À lécume des jours, balayée par les ans...
À lécume de neige, au vent virevoltant..
Joinville, un début dannée se fenêtre sous blancheur étendue, sépanche parmi les forêts mises à nu. Rayon de Soleil ne serait superflu
Joinville, où tant de choses ont commencé, où tant dautres furent oubliées. Il se rappelle de Compiègne et de lOise, et tous ces regards qui depuis le toisent. Depuis les terres du Royaume, depuis lau-delà. Tous ces regards que plus jamais il ne croisera. À sans cesse vouloir vaincre ses propres ténèbres, Orion en est aujourdhui le roi
Quil avance donc dans lobscurité, puisque tel est son choix. Démon peut être vaincu, mais à tout jamais ricanera
"Ma Mieux Aimée, Ma Cédalia
Quand donc suis-je devenu à ce point aveugle pour ne pas voir ta lumière disparaître ?" Joinville, les tendresses de leurs premiers regards
des mains enserrant un ventre gonflé despoir
Il se rappelle, leurs premières étreintes, Il se rappelle toutes ces flammes, aujourdhui éteintes. Aveugle sapprête pour route à prendre. "Memento Mori ! Cest ta vie que tu laisses attendre." Oui, mais avant, reste un dernier hommage à rendre
Renâclement nerveux de lAratel alors quà tâtons il serre sangles de selle.
Tu as bien senti Dunamis, nous retournons à nos origines. Ce qui fut gravé dans les flammes doit encore rejaillir de la pierre.
Mmffrfrrrt
Je sais, il reste Caswallawn. Il ny a plus que nous de lancienne génération
Mais autant je laime comme un frère, autant notre prochaine rencontre verra indubitablement la mort de lun de nous
Triste constat, mais rien nen retiendra le glas. La Guerre jamais ne change, et elle ne sera la Guerre tant que le Frère naura tué son Frère
Mais ce nest vers la guerre, cest au cur des contrées de Bourgogne quil chevauche. Guerre et Monde attendront bien laprès de cette marche qui sébauche. Timide, la brise sétonne des voletances de bannière nayant vu de ciel depuis la Provence. Bannière éprouvée par lusure des ans, bannière des Dragons dArquian. Arquian, où ils sen retournent maintenant. Eux toujours fidèles, mais aux Flammes seulement. Aux Flammes où se furent gravé leur serment. Ces Flammes qui les consumèrent au quatre vents. Une marche, un pas, vers lInfini. Un pas, une marche, la dernière de Draconie
Sept Dragons quittèrent Arquian un crépuscule, il y a bien longtemps
Sept Dragons enflammèrent le Monde, en leur temps
Sept Dragons senvolèrent, au libre vent
Un seul revient encore, à présent
Que flotte tout haut,
Une dernière fois encore,
Que flotte tout haut,
Loriflamme de sable et dor.
Et pour que jamais, non, jamais rien ne soublie
À Nous, mes Surs et Frères en Flamme de Draconie
Ne se retiendront pas les temps qui nous auront vaincus
Mais les Hommes chanterons comment nous avons vécu
Brûlant aujourdhui pour brûler demain !
La Flamme au cur, le Rêve à la main !
Voler aux cieux que nous offrent les chemins
Dune Liberté qui ne sentrave jamais de rien !
Orion chante, perché en sommet de jument, chante en aveugle et en géant, chante au Ciel, à la Terre et au Vent. Chante la route des Dragons, sur le chemin dArquian.
Arquian
Calme sépulcral dun château qui dort. Sous la rampe des ronces, oui, il dort, mais nest pas mort
Pourtant, loin avant dentrer au castel, le Géant sen détourne chemin dAratel. Vers les clairières, vers une particulière, un peu au-delà des ruines dune vieille tanière
plus de toit, et déjà, le temps sattaque à sa chair. Sa chair
Géant sen souvient de celles quil a liées à ces forêts
Une part de la sienne, à tout jamais
Autour de lui ces arbres noirs, décharnés, est-ce le sommeil ou le feu qui les a brûlé
Narine qui frémit aux parfums de froids
Cette forêt, celle-ci déjà revivra. Souvenirs un instant retourné dune larme aux orients du Bois Cendré. Une autre époque, une autre Histoire
déjà une autre vie
là-bas aussi, Nature se redresse aujourdhui
la nature, peut-être, oui
mais les Hommes cesseront-il un jour de refaire les mêmes erreurs
Même Orion en blesse la preuve au fond de son cur
Mais Dunamis a lhumeur plus rieuse, se réchauffe à la trotte de futaie toujours chaleureuse, trainant aux naseaux vaperolles brumeuse. Jument qui pourtant soudain sarrête, curieuse, à létonne darbre à ramure, large et
ombrageuse
La forêt autour respire dun calme étrange, sommeille une présence de sous les branches. Entre neige et feuilles, sabots de jument qui crissent, un vent glacial, entre les arbres qui se glissent.
