Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Le monde est petit.

Anthoyne
Vous a-t-on déjà sorti l’adage qui dit que le monde est petit ? Si non, Anthoyne pouvait le faire. L’action se situait dans la capitale du duché de Touraine. Certes, Tours est un carrefour important dans le Royaume mais la chance de pouvoir croiser une personne en particulier et cette femme précisément était très mince. Il se souvint de leur rencontre qui se fit dans la chancellerie tourangelle. Blonde de son état, elle en était très charmante. Ce caractère capillaire ne l’empêchait pas d’être intelligente ni d’être souriante ce qui faisait d’elle une femme intéressante. Le malheur voulait qu’elle fût bretonne et lui royaliste. Le monde est mal fait, je vous jure. Vous allez me dire : Mais en quoi est-ce si incroyable qu’il la recroise à Tours alors qu’elle savait qu’il vivait là-bas ? Oui oui, je le conçois, il n’y a rien d’extraordinaire. Lui aussi ne fit pas de rapprochement avec l’adage au premier abord. Même si ce qui s’apparentait à une blessure dans son orgueil le fut peut-être pour des raisons illusoires, il était vexé qu’elle ne l’ait pas prévenu de sa venue dans SA ville. Quoiqu’il en fût, il ne perdit pas bravoure et se présenta à elle, un grand sourire aux lèvres. Sur le moment, un détail le frappa mais pas assez fort pour qu’il ne s’aperçoive de la différence ou de la supercherie. Cette blonde s’avéra être la sœur jumelle de la première femme qui n’avait en fait pas remis les pieds à Tours. Vous voyez maintenant où je voulais en venir (j’espère sincèrement sinon tout ce baratin aura été inutile) ? Quelle idée d’avoir une jumelle ? En plus de la confusion, le caractère totalement différent de l’insoupçonnée sœur mit mal à l’aise Anthoyne qui s’attendait à quelqu’un de plus enjoué. Il fut au départ très réticent et près à rompre la conversation pour retourner à sa vie normale et ne plus se prendre la tête avec une bretonne puisqu’il avait déjà assez donné dans cette référence. Mais après tout l’avantage des vraies jumelles est que si l’une est jolie, l’autre le sera automatiquement et il se dit que l’effort en valait peut-être la peine. Non, Anthoyne ne perdait pas le nord. Tellement pas qu’il fit son « gentleman » et la raccompagna dans l’auberge où elle logeait. C’est à cet instant qu’il se dit qu’en effet, le monde est petit.

Le dimanche est le jour réservé au Très Haut et donc jour de repos. Et pour ce jour là, Anthoyne se levait avec le Soleil. C’est avec le souvenir de cette soirée en taverne passées quelques jours auparavant et surtout le souvenir de cette blonde jumelle qu’Anthoyne ouvrit les yeux.
Obnubilé par les images qu’il lui revenait à l’esprit, il lui fallut un certain temps pour se rappeler que l’un des désavantages de l’hiver est que l’astre lumineux est peu enclin à apparaitre en cette saison et son lever se fait plus tard. Suffisamment tard pour qu’Anthoyne ait la nécessité de se presser pour ne pas arriver en retard à la messe. Ce petit désagrément plus le froid le mettait dans une humeur exécrable. Pour résumer, le « petit » noble s’était levé du pied gauche. De plus, la journée allait s’annoncer des plus banales et ce n’était pas un critère qui l’enchantait.

Après quelques rituels effectués dont les étirements et un long soupir, Anthoyne se leva. Ce matin-là, la faim le tiraillait. A partir de cet instant, l’implacable et universel problème du retard du lever additionné à une grande faim apparaissait. Un grand dilemme qu’Anthoyne avec les connaissances de son temps ne pouvait résoudre. C’était dans un profond soupir, après avoir émergé définitivement de son profond sommeil, qu’il s’avoua à lui-même qu’il devait abandonner l’idée de se remplir la panse avant de partir. La messe était un moment important dans sa vie d’aristotélicien et hors de question d'arriver en retard. Puisqu’l n’avait pas bien entendu pas de chapelain pour organiser une messe, il devait se rendre à Tours (il y avait certes plus près mais les villages minuscules avec un prêtre ivrogne ne l’intéressait pas). De plus, Maillé était loin de Tours. Il songeait à toutes les possibilités pour pouvoir se caler cinq minutes afin de grignoter rien qu’une tranche de pain. Mais il fallait qu’il prenne sa toilette. Déjà à cause de ces faibles moyens, il devra se rendre dans la capitale à dos de cheval et non dans un confortable carrosse, il devait au moins effectuer le nécessaire pour se présenter plus ou moins propre à l’église. Mais rien que l’idée de partir sans une toilette le répugnait. L’hygiène était pour Anthoyne une chose incontournable. Lorsqu’il était en camp, il faisait avec les moyens du bord mais il faisait tout de même. De nombreuses personnes pouvaient le prendre en dérision et dans ce souci de bien paraître devant tout le monde, il se trouvait l’excuse du trajet à cheval. Simple et efficace, il l’avait gardé même si des fois, il se la sortait à lui-même pour se rassurer qu’il ne fut point étrange vis-à-vis de certains nobles crades.

