Voyage aux pieds trainant, les ruelles se faisaient de moins en moins lugubres et noires, le cri des loups était resté en arrière, bien en arrière, sur le haut de ce mont que tous trois devinions, et vers lequel personne nosait se retourner. Moi, je voulais juste arriver a La Suerte, manger, dormir
Et pourtant, jallais devoir faire mon hôte, attendre le Marl
en espérant que les travailleurs soient partis, car aucune envie de sentir le coup des marteaux me martelant le crâne. Bon, daccord, des fois, jaimais à entendre la drôle de musique quils faisaient, en cadence, en rythme, sans sembler sen rendre compte, mais pas ce soir-là
ce soir-là, je voulais juste dormir.
Nous revenions à Paris. Même si nous ne lavions jamais vraiment quitté, faut dire que la Cour ne pouvait être comparée à la Capitale. Même si moi, jsavais déjà que la capitale cté pourri. Et je lavais souvent répété à un Livide qui prétendais que chaque chose en son temps, chaque campagne en son temps, nous allions finir par partir
et revenir.
Je senti la main dIlmarin me lâcher
pour me prendre mieux, dans ses épaules, comme avait fait Marlowes
jattirais les amis ce soit-là ? Me souviens-je avoir pensé
Cétait possible, quen jour de morts, les gens cherchassent à trouver des vivants, des jeunes vivants, des gamins qui avaient une vie devant
Peut-être navaient-ils plus envie de souffrir la mort des amis, et pensaient quun môme ça mourrait après eux
peut-être les adultes pouvaient se tromper à ce point.
Je ne bronchai pas, jacceptai ce geste damitié et de chaleur, même si je savais Ilm fatiguée
Moitié pas le courage de marcher, moitié pas le courage de lui dire non. Pas à elle, à cette femme au regard si paumé, si ailleurs. Ca aurait pu la blesser, comme on dit quil ne faut pas réveiller les somnambules.
Et en parlant de sommeil, cest les yeux mi-clos et la joue sur le dos, que je murmurai des directions sans sens.
Plusieurs fois je me suis fait reprendre par un regard ou une petite tape, qui mindiquait quil ny avait pas de ruelle à gauche alors que je venais dordonner un demi-tour gauche, parfois ils suivaient mes instructions, peut-être sachant que je disais nimporte quoi. Peut-être pas. En tout cas, dans ma somnolence, je souriais de la joie de la bêtise faite. Je souriais du tour de Paris que je leur faisais faire alors que cétais si près, si près de la Cour, que la Suerte
Faut tourner à droi
euh
non rien, enfaite on est arrivés.
Glissade le long du dos dIlmarin, frottement des yeux pour reconnaître en effet la maisonnée que jhabitais.
Je me dirigeai vers la porte, et après deux essai ahuris, je remarquai que soit elle était barricadée de lintérieur, soit le bois avait gonflé
soit elle était fermée à clefs. Et fichtre que diable moi je navais pas les clefs ! Et même pas dbout de fer ! (1)
Deux minutes de réfections, et pis na hé dabord, Marlowes allait entendre parler de moi quand il arriverait ! Pas les clefs ! Heureusement fenêtre avec millimètres douverture (savez, la fenêtre que les ouvriers avaient pas bien faite en mesures et qui était condamnée à laisser rentrer lair à lintérieur pendant que lhistoire de la Suerte existerait
ou au moins jusquà ce quelle soit réparée), et après instants de concentration, fenêtre ouverte.
Deux fois jessayai de sauter et de rentrer, deux fois je me retrouvai à terre et deux fois des murmures-jurons-entre-les-dents se firent entendre. Si javais prêté il, jaurais vu la silhouette qui sagitait, se demandant si intervenir ou pas.
Cest bon, cest bon, jvais y arriver
Jnétais pas très convaincu, mais bon, je perdais rien pour y essayer, sauf quelques unes des pas très nombreuses réserves de force qui me restaient. La troisième cest toujours la meilleure
première fois quun proverbe (cen est un, heein ?) se vérifiais sous mes yeux. Je réussi à entrer, tombant, mais cette fois à lintérieur de lhôtel, faisant tomber avec moi une table et me trouvant
nez à nez avec un chat
UN CHAT ??? Et puis quoi encore ??!! Et depuis quand en plus !!
