Je regarde autour de moi, non personne ne me voit. J’en profite pour me retourner et c’est parti ! Je sais marcher, enfin presque, je vais à quatre pattes. Je sors de l’endroit où on me donne ma bouillie, Tiberge est occupée, elle n’a rien vu, et je vais vers…je sais pas, c’est différent vu d’ici. Je m’arrête et je regarde mieux. De ce côté je vais vers mon dodo, ah non pas ça, je veux pas dormir et en plus je peux pas monter ça tombe bien. Dans l’autre sens, il y a des portes. J’y vais, il faut pas qu’on me trouve.
Je m’arrête devant une des portes, mais quand j’essaye de la pousser de ma petite main, ça marche pas. Bon une autre, non, toujours pas…la dernière, si elle ouvre pas, ma fuite aura servi à rien et en plus je me ferai gronder.
Je pousse de toutes mes forces et oui, ça s’ouvre ! Je passe ma tête mais je vois pas bien, il fait comme le soir quand on me met dans mon berceau. J’entre quand même, je suis curieux, je veux savoir ce qu’il y a dedans.
Je trottine, pas bien vite, et je m’assois. Ça y est, je vois mieux. Les murs sont pleins de choses. Je sais pas ce que c’est, mais c’est joli. Je regarde tout autour, et je vois une des ces jolies choses là, sur un fauteuil, donc à ma portée. Je veux voir cette chose.
Je grimpe comme je peux, mais je tombe sur les fesses, alors je recommence. Je finis par l’attraper et ça tombe sur le sol, ouf, il y a comme de l’herbe par terre, ça fait pas de bruit.
Tiens, ça s’ouvre. J’approche mon nez, j’ai peur que ça se referme, mais non, ça bouge plus. J’avance ma main et je touche, c’est doux et c’est beau surtout. Je souris, j’ai trouvé quelque chose de nouveau à voir.
Olivièr, ne touche pas à ça !
Je crie et me mets à pleurer ! On m’a fait peur, j’ai rien entendu. Enfin si, le cri qui me gronde, et j’ai reconnu la voix, c’est maman ! J’ai enlevé ma main de la jolie chose et regarde vers maman qui est entrée, elle a pris ma trouvaille et va la mettre contre le mur. Elle est en colère et moi je sais plus quoi faire. Je la quitte pas des yeux, pleins de larmes, et pour me rassurer je mets mon pouce dans ma bouche. Je sais pas quoi faire d’autre.
Elle se penche vers moi, je me dis qu’elle va encore gronder plus fort mais non, elle me regarde d’une drôle de façon. Elle touche ma joue et me sourit un peu, je me sens rassuré, et j’ose lui dire que j’ai pas voulu mal faire mais que je m’ennuie tout le temps avec Tiberge et ma nourrice.
Bon, je suis pas sur qu’elle comprenne, d’ailleurs personne ne semble comprendre quand je parle, pourtant j’essaye.
Je recommence en regardant avec insistance les murs et les jolies choses et je tends ma main dans cette direction.
Ga ?
Elle parait surprise et regarde ce que je montre. Je la vois qui se lève et qui va vers un des murs, elle prend une des choses et revient vers moi.
Elle a posé ce qu’elle tenait et maintenant me soulève du sol pour s’asseoir avec moi sur ses genoux sur le fauteuil que j’ai voulu escalader.
Elle prend la jolie chose, l’ouvre et me dit :
Regarde mon soleil, c’est un livre.
Ça s’appelle comme ça ? Un libre ? C’est beau, il y a des fleurs dedans comme dans le jardin. Je la regarde content qu’elle me montre ça et je lui dis en montrant les fleurs, mais je touche pas !
Ah, elle doit comprendre, elle me sourit.
C’est ton papa qui a mis ces fleurs dans le livre. Il y a longtemps, je ne le connaissais pas encore. Tu vois, là, c’est de la lavande, c’est bleu et ça sent bon. Là, du bleuet, et là du coquelicot, le rouge avec un point noir…
Je regarde ses doigts me montrer les fleurs. Ça fait longtemps qu’elle ne m’a pas parlé comme ça. En plus, elle me parle de papa. Je me lance…
Pa Pa ?
Cette fois elle a compris j‘en suis sur, le libre est presque tombé de ses mains.
Qu’est-ce que tu as dit ?
J’ai un peu peur d’avoir mal fait, mais je recommence quand même.
Pa Pa…
Je cache mes yeux derrière mes mains, comme si j’avais fait une bêtise, et j’attends.
Je sens qu’elle m’embrasse et qu’elle me serre un peu plus contre elle.
C’est bien lui, tu as compris. Ton papa aime beaucoup les livres, il passait beaucoup de temps dans cet endroit. C’est son bureau…Mais tu sais, il ne faut pas toucher aux livres, c’est fragile, tu pourrais les abimer.
Je la regarde. Si j’ai compris ce qu’elle a dit au début, le reste alors là ?
Elle doit s’en rendre compte, elle recommence.
Olivièr, tu ne dois pas venir ici tout seul, tu comprends ?
Ah, là, je sais ce qu’elle dit. Encore un endroit où j’ai pas le droit d’aller. Tant pis.
Je fais la moue, je fais toujours ça quand je suis déçu.
Ne sois pas triste, tu y viendras avec moi et je te montrerai les autres livres. Tu verras il y en a de très jolis.
Oui ! Je pourrai revenir et avec maman, Tiberge elle pourra rien dire !! Je souris cette fois. Et remontre du doigt les fleurs.
Ga da da !!
Bon pas sur qu’elle ait suivi, elle éclate de rire. Je suis vexé, j’essayais de redire le nom des fleurs…
Puisque c’est ça, je prends mon pouce et je dis plus rien !..et je pose ma tête contre elle…
Elle continue à me parler et à me montrer d’autres fleurs, je suis si attentif que je n’entends même pas que quelqu’un ferme la porte de l’endroit et nous laisse seuls.