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Voyage d'une niortaise qui souhaite, sans oublier son passé, reprendre en main le cours de sa vie.

[RP]Envie d'embruns, envie d'air...

Alphy
Cinq mois déjà de présence en Poitou, cinq mois et elle avait déjà fait tant de choses mais curieusement, cela lui paraissait si peu. Elle voulait penser à l’avenir et ne plus regarder le passé ou bien elle allait finir vieille fille aigrie et honnêtement l’aigreur, ça ne rend pas des plus séduisant ou même intéressant.

Elle n’avait pas envie de se faner sans au moins avoir vu la mer une fois dans sa vie. Elle qui se disait poisson rouge car n’avait que peu de mémoire, ne connaissait de l’eau que les berges de la Sèvre passant à Niort et par son passé une enfance les pieds dans la Sarthe qui baignait le Maine. Mais dans ces rivières point d’embruns, point de marée ni de vagues, à peine quelques vaguelettes lorsqu’une barque passe ou bien une onde au saut d’une grenouille.

C’est donc avec l’envie d’aventure, sans oublier son passé, ses rencontres, ses amours mais plutôt pour repartir du bon pied dans la vie qu’elle avait pris ce matin là, sa couverture en baluchon sur l’épaule, glissé dedans quelques pains pour la route, de quoi écrire aussi, cape sur le dos et bâton de marche dans la main.

« Allez Alphy… en route pour découvrir ton comté et peut-être ton destin » pensa-t-elle après avoir mis la date sur le premier parchemin de ce qu’elle appellerait sans prétention son journal de bord.

RP ouvert à ceux qui croiseront le chemin d'Alphy dans son périple ou écriront, après petit MP. Merci.

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Alphy


16 mars 1460,

Cher journal,

Aujourd’hui je prends la plume pour dire : Ca y est, me voilà sur la route. Quelle route ? Je ne sais encore pas, direction l’ouest en tout cas, je veux voir la mer.

J’ai pris avec moi la couverture qui me suit partout, qui m’a rendu tant service cet hiver, qui m’a peut-être sauvée la vie et qui a en tout cas permis de sauver en partie celle d’un ami. Quelle aventure… mais là, maintenant, je ne sais pas si elle sera suffisante, n’étant ni armure, ni cuirasse, je l’espère en tout cas, continuant à me porter chance. Je fais malgré tout une prière, journal, sans savoir si elle est tout à fait dans les règles, mais je prie ce jour le très haut de guider mes pas dans la paix et si possible dans la joie.

Mes pas sont libres sur le chemin de terre, journal, commencent malgré tout à devenir, au bout de quelques lieues, douloureux… Je vais devoir adapter ma démarche pour que mon corps me porte.

Je suis partie à la tombée de la nuit, épiant un à un les bruits alentours. Mon village de Niort a vite disparu protégé derrière ses remparts. La nuit a apporté son lot de frayeurs, toujours les mêmes, celles de mon enfance et je tente de les dépasser car elle m’apporte aussi son calme, qui me permettra de me cacher à la moindre alerte dans un bosquet ou derrière un rocher.

Voilà au bout de plusieurs heures, j’ai trouvé un coin de mousse sous un gros rocher, je m’y suis glissée enroulée dans ma fidèle couverture et maintenant journal, après quelques heures de sommeil et le lever du soleil si je pouvais décrire ce que je vois… il faut que je trouve les mots, c’est trop beau… je reviendrai te voir, promis pour te dire tout cela.

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Alphy


18 mars 1460

Cher Journal,

J’avais promis de revenir bien vite mais si tu savais tout ce que j’ai découvert… cette vue sur l’immensité. Cette plage au sable si doux sous les pieds et ce matin encore le soleil s’est levé sur cette mer d’huile, si calme que l’on peut être surpris à la savoir parfois si colérique prenant des vies de marins comme prix à payer pour tout le bien qu’elle nous donne. J’ai partagé le gril sur le marché de certains de ces gens courageux, qui m’ont accepté près d’eux. J’écoute leurs histoires, sans rien dire moi… imagine… moi ne rien dire et simplement écouter…

J’ai rencontré aussi un simple pêcheur enfin... simple pas de manière péjorative, il vit simplement, seulement fidèle à sa mer, fidèle à son village donc. Il a un nom imprononçable et trouve le mien ridicule. Je me nomme maintenant Alf et lui ce sera Urp.

