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[RP] Deux estrangers et un tonneau de bière

Syuzanna.
[Dans une taverne Mainoise]

La taverne s'appelle... Le Chat Errant. Ce nom lui rappelle celui d'une auberge de Compiègne. Le Chat Perché. Comment vont les Compiégnois ? Bah, ce n'est pas le moment de se poser la question. Cela fait bientôt trois heures que la Saxonne n'a rien bu. Et, même s'il ne fait pas encore si chaud que cela, elle n'est franchement pas contre une bonne chope.

Syu pousse donc la porte de la taverne. Les quelques clients présents - la plupart étant des hommes - la regardent bizarrement. Eh bien ? N'ont-ils jamais vu une femme de leurs vies ? Elle repousse n arrière, d'un mouvement de tête sa longue chevelure rousse, qui cascade jusqu'à sa taille fine. Les nattes, c'est fini, vive la libération de tignasse.

D'une démarche légèrement chaloupée, elle s'avance vers le comptoir, où le tavernier la dévisage d'un mauvais oeil. Qu'est-ce qu'il a celui-là ? Elle lui sourit, histoire de montrer qu'elle est tout ce qu'il y a de plus civilisée. Elle commande d'une voix calme, où perce un léger accent saxon, une chope... Non, un tonneau entier de bière. Oui, elle a les moyens. La preuve ? Elle dépose la somme dûe sur le comptoir, avec en prime un petit supplément. Il est content ? Il va la servir ? Oui ? Bien ! Elle se détourne, cherche des yeux une table libre. La trouvant, elle va y prendre place. Elle pose son pied sur la chaise voisine de celle où son derrière est installé. La robe blanche, fendue, cache habilement ce qu'il ne faut pas voir, tout en révélant tout de même la cuisse de la jeune femme. Cuisse que l'on ne peut admirer sans aperçevoir également la lanière de cuir qui retient un poignard. Les bonnes habitudes ne disparaissent jamais.

Enfin, le tonneau et le tavernier, s'approche de sa table, et l'homme, barbu et hirsute, lui tend une chope. Il lui soiuhaite une bonne consommation. Elle a plutôt intérêt d'être bonne, oui, au prix qu'elle lui a coûté ! Mais bref, l'homme repart, et pendant ce temps, Syu remplit sa chope. Tout en observant les allées et venues de la serveuse, sans nul doute la fille du propriétaire, la Saxonne plonge dans ses pensées. Viendra-t-il, ou ne viendra-t-il pas ?

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Soren
[Après avoir fait n'importe quoi dans une autre taverne...]

Au petit matin, elle avait disparu. Je ne sais quand elle avait décidé de partir finalement. Après le deuxième ou le troisième chapitre? De toutes façons, cela n'a aucune importance. C'est elle qui m'a abordé à l'antre du démon parce que je martyrisais ce satané tavernier. Cette chope, je l'avais payé. J'avais le droit de la boire! De quoi se mêlait-il lui? J'ai bien le droit de passer tout mon salaire du jour dans la bière non?

Elle était d'une beauté fracassante, à faire damner tous les saints du paradis. C'était une fille de joie, le genre de fille qui donne un peu de bonheur aux hommes qui n'en n'ont plus. Dois-je me classer dans cette catégorie? Je n'en sais rien. Je n'en sais foutrement rien! Je ne sais pas grand chose d'ailleurs. J'ai tourné une page de ma vie. Le seul problème, c'est que j'ai l'impression d'être arrivé au bout du livre... J'ai l'impression que la page que je viens de tourner, c'est la dernière!

Alors voilà, j'ai accepté son offre. Je lui ai dis que je n'avais plus un seul écu, que j'avais tout passé dans l'alcool. Cela ne semblait pas la déranger. Comment comptait-elle se faire payer? Par la propriétaire de la taverne? Parce qu'elle lui aurait évité une bagarre et des dégâts? Bah, après tout je m'en fous! On est entré dans la chambre, j'ai retiré mes bottes et je me suis allongé dans le lit. Elle est venue près de moi et...je lui ai parlé. Oui. Je n'étais capable que de ça. Je n'avais envie que de ça. Je lui ai parlé de moi. De ma vie passée. De mon futur que je ne distinguais pas encore. J'ai sans doute du la saouler. Je me suis d'ailleurs saoulé moi-même. Après la bière, les paroles! J'avais l'esprit lourd. Des images et des pensées s'entrechoquaient dans ma tête. L'alcool apportait dans tout ceci une sorte de liant agréable. Le passé était fait de noir et de rouge. L'avenir n'était qu'un grand vide insondable. Pas de doute Seurn, tu es bien un homme à femmes!

Au petit matin, j'ai la mine des grands jours. Celle du noble qui doit gagner sa croute de pain en raclant la terre. Déchéance totale! La beuverie de la veille s'est dissipée. Seul un gros mal de crâne subsiste.

Mais aujourd'hui n'est pas jour de labeur! J'ai reçu un pigeon d'une bonne amie. elle m'invite à venir prendre une chope en taverne. Je souris... et je grimace. Une vague de douleur me transperce la cervelle de part en part. Ouh...Le voyage jusqu'au chat errant risque d'être pénible, mais quelle joie de ne pas travailler ce jour. Mon ventre crie famine? Bah, qu'il attende celui-là!


[A la recherche de soi, errant autant que le chat...]

L'endroit est bruyant. Ca discute, ça chante, ça se dispute... comme dans toutes les tavernes. La différence principale avec les autres, c'est qu'ici je vais y retrouver une amie. Une bonne amie. Je passerai bien au comptoir me prendre une chope mais je n'ai pas un seul écu en poche. Et il est encore bien trop tôt pour entamer une bagarre générale pour un peu de bonheur liquide.

Mes mirettes balaient la pièce sombre. Elles se sont habituées à la pénombre de l'endroit. Ca y est! Je distingue enfin la crinière enflammée que je cherchais. Je m'approche. Je suis sobre dans mon attitude et mes paroles.


Bonjour Syu! Heureux de vous revoir!

Je suis hésitant. Je ne sais comment me comporter. Mon regard se perd quelque part dans la foule. Qu'est-ce que je cherche? Un peu de contenance peut-être? Tiens! Un tonneau...
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Syuzanna.
[Au Chat Errant, assise à une table, près de son tonneau]

Syu lève le nez de sa chope lorsqu'une ombre lui cache la lumière passant difficilement au travers des carreaux crasseux. Si c'est encore un bonhomme qui vient lui demander son nom avec un sourire idiot, elle se promet de l'embrocher. Mais alors que ses yeux noisette se posent sur l'homme en face d'elle, un immense sourire éclaire son charmant visage. Soren Eriksen ! Il est venu ! Elle se lève d'un bond, souriant toujours. Calme-toi, Syu, s'enjoint-elle. On dirait une adolescente. Une fifille ridicule. Le genre à qui elle a envie de casser les dents, d'ordinaire.

- Je suis bien heureuse de votre venue, Soren Eriksen, fait-elle en hésitant.

La bise ou le bon vieux serrage de main traditionnel ? Les Françoyses auraient-elles finalement laissé leur empreinte sur elle ? Elle en aurait presque frissonner. Finalement, elle opte pour une petite tape sur le bras, en souriant. Un sourire chaud et qui signifie des tas de choses. A condition de se donner la peine d'essayer de les comprendre.


- Tavernier, hurle-t-elle. Une autre chope, immédiatement !

Comment ça, elle n'est pas polie ? A-t-on besoin d'être toujours poli ?
Elle regarde le Danois, et se rassoit doucement. Va-t-il rester debout tout le temps ?


