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[RP] Un prêté pour un rendu

Edern
Prologue.

Citation:
A Sa Gracieuse Excellence le Fou, Duc d’Anjou, Chancelier du Ponant,

    Il semblerait que toute communication entre nous doive se faire sur le mode de la surprise. Nous nous y plions donc, en vous adressant ce pli probablement inattendu, que nous n’aurons pas l’audace de qualifier d’inespéré.

    De la noble Alliance du Ponant vous êtes depuis déjà quelques temps le représentant. C’est là une réalité d’importance que nous avons trop volontiers et trop longuement occultée. Considérant le poids des responsabilités que la fonction génère en ces jours sombres et tourmentés, nous déplorons de n’avoir pas fait preuve d’une prévenance qui aurait pourtant du s’imposer, afin que l’exercice de vos charges vous semble facilité.
    La sage et hospitalier Buchet rougirait, nous en sommes convaincue, de voir ses valeurs ainsi bafouées, tant nous avons manqué de courtoisie en omettant de vous souhaiter la bienvenue sur nos terres.
    Qui sait, peut-être par un brin d’autocritique parviendrez-vous à alléger le poids de la culpabilité qui nous accable. Nous l’assumons pour l’instant de bonne grâce seule et sans broncher.

    L’histoire semble vouloir se répéter, mais non contente d’accepter d’en subir les effets, nous prenons ce jour la plume pour éviter que triste fortune ne frappe à nouveau.
    Dînons, voulez-vous ? Si l’homme en chat échaudé qu’il serait en droit d’être se passerait sûrement de cette entrevue, le Chancelier considèrera peut-être l’offre sous un jour plus diplomate. Nous ne pouvons que l’espérer, et nous en remettre à vous.

    Cholet et le Ponant se plaisent parfois, bien que malgré eux, à se considérer distants, de notre fait comme du fait de ceux qui composent l’Alliance. Notre dernière tentative de rapprochement s’est soldée par un échec patent. Peut-être aurez-vous ouï parler de cette réunion de bleu salon où l’impression nous a été donnée d’être malvenue dans notre propre maison. Dignitaires sur leurs missions rigoureusement -ou presque- penchés auront malgré eux négligé leur propre statut d’invités. Allons bon, il n’est sûrement point l’heure en ces jours de trêve de nourrir et raviver rancœur quelconque à ce sujet, d’autant plus quand nous avouons bien volontiers être une hôte à l’attention trop souvent versatile. Imbolc est tout juste passé, et nous profitons de la symbolique de l’événement pour témoigner à nouveau nostre souhait de voir se rapprocher ces deux réalités géographiquement confondues mais en tout autre point distinctes.

    Sachez puisque du Ponant vous êtes le garant que Cholet a fait l’objet de menaces récentes que nous sommes semble-t-il parvenue à désamorcer sans qu’armes ne soient tirées. Vous trouverez si l’affaire vous interpelle plus d’informations dans les publications officielles de Cholet. Quoiqu’il en soit, sur ce point plus rien n’est à redouter, et nous sommes heureuse de n’avoir pas même eu à alerter les membres de l’Alliance. Notre courroux quant à cette menace eut assurément été décuplé si elle nous avait contrainte à perturber les conditions de travail des dignitaires sous nostre protection.

    Pour en revenir à notre menu, votre lieu et votre heure seront nostres.
    Nous nous devons, car défaut notre mémoire ne nous fait pas, de vous laisser le choix du terrain et des armes, et ne pouvons espérer qu’une fois les masques tombés, l’entrevue s’avèrera moins faisandée que la précédente.

    A galon,


Graet e Cholet,
d'al Lun 13 a viz C'hwevrer 1460

Chimera de Dénéré-Malines
Dukez Cholet, Baronnez Bubri



Citation:
À Chimera, hôtesse émérite.

    Ne vous inquiétez pas si le parchemin est abîmé en quelque endroit : ce ne sont que les larmes que j'y verse, de joie. Enfin ! Tant de mois ont passé avant que la maîtresse de Cholet ne se révèle à celui qui l'a épousé les yeux fermés... la sollicitude dont vous faites aujourd'hui preuve à mon égard contraste avec le quotidien du pauvre chancelier que je suis. Bretons abscons, Artésiens bourrins, Poitou froufrou et Berry fouillis : Dieu soit loué, il reste l'Angevin malin pour voir plus en l'Alliance que la somme de ses parties. Il est d'ailleurs fort regrettable que vous ayez été écartée des affaires de vos invités. Rien ne vaut le spectacle de la puissance s'élevant en harmonie, rien, sauf peut-être celui d'un soleil embrasant dans sa course vers le Ponant les restes d'un empire détruit.

    Toute chute, dit-on, n'est que provisoire.
    Le monde appartient à ceux qui se relèvent tôt.

    Il est curieux de lire la crainte des cycles chez la femme qui commande aux druides de Bretagne. L'Histoire ne varie qu'au sein de ses épisodes... à chaque époque son alliage divin. Acier pour les temps de guerre. Étain pour les temps de paix. Nous forgeons certes, mais pas sans rien. Pour que nous puissions créer, il faut que l'alphabet des métaux se prête à nos marteaux. Quant à composer une mélodie sur les flots remuants du bruit, c'est une autre histoire... mais vos bardes sont certainement meilleurs conteurs que moi et je cesse là.

    Dîner ? Volontiers !

    Vous y troquerez les menaces d'un amant éconduit contre le coutelas dont Damoclès croyait s'effrayer ; nul autre danger que l'hypothèse d'un siège étranger ne menace en effet la capitale d'un Anjou refusant de se dire français. Je ne peux vous garantir la chaleur des plats servis : trop souvent, la pénurie de bois dont nous souffrons tend à y jeter un froid. La saison est rude et vous seriez avisée de vous vêtir en conséquence. Si toutefois les aléas de notre temps vous en empêchaient, vous n'auriez pas à rougir de votre relative nudité. Tout comme on sut m'offrir chemise, chapeau et autres choses hospitalières, je saurai bien vous habiller pour ce qui reste d'hiver...

    Une glace à briser ?
    Rendez-vous à Angers.

Le Fou.




~~~

Ouverture.

