Rodrielle
- Ou « comment on devient chef, Chef ? ».
Chez les Corleone, ce nétait pas difficile : on se proclamait chef de famille avant les autres. Rien ne servait de demander, chez eux, cétait très souvent chacun pour soi et Aristote pour tous. Sadnezz était morte depuis assez de temps maintenant, la place de chef de famille était donc vacante. Il était temps dagir, avant que les doux agneaux ne mettent le grappin sur le titre et ramollisse cette immense famille italienne. La main se sert à cette idée. Bien quelle les apprécie, jamais elle ne laisserait la famille entre des mains douces et tendres. Leur réputation en souffrirait certainement. Et à quoi bon que la Belladonne ait tué la Reyne de ses propres mains si les Corleone restaient dans lombre ? Non ! Jamais elle ne supporterait cela, la Tatouée, ou plutôt crever la gueule ouverte !
Rodrielle se leva avec cette pensée qui la tiraillait depuis quelques jours. Depuis ses retrouvailles avec sa fille qui elle-même était devenue brigande. Beaucoup trop de mercenaires trainaient dans cette famille pour ne pas les aider à entrer dans lHistoire. Et qui mieux quelle, qui connaissait Sadnezz, qui avait travaillé avec elle, qui avait les mêmes valeurs, serait mieux placée pour reprendre le flambeau ? La décision était prise : elle serait cheffe de famille. Après sêtre servi un verre de vin, la Tatouée se dirigea donc à son bureau et attrapa plume et vélins. La matinée allait être chargée en lettre.
«Cher »
Non, trop aimable. Elle le voulait son titre, par la force. Pas besoin de fioritures pour ordonner aux nombreux membres de la famille de rappliquer.
A la famille Corleone. Bonne ou mauvaise.
Aux amis proches de la famille.
Sadnezz est partie depuis longtemps, maintenant. Il est temps de parler succession, et jai évidemment mon idée là-dessus. Rendez-vous dans 8 jours, en Bourgogne, chez moi. Les absents nauront évidemment pas leur part du festin, donc à vous de voir. Moi je sais déjà ce que je veux, quon se le dise.
A bientôt
Rodrielle Corleone.
Court, sans niaiseries, cétait parfait. Evidemment, sa part de la succession nétait pas nommée dans la lettre, mais ceux qui avaient aux moins un demi-neurone dans le crâne allaient surement se douter de quoi elle parlait. Qui prend linitiative de réunir tout le monde prend le pouvoir. Point.
De nombreuses lettres étaient donc écrites à la suite, pour la famille au grand complet, mais pour les amis aussi, Miramaz, Cerdanne, Dante A qui elle rajoutait une simple ligne :
« Votre soutient sera récompensé »
De quoi les faire venir ; argent, alcool, chair Ils seraient forcément attirés par cette (vaine ?) promesse qui laissait songeur. Au moins elle aurait de quoi avoir des votes en plus si sa place était contestée. Enfin, quils essayent !
Un autre vélin fut enfin pris. Plus personnel celui-ci, pour une personne dont elle devait encore des explications, des aveux avant ce grand rassemblement. Pour Sebilia. Leurs rapports étaient encore conflictuels mais ne pas lui dire lexistence de deux autres personnes les rendraient encore pire. Il fallait donc mettre les choses au clair avant larrivée de tout le monde, sa crédibilité en paierait sinon.
Pupilla.
Je joins à mon autre courrier cette lettre, plus intime. Il faut que je te dise quelque chose avant la semaine prochaine. Cest très important. Pourvu que ces mots ne te vexent pas, manquerait plus que ça ! Bref.
Depuis quelques mois déjà, deux personnes ont rejoints ma vie. Etrange, me diras-tu, mais je suis tout aussi étonnée que toi. Jpensais pas devenir aussi fleur bleue que ça un jour ! Enfin, cest toujours positif également pour toi : au moins tu vois que jai un cur et quil peut y accueillir des gens dont toi !
Donc, la semaine prochaine, tu feras la connaissance de mon compagnon (pourvu que ça dure), Fralis, et surtout de mon fils adoptif, Elouan. Surement est-ce cette deuxième personne qui sera la plus difficile à digérer que lautre, tu dois te souvenir des rapports entre ton défunt père et moi Rien de bien gai vu ce quil nous a fait. Mais là nest pas la question. Celle dElouan doit être plus délicate.
Il sagit dun petit garçon de 8 ans que jai adopté parce quil nous ressemble, simplement. Un petit fougueux, avide dapprendre lart du combat, du brigandage et qui, jen suis certaine saura porter notre nom aussi bien que toi ou moi. Il était seul, je lai pris sous mon aile. Cétait aussi une façon pour moi de me prouver que je pouvais être une bonne mère, après ce que je vous ai fait à ton frère et toi, alors que je vous pensais morts. Et apparemment je peux lêtre. Il est heureux avec nous et je pense quavec de la bonne volonté de votre part à tous, vous pourrez parfaitement vous entendre.
Enfin, est-ce que vous avez le choix ? Non, pas vraiment. La semaine prochaine, du moins, vous naurez certainement pas le choix La réunion de famille est trop importante, je veux récupérer le pouvoir et vous allez être dune grande aide. Vous vous verrez donc là-bas.
Je compte sur toi.
Ti baccio
Mamma
Soupire. Pourvu quelle comprenne cette fois-ci ! Rodrielle attendrait de toute façon sa réponse pour voir si elle allait, ou pas, devoir la chercher par la peau du dos et lui parler face à face. Elle verrait.
Les lettres furent enfin scellées et envoyées à leurs destinataires. La Tatouée descendit enfin faire une dernière chose : parler des retrouvailles avec Sebilia et de leurs rencontres durant la réunion à Fralis et Elouan. Ce qui nallait pas être une partie de plaisir non plus. Mais leurs réactions, finalement, nétaient que le cadet de ses soucis ; à présent, elle voyait bien plus loin, bien plus grand.
Ah ! Sadnezz ! Pourvu que tu me soutiennes des Enfers où tu reposes !
Ti baccio : je tembrasse.
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