- Prenez place, je vous en prie, fait-elle en indiquant la chaise en face d'elle.

Le tavernier pose une chope vide devant le Danois. La Saxonne la remplit immédiatement, et la fait glisser juste devant Soren. Elle ne sait pas comment engager la conversation. Non, elle n'est pas ivre. Ni gênée, même. Quoi que... Elle le regarde. Il a l'air un peu fatigué. Le trajet ? Ou autre chose ? Elle boit une gorgée de bière. Fameuse, soit dit en passant
.

- Alors, fait-elle en posant les coudes sur la table. Quoi de nouveau depuis la dernière fois ?
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Soren
[Etats de dame...]

L'accueil que me réserve la saxonne est chaleureux. Je suis heureux de la voir. A quand remonte notre dernière rencontre? Hum...sans doute aux retrouvailles d'Audrey avec Erraa. Le temps passe vite. Très vite. En ce moment, j'ai besoin de parler avec des amis, me confier, déblatérer de tout et de rien tout en buvant une bonne petite bière! Syu est la personne idéale pour ça!

Je prends place en face d'elle. J'allonge mes jambes pour les décontracter et je n'arrête pas de zyeuter ce tonneau. For fanden! Un tonneau! Un tonneau plein de bière? Vraiment? Hé... je vais finir pompette pour une deuxième soirée d'affilé moi! La réponse ne tarde pas à venir. Une chope glisse jusque moi. Je l'attrape et m'en délecte.


Santé chère Saxonne! Que la Sainte-Boulasse veille sur vous!

Le trajet jusque Mayenne a asséché ma gorge. Le liquide doré qui coule maintenant en moi est un nectar divin que j'apprécie à sa juste mesure! Mon regard dévie une nouvelle fois vers le tonneau.

Dites-moi, cela ne vous dérange pas si je me saoule ce soir n'est-ce pas?

L'animation de la table d'à côté ne me plait guère... surtout quand un quidam se permet de me bousculer. Je le repousse vivement, sans aucune précaution.

Hé toi! Va vomir ailleurs tu veux! Mes bottes valent plus qu'une année de ton labeur!

Ce n'est guère le moment de me chercher des noises! Je jette un regard noir à l'impétrant qui n'insiste pas et reporte mon attention vers Syu. Mes traits se détendent immédiatement.

Quoi de neuf?

Je ne me retiens pas. J'éclate d'un grand rire sonore. Cela me fait du bien même si j'en ai mal aux entrailles tellement le rire est puissant.

Après toutes les aventures que nous avons vécu ensemble pour amener Loh dans le Maine, vous me parlez encore comme si j'étais un inconnu ? Rassurez-vous Syu, je n'ai pas changé, je suis toujours le même Soren Eriksen... Celui qui vous a défi à Compiègne!

Mensonge? Demi-vérité? Bah quelle importance? Tout ceci n'est que détail.

Mais puisque telle est votre question...

Hum... La réponse risque d'être longue. Aussi mieux vaut avoir la gorge bien hydratée avant de commencer. Sourire ancré aux lèvres, je lui renvoie ma chope. Vide.

Eh bien, après mon départ de Laval, je me suis installé à Mayenne. Temporairement. J'ai besoin gagner quelques écus avant de reprendre la route pour de bon. Je ne sais où j'irai Syu. J'ai l'impression d'être incapable de m'installer quelque part...

D'abord enjoué, mon ton devient plus confidentiel. Je lui parle comme si je la connaissais depuis mon enfance. Elle est une guerrière comme moi. Et une saxonne qui plus est. Elle est sans doute capable de me comprendre. Et j'ai besoin de parler.

... Vous savez, je pensais vraiment m'installer à Laval. J'ai fait des démarches pour entrer dans l'Ost mainois. J'ai aussi postulé à un poste d'officier de police.. et j'ai tout lâché. J'ai l'impression que Laval n'est plus un endroit pour moi. Pas plus que ne l'est le Danemark désormais.

...Danemark que j'aimerais tant revoir!

Et vous Suy? Comment se passe votre installation à Laval? Avez-vous commencé votre intégration dans le village?

Mon regard dévie ostensiblement vers la robe fendue. Même si je ne suis pas un homme à femmes, je ne peux éviter certains comportements typiquement masculins...et instinctifs!

Quoi qu'il en soit, je vois que les cours de Marjo et de Loh portent fruit! Et j'en suis fort aise!

J'envoie un clin d'oeil amical en direction de la donzelle rousse. Petit hochement de tête et...

Prête pour une deuxième bière?
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Syuzanna.
[Entre deux chopes, le ventre vide et les idées en vadrouille]

Elle se penche vers lui, offrant sans s'en rendre compte une vue assez agréable sur son décolleté. Elle ne réalise même pas que cette posture peut donner quelques idées étranges, même au plus respectable des hommes. Elle ne se comporte pas différement que si elle portait l'une de ses larges chemises d'hommes. Elle l'écoute sans mot dire, hochant la tête, et finit par remplir sa chope vide, puis la lui tend.

- Je vous comprends. A vrai dire... Je ne me suis pas encore réellement installée à Laval. Je n'ai pas déménagé, figurez-vous.

Elle se met à rire, elle aussi. De son rire cristallin léger, si léger qu'il semble s'envoler dans la taverne sombre. Le Chat Errant, quel drôle de nom ! Mais il lui correspond si bien, à elle aussi. Errante, elle n'est rien d'autre que ça. Elle se penche de nouveau vers lui, après avoir achevé sa première chope.

- Je suis comme vous. Impossible de me fixer. C'est comme si les Dieux refusaient que je trouve un autre chez moi. C'est étrange, non ? Une Saxonne n'est peut-être faite que pour vivre dans son pays... Comme les Danois, allez savoir ?

Elle lui sourit. Que ne donnerait-elle pas, pour fouler de nouveau le sol de sa patrie ? Pour se tenir droite devant les plaines vallonnées de son pays ?
Vite, chasser cette pensée de son esprit. Il y a de quoi devenir folle.

Mais voilà qu'il semble la mettre au défi de boire une seconde chope. Un défi ? A elle ? Attention, Soren Eriksen, songe-t-elle avant d'arrêter net le cours de ses pensées. C'est son ami, non ? Il ne passe pas sa vie à la provoquer ! Bon, il doit peut-être s'amuser de temps en temps avec son chaud tempérament, mais...

Elle se reprend donc, et remplit également sa chope, un grand sourire s'étalant sur son visage. Bien sûr qu'elle est prête ! Elle passe sa vie à être prête à boire ! Le fait qu'elle ait le ventre vide ne la perturbe pas plus ça. Elle sait bien que boire à jeun est assez mauvais. Elle en avait eu des aventures étranges, ivre et le ventre vide ! Ce qui ne l'empêche absolument pas de recommencer aujourd'hui.


- Mais oui, tout à fait prête, mon cher Soren !

Et hop, la voilà qui boit cul sec ! Quelle folle, songe-t-elle. Puis, de nouveau, la voilà qui se penche. A croire qu'elle a décidé de faire corps avec cette sordide table de bois.

- J'ai une idée, Soren Eriksen...

Mais pourquoi l'appelle-t-elle toujours par son nom et prénom ? Sûrement parce que le son lui plait bien. C'est assez doux à l'oreille. Soren Eriksen...

- Je ne me fixe nulle part, et vous, c'est la même chose. Alors... Pourquoi ne pas sillonner la France ensemble ?