Boraï
Te voici donc
mon fils...
Hêtre qui trône en solitaire en cur de clairière. La faîte déjà haute à lassaut des cieux, les racines déjà profondes dans le sol caillouteux. Un arbre quil a lui-même planté
il y a ô combien dannées ? Mais le Père ne cherche pas à se rappeler, il en est à sa douleur, et sa fierté
De son sang le premier, mort avant dêtre né
juste là, abandonné
graine dêtre et dhêtre enterrées
terre et sang mêlés à lémeraude des futaies
Sang qui jaillit dun doigt à lame entaillé, sang qui laisse à larbre quelques noms imprimés, noms que lécorce aura vite absorbés
un autre feu qui senterre à jamais
Morigane - Succube en Majesté
Surt - Brûleur des Neufs Terres
Boraï - Enfant de Sève et de Sang
"Morigane
Je ressens encore tes caresses, jentends encore tes soupirs
Oserais-je jamais avouer que je voulais te tuer peut-être plus que tu ne voulais mourir ? Je nai plus de remords, tu sais, de nos sabbats, nos chasses, ce que nous avons fait
Ni de remords, ni de regrets
" À tout jamais réunis, ceux que lEnfer avait transformés en famille
Orion se permet encore un soupir, mais sen détourne sans bruit.
Remonte en selle avec une vague maladresse, aux épaules, comme quelque chose qui définitivement le délaisse. Sen repart vers les tourelles à lattente, vers castel de respiration hibernante, lente, mais vivante... Pont levis baissé guidant sur poterne ouverte comme à laccueil, et grande cour résonne de solitude, mais lécho nest pas au deuil. Même ! Jument reconnaissant familiarité des lieux se cabre dun hennissement joyeux, renvoyé des murailles étendues en apostrophe de bienvenue. Et soleil qui se cache dun rayon comme le salue lombre dun vieux donjon. Sans le voir, il ressent sa présence imposante, à la fois sinistre et réconfortante. De ses trois foyers le plus belliqueux, remettra-t-il les pieds dans lun deux ? Un jour, peut-être, quand importeront les lieux, plus que les âmes et les instants glorieux.
Glorieux ou douloureux
En bousculant dune botte quelques vestiges, Orion se rappelle comment dragons jamais ne transigent
Il se souvient, cétaient les premiers temps, dune croix, dichor, de cendre et dargent
Il se souvient dautres époques, de ces années insomniaques et dautres sarabandes démoniaques
Dans les couloirs flottent relents dhumidité sen prenant aux boiseries, parfois un rayon de soleil, un bruit, craquent les pas, fuient les souris. Une main sur le mur qui le cherche vers une cheminée endormie
Il se souvient, dentre les rêves, quelques répits. Auprès du Baron, faire vivre baronnie. Il se souvient des banquets, des entrainements, de verve, de vin, de bon temps, des chevauchées à travers bois et champs. Déjà combien de fois longtemps ? Promenade qui lentraîne sur le rempart
Combien de fois aussi, ce parcours, en dautres soirs ? Il na plus ses yeux, mais lui reste encore sa mémoire
Errant dans les méandres de murs et de lierre, lAveugle se guide aux souvenirs baignant latmosphère, sans besoin du regard pour retrouver ses repères, sans besoin de chercher ce qui sera leur cimetière
après le rempart, avant les clairières, sur la colline, le cercle de pierres
Là où les Dragons allumèrent leur premier Feu, là où à défaut de corps, sinscrira ultime aveux
Une main à la caresse du monolithe, un sourire à ces noms que sans le savoir elle abrite. Glaceur triste de lhiver battant les veines de granit clair, à labsence amère. Pourtant au cur de la roche, il sent sourdre une chaleur, si proche. Est-ce celle de sa propre main, celle dun souvenir incertain ? Est-ce encore ce Feu qui réverbère là, à lempreint ? Mais Orion ne se pose plus de question, lâme diluée en seules sensations
Dextre qui sempoigne dun petit marteau, senestre appuie le grain du ciseau, traçant à lents tâtons lignes de lettres, puis de mots. Épitaphe qui lentement sinscrit, que personne en ce monde noublie ces âmes qui brûlèrent de Draconie.
