Hasur
[ De Forcalquier à Varenne ]
L'azur et le soleil...
Si belle allégorie de ce que Yseault était pour Hasur. Une soeur pour une frère. Son petit rayon de soleil, ce bel ange aux cheveux blond comme les blés.
Hasur avait quitté Valence, il y a quelques semaines, pour se rendre à Forcalquier et finaliser l'obtention d'un héritage.
Les récents événements n'avait pas épargnés sa soeur, Yse, qui avait eût à subir à Troyes la vilénie d'un dénommé Matis, un noble qui sans vergogne avait usé des pires moyens pour empêcher le petit ange de l'éconduire, tentant même de la faire enlever contre sa volonté, à Valence, pour la forcer au mariage. Cette nuit là, lorsque les ravisseurs, pour perpétrer cet acte, avaient pénétrés à la faveur de l'obscurité le domaine de la famille des Sombre-Lune où Hasur, Yse, et Johan leur frère travaillaient à la métairie de cette famille. Ils avaient blessé Hasur qui fut assommé furtivement, le laissant inconscient et handicapé d'une hémiplégie provisoire.
Emportant Yseault avec eux, ils le laissèrent pour mort, et dans l'incapacité d'aller secourir sa soeur, il dû malgré lui rester alité, laissant son ami Kain s'occuper d'aller la chercher. Kain était le fils unique du maitre du domaine, et ce fervent ami avait tissé des liens amicaux forts, prenant Yse sous son aile telle une petite soeur. Il ne manqua pas à sa parole et rapidement la rallia, les événements tournèrent à la faveur d'Yseault, étant parvenu à s'enfuir en atteignant Troyes, et se mit à l'abri en dépit des vains efforts de Matis.
Pendant ce temps Hasur garda un lien épistolaire lors de sa lente convalescence, envoyant lettre sur lettre à Kain pour s'enquérir de la santé du petit ange, son petit ange, cette soeur à laquelle il vouait un indéfectible amour, d'autant plus fort et protecteur depuis la mort de leurs parents, se montrant tutélaire avec elle, à l'instar d'un père. Mais il n'eût de cesse de penser à elle tout au long de son rétablissement, peuplant ses pensées lorsque la mélancolie le prenait, songeant au confort de cette petite tête blonde, il ne pu alors se résoudre de la savoir au loin. Tout en ralliant Forcalqiuer il songea alors à changer de vie, à déménager à Troyes. Les actes notariés rapidement signés, les procédures de ventes enclenchées, Hasur reparti rapidement au nord, chevauchant une humble jument de trait répondant au nom d'Epona. Jours après jours, d'une façon quasi obsessionnelle Hasur se remémora le serment de veiller sur Yse, ce serment fait à sa mère le jour de sa mort.
Il apprit en cour de route qu'Yse déménagea à Varenne, et mentalement Hasur se dit que ce serait là, son ultime étape de ce périple long de plus de 220 lieux, l'ayant fait traversé le royaume de France du Sud au Nord à bonne cadence, au point même où Epona, cette vieille et fidèle jument, montrait des signes évidents d'épuisement. Trop habituée aux taches agricoles de traits, elle n'avait pas pour vocation le voyage au long-cours.
[ Presque à arrivée à Varenne ]
Ce fut par un beau matin de printemps, presque à la fin de son voyage, que le destin s'acharna sur Hasur. Dans la légère brume déposant sa rosée sous les lueurs d'un soleil naissant sur la ligne d'horizon, qu'Epona commença à tituber dans la poussière du chemin le menant presque à Varenne. Il ne restait plus que 2 ou 3 lieux pourtant, mais la bête n'en puit plus, s'arrêtant en soufflant étrangement d'une longue respiration chevaline sifflante, comme si la jument étouffait. Paniqué, Hasur mit pieds à terre, et vint s'approcher de la tête massive de sa monture. Oeil agard et fuyant semblait révéler l'étonnement d'Epona, subissant un événement inquiétant, autant pour elle que pour Hasur portant une affection toute particulière à cet animal qui jamais ne le déçu au travail, mais dont le comportement général traduisait à présent un état d'égarement, de désarroi, d'affolement hébété. Tête tendu en avant, gueule ouverte et souffle rauque, Epona paraissait en souffrance, pour malheureusement s'écrouler de coté au sol sous la stupeur d'Hasur réalisant ce qui se passait...
"Non Epona, non!
Tiens bon ma belle, ça va passer!"
Il s'agenouilla avec empressement, puis s'assît au sol, prenant en main sa tête pour la soulever et se glisser sous elle, que dans cet inéluctable instant sa complice de travail ne se sente pas abandonnée. Tout en lui caressant le maxillaire, Hasur se força à employer un timbre de voix doux et chaleureux, il lui dit alors, comme pour la rassurer, et se rassurer lui-même...
"Tout doux ma belle, tout doux, détends-toi, ça va passer...
Tu te fait vieille ont dirait, tu étais encore pouline que je naissais, et me voici ayant 26 ans et tu est toujours aussi drûe à la tache, trop peut-etre..."
Epona, soufflant moins fort, s'apaisait sur les cuisses d'Hasur qui la caressait toujours. Inconsciemment l'homme compris alors ce qui se produisait, et qu'aucune parole ne pourrait aller à l'encontre. Son regard plongé dans celui de l'animal qui lentement s'éteingnait, vit palpiter faiblement la paupière de celui-ci, de plus en plus faiblement, puis la lueur de son iris chevaline devint blafarde, fixant le néant vers lequel son âme, tout animal qu'elle fut, s'envola à jamais, quittant son enveloppe charnelle dont le coeur venait de faire une crise l'ayant terrassée.
C'est ainsi, dans le silence du bord d'une route poussiéreuse, silence à peine rompu de quelques chants d'oiseaux, qu'Hasur sentit poindre à la commissure de ses paupières de petites perles salines, tel un adieu muet qui roula le long de ses joues pour cette jument, dont il tenant toujours la tête, l'accompagnant dans son "départ" vers l'au-dela, et avec qui il avait longuement partagé, elle qui lui avait donnée sans rien attendre en retour. Hasur tout en se relevant se remémora ses jeux d'enfance quand Epona était encore trop jeune pour le trait, et qu'il montait déja à crû pour d'interminable balades estivales.
Sans autre choix que de laisser l'animal de 500 kg au bord du chemin, Hasur reparti tristement en direction de Varenne, sacs de voyages sur le dos, avec pour seul témoin le soleil gravissant les cieux sur une journée qui allait se montrer un nouveau départ sur sa vie.
Participation libre, aucun pré-requis si se n'est un minimum de 5 lignes par post de réponse, pour au moins qu'il y ai de quoi tendre une perche aux participant. Bon jeu à tous les participants, et bonne lecture aux autres... ^^