Idée de Saxonne ivre ou idée de femme en manque de voyage ? Et si c'est autre chose, encore ?
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Soren
[Quand chopes pleines et ventres vides font mauvais ménage…et bon manège!]

Décidément, elle a encore beaucoup à apprendre avant de devenir une femme qui se comporte…en femme! La vue plongeante qu'elle m'offre involontairement sur son décolleté en est la preuve indiscutable! Devrais-je le lui signaler? Bah, il sera bien temps plus tard! A moins que… A moins qu'elle ne s'aperçoive que mon voisin d'à-côté a la lèvre pendante, et qu'un trait de bave est sur le point de rejoindre la table quelques pouces plus bas. Tiens, cela me donne une idée! J'ai besoin d'action! J'ai besoin de me changer les idées! Il faut que je signale à Syu que sa posture a quelque chose d'indécent. Il faut aussi donner une bonne leçon à l'avorton d'à-côté. Pourquoi ne pas combiner tout ça? Patience… Chaque chose en son temps.

Je reporte mon attention vers la saxonne. Quelque chose me chiffonne depuis longtemps. Puisque l'on en est aux confidences, pourquoi ne pas en profiter pour satisfaire ma curiosité maladive? Je n'ai pas le temps de prendre la parole que la deuxième chope se présente à moi. Je m'apprête à la déguster quand j'aperçois la rousse qui descend la sienne d'une seule gorgée. Les souvenirs de Compiègne remontent à mon esprit… Ma défaite au lancer de chopes! Non, il ne sera pas dit que c'est encore elle qui aura le dessus sur moi cette fois! A mon tour, je descend la bibine d'un trait. Le goût importe peu désormais. Seule la quantité compte… La quantité pour l'ivresse! J'ai besoin d'oublier et je vais oublier. Ce soir encore.

Je fixe ses mirettes et lui lance un regard de défi. Je me lève sans tituber et vient plonger moi-même ma chope dans le tonneau. Et de trois! Le défi est lancé lorsque je porte une nouvelle fois le trésor liquide à mes lèvres. Cul-sec encore! Et je viens claquer la chope de bois contre la table en guise de satisfaction! For fanden ce que c'est bon! Cette fois, la tête commence à me tourner légèrement. Que soit bénie l'ivresse qui apporte le plaisir, la plénitude et le bien-être !

Je l'écoute parler. Mon sourcil s'arque, puis revient à sa place. Je me penche vers elle à mon tour. Mon nez est à une lame de poignard danois du sien. Je la dévisage d'un regard qui se trouble légèrement sous l'effet de l'alcool.


Dites-moi Syu, êtes-vous entrain de me proposer de devenir mon protecteur? Parce que vous savez… je peux très bien me défendre seul!

Je marque un temps d'arrêt, observant sa réaction. J'ai toujours été un peu joueur, un peu taquin.

… Mais je reconnais qu'il est bien plus agréable de voyager accompagné que seul!

Et comme si cela ne suffisait pas…

Cependant, avant d'accepter votre proposition… j'ai envie de…

Je me suis encore approché d'elle. Je darde mon regard dans le sien. Je la mire avec intensité. Mes avant-bras sont posés sur la table, proches des siens.

…de….

… de savoir pourquoi une femme qui se dit saxonne porte un nom écossais! Mais cette phrase ne sortira jamais de ma bouche. Un détail situé en haut à droite de mon champ de vision me perturbe. Même après quelques bières, mes sens sont suffisamment alertes pour détecter le danger. Je ne me rends pas compte que mon geste pourrait être mal interprété. Je n'ai pas le temps de réfléchir d'ailleurs. J'agis. De la table, ma main glisse vers sa cuisse dénudée. Du genou, elle remonte vers le haut de celle-ci, avec rapidité. Je m'empare de son poignard, me lève et l'envoie par dessus son épaule. Celui-ci vient se ficher droit dans la paume de main du goujat qui se tient derrière elle. Pour quelqu'un qui a trop bu, je vise encore bien… ou j'ai beaucoup de chance!

On ne touche pas à la dame! C'est une très mauvaise idée!

Je n'ai pas dit plus tôt que j'avais besoin d'action moi? Quand un vieux matou mité erre trop près d'une chatte rousse amie, le grand danois aboie.
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Syuzanna.
[Petites embrouilles et pieux mensonges*]

Devenir son protecteur ? Elle le regarde étrangement, haussant un sourcil. Non, ça, elle a déjà essayé avec Loh. Et puis, depuis quand les femmes protégeaient les hommes ? Elle réprime un rire en songeant qu'autrefois, elle en protégeait, des hommes. Syu se racle la gorge pour étouffer le début de rire qui manque de s'emparer d'elle. Il n'y avait pas si longtemps, si Soren avait été Saxon, il aurait été sous ses ordres. Rien que d'imaginer la chose... Elle se mord l'intérieur de la joue. Calme-toi, Syu, calme-toi. Il aurait d'ailleurs fallu pour cela qu'il fasse parti de son Clan. Sinon, s'il avait été fils de Chef, on les aurait probablement...

- Rien du tout ! s'écrie-t-elle pour interrompre le flot de ses pensées. On ne nous aurait rien du tout !

Elle se reprend. Vient-elle vraiment de s'exprimer à voix haute ? Elle sourit de travers, comme pour se faire pardonner. Et voilà qu'en plus, Soren remplit sa chope dans le tonneau, avec un regard étrange. Elle a déjà vu ce regard. Le concours de bière, à Compiègne. Cette fois, son sourire se fait amusé. Il veut jouer ? Attention, Danois, une Saxonne a toujours une idée derrière la tête. Et va savoir ce à quoi elle pense...

Syu relève tout de même le défi. Après tout, cela ne peut que lui faire du bien. N'existe-t-il pas un baquet rempli de bière, dans cette taverne ? Elle se voit bien faire trempette dedans. Mais, trève de songe mort-né. Elle emplit sa propre chope, et la boit d'un trait également. Voyons voir qui tient le plus l'alcool, dans cette affaire. Elle a été élevé au scotch, tout de même. Détail à ne pas oublier.

Brusquement, elle repose la chope sur la table, qui claque contre le bois de la table. Elle lui adresse un immense sourire, les yeux pétillants. Jusqu'à ce qu'il se penche. Près. Très prêt. Trop prêt ? ... Qu'est-ce que c'est ? Un test ? Elle le regarde dans les yeux. Ses prunelles se posent tantôt sur les lèvres, tantôt dans les yeux du Danois. Qu'est-ce qu'il...

Il pose la main sur sa cuisse, le gredin ! Mais en fait... Qu'est-ce que cela veut dire ? Non, elle n'est pas tout à fait sotte, et encore moins nonne, mais cela l'étonne tant de Soren qu'elle reste littéralement bouche bée. Jusqu'à ce qu'il lui ôte son poignard. Erreur, c'est encore pire que s'il venait de la déshabiller. Et le voilà qui jette son arme les Dieux savent où.

Cri de douleur, hurlement de rage, insultes mal articulées. La Saxonne se retourne, étonnée. Mais qu'est-ce qu'il fait là, celui-là ? Elle aurait du l'entendre ! Et c'est cela, plus le fait qu'il s'apprêtait à la toucher, qui la choque. D'un coup sec, presque sans réfléchir, elle reprend son poignard, fichée dans la main de l'ivrogne, et l'essui sur sa chemise qui devait autrefois être blanche. Elle se retourne et lance un regard à moitié accusateur, à Soren Eriksen. Que lui a-t-il donc fait, pour la distraire au point qu'elle n'entende ni ne sente le danger derrière elle ?