Comme prévu, le temps de cette toilette ne lui laissa pas le temps de tergiverser sur sa possibilité de prendre un bon petit-déjeuner. Sans écuyer, le jeune seigneur fila préparer son cheval qu’il chevaucherait une fois la bête harnachée. Le trajet fut incroyablement long tandis que le vent glacial lui piquait les yeux faisant perler des larmes sur ses joues. Une fois sur place, à l’heure sans trop d’avance, il attacha son destrier non loin de l’Eglise Saint Gatien et pénétra par la nef. Anthoyne put voir que de nombreux fidèles aristotéliciens s’étaient réunis à l’intérieur de l’édifice religieux. D’un geste rapide mais précis, il se signa puis se dirigea vers la masse du peuple. Il ne se plaça pas devant comme lui autorisait son rang. Le seul fait de croiser certaines personnes lui donnait la nausée. Il préféra s’installer dans la foule du peuple mais plus à coté de bourgeois pour éviter que des odeurs de serfs ou mendiants ne l’importunent. Il salua la personne à sa gauche sans vraiment faire attention à celle-ci puis concentra son attention sur la chaire superbement sculptée où le clerc allait bientôt commencer l’office.

_________________
Else
Si encore le monde n’était que petit. Le corollaire est plus grave : il est peuplé. Trop.

A quelques rang de là, entre un échalas imbécile et une matrone endimanchée, une blonde mal lunée pestait sous cape. Décidément, c’est pas le jour, pensera peut-être mon aimable lecteur ; sauf que l’humeur massacrante de la Kermorial n'était pas le fait d’une panne de réveil, ni d’une quelconque délicatesse olfactive.
Bon, c’est vrai : elle dormait mal. Son sommeil était léger, ses nuits décousues et peuplées de cauchemars.
Mais de toute manière, la hargne est chez elle une configuration par défaut.

Elle n’aurait strictement rien à reprocher au grand benêt, encore moins à la rombière, si le hasard n’avait pas eu la riche idée de l’en flanquer. Les gens, c’est bien, mais de loin, 'voyez ? Et ne voilà-t-il pas que les yeux de la brave matrone se posèrent sur le déplorable dadais, et qu’elle le reconnut. Ni une ni deux, elle se mit en devoir de lui faire la conversation. Ainsi se noua le dialogue, dans le patois local, de part et d'autre de l’hermétique blondine.
D'où psychodrame. La Kermorial tenta bien d’imposer le silence à son indélicat voisinage en dardant sur eux des regards incendiaires… mais peine perdue. Ni la petite mère, ni le maudit garçon n’accordaient le moindre intérêt aux humeurs élisabethaines. En désespoir de cause, elle abandonna donc le champ à l’ennemi.

Else fendit la masse des importuns – Dieu ce qu’il y a de monde, dans la foule* – pour se faufiler sur un côté de la nef : un voisin, c’est toujours plus gérable que deux.
Elle n’aurait sûrement pas pris la peine de saluer son nouveau et unique voisin – la politesse, ça pique – si, arrêtant par hasard son regard sur lui, elle ne l’avait reconnu. La Louveterie. Ce diplomate en retraite officieuse, qui, un soir, l’avait confondue avec son ineffable jumelle.


- Je ne m’attendais pas à vous retrouver ici, lui glissa-t-elle à mi-voix, et même qu’elle se fendit d’un demi sourire, dites donc. J’aurais pourtant dû.

