur la nuque en un chignon pour être plus à l’aise, les manches relevées , elle regardait les ingrédients sur la table.
Est-ce qu’elle n’oubliait rien ? farine, sucre ,œufs, lait, beurre, cidre…..elle avait dût faire plusieurs marchés pour rassembler tout ceci, elle soupira en songeant au temps qu’il lui avait fallu pour trouver le sucre ( elle n’aurait jamais pensé étant enfant que le sucre fût une denrée si rare, ni si difficile à trouver) mais elle voulait tellement lui faire goûter ce délice de son enfance.
Elle se rappelait très bien la vieille Gwenola confectionnant ce gâteau à chaque grande occasion, ne laissant a personne d’autre le soin de le faire, tolérant à peine la présence des jumelles, et elle revoyait son père et Andrew en avalant d’énormes morceaux avant même que le gâteau soit tout à fait froid….pour elle, ce gâteau c’était le bonheur et elle voulait absolument le partager avec lui.
Bon, concentre toi ma fille……
Elle cassa les œufs un à un , faisant bien attention à éviter aux petits morceaux de coquilles de finir dans la jatte, puis elle versa soigneusement le sucre et remua vigoureusement le tout.
« il faut que cela fasse de la mousse, tu vois : comme ça. » elle entendait la voix de sa nourrice comme si elle se fût trouver là, lui soufflant les instructions à l’instant même et pourtant cela faisait bien des années que cette scène s’était déroulée. Il y a peu elle aurait refuser de laisser ce souvenir effleurait son esprit, maintenant elle l’accueillait avec plaisir.
Elle ajouta un peu de farine, remua bien, rajouta un peu de farine encore, remua de nouveau….
« tu vois, il faut y aller doucement pour éviter les grumeaux, doucement….prends ton temps, pense à ceux pour qui tu le fais ce gâteau, c’est un cadeau pour leur dire combien tu tiens à eux. »
« c’est un cadeau pour maman aussi ? pourquoi elle en mange jamais de ce gâteau ? hein dis ? » et le silence buté de la vieille nourrice comme toute réponse.
La jeune femme sourit, cessant de remuer la pâte un instant…..l’adulte qu’elle était devenue comprenait enfin le pourquoi de bien des énigmes de son enfance. Elle savait la douleur de quitter son chez-soi, et comprenait maintenant le déchirement des hommes et des femmes qui avaient tout quitté pour suivre leur jeune seigneur partit se marier loin de chez lui contre la volonté de ses parents, et leur dédain pour « l’ étrangère » qui refusait leurs croyances et leurs coutumes et dont la seule qualité à leur yeux était d’être la femme de leur bien-aimé Albin.
Ayant fini d’incorporer toute la farine elle fit tiédir le lait, en profitant pour rajouter du bois dans le feu afin que le four fût bien chaud.
Là, bien remuer tout en versant le lait dans la jatte, sans en renverser, ….en laissant dépasser un petit morceau de langue entre ses dents, sur le coin de la bouche parce que c’est plus facile comme ça.
Pour finir une petite pincée de sel et un verre de cidre pour parfumer. Elle savait que la vieille Gwen mettait autre chose pour parfumer mais elle ne se rappelait pas quoi…..si elle avait jamais su le nom.
Mélanger et verser dans le plat beurré et hop au four.
La bonne odeur du gâteau en train de cuire lui fit encore une fois remonter le temps.
« a ma, a ma » et le petit Erwan de saisir le gâteau de sa petite main potelée et d’en arracher un morceau avant même que l’on ai couper des parts, au milieu des rires de la famille réunie.
Isabelle laissait vagabonder son esprit, elle imagina Jym au milieu de sa famille. Elle était sûre que son père aurait apprécié le jeune homme.
Son frère Andrew l’aurait certainement taquiné, lui disant qu’avec « mademoiselle Tempête » et son si doux caractère il ferait mieux de toujours garder son casque et son bouclier à porter de main…juste au cas où.
Le bruit d’une bûche éclatant dans l’âtre la ramena à la réalité.
Elle alla vérifier la cuisson du gâteau, et le sortit du four.
Parfait, elle avait l’air de l’avoir réussi, elle allait donc pouvoir envoyer un pigeon au jeune homme le conviant à venir dîner avec elle.
Elle prépara un beau poisson, enlevant avec soin toutes les écailles avant de le vider, une fois bien rincé elle l’incisa de chaque côté glissant dans chaques entailles des herbes aromatiques dont elle garnit aussi abondamment le ventre de l’animal. Elle le mit dans le plat avec un peu de crème et elle le mit à cuire doucement.
Une miche de pain frais bien doré et croustillant attendait dans un torchon, sur le coin du buffet. Elle hésita à préparer quelques légumes mais se dit que le poisson et le gâteau feraient déjà un repas conséquent.
Elle dressa la table, puis s’installa près de la fenêtre, guettant l’arrivée de son invité.