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[RP] Deux estrangers et un tonneau de bière

Syuzanna.
[Lorsque la situation l'exigeait, elle savait se montrer faible et c'était là sa force. *]

Elle repose brusquement son verre, et jette un regard à l'homme devant elle. Il lui rappelle Craig MacCallum, le guérisseur du Clan. Lui aussi portait une peau de loup. Avant de se faire dévorrer par une meute. Comme quoi, il y avait parfois une justice. Les assassins se font souvent tués par les amis de la victime. Elle grince des dents. Elle aussi, elle en a, des assassins à tuer. D'alleurs, si jamais elle pouvait trouver le coupable, celui ou celle qui avait osé porter la main - le couteau en l'occurence - sur Soren Eriksen... Il serait déjà éviscéré, d'ailleurs.

- S'il avait été seulement ivre mort, je lui aurais envoyé un seau d'eau en pleine figure, je n'aurais pas fait appel à un guérisseur, siffle-t-elle, agacée, en jetant un regard à l'individu devant elle.

Elle l'écoute ensuite plaidoyer. Qu'est-ce qu'il... Oh, le bougre ! Lui proposer cela, à elle ? Il la prend pour qui, une fille de joie ? Sentant la colère envahir ses veines aussi sûrement qu'un poison, elle se dirige à grands pas vers sa besace, et l'ouvre d'un coup sec. Elle en extirpe une bourse rebondie, y plonge la main, et lance aux pieds de l'homme une dizaine de pièces d'or, qui roulent autour de lui. Elle lui jette ensuite un regard furibond, chargé de sa colère et son mépris.

- Je ne suis pas une de ces filles que tu as l'habitude de fréquenter, guérisseur ! Alors cesse tes bavardages inutiles et soigne Soren !

Elle serre le poignard, accroché à sa cuisse. Comprend-t-il, ce maudit guérisseur, qu'elle le lui enfoncerait bien dans le derrière s'il ne se dépêche pas ? Elle pose son regard noisette sur le corps de son ami, puis sur le guérisseur. Il s'active, oui ? Mais peut-être a-t-il besoin de précision sur la nature de la plaie à soigner ? Et sur ce qu'elle même avait fait ? Bien, pas de problème, si elle peut l'aider, elle le fera.

- Il s'est pris un poignard dans le ventre. Il a perdu beaucoup de sang. J'ai recousu sa plaie. Il lui faut quelque chose. Il a crié. Fais votre travail, fais ce pour quoi je te paie, guérisseur !

Elle se tourne vers lui, le regardant dans les yeux, cherchant à savoir si elle peut placer sa confiance dans cet homme étrange vêtu de peau de bête. Elle sait qu'elle risque de se trahir, de montrer sa faiblesse. De montrer qu'elle attache de l'importance, beaucoup d'importance, au Danois inconscient sur cette table. Le bougre de guérisseur serait bien capable de lui demander plus, s'il comprend cela. Pour plus de sécurité, elle rajoute une poignée d'écus à la somme déjà offerte. Peu lui importe l'argent, à vrai. C'est certes bien utile, mais guère primordial, dans l'esprit de la Saxonne aux cheveux de feu.

- Alors, guérisseur, lance-t-elle sur le ton le plus détaché possible. Tu l'exerces, ton art ?

[*Kim Wozencraft ]
_________________
--Daimonis
Il n'y avait pas à dire, cette cliente avait un sacré caractère. Elle était impétueuse voire même... inconsciente du danger! Son ami, Daimonis pourrait le tuer en moins de temps que le prendrait n'importe quel assassin, fut-il le plus doué de sa génération. Le guérisseur regarda les pièces d'or rouler par terre, à ses pieds. Il esquissa un bref sourire que peu purent apercevoir tant sa tête de loup et l'obscurité masquaient son visage.

Dix pièces d'or? Oui, je peux faire un beau travail pour ce prix-là. La façon de payer ma solde importe peu vous savez. Je suis ouvert d'esprit pour faciliter mon commerce, c'est tout!