Ô combien.
Mais reprenons plutôt du début. Au moment de faire sa connaissance, elle l’avait d’abord pensé fade et sans caractère : l’un de ces êtres qui, pour avoir l’urbanité chevillée au corps, ont renoncé à toute force vitale. Notez que ce qu’elle nomme « force vitale » correspond à ce que le commun des mortels appelle « agressivité ». Mais passons ; car, une fois n’est pas coutume, la Kermorial avait rapidement révisé son jugement.
Soit qu’elle fut plus vulnérable que de coutume, soit que le Tourangeau fut particulièrement bon dans sa partie, il s’était avéré un interlocuteur fort passable – entendez : agréable – et l’insupportable s’était même laissée raccompagner à son auberge. Que demande le peuple ?

Ce qu’il demande ? Mais la suite, pardi !


[*emprunt à Pierre Dac]
Else
Une bonne heure et demie plus tard, sur le parvis, les portes de Saint Gatien se rouvrirent, et la foule longtemps compactée put s’épandre à nouveau dans les rues. Par exemple : le grand échalas mentionné supra piqua un sprint en direction du quartier commerçant. La matrone, quant à elle, s’arrêta échanger des ragots avec ses voisines.
Mais La Louveterie ? me demanderez-vous, mais Kermorial ?
J’y viens.
Le grand brun raffiné et la petite barbare blonde avaient donc traversé le parvis de concert, et empruntèrent une rue adjacente.


- Bel office, n’est-ce pas ? dit enfin La Louveterie.

A en juger par la mine de Blondie, le commentaire n’était pas de son goût. Néanmoins, elle consentit une réponse, du bout des lèvres :


- Mon père en faisait de meilleurs.

Le nobliau s’arrêta tout net, bientôt imité en cela par une Lise perplexe. Il l’observa, sourcils froncés.

- Votre père ? De meilleurs ? Qui est votre père ? Et que reprochez-vous à ce prêche ? Voyez-vous, je serais bien curieux de connaître votre avis, car je le trouve particulièrement bien.

Mauvais point n°2.

- Bavard. Trop bavard.

- Vous êtes du genre difficile à contenter, n’est-ce pas ? rétorqua-t-il en détournant d’abord le regard, et en repartant d’un pas légèrement accéléré. D’ailleurs, en quoi cela vous a-t-il étonné de me voir à l’église ? Il n’y a pourtant rien de plus normal que d’aller à l’office le dimanche, non ?

- Oui.

Un temps. Quant à savoir s’il faut associer la réponse à la première ou à la dernière question, le brun s’en débrouillerait.

- Bien pour ça que j’aurais dû y penser. J’ai perdu l’habitude, je suppose ; pas d’y aller, mais d’y retrouver des gens.

Menteuse. En vérité, si elle n’avait effectivement pas imaginé le recroiser par hasard, elle ne s’en explique pas la raison : tout ce qu’elle sait, c’est que le visage presque délicat et les manières fines, policées, charmantes à un degré horripilant du jeune seigneur ont largement occupé son esprit cette semaine, et ça lui déplaît souverainement.
Mais les manières raides et la conversation minimaliste de Boucle D’Or ont eu raison de la patience de La Louveterie, qui répond avec humeur :


- Vous étiez plus enjouée à la fin de notre dernière rencontre. Peut-être était-ce l'alcool...

Il fait mine de réfléchir, tandis que la Blonde piquée au vif s’apprête à contre-attaquer. Mais déjà :

- Est-ce le prêtre qui vous a mis dans cet état ? Et vous avez esquivé subtilement, mais pas assez, la question sur votre père. Et vu que je suis têtu, je vous la repose. Qui est-il ?

- Têtu dans l’erreur. Si c’est là tout le pouvoir de votre intuition... grince-t-elle, sans avouer que ça l’arrange bien, au fond. Et allez savoir pourquoi, elle explique tout de même, d’une voix radoucie : J’ai été élevée par un curé. Archibald Dornrose, si vous tenez à savoir son nom, qui ne vous dira rien du tout. Vous pensez si j’en ai entendus, des prêches…

