Truffian
« Sois mort au monde et revis en Dieu »
Ses paroles résonnaient encore à son oreille. Séparé de lui par braises couvantes, un vieil homme déroulait le fil des souvenirs. Marlowes, fort jeune adolescent alors, absorbait ses paroles comme argile leau claire. Entêté, buté, avec, pour tout contenu de ses poches, ses mains, il essayait de joindre une compagnie franche. La première à laccepter ferait laffaire. Une nuit, à lheure où les étoiles sont au plus proche, grelottance et maigre pitance le prirent pas la main, le conduisant auprès dun feu solitaire. En partage lui échus le repas et la compagnie dun lépreux.
« Voici les dernières paroles des vivants sadressant à moi. Face au prêtre, un suaire me recouvrant, jassistais à mes propres obsèques, messe des défunts comprise, dans ce dernier hommage. Puis trois pelletées de terre noire et grasse, ils me versèrent sur le tête, ainsi cétait cela être mort ? Le droit dêtre un fantôme, portant robe de ladre, jouant de son cliquet pour bruit de mes chaînes ? »
Son regard à peine sortit de lenfance observe sans pudeur le faciès léonin du conteur. Les paroles ne se turent qua laube blanche et brumeuse. Certaines rencontres marquent, le Destin est un joueur, ses mises illimités, son sourire énigmatique. Il donne les cartes à sa guise. Ainsi sécoula première rencontre.
A tout cela il repensait en se faufilant aux marges de la Cour. Traversant ruelles oubliées, bordées par taudis désert, encore glissante de lorage éloigné. Un labyrinthe de gravats, de débris, avec ici et là, quelques plantes tachant de se faire repérer du soleil. Tythia ne la pas suivit, ce nest pas plus mal De la personnalité, mais encore jeunette. De leau dormante toutefois, cachant surprise, sans doutes aucuns. Escaladant un dernier pan de mur effondré, le Borde apparut enfin. Ancien monastère ravagé par le temps, reconvertit en léproserie, peu à peu abandonné par les autorités, repris en main par ceux désirant vivre, quoiquil arrive, de défendre leur place.
Il découvrit un vaste espace, couvert de ruines, de cabanes construites de matériaux hétéroclites, lierres sombres griffant les murs, herbes folles desséchées, loques séchant et claquant au vent, un silence profond. Lendroit semblait déserté, il descendit lamoncellement de pierrailles annonçant lentrée, cherchant figure humaine.
Adossés à un tonneau, une relique de chevalier, pétunant à grand renfort de raclements de gosier, laccueillit dun mouvement de menton. Une antique moustache grise, jaunie par le tabac, portant maille rouillée, une longue et lourde épée ébréchée à ses cotés. Dun geste négligent du bras, il indiqua une direction à Marlowes. Derrière ce quil restait du bâtiment principal.
Notant avec curiosité un marque rouge délavée sur sa tunique, il le remercia dun sourire. Portant ses pas plus avant, passant auprès dun jardin de simples, il déboucha sur une courette, un puit en son milieu. De part et dautre, de hauts murs branlants, en face, un passage aux voûtes couvertes de lichens. Le cur serré, il sy engagea, hésitant, tempes battantes, souffle court.
Ainsi savance Marlowes dans lenceinte dun ancien cloître. A lui soffre un étrange et prenant spectacle. Assemblée de formes vêtues de gris, portant capuchons, réunit autour dun bûcher de planches et de madriers. Immobiles, silencieuses une trentaine de personnes font cercle. Au centre de lassemblage de bois, prêt à brûler, un corps repose. Nu, difforme, les mains sans doigts, croisées sur sa poitrine squelettique. Il approche à pas lent. Un à un, les visages dans lombre, ils se retournent vers lui, ouvrant passage.
Il contemple le visage offert en pleine lumière de ce vieil homme, reviennent les offrandes de mots, de rêves, despoir, de rage et de révolte offert par ce mort. Une vague violente démotions ravage son esprit. Lune des silhouettes pose délicatement une torche sur le bûcher, les flammes commencent à monter, claires et vives. Une chaleur de forge sen dégage. Tous agrandissent le cercle. Marlowes reste là, la face offerte au brasier. Ses larmes sévaporant de ses joues.
En lui tourne un chant, il se glisse à sa gorge, étreint sa langue, prends forme entre ses lèvres. Il clôt ses paupières, se laisse entraîner. Dans un murmure discordant de voix éraillées, déformées, le chant est repris, doucement, comme une promesse. Un serment.
Sauf des mouchards et des gens darmes,
On ne voit plus par les chemins
Que des vieillards tristes aux larmes,
Des veuves et des orphelins.
