Xanthe_melie
Depuis son retour à Genève, quelques semaines auparavant, Xm repoussait jour à près jour l'échéance de son départ vers la Bretagne où Power et Caël l'attendaient.
Son attachement à sa ville d'adoption, qu'elle croyait presque réduit à néant depuis que la disparition de Rudolf avait comme endormi son cur, était tout compte fait beaucoup plus profond qu'il n'y paraissait.
Parmi les liens qui la rattachaient encore au "Phare de l'Aristotélité" - comme auraient dit ses vieux ennemis au conseil - elle devait évidemment compter les quelques amis fidèles qui allaient vraiment lui manquer - elle n'osait trop penser à eux de peur de perdre le peu de volonté qu'elle avant de quitter son nid.
Les souvenirs aussi la tiraillaient douloureusement en arrière. Où qu'elle regarde en se promenant dans la ville, ou tout simplement dans sa maison du quai de la Concorde, tout lui évoquait des moments, heureux ou malheureux, qui défilaient devant ses yeux dès qu'elle relâchait son attention, comme en ce moment.
Elle vagabondait, sans but précis, sur le chemin qui montait vers la forêt des hauts de Genève, où se situait la fameuse clairière au milieu de laquelle elle avait bâti son chashitsu - sa maison de thé - celle-là même qui avait fini par devenir la Taverne du Dragon Volant.
Nulle pancarte n'en indiquait la direction, nulle enseigne n'en donnait le nom. Le bouche à oreille avait fait son succès, à l'époque où elle tenait pleinement sa place comme citoyenne de Genève et lieutenant de la Garde, et les amis intimes, les casses-pieds chroniques aussi, parfois - elle ne peut s'empêcher de sourire à la pensée de Tom qu'elle aurait volontiers haché menu à chaque fois qu'il s'incrustait (un digne successeur de Lefier, celui-là) - y avait passé maintes soirées chaleureuses.
Destin ô combien inattendu pour un sanctuaire, bâti à l'origine pour honorer la mémoire de son maître révéré, tant aimé et tant regretté!
Avec son toit pointu à quatre pans, aux arêtes élégamment recourbées, ses cloisons de bois percées de petites ouvertures garnies de parchemin huilé, ses portes coulissantes, le Dragon Volant était l'image fidèle de la maison de thé que Saburo avait bâti de ses mains dans son jardin de la baie d'Osaka, sur cette lointaine île où Xm avait passé les trois années les plus étranges - et elle se demandaient à présent si ce n'avait pas été également les plus heureuses - de sa vie.
La belle exotique, comme l'avait baptisée Caël, avait reproduit de mémoire ce lieu de recueillement.
Elle y avait passé des nuits solitaires et glacées, elle y avait vécu, avec la belle bretonne, des instants terrifiants.
Elle s'y était adonné à la consommation excessive de ses poisons préférés, de la grappa à l'opium, importés en fraude par son inoubliable ami Gianni.
Elle en avait fait son refuge. Et pour finir elle y avait accueilli ceux qui lui étaient le plus chers parmi les Genevois, leur offrant une cuisine inhabituelle, fraîche et épicée, brûlante parfois. Un peu comme elle, en somme.
Sans qu'elle s'en soit aperçue, les pas de Xm l'avaient amenée à l'orée de la clairière, baignée, à cette heure, d'une chaude lumière printanière.
Le Dragon Volant respirait le calme et la sérénité. Xm ne put s'empêcher d'admirer l'harmonie de ses lignes simples et la beauté de la forêt alentour.
L'odeur de la résine qui s'écoulaient des troncs des pins chauffés par le soleil embaumait l'air, rafraîchie par une touche pure de neige en train de fondre, les effluves vertes de la mousse humide qui titillait agréablement les narines, sur un fond d'humus un peu poivré.
La jeune femme respira profondément, les yeux fermés.
Dire qu'il allait falloir quitter tout cela...