L'homme jeta un regard amusé en direction de la saxonne. Peu de personnes auraient osé lui tenir tête comme elle l'avait fait. En un sens, il aimait cela... jusqu'à une certaine limite. Si elle devenait outrecuidante, elle aurait à en payer le prix. Le prix véritable de son courroux.

Ainsi donc il s'appelle Søren? Hum... Estranger n'est-ce pas? Je connais peu de Søren dans le Maine... et sans doute même dans tout le royaume de France. Savez-vous ce que vaut un estranger par ici? Pas grand chose! Croyez-moi! Êtes-vous vraiment sure de vouloir payer si cher pour un simple estranger? Si vous voulez, je peux, sans aucun paiement, vous en débarrassez. Plus personne n'entendra jamais parler de lui. Je ferais ça sans solde car... disons que cela me plait.

Le guérisseur n'attendit pas la réponse de la rousse. Il savait pertinemment que c'était inutile, mais il aimait la provocation. Il avait toujours aimé ça. S'approchant du danois, il découvrit la plaie du bout de ses doigts. Il tâta la peau sur les côtés. Il examina la couture, en testa la solidité.

Hum... pas à dire, c'est du beau travail! Tant de celui qui lui a planté le couteau dans le gras du ventre que celui qui l'a recousu. j'imagine que ce n'est pas le même... Alors il faut en conclure qu'il y a eu deux artistes dans cette taverne.

Il avait eu envie d'ajouter que seul un troisième artiste pouvait déceler le travail de deux autres, mais il s'en passa. Daimonis fouilla dans son sac qu'il posa sur la table dans un grand fracas. Il en sortit trois petites bourses très odorantes, qu'il plaça méthodiquement une à une près du danois.

Dans la première bourse, vous trouverez un onguent à appliquer directement sur la blessure. Cela évitera qu'elle ne s'infecte.Enfin... en principe.

Dans la deuxième bourse, il y a une petite poudre. Faites-la lui avaler s'il se plaint de douleurs abdominales.

Dans les deux cas, je ne puis vous dire ce que contiennent les deux petits sacs. C'est mon secret. Je ne le livre à personne... quel que soit le prix que l'on me paie!


Daimonis tourna le dos au danois pour revenir vers la saxonne. Il s'approcha dans un rictus moqueur et cynique et ajouta presque en chuchotant à l'intention de Syuzanna

Ah... j'allais oublier... Dans la troisième, se trouve une autre poudre. Elle est de la même couleur que la deuxième. Mais ne vous trompez surtout pas! Cette poudre-là, je vous la donne au cas où les deux premiers remèdes ne font pas effet. Cette poudre-là diminueront ses souffrances...

L'homme darda son regard maléfique dans les noisettes de la saxonne.

... en mettant fin à ses jours en quelques instants!

Puis il revint vers la table, et d'un revers de la main, balança les trois bourses au sol. Son regard passa ensuite sur celles-ci, identiques, au sol...

Le supplément que vous avez ajouté, c'est ce qui vous permet d'acquérir cette troisième bougette estrangère!

Daimonis se pencha par terre pour ramasser le fruit de son travail... les quelques piécettes d'or envoyées par Syuzanna. Il était à l'aise. Il se complut dans le jeu qu'il joua alors.

Et comme vous pouvez le voir, le fruit de mon travail se trouve au même endroit que votre salaire... sur le plancher des vaches mainoises... ou estrangères!
Syuzanna.
[Si je pouvais, alors je voudrais, aller n'importe où où tu iras, sur un chemin qui va très haut ou très bas, aller n'importe où où tu iras *]

Elle fixe des yeux les trois bourses jetées au sol par ce bougre de guérisseur. Elles sont identiques, comment veut-il qu'elle reconnaisse laquelle d'entre elles peut tuer ? Elle regarde l'homme, qui affiche clairement un air mauvais. Il semble bien s'amuser, lui. Bien, songe-t-elle. Elle se penche, et ramasse une à une les bourses de cuir, qu'elle pose sur la table. Un coup d'œil à Soren, puis, elle ouvre la première. Une poudre. La seconde, le fameux onguent. La troisième, une poudre, exacte réplique de la première.