Paris suinte la misère,
Les heureux même sont tremblants,
La mode est au conseil de guerre
Et les pavés sont tout sanglants.
Oui, mais
Ça branle dans le manche.
Ces mauvais jours-là finiront
Et gare à la revanche
Quand tous les pauvres s'y mettront !
Puis le silence revient. Le bois craque, la chair grésille, le corps est pris de mouvements, en proie au flammes. Il sourit. Remerciant sans bruit cet homme, son premier maître de danse. Un tas de charbon et de flammes mourantes reste pour seul trace de lui. Marlowes continuera de le voir en chaque braises couvantes.
Peu à peu, les formes sindividualisent, retirant leur capuchon. Laissant apparaîtrent membres absents, cicatrices, chairs déliquescentes. Femmes, hommes, de tout ages, certains pleurent dorbites creusés, dautres enlacent leurs difformités en douce étreinte. Un minot tout juste sortit de lenfance savance en sa direction. Peu marqués encore, blond comme les blés, affichant un air de sérieux inéluctable.
Lor lMarlou, tas finit par dégotter le chemin ? Y ta demandé tsais
Je sais. Ya pas mieux quun funambule pour arriver en retard.
Le minot le jauge dun il précis. Lui fait signe de le suivre. Lentraîne vers la cour dentrée. Les autres le regardent, sans complaisance, sans aménité particulière, et se dispersent, seul, en couple, avec une assurance possessive. Ce lieu est leurs, évidence sans failles.
La relique na point changé de place. Attentif à un vol dhirondelles. Un il sur la barricade bloquant lentrée, il imagine le grand rire de Dantesque à sa vue. Le garçon le laisse face à la porte dune cahute, un peu éloignée des autres. Crache un coup avec habilité.
Là. Y a un coffre, pour toi. Le reste à déjà été distribué Si tveux tpieuter, te gêne pas, tu sras pas dérangé. fin, ta peau blanche pourrait en tenter certaines.
Sans lui laisser le temps de répliquer, le gamin se défile, crâneur, dans les recoins de lendroit. Il sourit, le regard ailleurs. Curieux, il observe la cabane. Ainsi il a vécu ici. Se reposant de ses longs périples. Quen a-t-il rapporté ? Marlowes senfonce dans la pénombre de lhabitation.
Ses paroles résonnaient encore à son oreille. Séparé de lui par braises couvantes, un vieil homme déroulait le fil des souvenirs. Marlowes, fort jeune adolescent alors, absorbait ses paroles comme argile leau claire. Entêté, buté, avec, pour tout contenu de ses poches, ses mains, il essayait de joindre une compagnie franche. La première à laccepter ferait laffaire. Une nuit, à lheure où les étoiles sont au plus proche, grelottance et maigre pitance le prirent pas la main, le conduisant auprès dun feu solitaire. En partage lui échus le repas et la compagnie dun lépreux.
« Voici les dernières paroles des vivants sadressant à moi. Face au prêtre, un suaire me recouvrant, jassistais à mes propres obsèques, messe des défunts comprise, dans ce dernier hommage. Puis trois pelletées de terre noire et grasse, ils me versèrent sur le tête, ainsi cétait cela être mort ? Le droit dêtre un fantôme, portant robe de ladre, jouant de son cliquet pour bruit de mes chaînes ? »
Son regard à peine sortit de lenfance observe sans pudeur le faciès léonin du conteur. Les paroles ne se turent qua laube blanche et brumeuse. Certaines rencontres marquent, le Destin est un joueur, ses mises illimités, son sourire énigmatique. Il donne les cartes à sa guise. Ainsi sécoula première rencontre.
A tout cela il repensait en se faufilant aux marges de la Cour. Traversant ruelles oubliées, bordées par taudis désert, encore glissante de lorage éloigné. Un labyrinthe de gravats, de débris, avec ici et là, quelques plantes tachant de se faire repérer du soleil. Tythia ne la pas suivit, ce nest pas plus mal De la personnalité, mais encore jeunette. De leau dormante toutefois, cachant surprise, sans doutes aucuns. Escaladant un dernier pan de mur effondré, le Borde apparut enfin. Ancien monastère ravagé par le temps, reconvertit en léproserie, peu à peu abandonné par les autorités, repris en main par ceux désirant vivre, quoiquil arrive, de défendre leur place.
Il découvrit un vaste espace, couvert de ruines, de cabanes construites de matériaux hétéroclites, lierres sombres griffant les murs, herbes folles desséchées, loques séchant et claquant au vent, un silence profond. Lendroit semblait déserté, il descendit lamoncellement de pierrailles annonçant lentrée, cherchant figure humaine.