Ecrit à quatre mains.
Anthoyne
Il paraitrait que les vrais jumeaux se ressemblent en tout point, possèdent un caractère très proche et qu’un très fort lien les unit. Pour les Kermorial, il fallait se rendre à l’évidence que ce n’était pas le cas. Etait-ce l’exception qui confirmait la règle ? Allez savoir. Seul la ressemblance physique n’y dérogeait pas car pour ce qui était du reste, nous y étions très loin. Jamais, Anthoyne n’avait entendu parler de cette jumelle auprès de Marie et Elizabeth semblait peu encline à vouloir parler de la sienne. D’ailleurs, elle semblait peu désireuse de n’étaler rien qu’un soupçon de sa vie. Maillé avait eu le droit au nom de son « père adoptif ». Cela l’étonna fortement qu’elle ait cédé si facilement. Mais il essaya de ne pas se laisser perturber par ce caractère de cochon. Oui, oui de cochon, soyons francs ! Anthoyne ne comptait pas se débiner et se sentait de taille pour affronter cette tempête.

- Têtu dans l'erreur, ça m'arrive mais aussi têtu dans la vérité. J'aime varier les plaisirs. Vous allez être ravi ou alors vous allez pester... Mais en effet, ce nom ne me dit rien. Qui ne tente à rien, n'a rien. Sait-on jamais !

A ces mots, il lui adressa un léger sourire. La réaction de la blonde fut difficile à décrypter. Elle semblait danser entre deux sentiments. Cela l’amusait-elle ? Ou était-elle agacée ? Elle se contenta de lâcher, avec une petite touche de dédain :

- Moi, je savais.
- Vous saviez ? Vous avez des talents de divination ? Ca fait un peu sorcière tout ça...

En sortant d’une messe, c’est drôle, non ? La réaction de la Kermorial ne se fit point attendre et après avoir levé les yeux au ciel d’un air désapprobateur, la sanction arriva.

- Tsss. De logique seulement, mais on dirait que c'est rare. Ou bien les diplomates pensent connaître le monde entier. C'est bien leur genre.
- Ce qui n'est pas mon cas. C'est en étant diplomate que je souhaite apprendre. Si je pensais connaître le monde entier, je ne serai pas qu'un simple diplomate
- Et vous seriez quoi ?

La Louveterie stoppa net et la regarda sérieusement. - Roi de France, pardi !
Avant de finir sa phrase dans un éclat de rire. Mais ce rire ne s’étendit pas dans la durée. La blonde le scrutait alors qu’elle lui répondit avec une certaine maîtrise.

- Vous ? A cet instant, Elizabeth déploya un court rire de gorge. Court, d’accord mais suffisamment long pour déstabiliser Anthoyne et le faire passer par-dessus bord. Ce fut elle qui remit Anthoyne « sur pied » en reprenant juste après.

- Ca va, ça va. J'aime autant pas, allez.

Trop tard, l’homme était vexé. Dans son élan de générosité, elle avait touché à un sujet qui tenait à cœur à Anthoyne, le royaliste. Sa réponse fut nette et sèche.

- Et pourquoi ça, vous n'aimeriez pas ? Ne serait-ce pas un honneur ?
- Un honneur ? On ne se serait même pas rencontrés.
- Ah, ça vous ne savez pas... Mais vous ne répondez pas à ma question.


Il était agacé. Elle avait eu raison de sa patience. Mais peut-être, était-ce de sa faute ? Anthoyne s’était embourbé dans des pseudo-touches d’humour et d’ironie qui ne semblait pas plaire à son interlocutrice. Il était temps de lâcher du lest s’il ne voulait pas que sa proie casse la ligne et s’échappe. Au final, c’est encore elle-même qui lui sauva la mise en lui tendant une perche. Volontairement ? Peut-être. Mais ce ne fut pas sans laisser planer le doute avec un petit silence bien placé.

- Les Rois de France, ça passe ses soirées dans les tavernes ? Puis c'est égal. Je n'aurais rien à dire à un Roi. Encore moins si ce n'est pas le mien.
- Puis-je en conclure que vous avez à dire avec moi ?
- On dirait bien.

Son égo étant satisfait par cette réponse et il estompa l’affront subit quelques instants avant. Il l’effaça tellement qu’il se surprit à sourire et agrémenter ce geste d’un « J’en suis ravi »convaincant et convaincu ! Toutefois, un silence s’installa. Etait-ce les conséquences de cette démonstration de joie ou quelques sentiments se rapprochant à ça ? Il en avait bien peur. Sans perdre de temps, il se rattrapa à sa technique habituelle.