Elle se souvient brusquement de sa tante, Aileen. C'est elle qui lui a appris à soigner et recoudre. Ainsi qu'un petit quelque chose d'autre. Le défi et l'inconscience. N'est-ce pas le moment rêvé pour appliquer l'apprentissage ?

Elle dépose brièvement son index gauche sur sa langue, puis plonge le doigt dans la première poudre. Ainsi, songe-t-elle en observant le guérisseur, avec un plaisir non dissimulé, ou il se retrouve avec deux estrangers morts - ou presque, dans le cas du Danois - ou il permet à Soren de vivre.

Peur de la mort ? Syu ne l'a jamais eu. Il faut bien mourir de quelque chose. Et, comme son père et le père de son père, elle se rit de la mort. La défie, même. Elle sait bien qu'un jour, dans le combat qui l'oppose à la faucheuse, elle se verra contrainte de perdre. Ce jour est peut-être arrivé ?

Lentement, les yeux clos, elle dépose la poudre à l'extrémité de sa langue. La mort, ou la vie ? C'est un jeu dangereux. Fou, même, peut-on dire. Une minute s'écoule, puis une seconde, puis une troisième, une quatrième...
Elle ouvre ses grands yeux noisette et sourit au guérisseur :


- Tapadh leat**, guérisseur. Mais pour ne pas avoir à recommencer sans cesse...

Elle noue ensemble les cordons des bourses de l'onguent et de la poudre médicinale, puis les range en sûreté dans sa besace, avant de renverser dans la flaque de bière, au sol, l'autre poudre.

- Je n'ai guère besoin de celle-ci, fait-elle. Je ne tue pas par le poison et j'affronte toujours mes ennemis.

Elle sent ses muscles se détendre lentement. Elle a bien conscience d'avoir eu un réel coup de chance, et qu'elle aurait très bien pu s'effondrer net sur le sol de cette taverne sordide, au beau milieu de nulle part. Quelle manque de gloire, pour elle qui n'aspire qu'à rejoindre le panthéon des héros de son peuple ! Mais Soren vaut le coup de ce risque, songe-t-elle en posant un doigt sur la joue de son ami. Elle détaille son visage comme pour graver chacun de ses traits dans sa mémoire à tout jamais. Il ne manque que le bleu de ses yeux, dans le tableau qu'elle trace dans son esprit.

Secouant la tête, elle se tourne vers le tavernier, qui ne bouge plus depuis belle lurette. Syu lui adresse un charmant sourire, comme si rien ne s'était passé. Comme si personne n'avait été poignardé. Comme si elle ne venait pas de jour avec la mort
.

- Tu peux laver ta taverne, mon bon ami. Cela va bientôt sentir la bière à des kilomètres à la ronde. Ce n'est pas bon pour les affaires.

Puis, elle éclate de rire, chassant son défi de son esprit, et s'assoit sur une chaise, juste à côté de Soren.

- Tu es un sacré bonhomme, Guérisseur. Un sacré bonhomme.

Elle lui sourit, amusée, mais sincère, avant de prendre dans ses mains l'une de celles de Soren. Il ne reste qu'à attendre son réveil. Mais... Peut-être que cela peut se faire plus agréablement ?

- Tavernier ! C'est ma tournée, sers ta meilleure bière à tous ceux présents ici !

Et, alors que sa chope lui est apportée, et que les clients sortent de leur torpeur, Syu ne lâche pas des yeux Soren, attendant qu'il complète le tableau en ouvrant enfin les yeux.