Elle s'approcha à pas lents de la maison et s'assit sur les marches du seuil, caressant le bois poli de sa main.
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Son attachement à sa ville d'adoption, qu'elle croyait presque réduit à néant depuis que la disparition de Rudolf avait comme endormi son cur, était tout compte fait beaucoup plus profond qu'il n'y paraissait.
Parmi les liens qui la rattachaient encore au "Phare de l'Aristotélité" - comme auraient dit ses vieux ennemis au conseil - elle devait évidemment compter les quelques amis fidèles qui allaient vraiment lui manquer - elle n'osait trop penser à eux de peur de perdre le peu de volonté qu'elle avant de quitter son nid.
Les souvenirs aussi la tiraillaient douloureusement en arrière. Où qu'elle regarde en se promenant dans la ville, ou tout simplement dans sa maison du quai de la Concorde, tout lui évoquait des moments, heureux ou malheureux, qui défilaient devant ses yeux dès qu'elle relâchait son attention, comme en ce moment.
Elle vagabondait, sans but précis, sur le chemin qui montait vers la forêt des hauts de Genève, où se situait la fameuse clairière au milieu de laquelle elle avait bâti son chashitsu - sa maison de thé - celle-là même qui avait fini par devenir la Taverne du Dragon Volant.
Nulle pancarte n'en indiquait la direction, nulle enseigne n'en donnait le nom. Le bouche à oreille avait fait son succès, à l'époque où elle tenait pleinement sa place comme citoyenne de Genève et lieutenant de la Garde, et les amis intimes, les casses-pieds chroniques aussi, parfois - elle ne peut s'empêcher de sourire à la pensée de Tom qu'elle aurait volontiers haché menu à chaque fois qu'il s'incrustait (un digne successeur de Lefier, celui-là) - y avait passé maintes soirées chaleureuses.
Destin ô combien inattendu pour un sanctuaire, bâti à l'origine pour honorer la mémoire de son maître révéré, tant aimé et tant regretté!
Avec son toit pointu à quatre pans, aux arêtes élégamment recourbées, ses cloisons de bois percées de petites ouvertures garnies de parchemin huilé, ses portes coulissantes, le Dragon Volant était l'image fidèle de la maison de thé que Saburo avait bâti de ses mains dans son jardin de la baie d'Osaka, sur cette lointaine île où Xm avait passé les trois années les plus étranges - et elle se demandaient à présent si ce n'avait pas été également les plus heureuses - de sa vie.
La belle exotique, comme l'avait baptisée Caël, avait reproduit de mémoire ce lieu de recueillement.
Elle y avait passé des nuits solitaires et glacées, elle y avait vécu, avec la belle bretonne, des instants terrifiants.
Elle s'y était adonné à la consommation excessive de ses poisons préférés, de la grappa à l'opium, importés en fraude par son inoubliable ami Gianni.
Elle en avait fait son refuge. Et pour finir elle y avait accueilli ceux qui lui étaient le plus chers parmi les Genevois, leur offrant une cuisine inhabituelle, fraîche et épicée, brûlante parfois. Un peu comme elle, en somme.
Sans qu'elle s'en soit aperçue, les pas de Xm l'avaient amenée à l'orée de la clairière, baignée, à cette heure, d'une chaude lumière printanière.
Le Dragon Volant respirait le calme et la sérénité. Xm ne put s'empêcher d'admirer l'harmonie de ses lignes simples et la beauté de la forêt alentour.
L'odeur de la résine qui s'écoulaient des troncs des pins chauffés par le soleil embaumait l'air, rafraîchie par une touche pure de neige en train de fondre, les effluves vertes de la mousse humide qui titillait agréablement les narines, sur un fond d'humus un peu poivré.
La jeune femme respira profondément, les yeux fermés.
Dire qu'il allait falloir quitter tout cela...
Elle s'approcha à pas lents de la maison et s'assit sur les marches du seuil, caressant le bois poli de sa main.
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