Emilla
[Alcôve et salon : l'ombre d'un petit caméléon]
Emilla est tétanisée sous son poids. Si elle pouvait entendre les silences de Jules, elle serait en sus horrifiée de ses pensées. Elle n'a que 14 ans la petite et comment expliquer à un courtisan blasé que la passion du corps est intimement mélé aux tourments du coeur, que leur étreintes ont toujours été sa manière d'illustrer son amour vibrant qu'elle ne peut se permettre de lui déclarer, indigne de ce genre de sentiments envers un homme qui n'a rien à faire de ce genre de complications dans sa vie.
Et soudain alors qu'elle tente maladroitement de s'expliquer, le dégout dans l'attitude remplace la violence dans le regard de Jules, le corps qui la coince dans les draps s'évade et les mots comme des lames viennent achever Emilla.
N'aie crainte, je ne t'approcherai jamais plus. Que Dieu me foudroie ici et maintenant si je dois être responsable de ta damnation. T'inquiète pas, ton "feu" s'éteindra bien un jour, je ne l'attise plus depuis deux mois. En attendant dors et mange, au lieu de gaspiller notre argent en produits de luxe. Je vais chasser.
La pâleur de la gamine se fait cireuse à ces mots. Elle n'aurait rien du dire. Elle a encore parlé de travers. Les mots ne lui ont jamais réussi et une fois encore ils lui sont fatals. Comment lui dire que le livre vient de la Rose, qu'elle l'a gardé en fuyant pour continuer à apprendre à lire, pour qu'il soit fier d'elle. Comment lui dire que ce feu là ne s'éteindra pas si facilement car il est attisé par son coeur qui lui est acquis. Elle est maladroite et se sent stupide. Le temps de réagir, il a disparu et son univers s'écroule. Dormir, manger, quel intérêt? Elle entend la porte du salon claquer en direction de la cuisine et telle un automate, elle se relève sans un son, et refait le lit avec soin. Machinalement, elle se charge de celui de Marceau même s'il a déjà tiré les draps. Sans réfléchir, les mains s'activent, l'esprit se mure, elle se lance dans un rangement studieux du salon : travailler pour oublier, pour ne pas se rendre compte que son univers vient d'imploser en vol parce qu'elle n'est qu'une gourde inculte, incapable de formuler convenablement ses pensées au point de dégouter l'homme qu'elle aime. Sans un bruit, l'ombre de la jouvencelle se déplace dans la pièce qui n'aura jamais été aussi bien rangée. Déjà au comptoir, elle reprend chaque bouteille pour la placer bien parallèlement à l'autre. Oublier, oublier, oublier...
_________________
Emilla est tétanisée sous son poids. Si elle pouvait entendre les silences de Jules, elle serait en sus horrifiée de ses pensées. Elle n'a que 14 ans la petite et comment expliquer à un courtisan blasé que la passion du corps est intimement mélé aux tourments du coeur, que leur étreintes ont toujours été sa manière d'illustrer son amour vibrant qu'elle ne peut se permettre de lui déclarer, indigne de ce genre de sentiments envers un homme qui n'a rien à faire de ce genre de complications dans sa vie.
Et soudain alors qu'elle tente maladroitement de s'expliquer, le dégout dans l'attitude remplace la violence dans le regard de Jules, le corps qui la coince dans les draps s'évade et les mots comme des lames viennent achever Emilla.
N'aie crainte, je ne t'approcherai jamais plus. Que Dieu me foudroie ici et maintenant si je dois être responsable de ta damnation. T'inquiète pas, ton "feu" s'éteindra bien un jour, je ne l'attise plus depuis deux mois. En attendant dors et mange, au lieu de gaspiller notre argent en produits de luxe. Je vais chasser.
La pâleur de la gamine se fait cireuse à ces mots. Elle n'aurait rien du dire. Elle a encore parlé de travers. Les mots ne lui ont jamais réussi et une fois encore ils lui sont fatals. Comment lui dire que le livre vient de la Rose, qu'elle l'a gardé en fuyant pour continuer à apprendre à lire, pour qu'il soit fier d'elle. Comment lui dire que ce feu là ne s'éteindra pas si facilement car il est attisé par son coeur qui lui est acquis. Elle est maladroite et se sent stupide. Le temps de réagir, il a disparu et son univers s'écroule. Dormir, manger, quel intérêt? Elle entend la porte du salon claquer en direction de la cuisine et telle un automate, elle se relève sans un son, et refait le lit avec soin. Machinalement, elle se charge de celui de Marceau même s'il a déjà tiré les draps. Sans réfléchir, les mains s'activent, l'esprit se mure, elle se lance dans un rangement studieux du salon : travailler pour oublier, pour ne pas se rendre compte que son univers vient d'imploser en vol parce qu'elle n'est qu'une gourde inculte, incapable de formuler convenablement ses pensées au point de dégouter l'homme qu'elle aime. Sans un bruit, l'ombre de la jouvencelle se déplace dans la pièce qui n'aura jamais été aussi bien rangée. Déjà au comptoir, elle reprend chaque bouteille pour la placer bien parallèlement à l'autre. Oublier, oublier, oublier...
_________________