La pêche à pieds m’a-t-il dit pour renforcer mes jambes un peu … trop sensibles. Tu sais journal, j’avais dit que je n’avais peur que du noir et bien là, tout près d’elle cette mer aux couleurs changeantes à chacune de ses humeurs et bien là je me suis sentie si petite… que je n’ai pas osé la fouler.

J’espère trouver le courage, ce sera après la découverte de ce lieu le but que je devrai atteindre à La Rochelle avant de reprendre la route, peut-être accompagnée... mais ça... je te le confirmerai plus tard… j’ai quelqu’un qui m’attend… et puis cette nature inconnue, j’ai encore beaucoup de choses à découvrir.

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Alphy


21 mars 1460

Mon beau journal,

La vie près de la mer est si vivifiante. Jour après jour, je me renforce à ses côtés. Il m’est toujours incompréhensible de savoir comment une telle étendue d’eau peut-être bravée par les hommes mais je commence à comprendre leur bonheur à y trouver son âme nourricière.

Car ça y est, cher journal, j’ai réussi… sur les conseils de mon ami Urp j’ai longé la plage, me suis engagée doucement dans l’eau et après un premier temps d’arrêt, quelques grimaces et petits cris, j’ai continué courageusement jusqu’à la limite conseillée… car plus loin, seuls les possesseurs de barque peuvent y pêcher. Alors imagine moi… chausses enlevées, braies remontées mais de toutes façons pas assez pour ne pas me mouiller puisque l’eau monte à cet endroit jusqu’à mi-cuisse, j’évite les petits rochers à mes pieds, je prends mon jupon. Oui car je n’ai pas trouvé les moyens de m’acheter un filet mais je tente. Et là, Cher Journal, imagine. Un poisson, le plus beau des poissons du monde à mes yeux vient s’y faire attraper et moi fière comme pas une… me voilà à le soulever au dessus de l’eau en riant puis à revenir bien vite près des vieux pêcheurs sur le marché. Je l’ai partagé avec eux, il était… divin ce premier poisson.

Depuis, j’y suis retournée, et vois-tu, je sens mes muscles travailler, mes jambes se galber pour résister à la pression de l’eau et au froid… et j’ai la main heureuse… et le ventre emplit de chair délicieuse, idéale pour l’intelligence il paraît.

Je dors dans une grange et j’ai écrit à mon amie Kiki de Niort pour la rassurer, comme promis et lui dire que je lui ferai parvenir un message pour… qui elle sait… Il faut que je prenne encore un peu de temps, que je trouve mes mots, mes idées sont encore trop floues mais petit à petit, je deviens une autre, plus sûre d’elle.

Il a raison mon ami… la pêche à pied, est idéale pour me renforcer, pour reprendre ma route dans quelques jours. Quand ? Je ne le sais pas encore, je n’ai encore pas tout découvert… Aujourd’hui, je dois trouver les bains municipaux, un établissement distingué il paraît, où même le Roi Levan IIII se serait baigné … Imagine, journal… moi me baignant à l’endroit du roi Levan… Je te raconterai, promis…

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Alphy


24 mars 1460

Mon cher journal,

J’avais presque oublié… non pas oublié mais j’avais mis de côté, ce qui m’avait décidé à partir sur les routes. Car ici à La Rochelle, le temps s’écoule lentement au rythme des vagues. Aucune rumeur, aucun trouble de mon passé n’est venu perturber tout cela. En quelques jours, l’air sain m’a fait devenir une autre mais au fond de mon esprit, il n’en était rien bien sûr. Seul mon cœur avait trouvé repos et lorsque j’ai reçu « sa » missive des mains de mon amie Kiki venue elle aussi s’adonner à la pêche, tout m’est revenu d’un coup. Mes mains ont tremblé à l’ouverture du pli, mon sang n’a fait qu’un tour à lire ses mots. Mots enflammés, déclaration troublante et promesses d’un avenir fait d’amour et de bonheur.

Journal, si je m’étais arrêtée là, après cette tendre déclaration, je crois que j’aurai pu être la plus heureuse des femmes et j’aurai pu imaginer arrêter mes pas à La Rochelle et repartir vite pour le voir à Niort mais voilà… un prénom a à nouveau troublé cette joie « Hélana ». Un seul prénom et voilà toutes mes peurs ressurgies, toutes mes questions, toute cette situation à l’encontre de mes convictions les plus raisonnables. Je redeviens avec un seul prénom celle qui détourne un mari, un père.