- Vous connaissez le vin de Champagne ?
- Il a quelque chose de particulier ?
- Pourquoi ne pas venir vous faire une idée vous-même ?
- Un prétexte pour trouver de quoi se dire ?

Touché ! Mais pas encore coulé.

- Voyez ce que vous voulez y voir. Je vous offre un verre de ce vin ou plus si vous l'appréciez. Je ne suis pas un avare. Enfin j'ose le croire.
- Voir ce qu'on veut, c't'une bêtise, vous savez ? Va pour un verre, ceci dit.
- Très bien. Vous m’en voyez ravi. J’ai… un petit pied à terre sur Tours. Si vous voulez bien me suivre.

Il ajouta à cette phrase un sourire enjôleur puis lui présenta son bras de manière très courtoise. Anthoyne craignait particulièrement la suite après son geste mais qui ne tente à rien, n’a rien et son regard se plongea dans ses yeux.

Ecrit à quatre mains.

_________________
Else
Curiosité zoologique : le loup est une anguille. Il tourne, contourne, détourne, il tape à côté, il n’entend que ce qu’il veut, il ne comprend rien, il comprend trop, il l’agace, il l’amuse, il l’irrite, l’intéresse, il est trop mou, trop malin, trop amène, trop pénible, trop ordinaire, trop étrange, trop tout, trop le contraire, et pourquoi, pourquoi diable, lui fait-il cet effet, c’est extrêmement désagréable !

Une seconde, Elise vacille.


Attention, crie la morale ; danger, hurle la prudence élémentaire. Le terrain de la galanterie est glissant.
Le plus simple serait encore de tourner les talons, et de planter là le trop plaisant interlocuteur : ça s’appelle éluder le problème.

Oui, mais chaque pas qui l’éloignera du danger la ramènera vers ses fantômes, dont même le Ciel ne sait pas la sauver – et c’est probablement cela, en vérité, qu’elle reproche à la messe.
D’où dilemme. Charybde ou Scylla ?
Stirred or shaken* ? Fromage ou dessert ?
Plouf, plouf.


- Bien, acquiesce-t-elle en prenant le bras du seigneur. Allons-y donc.

Fuir n'est pas Kermorial - songe-t-elle, parce qu'il faut bien se donner raison.
Après tout, elle n'a jamais glissé.
Et oublions, je t’en conjure, que tu es
ravi.

***

Une bonne demi-heure plus tard, un verre à la main, Else scrute le décor impeccable de l’appartement tourangeau. La lumière de fin de matinée traverse des carreaux irréprochables : le mobilier, de bois simple, semble étrangement solennel dans son arrangement géométrique, comme si une règle de fer régnait entre ces quatre murs.
Si elle savait le nommer, la Lise dirait que son hôte est maniaque. En attendant, tant de maîtrise l’intrigue.

Son regard orageux finit par se poser sur La Louveterie, installé face à elle. Traits nets, lèvres fines, tordues en aimable sourire.
Prêt à converser.
Prêt à en découdre.
N’a-t-elle pas eu cent autres interlocuteurs, naguère, dans ce qui lui semble une vie antérieure ? N’a-t-elle pas cherché la compagnie des raisonneurs et des bavards ? Face à celui-ci, elle sent renaître le goût déraisonné de la palabre.


- Vous n’avez pas dit ce qui vous plaisait tant, dans cet office ?

Si on me demandait, je dirais qu’elle a opté, intuitivement, pour le sujet qui la protège le mieux.
Et que c'est un très mauvais choix.
J'aurais pu lui dire.
Mais on ne me demande jamais rien, à moi.


* « remué ou secoué » / « à la cuiller ou au shaker »
James Bond, of course.
Anthoyne
Le Champagne avait déjà fait ses preuves. A aucun moment, il ne l’avait laissé tomber. Luxueuse douceur provenant de son duché natal, ce vin pétillant en avait fait chavirer plus d’une. Loin de là les mauvaises intentions, juste une coupe suffisait pour montrer ses meilleures attentions. Quel était le pouvoir de cette boisson ? Etait-ce son goût ? Ou alors était-ce le coté pétillant ? Anthoyne l’ignorait mais ce qui restait sûr, c’est que cette potion était magique.