Je me relevais, le regardais faire, ne compris pas quil avait une souris sous les pattes, soulevai un sourcil pour sa position bizarroïde, et lui caressai le pelage.
Si tu pises dans les tapis du Marl tu peu dire salut à ta belle vie.
Direction la cuisine, chopage dune bouteille de lait et dun plat (que je tardais deux heures à trouver
), versage de la demi-dernière-bouteille-de-MON-lait dans le plat, et posage de ce plat avec du lait près du tapis (non, pas SUR le tapis) et près du chat.
Té, un peu pour toi, le reste pour moi. Tpeu pas savoir comment je regrette den avoir donné la deuxième aux autres mioches
(2)
Et dans lélan me souvenir que javais laissé deux gentes derrière la porte, entrain de cailler de froid, et dans limpossibilité de rentrer par la fenêtre (comme quoi, des fois, être mioche cest quand même bien). Je laissai donc le bon ami que je prévoyais déjà me faire, et jouvris la porte dentrée.
A ce même instant une troisième silhouette se dessina.
Hey ! Qui êtes vous ?
Sourcil relevée -Et vous-même ?
-Larrons! Vous volez cette piaule ?
-Nimporte quoi ! Dun, ça à même pas lair dune maison vu lbordel de lintérieur, et ddeux cest chez moi ici !
-Chez vous ? Et pourquoi vous êtes rentré par la fenêtre, hein ? Il croyait vraiment avoir trouvé largument en béton lpov
-Car jai pô les clefs. Normal, non ? Sourire, haussement des épaules, signe au jeunot et a lIlm quils pouvaient rentrer.
-Cest pas normal tout ça
-Ben quoi ? Ca arrive de paumer ses clefs non ?
-Hum
mouaif
mais tout de même! On ma informé quici habitait un Monsieur Marlowes, pas un gamin! Et puis comment tu aurais pu trouver largent de te payer ça !? Mouvements de têtes
vraiment il y à des gens qui ont la tête dure dure dure, et les neurones si peu nombreuses
-Mais jnai jamais dit que lMarl il habitait pas ici
Air abasourdit du gars
Je suis son écuyer
et je voudrais bien savoir ce que vous voulez à mon Maître.
-Ah
tout sexplique. Bon ben
euh
écuyer de Marlowes, ton maître est dans les parages?
-Ca dépend de ce que vous lui voulez
-Ecoute, ce nest pas à toit de me demander ce que je veux de ton maître. Tes un micohe, tu te mêles pas des histoires dadultes, ok ? Tu me dis juste sil est là.
-Dans ce cas
Non, il est pas là. Je fit mine de refermer la porte quil rouvrit à la volée. Je sentis sa colère monter, mais vu, sans doute, mon sourcil relevé et mon air menfoutistedeceluiquiàtoussesdroitsici, je le sentis aussi la ravaler.
Oui
?
-Je voudrais savoir ou est ton maître
-Et moi pourquoi tu le cherches et pourquoi tu espionnes lentrée de la Suerte.
-Ecoute, je ne vais pas mengueler avec un gamin.
-Je suis Lancelot et jdemande pas mieux que ce que vous me laissiez dormir.
-Bon, Lancelot, jai vraiment besoin de savoir, ma maîtresse lattends. Et
première gaffe de la soirée lami ! Et de à, je nallais sans doute plus te lâcher.
-Oui je sais. Même pas en plus. Scuse donc, je savais pas que cétait elle qui tenvoyais. Il paru soulagé.
-Bien ! Je texcuse. Alors, tu me dit ou il est ton maître ?
-Non désolé. Jai un message important de lui pour ta maîtresse, et seule elle doit en prendre connaissance.
-Quelque chose de grave?
Je ne peu pas en dire plus, désolé. Mais je doit dabord vérifier que tu est bien un ami, et que tu est bien au service de celle a qui je doit livrer mon message.
-Oui, euh
bein sur, je comprends
Qui est ta maîtresse ?
-Ben, la Princesse Ann de Montmorency
(3)
Oui cest ça, parfait. Bon, tu veux bien mattendre cinq minutes ? Entre, entre.