Puis, elle se tourne de nouveau vers son agresseur agressé. Il gémit toujours, se tenant la main. La serveuse s'approche, et leur hurle que les bagarres ne sont pas autorisées au Chat Errant. Cri reprit par le tavernier. Dehors ! Dehors ! Elle lui jette un regard glacial. Bon, peut-être peuvent-ils juste se calmer ? Mais bien sûr, Sieur Barbu. Juste un instant, s'il vous plait.

Syu se tourne de nouveau vers le blessé. Il se roule par-terre. Il est ridicule. Incapable de supporter la douleur. Fillette... Une moue de mépris accroché au visage, la rousse repousse le corps gémissant du bout du pied. Un de ses amis s'approche, l'air mauvais. Il faut s'en débarasser, et vite. Elle n'est pas contre une bonne bagarre, bien entendu. Mais elle est plein concours de chopes, là.


- Excusez mon époux, fait-elle en posant une main légère sur l'épaule de Soren. Il a horreur qu'un autre me touche.

Sourire d'excuse, elle s'accroche à l'épaule du Danois. Elle a, en cet instant, un air si angélique qu'elle pourrait faire avaler n'importe quel mensonge à n'importe qui. Le molosse s'éloigne un peu, trainant son compagnon par les aisselles, jusqu'à la table qu'il occupait avant de se faire pérforer la main.

Reprenant mine de rien sa place, un petit sourire aux lèvres, elle remplit la chope de Soren, puis la sienne, avant de le regarder, fichtrement amusée.


- Bien, où en étions-nous déjà ? Je gagnais, c'est ça ?

Insolence, quand tu nous tiens...

[*titre d'un roman d'Elizabeth Young]
_________________
Soren
[Un peu de musique pour adoucir les moeurs?]

L'affaire est bien prise en main. Enfin… si je puis m'exprimer ainsi! Le couteau lancé, les hurlements fendant le brouhaha de la salle, Syu s'occupe du reste de l'affaire. Inutile que je m'en mêle, elle est assez grande conclure l'histoire à sa sauce. Mais le lancer du poignard et ce qui s'en est suivi a remué la fange de cette taverne. La vase a été dérangé, elle vient brouiller l'eau croupie. Mieux vaut être sur ses gardes. Ca et là, ça murmure, ça marmonne. J'ai l'impression qu'on n'aime pas trop les estrangers par ici. N'eut été de ce tonneau qui contient encore de la bonne bibine, j'aurais recommandé à Syu d'aller voir ailleurs si on y est. Mon regard noir balaie la salle à gauche, à droite.. devant,derrière. Ce n'est pas le moment de se faire surprendre. Et si j'étais un tantinet sérieux, ce ne serait pas non plus le moment de boire. Boire ou se battre, il faut choisir!

Syu revient vers moi. Elle pose sa main sur mon épaule. La différence de taille entre nous n'aide pas trop. La pauvre! Ceci dit, je ne savais pas qu'elle avait aussi des talents de comédiennes. Cela m'amuse… même si les deux zigotos là-bas ne me rassurent pas du tout. Je crains une vengeance à court terme. Je me demande sincèrement s'ils ont bien compris la leçon qui vient de leur être donné de façon magistrale. Mais petit à petit, le calme revient dans la taverne. Comme si rien de tout ceci ne venait d'arriver. Une pensée bizarre traverse mon esprit. Un mot… Mos Eisley… Bizarre… Je ne le connais pas. D'où cela peut-il bien venir? Qu'est-ce que ça veut dire? Je n'en sais fichtrement rien! Bah! Délire d'ivrogne sans doute!

Je reprends place autour de la table. La contrariété peut se lire sur mon visage. Je ne suis pas tranquille. Ca sent le roussi! La situation va dégénérer. J'en suis sur. C'est instinctif… même si mes sens sont faussés par la quantité d'alcool qui coule dans mes veines danoises.


Où nous en étions? Hum… Nous étions plutôt à….

Je scrute encore à droite, à gauche, méfiant. Je n'ai aucune confiance en ce tavernier. Que mijote t-il là-bas, derrière son comptoir? Cherche t-il du renfort pour nous mettre dehors? Nous occire? Naturellement, je porte ma main à la ceinture. Ma dague danoise s'y trouve toujours et ce n'est pas un mal. Je devrais éviter de boire plus désormais. C'est plus prudent. Vraiment plus prudent. L'ambiance m'oppresse désormais. Mes muscles sont tendus. Mes sens sont en alerte. Surtout, ne pas le montrer. Rester naturel. Le plus naturel possible. J'essaie de me décontracter. J'étend mes jambes, je passe mes mains derrière la nuque. Je souffle. Hum… Moi, je ne suis pas un grand comédien, et je le sais.

Je vous disais que j'ai envie de….

Reprenons là où nous en étions donc réellement.

… de savoir pourquoi une rousse qui se dit saxonne porte un nom d'origine écossais. Ensuite, si vous le voulez bien, nous parlerons préparatifs de voyage. Cela vous sied-il?

Non, je n'arrive plus à rester concentrer totalement sur le fil de la conversation. Mon regard dévie en permanence dans tous les azimuts. Ma main se crispe sur ma dague. Mes traits se durcissent encore un peu plus.
_________________
Syuzanna.
[Savoir écouter son coeur, suivre ses intuitions, faire confiance à sa propre sagesse. *]

Les premières secondes, elle reste tout à fait silencieuse, se contenant de le regarder. Il en pose, des questions, le Danois. Et puis, il n'a pas l'air tranquille. Qu'a-t-il donc à gesticuler comme cela ? Ses traits sont tendus. Il essaye - sans trop de succès d'ailleurs - de paraître détendu et à l'aise. Il ressemble plutôt au chat s'apprêtant à bouloter le canari. A moins que... Non, il a plutôt l'air du canari qui va se faire bouloter par le chat.

Doit-elle seulement lui répondre ? On ne parlait jamais de ça, au Clan. Va-t-elle étaler sa vie ainsi, à un Danois ? Peut-on faire aveuglément confiance à un Danois ? A un homme en général ? Elle plonge ses yeux dans les siens, à la recherche de ce petit détail qui lui fera dire ce qu'il veut savoir. Et pourquoi pas, Syu ? Lance-toi. Tu n'as plus rien à perdre de toute façon.

Elle s'enfonce dans sa chaise, le dos bien callé, et elle le regarde, un air insolent accroché au visage. Quelque chose lui dit que oui, elle peut s'en remettre tout à fait à cet homme en face d'elle. Mais peut-être qu'elle en a peur, justement. Peur de Soren Eriksen, pour une indiscible raison. Peur comme elle n'a jamais eu. La Saxonne rousse qui ne connait pas l'angoisse se voit terrifié par cet individu là. Elle qui a participé à maintes batailles, riant au nez de la Mort, la défiant même de la prendre, se retrouve pétrifiée devant ce grand blond. Que m'as-tu fait, Soren Eriksen ?

Mais il est temps de donner quelques explications. Rien de trop, mais pas rien du tout. Cela éveillerait ses soupçons. Elle ouvre la bouche pour parler, mais quelque chose la retient encore. Ce n'est pas normal, réalise-t-elle. Un homme s'est fait transpercé la main, et grâce à un simple mensonge, les poursuites s'arrêtent ? Elle a fréquenté assez de tavernes, et plus d'hommes qu'elle n'en a pu compter, pour se rendre compte que quelque chose est anormal, ici. Et si on les écoute ? Elle se penche en avant, s'écrase presque sur la table, et demande, du regard, à Soren d'en faire autant. Ainsi, à moitié couché, leurs nez s'effleurant presque, elle peut parler. Méfiance, ma fille, aurait dit son père. C'est la méfiance qui te fera vivre. Et la haine qui te donnera la force de reprendre ce qui depuis tout temps nous appartient.


