Cini qui ne dormait plus depuis qu'elle avait dit à son époux qu'elle le quittait. Avant de sortir de sa maisonnette, elle avait été embrasser sa fille alors que celle-ci dormait encore dans son lit douillet. Elle voulait aller voir son époux, pour discuter avec lui de leur séparation, parler des enfants. Elle prépara avant le petit déjeuner, et griffonna quelques mots afin de prévenir Pouikie de son absence matinale.
Une fois fait, elle prit le chemin de la cabane qui n'était pas très éloignée de la maisonnette. Ses pensées s'entrechoquaient, ressassant sans cesse certains mots qu'il lui avait dit, depuis qu'ils étaient séparés. Elle avait malgré tout le sourire car elle allait pouvoir embrasser et serrer dans ses bras son fils. Elle marchait à grandes enjambées, la démarche garçonnière.
Qu'elle ne fut pas sa stupeur lorsqu'elle arriva au pied de la cabane. Elle vit alors son époux allongé dans lherbe mouillée par la rosée, tête nue, bouche ouverte et crispée, les yeux grands ouverts et rougis, le visage marqué par la douleur qui dut être la sienne lorsque celui-ci avait enfoncé la dague qui transperçait encore sa gorge.
Sa première réaction fut alors de crier longuement, un cri strident, un cri de douleur sagenouillant en même temps dans lherbe devant le corps de Lei étendu sur le lit vert où la nature le berçait chaudement. Les larmes vinrent ensuite inonder ses yeux puis son visage coulant à grand flot. Certes, elle avait souhaité se séparer de lui mais continuer à éprouver de lamour lui, lui le père adoptif de Pouikie et le père dAndrás, enfant quils avaient tout deux désirés plus que tout.
Quelques instants passés, elle eut comme réflexe, de sa main de fermer ses yeux restés ouverts, caressant tout doucement son visage et plus précisément ses paupières. Une fois closes et la froideur matinale la glaçant, elle reposa sa tête sur lherbe et ne pouvant pas supporter de voir cette dague plantée de la sorte, la retira doucement la posant à ses côtés.
Elle défit sa cape et la posa sur lui, cachant sa gorge comme il faut au cas où quiconque passerait par là.
Elle rentra à la maisonnette pour revenir ensuite. Elle attela la charrette au cheval que Lei utilisait régulièrement puis une fois la chose faite, prit la direction de la cabane. Elle avait pris soin de ne pas faire trop de bruit. Le cheval avait point lhabitude delle donc hennissait quelque peu. Par chance, Pouikie nétait pas réveillée.
Elle accrocha la monture de son époux, et porta son corps froid, raidit par le sommeil irréversible de celui-ci dans la charrette. Une fois son corps recouvert de la cape, elle prit la route direction la maisonnette. Elle marchait tête basse, mettre un pas devant lautre nétant point chose aisée.
Arrivée à la maison, elle accrocha le cheval à lanneau en fer prévu à cet effet, et rentra chez elle. Sa fille nétant point en bas, attablée en train de prendre son petit-déjeuner, elle en déduisit alors quelle dormait encore. Elle prit donc le trousseau de clés qui traînait sur la table et monta à létage. Elle glissa la bonne clef dans la serrure de la porte de la chambre de Pouikie et ferma à clef celle-ci. Une fois fait, elle descendit et ne traîna pas un instant, elle sortit donc dehors et porta le corps de son défunt mari dans ses bras, le montant non sans peine, grimaçant de-ci-de-là jusquà leur chambre, le déposant sur leur lit conjugal. Elle glissa une couverture sous sa tête et nuque, puis déposa un baiser sur le front de son époux. Cest alors quelle entendit du bruit dans la chambre à côté, Pouikie parlait alors à ses poissons rouges. Elle était donc réveillée.
Une dure journée qui avait commencé plus tôt devait alors se poursuivre
Cini ferma à clef sa chambre et redescendit vite fait avant déveiller des soupçons chez sa fille. Avant quelle ne redescende lescalier, elle entendit des pleurs. Ni une ni deux, elle bondit dans la chambre dAndrás et vit celui-ci dans son lit. Elle le prit dans ses bras, le couvrit de doux baisers, le berça contre elle et se rendit dans la cuisine afin dy accueillir Pouikie et faire comme si de rien nétait. Dur donc. Lei était donc venu coucher leur fils auprès delle avant de commettre son geste irréparable.
[Quelques heures plus tard en taverne]
Elle poussa la porte de la taverne tant bien que mal et salua ses amis. Ses mots tournaient dans sa bouche, comment leur dire quil
que
Elle finit par leur annoncer. Elle ne sépancha pas beaucoup sur la chose, préférant garder les choses pour elle, culpabilisant plus que jamais. Elle était choquée par ce quelle avait vu mais tenta de ne pas le montrer.
Pouikie arriva ensuite très rapidement en taverne, pas le temps de cogiter de trop. Lannonce eut un effet fracassant sur la jeune fille, elle voulait son papa, ce qui était bien légitime. Elle savait dorénavant que celui-ci était parti au ciel et quil veillait sur elle et son petit frère, aux côtés dAristote. Cini la serra fort contre elle, essuya ses larmes, la consolant et la couvrant de baisers. Puis ne voulant pas négliger András, elle quitta la taverne, laissant sa fille à ses amis présents en taverne.
[Seule, le masque tombe]
Sortie, elle se permit ensuite de laisser le masque de la mère de famille quelle est pour quelques instants, pour laisser place à la veuve Krisztina des Oréades. Elle craqua donc, mais quune fois seule et chez elle. Les autres ne la comprendraient certainement pas pensait-elle, elle qui lavait quitté trois jours plutôt. Certes, elle sétait séparée de lui, mais ce nest pas pour autant que les sentiments nétaient plus là. Elle était dailleurs meurtrie au fond delle par le comportement de certains, qui ne voyaient que ce quils voulaient bien voir ou entendre. La séparation avait créé chez Lei, une incompréhension, une colère, un désarroi des plus légitime, mais elle ne pensait point quil en arriverait là.
Fallait donc faire avec dorénavant, elle monta dans la chambre où il reposait désormais. Elle alluma plusieurs bougies et ferma les volets. Peut-être que certains amis voudraient venir le veiller un peu, le saluer une dernière fois et prier pour lui. Mais avant il fallait lhabiller mieux que cela, retirer le sang qui avait coulé en le lavant et surtout cacher lentaille. Ce quelle fit non sans mal, lui passant les habits quil portait le jour de leur mariage après avoir nettoyé ce qui devait lêtre.
Lei était donc endormis profondément, allongé sur leur lit. Elle le regardait assise sur sa chaise, les larmes coulant sur ses joues. Leur histoire était donc finie de manière tragique. Il lui fallait dés à présent prendre contact avec Verty, afin de voir ce quil est possible de faire religieusement pour son défunt époux, lui le diacre de Sancerre. Elle se leva et déposa ses lèvres sur les siennes et les embrassa une dernière fois avant de quitter la chambre, quelle prit soin de fermer à clef.
Elle viendrait désormais le revoir que tard dans la soirée, après que Pouikie et András ce soit endormie, le veiller et prier pour lui.