~~~

Angers, capitale des hauts faits et des salons. Dans la forteresse, une ombre de sourire passe sur les lèvres de l'homme qui l'a soumise par les urnes. Une réunion se termine, convocation de conseillers en une après-midi sans éclat. Des moinillons s'éparpillent dans la cour au pas rapide des êtres pressés d'en finir avec la grisaille des premiers jours de mars. Les uns cherchent fourmis et cadavres de scarabée, les autres roulent leur carcasse jusqu'au comptoir des taverniers. Étrange palace. Majestueuses en diable, les tours ducales se contentent du spectacle des nuages noirs sur la Loire tranquille...

Ici, toutes les pièces sont en place.
Une porte grince au gré des courants d'air...


... c'est pourquoi il est nécessaire d'ôter vos parties les plus intimes et de vous grimer ainsi. De surcroît, vous ne prononcerez pas un mot en sa présence et suivrez scrupuleusement nos instructions jusqu'à la fin de la soirée.

Les dimensions de la salle sont données par le rebond de trois respirations sur ses extrémités. Plus qu'une chambre, moins qu'une salle à manger. Un coffre trône au centre et vomit au sol un trésor disparate. Bleu, blanc, noir, écarlate. Toutes sortes de vêtements recouvrent le plancher, dévorent l'espace et se font la malle. Des costumes à en perdre le compte. Il ne faut pas... le perdant est celui qui compte sur ses doigts. Sur une table, réfléchissant les craquements du feu réfugié dans l'âtre, gisent petits ciseaux et tenailles de fer. Plusieurs bougies de cire. Seules ombres au tableau, les silhouettes s'y mouvant, que l'on devine humaines. Mais humaine, l'est-elle vraiment, cette créature velue dont le simple pagne ne fait que souligner l'immensité ? Devant elle, un homme en noir et une femme en blanc. Entre eux, rien que des mots.

La tête du Fou est levée vers le géant à demi nu.
Rien n'est plus délicat que de jauger la parole donnée...


Alors seulement, je considérerai votre dette comme payée.

Mouvement de côté pour laisser place à l'exécutrice d'une énième folie.
Un clin d’œil saute de ses paupières pour gagner l'iris bleuté de sa partenaire.


Il est à vous, chère Cavalière...

Dos totalement tourné à la scène qui va se jouer.
Les oreilles se ferment peu à peu aux cris de douleur qu'elles savent factices.
Pendant qu'on s'escrime derrière lui à faire table rase des attributs virils, le Fou fait quelques pas en direction d'une armoire aussi vieille que les moellons supportant ses pieds fatigués. Retroussés de leurs manches sombres, les bras en ouvrent lentement les battants. Qui va là... un briquet, deux jeux de cartes, trois piécettes, des frusques élimées... les membres inquisiteurs cherchent encore et en retirent bientôt les objets trouvés.

Couronne ou chapeau...
La prise ou le cadeau ?

Les doigts s'attardent sur les coutures du couvre-chef, suivent les rainures de l'étagère et saisissent l'or cisaillé. Pouvoir fait sculpture. Sculpture faite pouvoir. Les grands symboles trompent aussi sûrement que les petits indices semés. Oui, il a changé... le monde. Où va le monde ? Surveiller l'extérieur. Les yeux bruns percent la meurtrière du mur de pierre, scrutent durement les allées et avenues. La chevelure rousse d'une jeune servante de passage les accroche un instant. Nulle part et partout. Certains rêves n'ont plus qu'une couleur... le souvenir ou la fleur.


Plus vite. Elle ne tardera plus.

L'orage tonne au loin, réel ou pure illusion...
Angers, capitale des méfaits et des bas-fonds.
Chimera
~~~

Le cachet qui cachait?

~~~

La flamme a vacillé quand Nolwenn est sortie après avoir transmis le pli. Cholet lascivement accoudée à son bureau se redresse quand elle identifie l'auteur.
Pour tout titre, celui qu'auprès de lui elle avait mérité le moins. Si gracieusement accordé.
Une moue sceptique vient tordre les traits pourtant si souvent paisibles du visage d'albâtre. Trop gracieusement.
Elle parcourt les mots agiles, saisie du caractéristique malaise avide que folie jamais ne manque d'entrainer.
La rousse opte pour l'écriture intuitive, dépourvue des clefs, elle n'a que maigre cure des conséquences diplomatiques du geste, et embrasse de bonne grâce la perspective concrétisée de la pitance à venir.



Citation:
Fou,

    Aujourd'hui comme alors, vous vous jetez dans la gueule du loup sans savoir si elle est ou non pourvue de dents. Lupus entend, cependant, et est bien surpris et honoré qu'une attention si distraite que la sienne vous comble au point que ce qui fut menace semble aujourd'hui salut. Pardonnez, votre aveu ponantais partialement clairvoyant a arraché sourire au prédateur tardigrade. Pieuse confession, puisque l'heure semble aux bigoteries.

    Nous voyons que dans les participants aux débats manque -ou pas- la Guyenne caldéenne. Peut être le mais surviendra-t-il au détour d'un plat au beau milieu du repas.
    Quant à notre présence à la table de l'Alliance, une chose: heureuse victime que l'hôtesse à distance du vaste imbroglio des puissances. De cette cour atypique vous êtes le gardien, et nous les murs qui l'entourent. Il arrive qu'hôte ne soit plus maître en sa demeure, sondez les bardes pour en entendre le récit. Forte de l'expérience immense d'une soirée de contes, nous veillerons sur ceux et celles à qui nos portes sont ouvertes, et qui les passent comme celles d'un havre miraculeusement conquis. D'autres sont chassés par visiteurs oublieux. Courtoise, toujours, nous nous contenterons de leur rappeler prochainement la couleur des bannières qui s'ils ne les voient pas claquent à leurs oreilles, et qui garantissent la paix toute relative de leurs entretiens.

    Etranger peut parfois l'être au sein de sa propre patrie. Le siège paraîtrait presque abstrait. Damoclès à nos heures et malgré nous ces derniers temps -en a-t-il jamais vécu de consentants?- nous sommes intéressée par l'idée d'appliquer à Angers notre expérience d'assiégée. Laboratoire trop peu familier que celui là, bien que bien des nés Dénérés y aient au jour de leur venue vociféré.