Je le fis entrer, je refermai la porte derrière lui, je le laissai à lentrée et me dirigeai vers la cuisine, ramenant avec moi Ilm et le jeune homme, les tenant par les bras et genre « vous ne dites rien, vnez ».
Une fois en cuisine je cherchai quelques trucs sur les étagères et les tiroirs. La moitié de la bouffe était encore dans les boites en carton (4). Bien sur, mes recherches se firent juste du côté ou le mur me voilait à la vue du gars à la porte qui attendait.
Bon les gentes, vous vous asseyez, je vais trouver une bouteille, vais aussi zallumer le feu, et vous mattendez. Jdois arranger quelques
affaires. Je reviens avant Marlowes. Faites comme chez vous mais ne bordelisez pas trop, après Marl il va dire que cest dma faute.
Ma faute
namé
Cétait quoi cette histoire avec une princesse qui envoie des gardes nous espionner ? Cétait un mystère à éclaircir
et à tout prix ! Et je ny manquerais dailleurs pas. Milles suppositions se faisaient sur ma tête
la pire était sans doute la plus vraie : son amante.
Passant devant espion et chaton.
Euh
Moi Lancelot, toi ?
-Maurice
Signe de tête de Ok, regard au chaton. Et toi ? Mais bon, jcroyais savoir que les animaux ça causait pas, donc direction la salon, allumage de feu en expert (car ouais, même si jaimais pas, je le faisait de temps en temps et je savais faire), puis retour à la cuisine, allumage dun espèce dâtre fait spécial cuisine ou ché pas quoi.
Puis fouillage des caisses
Alors, javais bien acheté 6 bouteilles de rouge, nan ? Comme par hasard, je nen trouvais que trois
mais bon, hein, tant que je ne trouverais pas les vides, je ne pouvais pas dire qui était lcoupable
têtre javais mal cherché
mouais
genre. Pariais tout ce que javais quil les avait bu avec la Madelon, lMarlou ! (5).
Bon des trois trouvées jen pris
les trois. Une, pourtant je la mis à labris dans un tiroir.
Celle-là
Pas touche ou je vous désinvite.
En garder quand même un peu pour le Marl. Jen ouvris une, je pris un verre, je le servis à ras-bord, je le posais sur la table avec regard genre «celui-là non plus, pas touche». Je continuais recherche dans la forêt des caisses, je pris la boite aux pâtisseries et aux tartes aux pommes, je posais sur la table, pris un morceau de la tarte, passai à toute allure, embrassai Ilmarin sur le front en me mettant sur les pointes des pieds.
Le Sommeil ? Disparu
KECEKEKECETTEFEMMEVOULAIT AVEC MON MAITRE !!??
La joie de laventure. Et la jalousie de la possesitivité de MON maitre a MOI.
Au passage je chopais ma sacoche qui trainais là, avec pleins de petits trucs bien à moi...
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(1) Même au Palazzo, quand Lancelot essayait de rentrer dans la chambre du feu Gris, sous ordre d'Ilmarin, pour prendre la petite boite où allaient être rangées ses cendres, il avait eu besoin de prendre la ceinture du garde qui l'accompagnait puisqu'il n'avait pas de bout de fil de fer sur lui (chose qu'il à d'habitude vu qu'il sait ouvrir les cerrures grâce à ça) => Palazzo
(2)Lancelot à été envoyé par Marlowe's acheter de quoi manger, un matin. Mais se retrouvant avec assez peu d'argent, il à préféré voler le marchand avec des excuses bidonnes et à l'aide de deux gamins, qu'il paya plus tard d'une des deux seules bouteilles de lait qu'il avait prises => Suerte, quelques pages avant.
(3) En effet, la Princesse Ann de Montmorency attends Marlowe's et à demandé à ce que quelqu'un soit posté devant la Suerte pour la prévenir de l'arrivée du Livide => Hôtel de Montmorency
(4) les Boites en carton où se trouve la nourriture sont celles volées aux Halles => (2)
(5) La Madelon, venue pour regler les affaires de traveaux à la Suerte, fut surprise par Lancelot avec Marlowe's dans des circontences douteuses => La Suerte quelques pages avant.