- Je suis les deux, j'en ai bien peur. Mon Ecossais de père et ma Saxonne de mère. Elle a tout quitté pour lui. Elle n'était pas vouée à cette vie, et à renoncer à tout par amour. Pour aller vivre dans le fin fond de l'Ecosse, avec des brutes se tappant dessus en guise d'occupation journalière. Elle en est morte. Maladie. Et l'accouchement. Elle m'a tenu trois jours dans ses bras, puis elle a rendu l'âme. Mon père a tout gâché. Mais il l'aimait. Dans ce grand corps plein de violence et de dureté, se cachait tout d même un coeur....

Elle s'arrête. Calme-toi, Syu, calme-toi.

- On m'a donné son prénom. Syuzanna. Amusant, n'est-ce pas ? Il m'appellait Zanna, pour ne pas me frapper à chaque fois qu'il me voyait. Il parait que je lui ressemble. Je n'ai jamais su si mon père me haïssait, ou m'aimait le minimum demandé à un père. Je serais morte pour lui sans hésitation.

La chope qu'elle tient dans ses doigts se tord sous sa colère. L'étain n'est pas épais, ou sa colère est immense. Elle continue toutefois son récit.

- Par amour pour elle... Il nous a rebaptisé. Nous n'étions plus Ecossais, nous étions Saxons. Salement Saxons. Mais nous n'en avions que le nom. Les coutumes, les croyances... Non. Nous vivions reculés. Deux ou trois autres Clans aux alentours faisaient de même. Et les Anglois - qu'ils pourrissent tous - autour de nous... Et son orgueil démesuré l'a tué. Sa haine. Il m'a brisé avant même que je n'ai conscience d'être debout. Et moi, comme une idiote, je l'aimais, ce père fier et immense, qui n'avait peur de rien.

Elle détourne ses yeux de Soren. Ne pas le regarder. Elle se redresse lentement, même si quelque chose semble la retenir allongée contre celle table, à quelques millimètres de Soren.

Quelqu'un ouvre une fenêtre, et un air froid entre dans la taverne, ainsi qu'un agréable rayon de soleil. Le froid, elle ne le sent pas. Mais l'astre du jour réchauffe sa peau. Ses cheveux s'illuminent. Et quelque chose, dans ses yeux, la fait paraître sauvage. Sauvagement belle.

Elle ouvre les doigts, libérant la chope abimée. C'est étrange, ce silence, songe-t-elle. Un silence, dans une taverne, c'est comme une tranche de pain sans mie. Cela n'a aucun sens.




[*Anonyme]
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Soren
[J’ai observé un escargot qui rampait le long d’un rasoir... C’est mon rêve... C’est mon cauchemar... Ramper, glisser le long du fil de la lame d’un rasoir et survivre.*]

Pour une révélation, c'est toute une révélation. Ainsi donc, la saxonne est plus écossaise que saxonne? For fanden! L'histoire terminée, je bascule vers l'arrière, balançant la chaise sur ses deux pieds arrières. Cette confession a du lui demander beaucoup. Je jette un coup d'oeil sur la chope meurtrie devant elle. Ai-je besoin d'une autre preuve pour en être sur? J'ai une drôle de sensation, comme une gêne. Par ma question, j'ai l'impression d'avoir forcé la clôture d'un jardin privé. Un jardin qui ne m'appartient pas, où je ne suis pas le bienvenu. Je regrette désormais de l'avoir posé. J'ai été bien trop curieux. Tu es un homme à femmes Soren! Cette phrase… Cette phrase restera collée à moi tout le restant de ma vie. elle représente pour moi le paradoxe absolu. Visiblement l'image que je projette de moi. Une image qui est tellement en décalage avec la réalité. La plus belle preuve? Loh… que je n'ai pas su garder, pas su comprendre il faut croire… Oui, en cet instant, je me sens complètement décalé de la réalité. Flottant comme dans un nuage. Mon corps est quelque part dans une taverne mainoise et mon âme erre au dessus tel un chat jouant avec une souris.

Je suis mal à l'aise. Je pressens que quelque chose va se passer. Quelque chose de terrible. Mais rien n'étaie cette impression. Non, je n'aime pas cet endroit. Et s'il n'y avait pas ce tonneau… Cette bière… Cette bière qui enfin ne goute pas la noisette! Maudite bière mayennaise! Son goût de noisette me reste toute la nuit dans la bouche. Je déteste ça… mais c'est tout de même mieux que de rester sobre. Avoir la tête qui pense en ce moment m'est pénible. J'ai besoin de rêve… ou de cauchemar… peu importe. J'ai besoin de me détacher de cette réalité sordide. Je ne veux plus glisser le long du fil de la lame d'un rasoir. Non! Je ne veux plus!

Je me lève péniblement, chaloupant légèrement de gauche à droite. C'est agréable. En ce moment, je n'arrive à me sentir bien que lorsque je suis sous l'emprise de l'alcool. Je fixe une nouvelle fois la malheureuse chope.


Eh bien! Heureusement que cette chope ne vous a rien fait! Je n'imagine pas l'état d'un de vos ennemis après qu'ils soient passés entre vos mains!

Étrange! Je viens de me rendre compte qu'on se connait depuis plusieurs mois maintenant... et que je la vouvoie toujours. Oui, très étrange. Décidément, l'alcool ne me fait pas que sourire, on dirait qu'il me permet aussi de voir des évidences qui s'étalent devant mes yeux depuis une éternité et que je ne distinguais pas auparavant.

Attendez, je vais aller vous chercher un autre godet! Plus petit cette fois! Juste pour déguster! Vous avez assez bu comme ça pour aujourd'hui! Vous allez finir complètement ivre si vous continuez ainsi!

Je fais deux pas en direction du comptoir. Puis une autre idée, lumineuse celle-là, jaillit de mon esprit. Je suis dos à elle. Je ne me retourne pas pour lui parler. Je tourne à peine la tête en arrière pour lui signifier que c'est bien à elle que je m'adresse.

Mais dites-moi… Je suis banni du Danemark, Vous l'êtes de Saxe. Nous errons dans le royaume de France mais vos origines sont ailleurs. Alors, pourquoi ne pas voyager plutôt vers l'Éco…

Cette phrase ne se finira jamais, elle non plus. Un froid intense m'envahit au niveau de l'abdomen, comme si tout l'hiver du Jutland se déchainait en un seul point précis dans mes entrailles. Une douleur, indicible, irradie dans tout mon corps à partir de cet endroit. Sous l'impact, ma bouche s'est ouverte comme une grenouille qui croasse. Mais aucun son ne sort. Mes yeux sont exorbités. Mon visage, un instant figé par la surprise trahit maintenant le mal qui s'empare de moi. Je n'ai plus de force. Elle me fuit en même temps que ce liquide rouge et visqueux. Je porte ma main au ventre, sur le pommeau de la dague enfichée en moi. Je me sens défaillir. Mes jambes ne me portent plus. Ma conscience cède peu à peu le pas. La clarté qui entre dans la taverne à partir de la porte ouverte est soudain remplacée par un voile rouge. De rouge, il vire au noir. Les ténèbres. Celles de l'inconscience. Mon corps s'affaisse brutalement au sol. Dans un dernier sursaut, j'essaie de me raccrocher au tonneau de bière. Celui-ci est emporté avec moi et se renverse au sol. Sur le plancher, l'ambrée du trésor liquide se mêle au rouge sang jutlandais. Allongé sur le dos, les yeux clos, mes mains n'ont plus la force de tenir la dague, dévoilant ainsi les symboles mystiques dont son manche est ornée. Entre les interstices de deux lattes de plancher mal ajustées, s'écoule, goutte après goutte, une vie danoise...