    Faire fondre où briser, les moyens sont multiples pour forcer la chose à changer d'état. C'est dans la brutalité du changement que réside toute l'élégance du procédé.
    A vous, l'ami des bizarreries, nous viendrons donc, si de vôtre quotidien givré notre visite peut vous tirer. En bonne patriote idéalement campée, nous tenterons à l'occasion de démêler l'épithète qu'à ma nation vous associez. Fidèle à notre devise, nous n'avons d'autre souhait que de faire la part des choses…

    Masque habille plus sûrement que mille toilettes finement tissées, sans pour autant protéger des rigueurs du temps. De cette contingence nous nous passerons donc, peu friande de ces jeux de dupes qui faisaient autrefois le quotidien d'un Chambellan. Puissiez-vous ne pas à l'avance nourrir d'embarras à la lecture de cet aveu cru. Si de plus nous honorons vostre prévenance, sachez que la femme qui commande aux druides de Breizh sait se satisfaire de la chaleur qu'en l'être la perspective d'un inéluctable printemps insuffle.


Graet e Cholet,
d'ar Sul 4 a viz Meurzh 1460

Chimera de Dénéré-Malines
Dukez Cholet, Baronnez Bubri




Braoum.....
Les azurines se portent vers l'extérieur et l'infini des possibles, scrutant l'ombre à la recherche du rai suivant, oreille tendue vers l'écho qui viendra trahir la proximité du trouble. La rousseur surplombant l'iris se plisse, quand l'esprit se perd en d'hasardeuses circonvolutions, reliant dedans et dehors, ici et là, ce temps et l'autre par de biscornues parallèles.
Courtoise arène que celle qui s'annonce, sans le moindre doute, et c'est dans le plus simple appareil qu'on lui propose d'aller livrer bataille.
Armes nues, armures charnues.


~~~

Contre mauvaise.... bon....

~~~

- Nolwenn, Fais préparer la voiture, nous partons pour Angers.
La blonde hoche la tête et demeure, dans l'attente des consignes qui traditionnellement suivent.
- Voyageons léger.
Elle le revoit lors de son arrivée. Il l'était, nu. A bien des égards.
Elle se prêterait au jeu. Jouet volontaire d'une fortune encore nébuleuse.
Hôte otage.
Le carnaval s'engage….

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Cerdanne
Il est toujours intéressant de rester dans l’ombre. Il est tout aussi intéressant de laisser la lumière vous toucher.
Mais le jeu le plus remarquable est celui du labyrinthe ou chaque pas est source de surprises, de pièges….la forteresse ducale se prête volontiers au jeu.
De salles immenses et vides en cabinets discrets, il lui faudra bien des mois pour la parcourir.
D’où l’attrait pour les pierres sombres et épaisses… Pour ses humbles habitants aussi… bien évidemment…

Mars peut bien s’annoncer à coup de piafs.
Elle n’en fait pas cas.
De lourdes réminiscences de glaces trainent en elle.
Porteuse de folies qui la raniment peu à peu… le tout et son contraire.

Le noir et le blanc…


Impassible, elle observe.
Se prépare tranquillement à la chevauchée.
La préparation du pion est primordiale, capitale...
L’alléger sera chose facile, le rendre lisse, transparent même, aussi. Les azurs fixent sans ciller.

Regard professionnel qui déjà calcule le temps nécessaire pour se débarrasser de l’infâme virilité.
Elle en grimacerait presque la Provençale.

Un tel travail !
Mais elle ne quémandera pas d’aide.
Tel est le contrat. Cavalière solitaire, elle agira à sa guise, efficace et discrète…

L’ombre blanche se déplace, et tourne lentement autour du géant. Le regard se perd un instant sur la table ou reposent les précieux outils…
Il lui faudra utiliser la table comme piédestal.
A présent elle le sait….L’ouvrage est immense et tout outil sera bon à prendre…


Bien….

Les bruns se font velours et pendant une fraction de seconde frôlent harmonieusement ses azurs brillants…

Appliquée, silencieuse, les minutes s’égrènent.
Bercées par le bruit monotone de l’acier.
Egayées par le bruissement soyeux d’un gémissement, d’un craquement de bois plus hardis sous la flamme….


Plus vite, je ne peux…

Perchée sur la table, elle domine à peine la masse docile qu’elle modèle. Les mains douces et fines retiennent un fier menton et s’apprêtent à réduire à néant la source de tant de mots….

Faut-il aussi nous assurer de son silence de manière définitive… ?
_________________
Lemerco
Quel est donc ce sentiment qui parfois nous habite, cette nécessité de demander pardon, ce besoin de repentance puis de rédemption ? Angers, Saumur… villes cruelles pour l’homme désolé. Le pardon marche aux cotés du regret, et le regret aux cotés de la conscience. Car tout est là, ce n’est qu’une question de conscience. D’ailleurs mieux vaut-il vivre avec mauvaise conscience, ou la conscience mauvaise ? L’une cherchera le pardon, l’autre est sans pitié. L’un recherche l’autre personne alors que le second ne vit que pour lui. Les deux se rejoignent dans la malveillance, mais le premier veillera à la rectifier alors que l’autre ne rendra jamais de compte. En fin de compte, sur les eaux troubles de la psyché peut-on voguer entre les deux ? Certains affirmeront qu’il y a plus de plaisir à pardonner qu’à se venger. D’autres diront qu’ils sont sans loi ni maitre. Ironie des mots ou sincérité, mauvaise foi ou foi de mauvaise, Lemerco n’a trouvé aucun apaisement pour son retour en Anjou. Le pardon s’accorde, on ne peut le réclamer. Certaines personnes ne l’accordent pas, et l’ont clamé. Pis encore, on l’a déclamé. A l’homme qui a mauvaise conscience, comment retrouver la paix si ce n’est en arpentant un chemin sur lequel il n’est plus maitre de son destin ? Car qui finalement a tord ou raison, entre les personnes cherchant le pardon, et ceux qui ne l’accordent pas ? Affranchi de sa mauvaise conscience, l’homme torturé s’envolera peut-être plus haut dans le ciel, délesté de ce poids qui ne pouvait que l’écraser contre terre.

