Matouminou
La nuit était tombée depuis longtemps sur Fécamp. Le phare n'était plus éclairé que par quelques braseros ici et là.
Dans les grands trous au-dessus desquels on avait placés les tourne broches, quelques braises rougeoyeaient encore.
Tous les invités étaient partis, il restait de la viande à profusion, le calva avait cessé de couler, non qu'il n'y en eut plus, mais chacun avait étanché sa soif, et quand la coupe est pleine, et bien, elle déborde.
C'est d'ailleurs un peu ce que ressentait Matou devant ce qui avait été autrefois, non pas un beau jardin, mais un espace de landes balayées par le vent et un point de vue imprenable sur la mer.
Cette nuit là, il ressemblait à un champ de bataille. Elle soupira:
- Quel gâchi!
Alors, elle donna l'ordre à Didier de récupérer toute la viande et d'aller la distribuer dans les bas quartiers de Fécamp. Au moins, certains pauvres gens qui ne mangeaient pas à leur faim, profiteraient des excès des nantis.
Puis, avec l'aide de Suzon et, tandis que Stromb entreprenait de rassembler les futs vides puis de remettre à la cave, les rares futs encore pleins, elle commença à ranger et à nettoyer.
Elle ne disait mot, en proie à un calme dont elle même s'étonnait. Il ne fallait pas s'y fier, c'était le pire calme qui puisse exister chez elle. Celui des décisions irrémédiables, celui qui balaie tout sur son passage, plus ravageur que n'importe quelle tempête réunie, sur terre et sur mer.
Elle avait pour habitude de ne jamais agir à chaud, sachant que la colère n'est pas bonne conseillère, aussi, une fois que l'ordre fut retrouvé, elle se coucha, et malgré cette sourde colère en elle, les caresses et baisers de son volcan réussirent à l'apaiser...du moins pour la nuit.
LE LENDEMAIN DE LA FÉTE
Lorsque le soleil fut levé, elle sut ce qu'elle allait faire. Elle avait encore du mal à digérer certaines choses. Et même si elle aimait beaucoup rire, s'amuser...et même si le phare avait toujours accueilli ses amis, en détresse pour quelques jours, ou quelques semaines, ou de passage pour une nuit, ou plus, tous avaient eu la correction de ne jamais s'incruster.
Or, c'est ce qu'était en train de faire Adorianna.
Matou était prête à donner beaucoup d'elle-même, mais lorsque cela se transformait en sans-gêne et surtout lorsqu'elle commençait à se sentir comme une étrangère dans sa propre maison, elle savait qu'il était temps de mettre un terme à tout ça.
Tant pis, ça se ferait dans la douleur, elle passerait peut-être pour une méchante, pire, une rabat joie...Mais elle mettait au défi quiconque, de supporter ça.
Les coucous allaient partir se trouver un nid ailleurs! D'ailleurs, Ado avait une maison, qu'elle s'y installe!
Il était regrettable, et Matou le savait, d'en arriver à ces extrêmités mais c'était une question de survie, d'équilibre.
Sa première action fut d'aller dans la chambre d'amis. Ado et Eudes ne s'y trouvaient pas. Sans doute vaquaient-ils quelque part...il y avait de grande chance pour qu'Ado soit en taverne, c'était sa deuxième demeure.
Elle avisa une grande malle et fourra en vrac toutes les affaires du couple, sans faire de détails. Elle soupira en voyant les cadavres des bouteilles de calva qu'Ado n'avait pas pris la peine de jeter.
Qu'à cela ne tienne, Matou remettrait aussi en état la chambre.
La malle fut déposée au bout du seul chemin qui menait au phare et elle fit placarder dessus:
Citation:
- Affaires Ado/ Eudes à débarrasser vite!!
Elle avait failli mettre quelques chose comme "servez-vous", mais s'était retenue.
Puis, elle fit changer les serrures du phare, toutes les serrures sans exception, ce qui prit la mâtinée entière. Pendant que le forgeron lui fabriquait et lui changeait tout cela, elle fit confectionner un panneau qu'elle fit placer aussi au bout du chemin, à côté de la malle, avec l'inscription suivante:
Citation:
Interdit au colporteurs, et à Ado. Pour le Phare Story, la production a déplacé ça à Rouen, espérant que ça animerait la ville. Contacter le gardien des oubliettes.
Elle ne mentionna pas Eudes, victime, comme l'avait fort justement écrit Ado elle-même, de la folie des grandeurs de sa compagne.
L'après midi touchait à sa fin, satisfaite, elle put se reposer en sirotant un calva.
Maintenant les choses étaient claires. Et si il fallait encore une piqure de rappel, et bien, elle n'hésiterait pas. La tranquillité a un prix.
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