Journal… en quelques secondes, me voilà à nouveau la maîtresse maudite effaçant tous les bons moments vécus récemment : l’apprentissage de la pêche si revigorant, la visite du fameux bain du roi, qui, j’aurai dû m’en douter n’était qu’un simple abreuvoir à chevaux mais qui m’a fait tant rire. La découverte de toute cette immense mère nature.

Je dois reprendre la route, dès que possible… je dois m’éloigner encore. Je ne veux pas oublier, je ne veux simplement pas être ni cause ni excuse. Si l’amour est réellement là, il saura me retrouver.

Mon ami Urp s’est décidé, il m’accompagne, lui aussi a sûrement beaucoup d’histoires de son passé, j’ai vu les stigmates cuisants sur la peau de son dos. Peut-être étions nous fait pour cela, se trouver, se soutenir et redécouvrir la vie. Je vais pêcher encore un jour ou deux et je serai prête, plus forte que jamais pour repartir.

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Alphy
Les derniers jours à La Rochelle avaient été bénéfiques pour Alphy, son corps s’était renforcé, prêt à braver à nouveau les routes et la mer était sa principale alliée dans ce fait. Et faire de cette force de la nature son alliée, ce n’était pas dû à tout le monde, elle en était aujourd’hui consciente.

Patienter contre vent et vagues sous le soleil printanier ou le léger voile nuageux lui avait permis de laisser divaguer ses pensées. Tant et si bien que le soir de son départ, elle avait traîné sur la plage, longeant sous la lumière crépusculaire la découpe de ses rochers, de ses dunes. C’était si magique pour elle, ce contraste entre force et paix qu’elle s’était laissée allée à s’installer dans un creux, abrité du vent. Elle avait regardé le ciel, essayé de trouver dans les étoiles les animaux et autres objets narrés dans son enfance par sa cousine si romantique. Basine… combien de temps déjà, je n’ai plus de nouvelles de toi et de ta fille Doda, ainsi que des amis en Maine… Elle avait laissé couler sur ses joues quelques larmes salées et s’était endormie.

Les premiers rayons de soleil l’avaient réveillée, elle s’était étirée puis soudain s'était rendue compte de la situation… Non… Elle s’était endormie alors qu’elle devait prendre la route… Urp… qu’allait-il penser d’elle ? Acceptera-t-il de la suivre à nouveau ? Elle sauta sur ses pieds et la faim la tenaillant, elle eut un léger tournis… Ouh là… doucement Alphy pensa-t-elle déjà réfléchis… la nuit est passée, soit tu trouves ton ami Urp lui aussi endormi sous une barque, soit il est parti pensant que tu le rattraperais.

Elle remonta alors toute la plage et ne le trouva pas, se résigna à aller manger un peu puis reprit sa couverture dans la grange qui l’avait abritée. Elle reposa celle-ci en ballot sur son épaule après y avoir glissé du pain pour la route, la voilà sur le chemin de jour cette fois-ci en allongeant le pas pour retrouver son ange gardien de pêcheur.



30 mars 1460

Cher journal,

Me voilà arrivée à Saintes. J’ai arpenté les rues, elles sont désertes. Peu de boutiques et elles ont l’air fermées. En taverne, on m’a parlé d’une basilique où je pourrai passer la nuit, ce que j’ai fait… J’ai prié… oui, moi… et pas que pour des bonnes raisons mais pour me faire pardonner car je pense que je ne vais pas dire toute la vérité à Urp sur mon départ raté déjà et j'ai profité du moment pour souhaiter que Niort aille bien et surtout mon tendre chef qu'il ne m'oublie pas complètement car moi je ne l'oublie pas. Pour le Maine aussi Max et les autres, Basine et sa fille que j'aimerai tant revoir.