La bête hirsute était assise dans une pièce du château d’Angers. Revêtu de ses haillons elle regarde sans grande attention le bazar qui s’étend sur le sol, une palette de couleurs, un florilège de textures, un mélange de matières. Car son ouïe à ce moment fait place prépondérante dans l’utilisation inconsciente de ses cinq sens, à défaut de la vue. Tout n’est qu’une question de circonstance. Au bordel il mettra en avant son toucher, dans une taverne le goût, dans les ruelles la vue, quand on lui parle, l’ouïe.


... c'est pourquoi il est nécessaire d'ôter vos parties les plus intimes et de vous grimer ainsi. De surcroît, vous ne prononcerez pas un mot en sa présence et suivrez scrupuleusement nos instructions jusqu'à la fin de la soirée.


A ces mots, une seule envie, se lever, partir, partir loin, ou bien se lever, en coller une, arracher une tête, puis celle du bourreau. Raser un homme poilu, c’est comme castrer un étalon, fracasser l’instrument d’un troubadour. C’est privé l’être de sa raison, de sa raison d’être, de sa raison de vivre. A raison garder, ou garder sa raison de vivre, peut-on demander pire comme sacrifice ? Finalement il ne broncha pas, et hocha simplement de la tête, un mutisme pesant, alors que la phrase suivante sauva très certainement la tête du Fou.

Alors seulement, je considérerai votre dette comme payée.

Serrant les poings, il maugréa. La dette… il n’était pas grec, encore moins mignon, mais il avait sacrément l’impression de se faire enc… biiiiiiiip… le Lem. Qu’à cela ne tienne, une parole est une parole. Ce n’est qu’une question d’équilibre. Quand une dette s’efface, une autre peut se créer si les échanges sont hasardeux. Il se plie aux règles, et voilà que le bourreau se présente pour faire son office. Une femme, brune, méridionale très certainement.

Le moment fatidique est arrivé…


SCHLING

Première touffe de poils qui tombent comme des enclumes sur le sol. L’ours s’était rendu aveugle pour ne pas voir cela. Et pourtant, il en avait vu des atrocités sur les divers champs de bataille…

SHLING

SHLING

Et re SHLING


Après une profonde inspiration, le dormeur se réveille, la bête devient homme, le noir devient blanc, et une larme monte à l’œil. Les poils, c’était son identité. Plus qu’un nom, plus qu’un titre, les poils, c’était lui. L’homme à poil se retrouvait à poil. Peu de personnes pourraient mesurer la hauteur de se sacrifice. Lemerco fut abandonné par ses parents, en raison de son apparence velue. Il passa une enfance à voler ou travailler dans des endroits peu fréquentables, seuls lieux où les monstruosités étaient tolérées. Plus qu’une virilité, c’est une fatalité. Au fur et à mesure que s’amoncelaient sur le sol les touffes de poil, Lem repensa à toutes ces personnes qui l’avaient accepté tel qu’il était. Même son épouse, ne lui avait pas demandé pareil sacrifice. Et pourtant, elle aurait pu, elle aurait du, duchesse qu’elle était. Comment être mariée à une bête hideuse et velue, alors qu'on est fine et gracieuse ? La laideur… c’est surtout cela que Lem craignait. Passer sa vie à porter un masque biologique, quels étaient les traits qui s’y cachaient derrière ? On ne l’avait jamais vu sans ce masque. L’homme derrière la bête est-il beau ? Ou la nature a-t-elle bien fait d’emmitoufler sous une épaisse couverture une laideur sans nom ? Que de questions qui coutèrent cher aux haillons d'un Lem qui les déchiquetaient des doigts, ces derniers s'affairant à triturer en long en large et en travers la seule masse de tissu recouvrant le corps de l'ursidé.

Il ravala sa larme, se força à sourire. Pourquoi ? Lui-même ne savait pas. Comme Néron, un monstre naissant était peut-être en train de faire son apparition. Ou peut-être que tout le mal qui entourait Lem tombait en même temps que le masque. Le rideau tombe, une moquerie de la Provençale également alors qu’elle tient entre ses mains un instrument bien dangereux…


Faut-il aussi nous assurer de son silence de manière définitive… ?

Eh bien ma belle, seriez-vous tellement en manque de coups de langue animées qu’il vous en faudrait une inerte pour vous satisfaire ?
Cerdanne
Ooohhh…Des mots !

Un geste inconsidérée de sa main suffirait à anéantir tous ses efforts. Hors , elle aime le travail bien fait, et surtout , surtout excelle dans l’art des finitions.
Les détails ! Ma fille ! Les détails !
Un seul accroc un seul manquement et c’est l’appel à l’arnaque.
C’est condamner son chef d’œuvre à finir dans les couloirs de la contrefaçon.

Alors elle attend la décision du maitre d’œuvre et réserve son avis, son envie pour plus tard…

Les doigts fins ne tremblent pas, la lame glisse une nième fois sur la peau nue et s’immobilise devant sa dernière découverte.
Une voie sacrée aux reflets bleuâtres, chaude, palpitante, posée là, le long du cou et qui s’offre à elle…
Comment résister à l’envie de saisir la vie qui bat…
Impossible…

Il est tout en émotion, ce large couloir qui distribue la vie entre tête et corps.
Et il en dit des choses, aux doigts fins de la Provençale.

Les prunelles agrandies par la curiosité, elle cherche l’endroit propice à la découpe, bien tendre, bien large.
Le trouve et s’y arrête.

Regard qui remonte vers le pion révélé..
Sourire satisfait.

Parfait ! …

Tête qui se penche, cheveux bruns qui caressent des joues de chérubin. Doux murmures à l’oreille du nouveau-né.

Mon chat aime le mou…C’est lui qui serait content….
_________________
Edern
Tombera, tombera pas... tombera. Une pluie d'éther verse déjà ses gouttes devant les yeux fermés du Fou, fin rideau de larmes à sécher au cours des évènements. Le filet noué des sons entrechoqués retient l'esprit dans ses mailles, diamant résistant à toute fuite en avant. La grille le serre et le resserre jusqu'à ce que l'univers ne présente plus que deux visages, deux faces grimaçantes pour une même entité. Le calme avant la tempête... le calme dans la tempête. L’œil immobile contemple la tourmente qui charrie les débris des phrases prises à la légère.