* Réplique du Colonel Kurtz (alias Marlon Brando) dans "Apocalyse Now".
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Syuzanna.
« Mêmes les âmes fortes ont leurs faiblesse mais elles savent les cacher.* »

Elle sourit à sa première remarque. C'est certain que ceux qui ont eu le malheur de provoquer sa colère ne sont plus là pour témoigner de sa violence et sa colère. Mais pourquoi s'est-il levé ? Il semble gêné. Elle l'observe de ses grands yeux. Qu'est-ce qui le rend si nerveux ?

Il s'éloigne, tout en lui disant qu'il va chercher un autre godet. Elle a trop bu ? Comment ça ? Être ivre ? Elle ? La Saxonne fait une moue, mi-agacée, mi-boudeuse. Elle tient très bien l'alcool, merci bien. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle a la tête qui commence à tourner... Bon. D'accord. Elle a peut-être assez bu.

Il parle encore, mais ne finit pas sa phrase. Eh bien ? N'ose-t-il pas poursuivre ? Comme c'est étrange. Il reste muet un sacré paquet de seconde. Puis soudain, le tonneau de bière se renverse.


- Eh, crétin, lance-t-elle en se retournant, cherchant le garnement responsable du crime. Fais donc atten...

Mais, c'est Soren ! Que se passe-t-il ? D'un bond, elle est à ses côtés. Elle avise immédiatement le sang détrempant sa chemise. Pas le temps de réfléchir ! N'y-a-t-il personne pour l'aider ? Tout d'abord, ôter l'arme. Lentement, elle retire le poignard du ventre du Danois. Un flot de sang s'échappe de la plaie. Déchirant une manche de sa robe, elle écarte les pans de la chemise de son ami et plaque le blanc tissu contre la plaie.

Relevant la tête, ses cheveux ondulants autour de son visage pâle, elle observe les clients de la taverne, qui la regardent tous, éberlués.


- Remuez-vous le derrière, bande d'idiots ! Il doit bien y avoir un médicastre ou un guérisseur dans votre maudit bourg !

Par tous les Saints de ces maudits chrétiens, ils sont tous atardés ici, ou quoi ? Enfin, la serveuse s'approche en courant, et lui demande quoi faire pour aider. La rousse pointe du doigt quelque chose, et ordonne qu'on aille enfin quérir le guérisseur. Ce qu'ils sont lents. Bientôt, quelqu'un sort en courant, tandis que la blonde en formes lui rapporte ce qu'elle a demandé.

Installant la tête de Soren sur ses genoux, la Saonne se penche vers son ami, et lui verse à même la plaie une belle goulée de calva. Bien, maintenant, il faut recoudre. Du fil, une aiguille, et elle commence le travail. Tandis que la serveuse resserre les bords de la plaie, la Saxonne coud. Elle a déjà fait cela, au Clan. Les blessés qui arrivaient, il fallait bien les soigner. Et le guérisseur était débordé. Alors on faisait appel à toutes les mains libres et habiles. Dont les siennes.

Elle soupire, tandis que le dernier point est achevé, et les liens noués. Ses mains pleines de sang tremblent légèrement. Elle se passa les doigts sur le visage, soufflant pour tenter de calmer les battements fous de son coeur.
En un éclair, elle revit les grands yeux bleus, le si beau sourire qui éclairait tout son visage, ses cheveux blonds comme le soleil. Et enfin son dernier regard, avant que les bourreaux ne relâchent la corde.

Elle se balance d'avant en arrière, puis contemple les traits de Soren. Si calmes. Bien trop clames.


- Non, murmura-t-elle. Non.

Elle se penche sur le corps du Danois, posant son front sur la poitrine de son ami. Ses mains entourent le visage de Soren, et elle laisse les larmes dévaler ses joues, et tomber sur le torse nu du blessé. Pour la toute première fois de sa vie, Syuzanna NicDouggal pleure. Et c'est sur le corps inanimé d'un étranger, au beau milieu d'une taverne sinistre, où les clients la dévisagent et restent sans bouger.

*de Ernest Ouellet
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Soren
[Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves.*]

Le noir absolu. Froid. Glacial. Une odeur âcre flotte autour de moi... la même odeur que celle que l'on hume sur les champs de bataille après les combats les plus violents. C'est un mélange de sang, de cendres qui se consument et de charogne... Celle des viscères qui exhalent un début de putréfaction. Dans le monde qui m'entoure, il n'y a pas un seul point de repère. Rien. Le noir absolu. Oui. Je marche sans but. Qu'importe d'ailleurs car la notion de direction n'a plus de sens dans les ténèbres les plus complètes. La vitesse non plus d'ailleurs. Plus de repère. Plus rien... Rien excepté la sensation d'exister, de vivre. Je sens mon cœur qui bat à tout rompre, le sang qui circule dans mes veines. Je sens le froid en moi. Je tremble. Je claque des dents. J'ai du mal à avancer, à garder mon équilibre Je tangue. C'est comme si je me déplaçais sur un sol spongieux, un sol qui cherche à se dérober sous moi.

Et puis un point apparait. Là-bas. Loin. J'ai enfin un premier point de repère. Je sais désormais où je vais. Je le fixe sans cesse. C'est ma chance, mon unique salut. Ce point minuscule représente ma raison de vivre, le sens de ma vie. J'ai un but à présent : rejoindre ce point lumineux. Je vis pour ça. Petit à petit, celui-ci grandit. Je vais dans la bonne direction. Je m'en rapproche. Je commence même à oublier le froid qui engourdit mes membres. Le terrain se fait plus dur. Ma monture avance au pas. J'aime entendre le bruit de ses sabots ferrés sur la terre battue. C'est un bruit régulier. Il a quelque chose de fascinant. Au loin le point a pris de l'embonpoint. Bonne nouvelle pour moi ça!

Je lève la tête vers le ciel. Les nuages se forment peu à peu sur la voute céleste. Des étoiles apparaissent. Elles parsèment le toit du monde comme les pissenlits dans un champ au printemps. Une goutte... Il se met à pleuvoir. Deux gouttes... puis trois... La pluie est forte. C'est comme ça ici. Cette terre est balayée par le vent et par la pluie pendant les trois-quarts de l'année. Mais je l'aime. Oui, j'aime ce coin de paradis perdu au fin fond du monde connu. Ce sont mes terres. C'est mon pays. Je le prends tel quel. Qu'importe la pluie! Qu'importe le vent! Ils ne le rendent que plus beau, plus fantasmatique!

Derrière moi, ma suite m'accompagnent. Hommes d'armes, médicastre, alchimiste, cuisiniers, chasseurs, éclaireurs, filles de joie...et des femmes! Seurn, tu es un homme à femmes! Elles sont toutes là. Elles ont toutes tenues à m'accompagner pour mon retour. Pour les retrouvailles avec mes terres! Il y a des blondes, des brunes, des rousses. Elles sont toutes incroyablement jolies. Elles ont une éducation à faire pâlir le plus ferré des lettrés de la cour de Paris. Et elles sont là pour moi. Pour moi seul!

