Nethel
[Une nuit, au début d'octobre 1462.]
Le sable crisse sous le pas botté du matelot.
Il marche, la tête baissée, plongé dans ses pensées qu'il rumine depuis quelques heures.
Jamais il n'a refermé derrière lui la porte d'une taverne avant que la minuit ne soit passée, pourtant ce soir, au lieu de s'enivrer, il laisse la rumeur des vagues le bercer.
Elles lui ont manqué, ces traîtresses, fortes enclines à tout avaler. Des semaines de vie terrienne, des semaines à ne croiser que de l'eau douce et supporter un vent lourd, chargé d'odeurs fuligineuses.
Une vie à laquelle il a encore parfois du mal à se faire. Tout est si différent, si compliqué et à la nuit tombée, aucune vague ne vient plus emporter ses problèmes, aucun roulis ne l'endort doucement.
- Putain de Bretagne... Putain de dimanche... Putain de vie...
Une litanie qu'il ne se lasse pas de se répéter depuis la fin de l'après midi.
Cette journée est décidément maudite, malgré une ou deux rencontres intéressantes et quelques échanges plaisants, rien n'a semblé vouloir se passer comme il aurait aimé.
Ses pas s'arrêtent et d'un levé de bras, il fait passer la bandoulière de son sac par-dessus sa tête, le laissant tomber sur le sable humide. Sans ménagement, son corps le rejoint, s'écroulant plus qu'il ne s'assoit.
- Une pierre attachée aux pieds, suivi d'une baignade. Elle en a d'autres des conneries de ce genre ? Elle m'épuise...
Il lui avait laissé le plan censé la guider jusqu'à la chambre qu'il avait loué pour eux deux, puis il était parti, la laissant sur ces mots qu'elle avait prononcé. Il s'en veut de ne pas être resté, de projeter de passer la nuit sur cette plage, mais il n'a pas d'autre choix. Se renier ce soir le ferait courir à sa perte. Demain, les vagues l'auront vidé, purgé de ce mal-être que tous ont ignorés aujourd'hui. Demain serait un jour nouveau, rempli d'une nouvelle épreuve quand il faudra se tenir face aux béarnais pour leur apprendre la nouvelle. Demain, son sourire ne serait peut-être plus forcé. Demain, quelqu'un cherchera peut-être à comprendre pourquoi.
- Ou pas...
Les mains croisées sous la nuque, il s'allonge et ferme les yeux.
Son esprit se perd à la surface de l'océan, cherchant à y plonger, cherchant un refuge de tranquillité, quand l'image d'une chevelure rousse s'impose à lui.
Il n'a plus pensé à elle depuis un moment, pas comme ça.
Il a évoqué son existence quelques jours plus tôt, certes, mais comme on parle d'un fragment de son enfance, sans vraiment y réfléchir. A cet instant, il aimerait savoir où elle est. Et même si elle n'en aurait strictement rien à foutre, il aimerait lui parler de sa vie.
- Après tout c'est ma frangine, j'aurais bien le droit de l'emmerder un peu.
Un sourire sincère s'étale enfin sur ses lèvres et son esprit plonge sans retenu dans l'eau qui s'étend à perte de vue.
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Le sable crisse sous le pas botté du matelot.
Il marche, la tête baissée, plongé dans ses pensées qu'il rumine depuis quelques heures.
Jamais il n'a refermé derrière lui la porte d'une taverne avant que la minuit ne soit passée, pourtant ce soir, au lieu de s'enivrer, il laisse la rumeur des vagues le bercer.
Elles lui ont manqué, ces traîtresses, fortes enclines à tout avaler. Des semaines de vie terrienne, des semaines à ne croiser que de l'eau douce et supporter un vent lourd, chargé d'odeurs fuligineuses.
Une vie à laquelle il a encore parfois du mal à se faire. Tout est si différent, si compliqué et à la nuit tombée, aucune vague ne vient plus emporter ses problèmes, aucun roulis ne l'endort doucement.
- Putain de Bretagne... Putain de dimanche... Putain de vie...
Une litanie qu'il ne se lasse pas de se répéter depuis la fin de l'après midi.
Cette journée est décidément maudite, malgré une ou deux rencontres intéressantes et quelques échanges plaisants, rien n'a semblé vouloir se passer comme il aurait aimé.
Ses pas s'arrêtent et d'un levé de bras, il fait passer la bandoulière de son sac par-dessus sa tête, le laissant tomber sur le sable humide. Sans ménagement, son corps le rejoint, s'écroulant plus qu'il ne s'assoit.
- Une pierre attachée aux pieds, suivi d'une baignade. Elle en a d'autres des conneries de ce genre ? Elle m'épuise...
Il lui avait laissé le plan censé la guider jusqu'à la chambre qu'il avait loué pour eux deux, puis il était parti, la laissant sur ces mots qu'elle avait prononcé. Il s'en veut de ne pas être resté, de projeter de passer la nuit sur cette plage, mais il n'a pas d'autre choix. Se renier ce soir le ferait courir à sa perte. Demain, les vagues l'auront vidé, purgé de ce mal-être que tous ont ignorés aujourd'hui. Demain serait un jour nouveau, rempli d'une nouvelle épreuve quand il faudra se tenir face aux béarnais pour leur apprendre la nouvelle. Demain, son sourire ne serait peut-être plus forcé. Demain, quelqu'un cherchera peut-être à comprendre pourquoi.
- Ou pas...
Les mains croisées sous la nuque, il s'allonge et ferme les yeux.
Son esprit se perd à la surface de l'océan, cherchant à y plonger, cherchant un refuge de tranquillité, quand l'image d'une chevelure rousse s'impose à lui.
Il n'a plus pensé à elle depuis un moment, pas comme ça.
Il a évoqué son existence quelques jours plus tôt, certes, mais comme on parle d'un fragment de son enfance, sans vraiment y réfléchir. A cet instant, il aimerait savoir où elle est. Et même si elle n'en aurait strictement rien à foutre, il aimerait lui parler de sa vie.
- Après tout c'est ma frangine, j'aurais bien le droit de l'emmerder un peu.
Un sourire sincère s'étale enfin sur ses lèvres et son esprit plonge sans retenu dans l'eau qui s'étend à perte de vue.
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