Réponse de travers...
La scène s'éclaire.

Masque dédaigné, jeu non dupé. L'annonce ne manque pas de sel. Si Guérande n'est guère loin, elle en appelle à d'autres grains. Simple contingence ? Absolue nécessité qu'aucune fonction officielle ne saurait cacher. Le chambellan au quotidien n'invente rien. Un simulacre l'a précédé et lui survivra, souche première que le hasard bourgeonne des aléas de l'existence. Cartes sur table et personnages renversants... rois fainéants, reines batailleuses et valets rassemblés en une même élite ravageuse. Chaque brêle attend son heure. Dansons la valse, mais à mille temps.

Lupus...

Le loup n'est qu'un masque parmi d'autres, une tache noire sous la plume.
La faim de toute chose, un long cri au creux de la lune.
Menace répétée de l'animal domestiqué...
Allons... comme une envie de moutons.

Soulevant les paupières relâchées, le regard revient au monde qui l'a vu naître. Un étrange duo s'y promène, assez insolite pour réaliser la mission assignée. Les yeux bruns inspectent le spectacle des pièces mouvantes et le sol jonché des touffes abandonnées. Un coup de plus. La suite, à présent...


La Belle et la Bête entrelacées, comme c'est touchant.

Le rasoir de la première tient le fil de la seconde... massacrons-nous gaiement.
Quelques pas en direction de la couturière et un chuchotis en guise de prière.


Ne soufflez pas trop vite sa flamme... le jeu en vaut la chandelle.

Effleurant son bras armé, le Fou dépasse la froide faucheuse pour s'agenouiller au-dessus de la pile de vêtements multicolore. Il y enfonce les bras, remue rapidement les identités. Des affaires nues de tout symbole... là, une tenue parcourue du fameux lys doré. D'azur aux brodures de gueule, elle accompagnera parfaitement le grand rôle de laquais du palais. Le moment est venu de le mettre au parfum...

Vous trouverez un bain dans la pièce d'à côté... puis de l'Anjou vous prendrez la livrée.

Il rit à cette phrase, à son retour dans la conscience en éveil. La tournure est sienne. Les mots ont dépassé leur maîtresse pour se trouver un nouvel élève. Il l'a déjà en bouche... mais elle ? Le rire s'éloigne et se perd dans un sourire effacé. La parole est à la défense, à l'eunuque fraîchement créé. Levant avec lui l'accoutrement à enfiler, le maître des lieux interpelle une nouvelle fois le premier de ses invités.

Autre corps, autre nom !

Observons le monstre breton avec attention...
Chaque écueil conduit au baptême d'un nouveau sillage.
Plonger, ricocher au passage et faire un tremplin d'une cage.


Lequel voulez-vous vous donner ?

Entendez les tambours rouler...
Le passé velu est révolu.
Lemerco
Quand la vie ne tient qu’à un fil, le fil a menti sur son épaisseur. Le poil et le fil, et la vie ne tient plus que sur un poil. Le fil contre le poil, ou la promesse d’une bataille sur un sillon vermeil. Une guerre de tranchée pour un combat de trancher. Trancher le poil et taillerdans le vif, la chair n’est plus qu’un amas de fils, mince frontière entre la vie et la mort. Un geste, un seul, et c’est la mer rouge qui s’étend à nos pieds. L’exode d’une vie, une traversée entre Styx et mare de sang, une marche sur l’eau, une transfiguration de l’existence en néant. Un murmure lointain, appel de Dieu ou voix de femme, alors que tonne en fracas un pouls militaire…

Citation:
Mon chat aime le mou…C’est lui qui serait content….


Sourire. Le visage se fend en deux comme la mer rouge engloutissant les impis. Facétie de l’esprit, jeu des mots, le commandement sort dix mots pour une plaie non encore béante. Il y a quelque chose de solennel dans ce murmure, ou bien est-ce le soufle sur la chair mise à nu qui est si agréable?

Si votre minou préfère le mou, cherchez plus vieux alors.

Petit rire qui resserre par intermittences la lame et la chair. Elle s’enfonce sans couper. Et pourtant, il y aurait matière. Etrange sentiment que celui-ci. La Provence et ses incendies, la brune et la flamme dans ses yeux. Entre amour et violence, le feu attise le désir. Le fou serait la raison de l’autre coté du miroir cendré ?

Citation:
La Belle et la Bête entrelacées, comme c'est touchant.


Rictus. Nulle personne ici n’était la belle. La belle est touchante et gracieuse. Les bêtes blessantes, et monstrueuses. L’une tient le couperet, l’autre arbore ses immondices. Le juge est un monstre, l’accusé est une horreur. Le gris n’existe plus quand la justice est blanche. A l’aveugle nous avançons, le jugement dernier n’est plus qu’un brouillard qui mène à la punition. Pourtant le couperet s’éloigne, et c’est un soulagement qui relâche les muscles tendus de la bête numérotée 1. Le fou donne raison aux fous, écarte le fil de la chair, redonne de la vie à la mort. Le regard se pose de nouveau sur les vêtements jonchant le sol. Une première mue s’est opérée, le serpent doit encore porter une nouvelle peau.

Citation:
Vous trouverez un bain dans la pièce d'à côté... puis de l'Anjou vous prendrez la livrée.


Un rire… peut-on rire quand on devient un joker ? Un bain… N’est-on pas lavé, quand on a perdu ce que l’on porte sur soi ? Lemerco se lève, le regard voilé. Etrange sensation, un sentiment d’accompli, un sentiment de vide également. « Le poil repoussera. Alors jouis de ce rôle qui n’est pas une vie ». Le regard flou se transforme. La détermination apparaît, une lueur irradie ses pupilles.

Citation:
Autre corps, autre nom !


Ainsi donc, le nouveau né devait se trouver son propre nom. L’enfant jeté dans un monde qui lui est inconnu et hostile peut compter sur la parenté pour être nommé. Douce protection que le nom. Ou vile malédiction qui s’abat sur la progéniture engendrée. Une ombre se dessine, il ne la reconnaît point. Touffue était-elle avant, lisse est-elle dorénavant.

