--Carmena.
Enfin, elle arriva à l'église. Elle grimpa le plus vite possible les marches jusqu'au parvis. Une fois là, elle reprit son souffle, c'est qu'elle n'avait pas l'habitude de marcher aussi vite, et puis, il faisait froid.
Elle regarda autour d'elle, hésita. La joie de revoir celle qu'elle appelait "son petit roudoudou doré" la transportait. Mais, elle était aussi en colère et elle marmonna, tout en poussant la lourde porte de l'église:
- Une bon' fille doit présenter son promis...el' va m'entendre...
L'église, Carmena y allait très rarement, elle n'était pas dévote et disait à qui voulait l'entendre qu'elle s'arrangerait avec Aristote le jour de sa mort, et elle ajoutait "d'façon, ça s'ra pas pir' au purgatoire qu'ici-bas!!"
Elle sut que la cérémonie avait commencé, en saisissant les derniers mots du curé:
Citation:
...futurs mariés. Nous serons aujourd'hui tous témoins de leur union, mais vous en serez les légitimes. J'appelle donc Gribouille et Sylvak à se rapprocher.
Il y avait foule, même dans les derniers rangs, il n'y avait plus de place. Mais Carmena n'était pas femme à abandonner, et puis, elle devait être auprès de sa fille, elle savait que la mariée, forcément, était devant.
Afin de ne pas se faire trop remarquer, on a tout de même sa dignité, elle ne remonta pas jusqu'aux premiers rangs par l'allée centrale, mais par la contre-allée. De temps en temps, elle s'arrêtait et se hissait sur la pointe des pieds pour tenter d'apercevoir son enfant.
Arrivée, au niveau des premiers rangs, elle s'arrêta, regarda de nouveau et elle la vit enfin. Un sourire rapide passa sur son visage bougon, et elle entreprit de trouver une place. Sans vergogne, elle bouscula quelques personnes, écrasant les pieds d'un gros messire:
- s'cusez moi...on a pô idée d'êt' aussi gros aussi...
Elle reconnut le médicastre du village, on disait qu' elle venait se fournir en corps pour ses expériences dans les quartiers pauvres de Fécamp. Il est vrai qu'elle l'avait aperçue de temps en temps.
- Ca rapporte la médecine, on dirait, z'avez une ben jolie houp'lande..., lui lança-telle à voix basse.
Elle reconnut ensuite la mairesse, ça tombait bien, elle allait lui causer du pays, et du blé trop cher et des taxes...Jouant des coudes, elle se rapprochait, ignorant les murmures de protestation. Après tout c'est sa fille qu'elle mariait aujourd'hui.