Et voilà ce matin… j’ai repris la route et à nouveau une boule au ventre me prend. Pourtant, il fallait que je m’éloigne encore… j’espère que ma destinée est entre de bonnes mains… en tout cas, je ne peux plus reculer, je ne suis plus seule dans l’aventure. Faut que je le retrouve mon pêcheur, même s’il m’a dit vouloir peut-être trouver du réconfort auprès de quelques jeunes femmes rencontrées, je crois que je tiens à lui d'une certaine manière maintenant, il m’apporte son humour, son amitié sans rien demander en retour. Il est mon pendant dans cette histoire, on se ressemble sûrement plus que je ne le pense. Je te laisse journal, à bientôt…

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Sglurp
Voilà maintenant plus d'une semaine qu'il a repris les chemins. Sitôt passé les portes de la Rochelle, il a su.
Il a ressenti.
Une partie de lui, plongée dans un profond sommeil, s'est réveillée.
Sglurp est un nomade. La vie sédentaire le vide de sa substantifique moelle.

Pas qu'elle ne lui fut pas profitable. Ces longs mois de pêche et de recueillement, sur ou sous sa barque, lui on permis de renforcer son corps et son esprit. Surement un peu plus mûr qu'autrefois le Blondinet. Mais est-ce vraiment un bien ?

À bien y réfléchir, ce n'est pas en sortant de la ville qu'il s'est réveillé.
Mais quelques jours avant. Un soir, alors qu'il entrait dans une taverne qu'il ne fréquentait pourtant plus.

Une rencontre agréable, émoustillante et, en quelques secondes, une invitation.
Un peu comme à Moulins lorsqu'il avait proposé à une petite rouquine de l'accompagner.
Un peu comme à Saumur quand il avait demandé à la Poussière d'Étoile de le suivre.
Un coup de tête, un destin qui se joue en un battement de cœur.

Et voilà que la nature du Blondinet revient au galop.

Aucun but à ce voyage, autre que voyager. En agréable compagnie. Alphy, Alf comme il se plait à l'appeler, a le verbe juste, une répartie clinquante et vivace. Il s'imagine qu'elle s'éloigne de Niort suite à une déconvenue amoureuse ou autre niaiserie dans le genre. Mais elle a la décence de ne pas en parler.
Et au moins, il a trouvé un sujet parfait pour la charrier.
Elle sort de l'ordinaire, ne semble pas apprécier les Importants, et a beaucoup d'humour. Pour preuve, elle rit de ses bouffonneries.

Bouf

Il peut mentir à n'importe qui le Blondinet, mais pas à lui-même.

Bouf

Voici la raison profonde à ce voyage.

Bouf

Se faire appeler comme ça, encore une fois.
Alphy
Saintes, village à la magnifique Basilique Saint Eutrope, à la non moins admirable forêt mais aux rues si désertes simplement traversées par des voyageurs désabusés qui profitent de sa position géographique pour passer les lignes du Poitou. Alphy en avait fait le tour et finalement avait demandé à Urp s’il était du même avis qu’elle, il était temps de repartir. Elle profita donc de cet après-midi de désoeuvrement pour coucher sur son livre ses pensées.



5 avril 1460

Voilà plusieurs jours que je n’ai pas écrit mais je cherchais l’inspiration ou bien un lieu particulier ou une situation qui mériterait d’être relatée. En fait, tout est calme ici, d’un calme bien trop grand pour moi. J’ai pourtant sous la main une personne qui me supporte et surtout ne s’offusque pas de mon tempérament, se rit même de lui-même en se nommant « boucles blondes » et oui, il est blond comme les blés enfin, quand il est propre.

Le pauvre, si tu savais journal, après l’avoir interrogé en bonne et due forme sur quelques points de son passé, bon il a résisté encore mais je l’aurai à l’usure j’en suis sûre, je l’ai chargé comme un baudet du bois qu’il venait de couper devant moi. Il voulait me montrer ses prouesses de bûcheron et puis c’est lui qui voulait construire une cabane en bois pour notre séjour, je ne l’ai pas forcé, j’ai juste profité de la vue d’un homme travaillant fort et bien. J’ai apprécié la technique en tout cas et sans une égratignure sur les mains, j’ai pu apprendre le maniement de la hache. Une nouvelle corde à mon arc.