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-- Aelyce Salmo Salar --
*Épuisée d'amour et de regrets*
À Toi ! Toujours nos seules prières
Tu portes en nous la flamme première
Tu es la braise ardente doù tout feu jaillit
En Toi à jamais, Draconie toute entière
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-- Florentin d'Establizio --
*Disparu dans le silence de l'ennui*
Toi ! Mort avant de crier ton Nom
Peu importe ! Le Temps toujours se souviendra
De la fougue, la jeunesse, la passion
Qui animent encore chacun de tes pas
- Kay dAbellan --
*A trouvé la paix dans ses propres ténèbres*
Toi ! lOmbre, toi le Reflet
Sur des clairières, Sur des futaies
Tu resteras pour toujours et à jamais
Larpentrice de nos plus sombres secrets
-- Sadnezz Corleone --
*Vaincue comme elle a vécu: l'âme libre*
Toi ! la Chasseuse dAmour et de Haine
De joie et de peines ta façon dêtre belle
Toujours à ton choix tendre ou cruelle
Tu auras tout tué, même une Reine
-- Theognis Montereau --
*Enchaîné à tout jamais, peut-être de son propre fait*
Toi ! le Titan, toi la Sage Folie.
Quimporte les entraves qui tont englouti
Ce que tu as offert au monde par le Feu des Dragons
Brûlera au-delà du Temps, aux quatre Horizons.
-- Isa Corleone --
*Sest éteinte davoir trop brûlé*
Toi, la seule Lumière, la Sauvage Pureté.
Ni personne ni le Monde ne tauront plus pour les éclairer
Mais le rayon de ton éclat jamais ne meure
Dans les yeux éblouis son empreinte demeure
-- Luwangel de Wolback --
*Braise encore, en attente de danser la Mort*
Toi ! le Fléau dIchor et de Sang.
Plus fort que le sommeil qui tétreint
Tu dors au chant des vagues depuis tant
Ton réveil sonnera le cor de toute Fin
-- Gorborenne du Bois Cendré --
*Contemple le monde, mais sans le voir*
Toi ! lAveugle qui demeure, toi lAiné.
À tout jamais de cendre et dobscurité
Condamné aux chemins de lerrance
Continue donc de brûler, seul et en silence
> Semper Cremera Ignis Draconicae
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Déjà loin, la Lune en son clair, quand sestompe le chant de la pierre. Mais plus loin encore, vers léternité, Draconie étend ses ailes sans se figer. Quimporte ceux quelle consume, son Feu continue de brûler. Sa Flamme écarte encore et toujours la Nuit noire. Sa Flamme qui guide encore Orion vers un ultime devoir. Le dernier, oui, celui de Vivante Mémoire. La sienne qui ramène ses pas en Bibliothèque de Saint Bynarr, se rappelant sans peine, même sans y voir, les rayonnages en couloir, et létagère dun vieux grimoire. Qui ne renferme aucun arcane, aucun inestimable savoir, simple Graine de Folie, vieille Légende de lHistoire
"Orion, mon ami, quespères-tu encore trouver dans ces pages?" "Petite Mère, tu sais ce que ce livre contient, un peu de tout, beaucoup de rien
Il est notre legs à la prochaine génération. Il est temps pour elle de trouver sa destination" "Et toi mon enfant? Quelles sont tes intentions à présent ?" "Jusquà ma mort, brûler pleinement
Vivre
tout simplement
"
Toujours lHiver arrive pour celui qui lattend, hésitant en bord rive à saisir ce feu ardent.
Feu que rien nengloutit, Feu qui récolte la Mort, qui sème la Vie
Petite Flamme, simple étincelle,
Suffit parfois, à rendre des ailes
"Adieu mes Frères
la route mappelle..."
Silhouette cavalière au loin qui sen chemine,
Dans son dos, Castel que plus rien nanime,
En ciel de haute tour, une vieille bannière encore domine,
Flamme dor quun azur distrait taquine
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