Enfin un castel fait de pierres grises se découpe sur l'horizon. Je le sais. Je le sens. C'est le castel familial, celui qui m'a vu naître. Mon cœur se met à palpiter plus fort. Je lance ma monture au galop, je veux être le premier à pénétrer à l'intérieur de l'enceinte. Plus j'approche et plus je me dis qu'il a fallu beaucoup de courage et un poil de folie pour construire un tel bâtiment sur cette corniche rocheuse balayée par des pluies torrentielles et des bourrasques de vent insensées. Mais le château ne peut être attaqué que par un seul côté. Le vide de la falaise entoure les trois autres façades. Astucieux.

J'ai à peine le temps de poser le pied dans la cour intérieure qu'une femme court vers moi, les bras grands ouverts. Elle est grande et mince. Elle est brune et ses cheveux flottent au vent. Ses yeux sont gris et elle a une bouche qui s'étire presque à l'infini. Ma sœur... Ma sœur?!?!?!?!? Non, je n'ai pas de sœur. Et pourtant, c'est bien elle qui vient m'entourer de ses bras. Elle me souhaite la bienvenue chez nous. Je lui souris. C'est bon de retrouver ses proches, son pays. Je la prends dans mes bras, la soulève de terre malgré sa taille et lui fait faire trois tours en l'air avant de la reposer au sol. Je suis heureux de l'avoir retrouvé. L'absence a été si longue...

Autre lieu... Autre moment. J'ai passé la nuit dans mon castel. Une nuit torride, agitée. Je ne sais même plus combien de fois je lui ai fait l'amour. Qu'importe. Elle est là, collée à moi. Mon bras est passé derrière ses épaules et je caresse distraitement son visage, le côté de son corps, sa hanche... C'est un grand moment de sérénité. Tu croyais me faire épouser celle que tu voulais père? Vois! Vois maintenant! Je suis un homme libre. Libre de mes choix. Et c'est elle que j'ai choisi ! Oui! Je ne vois ni son visage, ni ses yeux et encore moins ses cheveux. Qu'importe. Je me sens bien auprès d'elle. Où l'ai-je rencontré? Je n'en sais rien? Qui est-elle? D'où vient-elle? Aucune idée... Quel âge à t-elle au moins? Toujours aucune idée... Qu'importe... Qu'importe!

Soudain, des bruits dans le couloir! Un vacarme! Des bruits de métal qui s'entrechoquent. Des cris ! Douleur. Effroi. Quelque chose ne tourne pas rond. Je me lève d'un bond. Je suis nu. Le plus important n'est pas les vêtements, c'est l'épée! Je crie à ma compagne de fuir. Loin. Le plus loin possible! Moi, je dois affronter la rébellion... ou la révolte! Des coups sourds sont donnés contre la porte. Combien de temps va t-elle tenir? Je crispe ma main sur la poignée de mon arme. Ils ne m'auront pas vivant!

La porte cède dans un bruit sinistre de métal distordu et de bois éclaté. Ils sont nombreux! Je me jette sur le premier et lui transperce l'abdomen de part en part. J'envoie paître un second d'un coup de coude au visage. Je retire mon épée du corps de ma première victime et celle-ci vient sectionner net le cou d'un troisième assaillant. Voilà ce qui arrive quand on ne fait pas assez attention à l'endroit où l'on met sa tête!

Cette fois, ils sont vraiment trop nombreux. Mieux vaut battre en retraite. Je saute par la fenêtre et emprunte l'escalier extérieur qui tourne le long de la tour. Les rebelles sont là. De toutes parts, tous côtés. Ma seule issue? La corniche de la falaise. Mais est-ce vraiment une issue? En face de moi une meute d'hommes sanguinaires qui ne cherchent qu'à me faire la peau. Derrière, une falaise immense, haute d'environ 300 pieds. Je cherche une solution, une issue de secours. Sauter ou affronter la horde? Mes chances de survie sont nulles. D'un côté comme de l'autre.

Mes assaillants s'arrêtent à une vingtaine de pieds devant. Le silence se fait. Le vent souffle en rafales. On n'entend que lui. Il s'engouffre dans les moindres interstices naturels ou artificiels pour siffler sa puissance avec orgueil. Un homme se détache de la foule. Il a une épée à la main, pointée vers le bas. Il ne dit rien. Il avance. Il est désormais à portée d'arme. Il me fixe quelques instants droit dans les yeux. J'y lis de la haine, de l'envie, et une volonté de fer. Il lève son arme et l'abat dans ma direction. Je pare. Sa force est redoutable. Je dois céder un peu de terrain. Je tourne autour de lui. J'esquive le combat. Sa force me terrifie. Son épée siffle au dessus de ma tête. Je n'arrive pas à placer la moindre attaque. Un coup de taille. Un coup d'estoc. Mon agilité me permet de rester en vie. Pour le moment...

J'attaque à droite, à la jambe. Le coup porte. Le cri qu'il lance est significatif de la douleur qu'il doit ressentir. J'exulte! Je l'ai eu ce faraud! Erreur... Erreur fatale! Mon auto-satisfaction me distrait un instant de trop. Ma garde est découverte et le métal mat de son épée s'enfonce lourdement dans mon ventre. Mon corps s'arc-boute. Un jet de sang vient éclabousser le bas de ses chausses. Je tombe à genoux devant lui. D'un coup de pied, il m'envoie valser en arrière. Je perds l'équilibre et je tombe de la falaise... Je tombe... tombe... tombe... Dure sera la chute! Je crie ma détresse, la vie qui s'échappe de moi, la mort qui se rapproche...


Non.... nooooooooon..... nooooooooooooooooooooooooon....

Quelques part dans une taverne mainoise, trois non incongrus retentissent de la bouche d'un danois allongé sur le sol...


* Eleanor Roosevelt
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--Jagen_h_ghar


A Compiègne, il avait reçu un premier avertissement, très léger. Un premier message lui avait été passé. Une première brique avait été posée dans un mur dont les proportions étaient inconnues à ce jour.

Son voyage dans le Maine avait été suivi de près. Ses déplacements, les personnes qu'il contactait, celles qu'il côtoyait, tout cela était noté, rapporté, étudié et consolidé. Petit à petit, l'oiseau faisait son nid et grossissait son recueil d'information. Maintenant, ils étaient prêts pour la deuxième brique.

Celle-ci avait été confié à quelqu'un d'expérimenté dans son domaine : Jagen H'ghar. La consigne était simple : il fallait qu'il souffre. Il fallait qu'il ait mal, qu'il ait conscience que l'affaire était sérieuse. Mais surtout, il ne fallait pas le tuer. Sa mort ne pouvait tout simplement pas être envisagée.

L'affaire avait pris un peu de retard à cause d'un imprévu hors de son contrôle. Dans un premier temps, Jagen s'était contenté de s'installer dans le Maine et d'observer. Les fréquentes visites en taverne, les beuveries qui s'en suivirent donnaient de nombreuses occasion de procéder à l'assassin. Mais il voulait marquer l'esprit du scandinave. Celui-ci devait être conscient du geste qui allait être posé. La rousse saxonne lui donna l'occasion espérée. Jagen se demandait quels étaient ses sentiments à l'égard du danois. Plus ils étaient forts et solides, et plus cela ferait son affaire.

L'assassin interceptait tous pigeons envoyés par Syuzanna. Il prenait connaissance des messages et laissait l'oiseau poursuivre son petit bonhomme de chemin. C'est ainsi qu'il prit connaissance du rendez-vous dans cette taverne.

Le reste avait été un jeu d'enfant. L'altercation avec le grossier individu qui voulait s'en prendre à la saxonne? Prévu! Oui, prévu! L'homme avait été payé par l'assassin. Et Søren avait réagi comme il l'espérait. La réaction avait le poignard? Parfaite!