Citation:
Lequel voulez-vous vous donner ?


Nul tambour, nulle charge glorieuse, nulle joie dithyrambique, le démiurge apparaît, sa césure est visible, la dichotomie converge vers sa limite. Homme aux deux visages, dans une pièce aux allures de tragi-comédie. Deux styles, deux visages, deux hommes, l’un sourit, l’autre pleure…

Janus

Le Dieu aux deux visages, l’homme qui garde la porte… Il se lève en grand bruit, puis étira sa nuque tout en la frottant. Il attrapa d’un air faussement dédaigneux et nonchalant les vêtement que tenait en sa main le cerveau de l’opération. Janus… entre colère et amusement, l’homme se meut vert le bain. La porte est franchie, l’homme qui vient de naitre tombe ce qui lui reste de vêtements et s’engouffre dans l’eau. La porte est franchie, mais demeure ouverte. L’aller et le retour, la vie première, et la seconde vie. Les irritations piquent, il n’en est que plus vivant. Immersion aux allures de baptême, par trois fois le plongeur touche le fond. Puis sortant la tête hors du fluide de vie, il s’adressa aux deux personnes qui créèrent le beau monstre naissant.

Pouvez-vous maintenant me dire ce que je vais devoir faire ? Quelle tache nécessite pareil sacrifice ?

Puis la nature revient, le printemps passe toujours balayer l’hiver.

Et puis-je compter sur le bourreau pour me laver ? Après tout, il serait injuste qu’elle soit la seule à s’amuser.

Puis il penche la tête vers le bas. Les eaux du bain reflètent un visage qui lui est inconnu. Il ne savait s’il devait le détailler. La curiosité prit la place à la crainte. La contemplation prit la place à la curiosité. Puis vint le temps de la fascination. Narcisse, prend garde, ton reflet est ton pire ennemi.

Ainsi, je ressemble ca…
Cerdanne
Les pupilles bleues se figent sur les derniers sursauts de ce qui n’est plus qu’un souvenir posé en tas autour d’eux.
Pour s’agrandir amusée sous les mots qui veulent prolonger la bataille. Ainsi les lèvres révélées par ses soins minutieux se révolteraient…
L’esprit de rébellion tiendrait encore dans quelques malheureux poils oubliés ?
L’inspection se poursuit et la lame assassine repère les dernières barricades.
Hirsutes, à peine dissimulées sous le menton fier. Juste posées là, tout près de du fil bleutée.
Une erreur que d’avoir relevé la tête vers la cavalière. D’un geste précis les dernières forces sont couchées à même la peau.
Le sourire figé sur la douce palpitation, elle hésite…

La bataille n’aura pas lieu.

D’autres mots l’interpellent et sur le damier, le Fou reprend sa place d’une main légère.

Temps mort.

Le jeu, elle le sait, réclame attention et fine préparation.
Exécutrice, c’est ce qu’elle est, exécutrice c’est ce qu’elle doit rester.
Une pointe de nostalgie tout de même tandis que le nouveau né prend vie….loin de ses doigts, loin de sa lame…

Les outils sont méticuleusement nettoyés, et regagnent leur place.
Bien à plat sur l’étal.
Prêts à resservir à la moindre injonction.

Le regard rendu à ses glaces, la Provençale, les laisse à leur chiffons colorés et regagne l’ombre d’un vestiaire improvisé.
Dos au mur, elle laisse la pierre apaiser l’envie de danser la suite du ballet. Les écoute distraitement organiser les prochains pas.

Moderato cantabile*.

Un dernier regard professionnel accompagne la silhouette qui d’un pas trainant s’en va vers son baptême.
Tache d’azur et de gueule l’accompagnent pour l’ultime rituel.

Amen.

Première tache accomplie, première tache bien remplie.
La silhouette blanche quitte le bord de touche pour incliner dans un demi-sourire sa tête vers le chef d’orchestre.


Bon choix…

Par la porte restée béante, elle suit amusée l’immersion et la transformation.
Les mots eux ne peuvent s’empêcher de chercher querelle avant de s’ébahir devant leur nouvel interprète.
La brune, elle, en quelques pas a rejoint le miroir tremblotant.

Penchée, elle fixe l’envers avant de laisser son regard revenir sur l’endroit…


« Ça » vaut bien une danse…
Hâtez vous, Janus.
Nous n’avons plus le temps pour les coquetteries.
Le festin n’attend pas.


*Indication musicale signifiant qu'il faut jouer un morceau dans un mouvement modéré.
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Chimera
~~~~~~

Cahots.... avant cachots?

~~~~~~

La route est brève. Fort heureusement, car les idées elles, non cantonnées par les sillons terrestres, vont bon train.
En avant grisant.

C'est parti.
Nolwenn,à genoux sur la banquette de la voiture, s'échine à braver les secousses pour parer la rousse chevelure d'une plume de faisan taquine. Touche finale, pavillon moqueur au sommet d'un mat classieux sobrement vêtu.
La poupée de suivante, comme elle se plait à se nommer tant elle se sent jouet parfois entre les doigts experts en raffinement, resserre autour de son cou l'hermine immaculée qui borde son manteau. Vent frais...
Qui s'apaise soudain, passé comme en courant.
Tonnerre de sabots piaffants, et Ifig tout fiérot de presque rempiler dans son rôle de héraut du Chimbellan claironne, torse bombé et voix aussi posée que la mue du moment le lui permet, l'arrivée de la duchesse de Cholet.

En bonne poupée, elle lisse l'étoffe de sa tenue, considérant toute la dramatique et symbolique étendue du moindre froissement. Il est de plus bien connu que si l'habit ne fait pas le moine, le pli fait âne.

Les azurines se posent sur Nolwenn. La dukez n'est pas très à l'aise.
Faut-il être fou pour chercher la compagnie potentiellement vengeresse de l'humilié... Chimera, quoi qu'on en dise, a des affinités avec la témérité.