Toutefois, l’était-elle assez pour rompre la méfiance et la défiance de sa proie ? Il savait que ce verre ne suffirait pas à la faire succomber mais là n’était pas le but. Le seigneur voulait juste lui montrer sa bienveillance mais encore là, il doutait de sa réussite. Pour le moment, il avait enchaîné maladresse sur maladresse. Rien de bien concluant. Cependant, pour sa défense, il faut dire que jamais, il n’en avait convoité si sauvage. Il était difficile de voir à travers ses expressions, elle restait si froide, si distante. Tout l’opposée de sa sœur, ce qui perturbait beaucoup le Don Juan. Mais pouvait-on apprivoiser cette Kermorial ? Là était la question qu’il fallait se poser.

Else fut la première à rompre le silence ou du moins les banalités de l’échange. L’office revenait sur la table. Question épineuse lorsque l’interlocutrice a été éduquée par un homme de foi. D’ailleurs pourquoi cet office lui avait tant plu ? Lui-même se posait la question à cet instant. Anthoyne lui adressa un large sourire, porta son regard sur le verre contenant ce fameux liquide d’où s’extirpaient des bulles qui remontaient, imperturbables. Puis ses yeux revinrent se poser sur la bouche puis les yeux de la blonde.


Pourquoi l’office m’a-t-il plu ? Bonne question. En fait… Le prêtre est resté sur les fondamentaux de la religion et de la foi. Alors qu’à présent, de nombreuses personnes dérivent de la foi et vont jusqu’à accepter des hérétiques au sein de leur cercle, ce sont des hommes de foi comme le prêtre de ce matin qui peuvent remettre les brebis égarés dans le droit chemin. Du moins, si leur âme n’est pas déjà perdue… Peut-être cela manquait-il d’énergie mais les fondamentaux étaient enfin respectés et les blasphèmes sont restés hors de la maison du Très Haut.

Léger soupir.

Soit, il parait que ce sujet peut amener à la discorde même si j’ai du mal à le concevoir…
Si nous options pour un sujet plus… enjoué, n’est-ce pas ? En attendant, trinquons. A votre santé. A notre rencontre.


Anthoyne leva son verre et lui adressa un sourire charmeur avant de porter le récipient à ses lèvres et prendre une petite gorgée.

Dites-moi, combien de temps comptez-vous rester sur Tours ? Comment trouvez-vous cette ville d’ailleurs ?

Oh… Je fais un mauvais hôte… Nous approchons du midi et la faim vous tiraille peut-être. Désirez-vous manger quelque chose ?

_________________
Else
L’invitation est acceptée, les ordres sont donnés, la table est mise… vous connaissez la suite. On discute…

    - Refuser l’hérésie, oui, bon, d’accord. N’empêche. C’est pas en bavardant qu’on sauve les âmes. La foi n’est pas verbeuse.
    - Les mots sont puissants, il ne faut pas l'oublier.
    - A la rage, on ne répond pas par l'intransigeance. Une pause. Vous vous souvenez d'Uriana…
    - Oui oui. Où voulez-vous en venir ?
    - J'ai longtemps cru qu'il avait suffi que Christos lui parle, dans cette grotte. Je n'en suis plus si sûre.
    - Ah ? Et qu'est-ce qui s'est passé alors ?
    - Si seulement je savais…
    - Les mots ont beaucoup plus de pouvoir que vous ne voulez leur accorder.


On bavasse…

    - Vous êtes agaçant. Vous avez réponse à tout.
    - Vous avez réponse à tout également. Vous préférez que j'acquiesce à tout ce que vous dites pour vous faire plaisir ?
    - Non. Vous seriez ennuyeux.
    Un large sourire se dessina sur les lèvres d’Anthoyne. Else grommela quelque chose.


On se complimente…

    - Vous souriez peu, n’est-ce pas ?
    - On le dit… C’est possible.
    - Vous savez bien si c’est le cas ou non. C’est bien dommage, en tout cas.
    - Tss. Ne dites pas de sottises.
    - Oh ! Quelles sottises ?
    - Comme si cela changeait quelque chose, que je sourie.
    - Bien sûr que si. Vous êtes encore plus charmante que vous ne l'êtes d'habitude.
    Elsa détourna les yeux, pour se donner une contenance. Il sourit.
    - Je me suis trompé. Vous n'avez pas réponse à tout.
    - Hey ! Espèce de... Argh. Et moi je ne me suis pas trompée. Vous êtes agaçant.