Ensuite? Ensuite, il ne restait plus qu'à attendre la bonne occasion. Le danois se lève... Deux, trois personnes sont proches de lui. Promiscuité... Bousculade fortuite... Jagen ne s'était même pas arrêté pour planter sa dague dans le corps du guerrier. Un mouvement parfait. Aucun organe vital n'avait été touché, il en était sur! La dague se logea exactement là où il l'avait prévu.

L'assassin avait un petit défaut cependant : la curiosité. Il voulait voir ce qui allait se passer maintenant. Assis au comptoir, il commanda une bière et comme tous les autres clients, resta sourd à l'appel de Syuzanna quand celle-ci réclama de l'aide...
Syuzanna.
[Je vends mes charmes, et mes armes, ma violence et ma douceur *]

Tu pleures, comme une fillette. Tu n'es pas une fillette, Zanna. Tu es un homme, ma fille.
La gifle lui arracha la moitié du visage, et elle tomba à genoux. Devant elle, son père lui jeta un regard méprisant, et la petite se releva. Elle étouffa la douleur, et de la claque qu'elle venait de recevoir, et de la plaie sur son bras. Le sang s'écoulait de l'entaille, qui laisserait plus tard une fine cicatrice. Son père comptait sur son courage, sur sa volonté à abandonner sa personnalité. Elle pouvait réussir. Elle devait réussir.

Syu relève la tête, le souffle court. La longueur de sa tignasse de feu la gêne, et elle ôte de sa vue les mèches qui cascadent en tous sens. Soren respire, réalise-t-elle. Il a perdu du sang, mais avec du temps et du repos, il devrait s'en sortir. Elle se relève donc, cherchant des yeux une âme charitable qui pourrait l'aider. Ses prunelles se posent un instant sur un homme accoudé au bar. Il a un étrange sourire, un de ceux qui ne lui plaisent guère. Mais voilà bientôt qu'un autre homme attire son attention. Il est grand, carré, aux cheveux et à la barbe noire.

- Eh, vous, lance-t-elle en s'approchant. Vous pouvez m'aider à transporter mon ami sur la table, s'il vous plait ?

Elle est polie, esquisse même un sourire. Léger, mais bien présent. L'homme se lève de sa chaise et la regarde. L'une de ses lourdes mains s'abat sur le visage de Syuzanna. Le choc est violent, mais la rousse tient sur ses pieds. Du sang perle à la commissure de ses lèvres, et coule sur son menton.


- J'aide pas les rouquines. Filles du Diable !, crache le client.

Syu lui jette un regard noir, tandis que peu à peu le silence se fait dans la taverne. Avec une rapidité déconcertante et une détente hors du commun, la main de Syu s'empare du poignet de l'agresseur et la pose sur la table. Et, dans un geste de fulgurante célérité, elle s'empare de son poignard, accroché autour de sa cuisse. Si vite, qu'il semble que l'arme soit apparue d'elle-même entre ses doigts.

Avant qu'il n'ait pu réagir, la lame de la dague se fiche dans sa main, et le brun pousse un hurlement de douleur, avant de se reprendre et d'afficher un rictus de haine. Il ne veut toujours pas l'aider, vraiment ? Le hurlement de la Saxonne résonne dans les lieux silencieux. Plus personne ne boit, plus personne ne parle. Ils ont tous les yeux fixés sur elle. Sur eux. Il ose lui répondre que non. Bien, elle s'y prend autrement. Elle ôte de sa botte une autre dague et s'approche de sa victime. D'un geste sec, elle déchire son pantalon, qui tombe aux pieds de son propriétaire. Elle approche sa main de l'entre-jambe de l'homme, couverte par un caleçon impropre
.

- Et maintenant, tu m'aides ?

Il couine, hurle, supplie. Oui, oui, oui, mais pitié ! Pitié ? Elle va apprendre. Les hommes, tous les mêmes. Méprisables. Elle ôte la dague de sa main, et il s'empresse de l'aider à mettre Soren sur une table. Elle roule sa cape et la place sous la tête du Danois. Puis, soudain fatiguée, elle va s'accouder au comptoir, attendant le guérisseur. Elle commande quelque chose de fort, tandis que ses yeux se posent sur l'étranger à ses côtés. Eh bien ? Qu'a-t-il à l'observer ainsi ?


[*Zazie - Rue de la Paix]
_________________
--Daimonis
A l'entrée de la taverne, un vieux mendiant bossu pointe du doigt la jolie rousse accoudée au comptoir. Daimonis hoche la tête et glisse une pièce dans le creux de la main de celui qui l'a accompagné jusqu'ici. Celui-ci s'esquive dans l'ombre de la taverne, non sans avoir remercié au préalable son "bienfaiteur".

Malgré les températures hivernales, le guérisseur n'est encore couvert que d'une peau de loup qui laisse sa poitrine partiellement découverte. A sa ceinture, sont attachées une petite dizaine de bourses de cuir plutôt odorantes. Sur le dos, il porte un gros sac qui cliquète lorsque l'homme se déplace. Ses pieds ne sont couverts que de simples sandales de cuir. Sur sa tête, la peau de loup est complétée d'un demi-crane du même animal. Inutile de dire que même dans cette assemblée hétéroclite de toute la raclure du Maine, Daimonis ne passe pas inaperçu. Son bâton de marche cogne de manière sourde contre le sol de la taverne à chaque pas.

L'homme fend la foule. Personne n'ose s'approcher de lui. On tend plutôt à s'écarter de son chemin. Il faut dire que l'individu traine une sacré réputation dans la région. D'étranges rumeurs courent à son encontre. Les âmes les plus impressionnables vont même jusqu'à dire qu'il est capable de faire revenir sur terre quelqu'un qui a fait un court séjour au paradis solaire... voire dans l'enfer lunaire!

Arrivé à la hauteur de la saxonne, il détaille sa cliente des pieds à la tête. La robe fendue attire plus particulièrement son regard. Est-ce pour l'attrait des charmes féminins ou pour la lanière de cuir qui supporte un couteau? Difficile à dire.


Est-ce vous qui avez mandé un guérisseur?

Daimonis détourne le regard de la rousse et pointe son bâton vers la table où git le danois.

C'est lui qui a besoin de moi? Est-il blessé ou simplement ivre mort?

Sa question est ironique. Son sourire l'est tout autant. Le guérisseur fixe ensuite son regard dans celui de la saxonne. Il est charismatique et il le sait. L'aura qu'il projette sur ses congénères lui vaut souvent d'éviter moultes problèmes avec les autorités mainoises... et même avec les représentants de la Sainte-Inquisition aristotélicienne.

Mais avant que je n'intervienne, sachez que tout travail mérite salaire. Et comme mes compétences sont indéniables, mon salaire est au niveau de mon talent.

L'homme sourit lubriquement en détaillant les charmes féminins de sa cliente.

Par contre, je ne suis pas difficile sur la forme que prend ce salaire... si vous voyez ce que je veux dire. Écus, bières, objets, services ou... autre type de paiement... sont acceptés. Vous avez un corps bien fait. Vous avez de quoi vous payer mes services. Proposez et je déciderai en fonction de votre prix quels sont les soins que votre ami peut espérer. Tout dépendra alors de ce que vous êtes prêt à payer.

Daimonis agissait toujours ainsi. Il ne donnait jamais son prix, se contentant d'adapter ses prestations au salaire proposé. Et souvent, la réputation qu'il trainait lui permettait d'être grassement payé.
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