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Chimera
    "Un instant de patience est déjà une victoire"


Combien de guerres avait-elle gagné sans un doigt lever, ce jour? Rhuys pourrait remballer noires armures, épées longues et destriers dragonesques! Les lèvres s'étirent en un sourire, que Nolwenn appréhende avec effroi, jetant un coup d'oeil inquiet au soleil taquin, avec l'air presque de l'accuser de comploter avec l'angevin lambin, œuvrant insidieusement à la folie de sa pauvre maîtresse. Rousseur oblige, la duchesse est sensible. Blonde suivante s'agite, d'un pied sur l'autre, à l'agonie de ne voir aucun mot se former sur les lèvres purpurines, ne fut-ce que "chaud", "soif", "ombre", une syllabe ou deux, ordre de mission salutaire, plus pour l'asservie que la servie, qui semble tout à fait contente de sa condition de quasi-rôtie.
Quasi.
Tout est relatif, chez la rousseur. Le temps n'est pourtant pas si clément, ce jour. Doux euphémisme. Mais blonde et rousse savent d'expérience qu'entre les plus noirs nuages peuvent percer des rais qui vous feraient rosir le plus blanc des pétales. Il est comme les hommes, le temps, au final. Souvent ce qu'il n'est pas. Acteur insidieux...

Impassible, si ce n'est les zygomatiques, la duchesse voit s'égrener les minutes sur la matrice lumineuse paisible. Grisouillante, la matrice. L'ombre de cette tourelle ne tient pas en place, voilà trois minutes, ce pavé là connaissait encore la caresse du jour. Le voilà désormais plongé, et ce jusqu'au matin, si Mère le souhaite, dans une pénombre jalouse, victorieuse, et condamnée. Encore un peu, et la sombre rampante viendra lécher le velours léger.

La plume dans sa chevelure lovée vient servir à l'éventer. Aisé de se douter que l'action se veut plus distraction qu'aération. Elle s'en défait, donc. Effeuillage, la voilà privée de son plumage-camouflage.
Ainsi à jour, Cholet!
Rumine.
En toute élégance.
Si le vin se bonifie avec le temps, les mets eux...
Buffet froid. Vengeance est-elle donc au menu?

Se penchant vers Nolwenn, elle souffle:

- Faudra-t-il que je chante, tu crois? Une chose est sûre, c'est que je lui conterai, mille fois et tout autant dans l'autre sens, les mélodies de la maison de Buchet.

Boum.
Boum.
Boum.
Voilà comme un coeur sonne et annonce l'entrée des acteurs. Il y fait écho, même, histoire qu'à l'intérieur tout soit convaincu;
Scène d'exposition.
C'est bon, non?