Voilà plusieurs jours aussi que je n’ai aucune nouvelle de Niort, douze jours exactement, douze jours que j’ai envoyé une missive en retour à « sa » déclaration, douze jours où j’ai écrit ne plus vouloir être la maîtresse maudite de Niort. Mon ami a raison j’ai fui… pour me protéger et le protéger ainsi que ses filles mais je ne suis plus si sûre que ce soit la meilleure des choses. L’aventure, la découverte de nouveaux lieux, les rencontres sont autant de baume sur mon cœur mais celui-ci sera-t-il assez puissant quand je rentrerai ? Plus encore d’être privée de son amour, je ne supporterai pas sa rancœur. J’ai prié aujourd’hui mais pas à l’église journal, j’ai prié seule devant toi, afin qu’il pardonne ce que j’ai fait en partant et qu’il comprenne mais plus encore qu’il me pardonne si je reviens comme je suis et qu’il n’obtienne pas la réponse qui lui convient.

Journal tu es mon témoin, je te confie ce que je n’ose confier à personne, prends en soin et si tu le peux, soit clément avec moi. Je dois partir maintenant, mais je reviens bientôt.

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Alphy


14 avril 1460

Me voici à nouveau à Niort chez moi enfin, j’espère encore m’y trouver à l’aise comme on le devrait chez soi. Avec Urp, nous avons voyagé toute la nuit, dans nos paquets quelques poissons de La Rochelle que nous souhaitons vendre sur le marché. J’ai laissé mon ami qui souhaite voir un peu le village avant d’aller se reposer, je crois qu’il a un penchant pour le verger, nous verrons bientôt s’il est à l’aise en haut d’une échelle.

Avec un pincement au cœur, je suis passée discrètement près du dispensaire, près de la Maison des Métiers de Niort et près de mon ancienne cabane… que de souvenirs remontent à la surface mais je suis plus forte aujourd’hui physiquement en tout cas et j’espère que ce courage qui me paraissait naturel hier encore me permettra d’être plus forte aussi moralement. Quartier de la Nuitel, me voilà…je laisse la maison à Urp, je préfère reprendre ma paillasse dans ma meunerie.

Ce matin au petit jour, je trouve lové près de moi, un des chatons laissé si petit à ma garde personnelle, les enfants du quartier. Il s’est enroulé dans la chaleur de ma couverture, encore petit mais malgré tout, si changé en un mois. Ais-je autant changé moi-même ? Un mois c’est si long et si court à la fois pour changer une vie. Le soleil tente de réchauffer l’air frais de ces derniers temps, partout la nature a pris des forces… je me mets au travail, cela m’empêche de trop penser.

Journal, je vais laisser faire le destin, s’il faut que mon chemin croise le sien, j’aurai ma réponse, sinon… je repartirai bientôt sur les routes.

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Alphy


1er mai 1460

Le premier mai vient de passer et me voilà sortie de l’austérité du monastère tout près de Niort ; calme, trop calme, vœux de silence difficile à maintenir. Vive les mauvaises herbes sur lesquelles j’ai pu pester tranquillement dès que j’étais seule en travaillant le jardin des nones. Mais il faut le reconnaître, ces bonnes femmes ont eu raison de mes douleurs, de mes blessures et m’ont fait perdre les quelques réserves charnelles que je pouvais avoir encore en trop. Non pas d’embonpoint tout de même mais quelques rondeurs que les hommes peuvent apprécier enfin… il me semble. Bon je m’égare…

Ah oui journal, je ne t’ai pas dit ... mes blessures… c’est que j’ai eu dans ma grange un petit accident, rien de grave mais une fâcheuse situation car oui j’étais nue enfin… plutôt enrubannée comme une momie presque, dans le drap qui m’attendait à la sortie du bain. Bon il faut dire que je n’avais pas prévu de visite à cette heure là, quand j’ai voulu enlever la poussière, trempée dans un bon bain chaud. Mais voilà Urp avait décidé de me rendre visite, je me hâte, me prend les pieds dans le drap et patatras me voilà le coude amortissant la chute ensanglanté et la cheville prisonnière du drap, tordue. Blessée mais digne malgré tout, ma vertu n’a souffert de rien et mon ami m’a conduit gentiment chez les nones pour y être soignée.

Me voilà donc aujourd’hui de retour dans ma grange, un bouquet de muguet, de jacinthes sauvages en main et trace nulle part d’ami. Pas d'autre rencontre intempestive non plus.

Je pense à repartir, car pas de nouvelle ne veut pas dire bonne nouvelle. Qui vivra verra m’a-t-on appris récemment alors je veux vivre… et je verrai.

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