On raconte sa vie...

    - Oui, j'ai vécu un temps en Bretagne... Drôle d'expérience. Enfin soit et après je suis arrivé en Touraine.
    - Pourquoi drôle ?
    - Spécial serait peut-être plus approprié. J'ai appris à connaître l'esprit breton !
    - J'en déduis que vous ne vous êtes pas bien adapté au climat , sourit Lise.
    - Vous parlez du climat social ou du climat météorologique ? En fait, ni l'un ni l'autre Même s'il y a des bretons très agréables à côtoyer. Et comme pour enfoncer le clou que Lise tentait (très mal) d’éviter, il ajouta : Vous en êtes la preuve.
    - Admettons. Mais moi, c'est pas pareil. Je n'y ai pas grandi.
    Vous trouvez que le prétexte est mauvais ? Elle aussi.
    - Et où avez-vous grandi exactement ?


On plaisante, aussi…

    - Tiens. De quoi aimez-vous parler ?
    - J'aime... eh bien... c'est une question compliquée. J'aime contredire les imbéciles, à tout propos. Ou simplement ceux qui disent des sottises.
    - Vous voulez que je dise des sottises ?
    Elisabeth éclata d’un rire franc.
    - Rien que pour me plaire ? V'z'êtes accommodant.
    - Oui rien que pour vous. Si ce n'est pas aimable ça !
    - Très. Ceci dit, à vos risques et périls. En ces matières, l'intention ne compte pas ; je vous contredirais aussi bien.
    - Bien entendu mais si je suis conscient de dire des sottises, je ne m'offusquerais pas car vos propos seront justifiés.
    - Mais il y a un problème. Si je suis consciente que vous en êtes conscient, il est probable que je ne me donne pas la peine de vous apprendre ce que vous savez déjà.
    - Oui mais je le cacherais au départ pour ensuite vous le révéler. Histoire de ne pas passer pour plus idiot que je ne le suis
    C'est déjà dur de ne pas montrer que j'en suis un alors je ne vais pas briser un travail de tous les jours en l'espace de cinq minutes. Ca serait dommage, vous ne pensez pas ?


… et le temps passe, la journée s’étire, et sans que vous sachiez trop comment, le crépuscule est tombé derrière les carreaux.
Anthoyne
Le début du mois d’avril est la période où le printemps se met en place petit à petit. Cette saison est celle de la renaissance où l'on voit les plantes s'épanouir. Mais elle est également une saison où l’amour se faufile en de nombreuses personnes. Pour le commun des mortels, il est recommandé d’aimer, de se laisser aller vers ce sentiment si réconfortant. C’est la porte vers le bonheur. Mais pour un homme comme Anthoyne, est-il permis d’aimer ? Un homme qui tue froidement ses victimes, possède-t-il le droit de toucher ou même rien que d’effleurer ce sentiment ? Pourtant en faisant ce qu'il faisait, aussi horrible cela était-il, son but était de sauver leur âme, leur éviter l’Enfer lunaire et leur offrir une chance de vivre au Paradis solaire éternellement. Un monstre sorti droit des Enfers et semant le mal et la chaos a-t-il le droit de connaître l'amour ? Mais a-t-il seulement la capacité d’aimer ? Il avait connu ça, il fut un temps mais depuis la donne avait changé quand son véritable visage s’était dévoilé à lui-même. Possédait-t-il déjà des sentiments ? Oui. Il s’énervait, il riait, il pouvait même s’amuser. Mais la question qui revient sans cesse, pouvait-il vraiment aimer ? Quel était donc ce ressentiment qu’il le chatouilla quelques jours auparavant ?

Elisabeth de Kermorial. Il est fou comment une femme aussi froide aux premiers abords peut devenir aussi intéressante. Et pendant les quelques jours passés en sa compagnie, l’intérêt d’Anthoyne envers cette blonde avait grandi. Qu’était-ce ? Un sentiment de sympathie et plus si affinités ? Ou alors était-ce un sentiment de nouveauté qui l’émoustillait, où l’amusement en était les fondations ? Peut-être un intermédiaire entre les deux ? Lui-même ne saurait répondre à ces questions mais malgré les longs jours où la distance et les frontières politiques les séparaient, ils se surprenaient à penser à elle mais sans pour autant faire le pas de lui écrire.