Adossés à un tonneau, une relique de chevalier, pétunant à grand renfort de raclements de gosier, laccueillit dun mouvement de menton. Une antique moustache grise, jaunie par le tabac, portant maille rouillée, une longue et lourde épée ébréchée à ses cotés. Dun geste négligent du bras, il indiqua une direction à Marlowes. Derrière ce quil restait du bâtiment principal.
Notant avec curiosité un marque rouge délavée sur sa tunique, il le remercia dun sourire. Portant ses pas plus avant, passant auprès dun jardin de simples, il déboucha sur une courette, un puit en son milieu. De part et dautre, de hauts murs branlants, en face, un passage aux voûtes couvertes de lichens. Le cur serré, il sy engagea, hésitant, tempes battantes, souffle court.
Ainsi savance Marlowes dans lenceinte dun ancien cloître. A lui soffre un étrange et prenant spectacle. Assemblée de formes vêtues de gris, portant capuchons, réunit autour dun bûcher de planches et de madriers. Immobiles, silencieuses une trentaine de personnes font cercle. Au centre de lassemblage de bois, prêt à brûler, un corps repose. Nu, difforme, les mains sans doigts, croisées sur sa poitrine squelettique. Il approche à pas lent. Un à un, les visages dans lombre, ils se retournent vers lui, ouvrant passage.
Il contemple le visage offert en pleine lumière de ce vieil homme, reviennent les offrandes de mots, de rêves, despoir, de rage et de révolte offert par ce mort. Une vague violente démotions ravage son esprit. Lune des silhouettes pose délicatement une torche sur le bûcher, les flammes commencent à monter, claires et vives. Une chaleur de forge sen dégage. Tous agrandissent le cercle. Marlowes reste là, la face offerte au brasier. Ses larmes sévaporant de ses joues.
En lui tourne un chant, il se glisse à sa gorge, étreint sa langue, prends forme entre ses lèvres. Il clôt ses paupières, se laisse entraîner. Dans un murmure discordant de voix éraillées, déformées, le chant est repris, doucement, comme une promesse. Un serment.
Sauf des mouchards et des gens darmes,
On ne voit plus par les chemins
Que des vieillards tristes aux larmes,
Des veuves et des orphelins.
Paris suinte la misère,
Les heureux même sont tremblants,
La mode est au conseil de guerre
Et les pavés sont tout sanglants.
Oui, mais
Ça branle dans le manche.
Ces mauvais jours-là finiront
Et gare à la revanche
Quand tous les pauvres s'y mettront !
Puis le silence revient. Le bois craque, la chair grésille, le corps est pris de mouvements, en proie au flammes. Il sourit. Remerciant sans bruit cet homme, son premier maître de danse. Un tas de charbon et de flammes mourantes reste pour seul trace de lui. Marlowes continuera de le voir en chaque braises couvantes.
Peu à peu, les formes sindividualisent, retirant leur capuchon. Laissant apparaîtrent membres absents, cicatrices, chairs déliquescentes. Femmes, hommes, de tout ages, certains pleurent dorbites creusés, dautres enlacent leurs difformités en douce étreinte. Un minot tout juste sortit de lenfance savance en sa direction. Peu marqués encore, blond comme les blés, affichant un air de sérieux inéluctable.
Lor lMarlou, tas finit par dégotter le chemin ? Y ta demandé tsais
Je sais. Ya pas mieux quun funambule pour arriver en retard.
Le minot le jauge dun il précis. Lui fait signe de le suivre. Lentraîne vers la cour dentrée. Les autres le regardent, sans complaisance, sans aménité particulière, et se dispersent, seul, en couple, avec une assurance possessive. Ce lieu est leurs, évidence sans failles.
La relique na point changé de place. Attentif à un vol dhirondelles. Un il sur la barricade bloquant lentrée, il imagine le grand rire de Dantesque à sa vue. Le garçon le laisse face à la porte dune cahute, un peu éloignée des autres. Crache un coup avec habilité.
Là. Y a un coffre, pour toi. Le reste à déjà été distribué Si tveux tpieuter, te gêne pas, tu sras pas dérangé. fin, ta peau blanche pourrait en tenter certaines.
Sans lui laisser le temps de répliquer, le gamin se défile, crâneur, dans les recoins de lendroit. Il sourit, le regard ailleurs. Curieux, il observe la cabane. Ainsi il a vécu ici. Se reposant de ses longs périples. Quen a-t-il rapporté ? Marlowes senfonce dans la pénombre de lhabitation.