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Edern
Cène d'exposition.
C'est bon, trop bon...

~~~

Il s'est isolé à côté, assis sur le plancher.
Paupières mi-closes, sens suspendus.
Sauf l'ouïe qui tient à veiller...
Elle ne tardera plus.

Boum.
Elle...
Boum.
Est...
Boum.
Là.

Les yeux s'ouvrent en grand, repoussent les limites de leurs orbites.
Oreilles vrillées au son des vibrations de la porte est.
Le Fou se met debout d'un geste adroit...
La foudre a frappé trois fois.


EN PLACE !

Tremblement de verre. La gorge encore fumante est suivie des membres ébranlés par l'écho du rugissement. En place ! Les jambes font bientôt mouvement. Entrées et sorties se précipitent sous ses pas pressés, parquets et carreaux forment une seule ligne de fuite éperdue vers l'avant des galeries, couloir, chambre, couloir, escalier, antichambre, salle de réception, porte dérobée, cuisine... cuisine. Instructions ?

Dressez verres et napperons, tous les couverts en position !

Course folle est reprise au mépris des questions fusant à son approche. Il est reparti. Le Fou est lancé et l'esprit vogue partout, clouant ses traits aux murs qui verront, attentifs mais silencieux, le début de la représentation. La table est déjà mise en imagination... chef-d’œuvre, plat et désert, curieux menu d'un repas qu'on n'oubliera pas. En place ! On se bouscule dans les travées. Sont-elles obstruées par tel ou tel importun, négligeable valetaille dont les pieds traînent plus lentement qu'un troupeau de veaux unijambistes ? Un bond et le duc ricoche sur la surface de la roche à traverser. Il jette phrases et messages au hasard des corps survolés, ne s'arrête que pour asséner des coups d’œil à ceux qui le peuvent supporter...

Janus en arrière, Cavalière parée !

Dévalement de marches par quatre, six ou douze, nouvelle secousse contre l'impudente poterne qui a cru pouvoir lui barrer le chemin. Il se délivre du logis pour mieux filer dans la cour. Un groupe de soldats rejoint son sillage dans un cliquetis de mailles étonnées. Qu'y a-t-il besoin de cette force-là pour prouver quoi que ce soit... occupons-les. Il se retourne vers eux, réajuste son précieux couvre-chef avant de siffler un murmure de ce ton conspirateur qu'a en horreur sa garde rapprochée.

Aucun homme à l'étage. Un verrou à chaque issue. Tuez tous ceux qui sortiront avant moi... non, je plaisante. Mouahaha !

Cap est mis sur le pont-levis du château, sur la passerelle dont le grand navire de pierre défie l'eau du fleuve contrarié. D'autres gens d'armes gardent le passage convoité. Ils se sont pliés à ses ordres sans comprendre. Personne n'ouvre la porte. Nul autre que lui n'a le droit de céder l'écoutille aux naufrageuses. Ah, le feu de joie que ce sera ! On n'échoue pas en Anjou pour se contenter de petit bois. Oh non. Comme un air de croisade sur le pont...

D'un mot, flambons.

Toutes ses forces sont mises à tirer les battants. Le chêne éventré hurle sa douleur d'un interminable grincement.
Aussi joueuse qu'à l'accoutumée, sa silhouette le précède et s'étire à la pâle lumière des pavés libérés.
Puis le Fou se fend d'une révérence que les plus grands rois ne mériteraient pas...
La tête couronnée se relève lentement, ornée d'une fausse majesté.


Bienvenue à Angers, dame de mes pensées.

C'est l'histoire d'un rêve répété mille fois, jour à jour, moi à moi... les deux années écoulées n'ont pas asséché le cours de sa mémoire, appellent au complètement de ce qui n'a pas trouvé d'achèvement. Non, rien n'a changé. L'hôte contemple son hôtesse et le regard brun ne se gêne pas pour ajouter quelques détails au portrait depuis longtemps esquissé de celle qui l'a jadis piégé dans ses filets. Il furète le long de la blancheur exposée, s'amuse de la mise du manteau et de la simplicité de l'arrivée. La mâture enfin, couleur d'une chevelure à laquelle il ne peut mettre fin... les derniers rayons d'un astre convulsif embrasent les voiles rouges du vaisseau incendiaire, l'auréolant de fils brûlants. Déesse ou suppliciée ?

Il est arrivé faible, elle est venue forte...
Elle avait pour arme la surprise, il a pour lui le décor.

Que faut-il attendre de la confrontation ? Rien d'autre que l'improviste, malgré la préparation de la piste. Tout commence maintenant. Si l'attention est toute entière tournée vers la rousse chimère, un doigt échappe à la vigilance de son maître aimant et s'agite sous le nez de l'être blond dont il veut faire l'abandon.


La main tendue ne s'étend pas aux gallinacés... faut-il lui trouver un quignon à picorer ou le grand air lui suffira-t-il comme poulailler ?

Et de proposer alors, reculant dans l'ombre des remparts, étrangement rieur, son bras levé à la sonneuse de cœur.
Chimera
La modification.
Un voyage dont l'oreille, tendue vers les mouvements du silence, capterait presque le parcours. L'obscurité mouvante à ses pieds semble ligne d'arrivée bienvenue. Quand la conclusion se fait commencement, c'est qu'il est temps. A-t-il lui-même de ses bras vaillants terrassé le dragon temps qui en son donjon le maintenait captif? Elle fait entorse aux mots des sages en saluant peu importe le chemin, seul compte la destination. Voilà lui et elle par la plume engagés, là.

Hic.
Nunc.

Le ducal nez fait au mieux pour s'éviter des plis, et préfère attribuer le salut de la buse à un gout pour la rime plus que pour la ruse.
Puisque le tout n'est qu'histoire d'inclination, elle accède en le gratifiant - quand femme consent au salut... - d'un signe de tête élégant. Chancelier couronné doublement donc salué:


- Votre Grâcieuse Excellence, demat.

Parfois, la polysémie l'ennuie. L'ami est comme alors paré d'un habit de mystère, mais à celui là l'autre elle préfère, la méfiance était plus aisée. Là, vêtu des attributs de ses offices, il porte mille intentions qu'elles n'a pas eu coutume de lui prêter.
Les montures de leur harnais sont soulagées, et elle se prend à souhaiter que l'animal courtois lui faisant désormais face bénéficie du même traitement. A nu! C'est non pas un mais dessein, qu'elle saurait et voudrait voir.

La voilà soudain happée, courtoisement menée, par l'obscur et lumineux châtelain. A-t-on déjà vu plus docile otage de l'hôte aux étages?
C'est l'heure de l'entrée... et le Fou dispense ses consignes, attribuant à chacun le met qui lui sera réservé.
Au blond tapisserie si dé-nu-é qu'il l'est aussi d'intérêt, elle n'accorde qu'un regard bref, malgré la lancinante attention que sa dénomination semble encourager. Rhétorique-rescousse


- Je n'ose vous rappeler que la nuit tombant, c'est perchées que vont les pondeuses. Les coutumes d'Anjou m'échappent peut-être, mais c'est en pourvoyant à l'élévation de ses cocottes que Breizh assure à ses gens des lendemains sans faim. Pour ce qui est du pain de ce qui alimente, ma foi...

Pull! Elle est bien locace...
Quelle idée, rousse écervelée, de lancer ainsi des idées d'en l'air.


- Oh j'oubliais. J'ai pour vous un présent.

Pour assurer, peut-être, l'avenir, le souvenir faisan est tendu vers l'accueillant, accompagné d'un sourire engageant.
Main sur bras, main vers main. S'il s'y prête, on gagerait qu'ils danseraient.
Qu'on se le chante, Chimera joue plumes sur table.

_________________
Cerdanne
Dépouillement..Découpage…Distribution…

Drap tendu au nouveau né sorti des eaux, lui laisser encore quelques minutes pour qu’il achève sa transformation.
Mais pas plus .


Allons Janus…Pressez vous donc un peu.

Observant d’un œil froid la vêture au couleur de l’Anjou qui prend vie. Les doigts agacés de la jeune femme sont déjà sur l’ouvrage.
Resserrant un lien, lissant le gilet, époussetant une épaule.



Asseyez vous là…que je puisse vous coiffer convenablement.
Un bandeau entre ses deux doigts se balance devant elle.
Œil droit ? Œil Gauche ? Je vous laisse faire votre choix…
Rapide le choix je vous prie.


Les éclats de voix d'un Duc furieux ébranlent les figurines ; les mouvements soigneusement désordonnés allument…éteignent à leur suite ;
le grand chambardement est là, enfin.

Ne pas se laisser distraire par l’agitation qui grandit.
Le regard se plisse et scrute Janus qui tarde à faire peau neuve.


Champ -Contre champ…

Venez Janus.

La grande salle est balayée par les azurs, lentement, méticuleusement. Et la voix claque, avare de mots mais terriblement précise.
Les figurines s’agitent et les flammes dans l’âtre montent haut. .
Trop haut. Les murs sombres reculent.

Un regard et les flammes dans la cheminée deviennent flammèches dociles sous un tapis de braises rouges.
Les gestes accompagnent la parole.
Figurines qui glissent d’un carreau à l’autre et assemblent le décor.

Un doigt levé et les trophées des somptueuses chasses s’animent sous les chandelles. Les bois tortueux des cerfs se dressent et sortent des murs.
Une main s’agite et les armures imposantes, armes au poing, s’avancent vers les portes, gardiens muets du festin qui s’annonce.

Le festin…

Les couverts brillent, les verres brillent, son regard brille.



Répétition…


Les cuisines, pour un dernier contrôle.

Janus !
Le regard invite le serviteur muet, l’ombre fidèle de ses pas.

Suivez-moi.
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