Elle fut celle qui déposa la première goutte d’encre sur la première lettre. Lors de la réception de cette missive, Anthoyne ne put s’empêcher de sourire. A cet instant, était-ce son orgueil qui parlait ou alors ses sentiments ? Peu importe. Les faits étaient là : il souriait. Il s’empressa d’avaler les marches de sa modeste résidence de Maillé pour se rendre en son bureau. Il n’attendit pas de prendre place pour décacheter la missive et attaqua la lecture alors que son siège ne supportait pas encore la totalité de son poids.


Citation:
Anthoyne,

Des jours durant j’ai cru pouvoir vous enfouir dans un recoin de mémoire ; vous voyez avec quelle efficacité. C’est égal : à bien y réfléchir, si votre souvenir disparaissait, il laisserait derrière lui un vide béant.
Qu’avez-vous fait de moi ?
Ces quelques jours en votre compagnie m’ont ôté le peu de tranquillité d’esprit qui me restait. Vous me manquez.


*Marie et moi avons quitté la Bretagne, avec ses enfants. Cela vous fera plaisir, peut-être : vous n’aimez guère le pays. Quant à moi, je n’en suis pas désolée.

Nous séjournons à Saumur, si proche de vous que j’ai failli, ce soir encore, m’échapper pour vous rejoindre. Vous en rirez peut-être. Par les temps qui courent, ce serait folie.


*Si vous ne riez pas, le porteur saura où me trouver. Et que vous riiez ou non, ayez soin de vous.

[Ici, le parchemin a été gratté] Elisabeth


Ses yeux parcoururent rapidement la lettre. A peine le bout de parchemin posé sur le bois de son bureau qu’il se saisit d’un support vierge, trempa une plume dans son encrier et entama aussitôt sa réponse. Les terres ennemies ne lui faisaient pas peur, il partirait pour Saumur le lendemain.
_________________
Else
Un messager. LE messager.

Le cœur d’Elsa bondit dans sa poitrine. Elle lui arrache presque la missive des mains, et y fourre précipitamment une piécette. Oh comme elle voudrait effacer d’une gifle l’insupportable sourire entendu qui naît au coin de ses lèvres de courrier… ce début de diagnostic de comptoir… ce fantôme de remarque licencieuse … Mais non. En lieu et place, elle tourne les talons, coupant court au dialogue avant même qu’il ait commencé.

Ce soir, un traine-savate racontera à qui veut l’entendre qu’il a joué les courriers du cœur.

Elle file comme le vent, prêtant à peine attention au monde alentour… vite, vite, se cacher, se terrer, pour lire à l’aise les mots qu’IL aura écrits, qu’il LUI a écrits, Dieu… faut-il vraiment qu’un homme cause tel désordre dans son esprit ? Lorsqu’enfin, assise à la table de la demeure angevine, elle ouvre la missive, il lui semble que sa poitrine explose avec le cachet de cire…


Anthoyne a écrit:
Elisabeth,

    De nombreux jours se sont écoulés depuis que vous avez quitté Tours. A chacun d’entre eux, j’ai eu une pensée pour vous.


Chaque mot résonne sourdement. Ô étrange sensation, délicieusement désagréable.

Il a écrit:
    Aussi étrange que cela puisse paraître, votre compagnie que je n’ai malheureusement pu partager que très peu de temps, a laissé des marques. Les premiers jours d’absence, je ne voulais pas voir la vérité en face mais il fallut bien que je me rende à l’évidence : vous me manquez. Vous me demandiez ce que j’avais fait de vous. Mais vous, qu’avez-vous fait de moi ?


C’est presque trop. Elisabeth n’est pas taillée pour aimer.
Vraiment ?


Elle reporte son regard sur ce qu'il a écrit:
    Votre lettre me comble de bonheur et c’est avec une joie immense que j’apprends que vous n’êtes qu’à deux jours de voyage. Je dois vous l’avouer, l’Anjou n’est pas une terre non plus que j’apprécie. Toutefois, je me fais déjà une joie de vous retrouver. Je vous annonce que je vous rejoins à Saumur. Je prévois mon départ pour demain à l’aube.

    J’ai hâte de vous retrouver.


Que le Très Haut vous protège.

Anthoyne


Il vient.
Il est fou.
Il vient.
Mon Seigneur, protège-le. Mon Seigneur, protège-moi.
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)