[*Traduction du refrain de "Wherever you will go", de The Calling
** : Merci, en gaélique]

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--Daimonis
De deux choses l'une. Soit elle est complètement folle, intrépide à l'extrême et donc dangereuse. Soit Daimonis a demandé un salaire bien trop bas pour mes services compte tenu de l'intérêt qu'elle porte au danois. L'homme est sceptique, mais ce qui est fait est fait. Mieux vaut ne pas chercher à revenir là-dessus. On ne peut y gagner que des regrets.

Une question taraude encore l'esprit du guérisseur. La deuxième bougette ne contenait qu'une poudre pour apaiser des souffrances. Son utilisation était donc facultative. Pourquoi la saxonne a t-elle pris le risque de goût son contenu? Se peut-il qu'il se soit complètement fourvoyé ? Se peut-il qu'il aurait du demander beaucoup plus encore? Un salaire... inestimable? Il faut apprendre de tout, même de nos erreurs.


Et toi saxonne, tu es intrépide! Trop intrépide! Ta vie sera courte, saxonne, si tu te comportes toujours ainsi. La chance t'a sourit aujourd'hui! Une chance sur deux, saxonne...Car même moi, je n'aurais pu te dire quelle était la bonne bougette. Et moi, je n'aurais jamais essayé ce que tu veux de faire... car je connais les souffrances atroces que procure ce poison! Atroces... mais heureusement brèves!

Je vais te laisser maintenant saxonne. Je n'ai plus rien à faire ici. Tu ferais mieux d'emporter ton viking dans sa chambre. Applique-lui l'onguent et ensuite.. laisse-le dormir. C'est de repos qu'il a besoin désormais.


L'homme se dirige vers la sortie en maugréant seul entre ses dents.

C'est dommage... Oui, très dommage que je n'ai guère le temps. J'aurais volontiers lu leur avenir. Il doit regorger d'aventures! Folle... Elle est complètement et follement aventureuse!
Syuzanna.
[L'inconscience (...) ne se justifie que dans la mesure où le but vaut le risque qu'on encourt. *]

Syu ne peut s'empêcher de sourire de nouveau au guérisseur. Si cela continue, elle va finir par l'apprécier, cet homme étrange à la peau de loup. Mais ce soudain attachement à cet individu cynique et retors n'est peut-être dû qu'à la quantité astronomique de bière dans le sang de la rousse. Peut-on savoir ce genre de chose ?

- Tu sais, Guérisseur, c'est toujours ainsi, dans la vie. Nous n'avons toujours qu'une chance sur deux. Une chance sur deux que la pitence ne soit pas avariée, une chance sur deux pour ne pas se faire transpercer par la lame de son adversaire, une chance sur deux de ne pas tomber dans les filets d'un homme violent... Une chance sur deux, l'ami ! Je ne fais que vivre en provoquant la chance ! Et si je perds... Tant pis !

Elle se met à rire, tandis que l'aubergiste nettoie les tâches de bière et de sang de son sol. La serveuse fait de nouveau des allées et venues parmi les clients, apportant bière, vin, ou autre, à tous ces hommes grossiers aux faciès peu agréables à l'oeil. La vie vaut vraiment d'être vécu, une chope pleine entre les mains, songe la Saxonne en observant le guérisseur quitter les lieux.

Elle pose ses yeux sur le corps inanimé de son ami Danois. Le transporter jusqu'à l'étage ? Dans un lit ? Par les Dieux, certes, mais de quelle manière ? Elle glisse un oeil vers son "ami" barbu à la main percée. Il est en train de s'attacher une corde autour de la taille, pour faire tenir au mieux sa paire de braies usées. Non, sa main est bandée par un vieux morceau de tissu guère propre. Il risquerait de ne pas être un très bon porteur. Qui, alors ?

Ses yeux se posent alors sur un homme qu'elle n'a pas encore remarqué jusqu'alors. Syu a appris à reconnaître depuis bien longtemps cette sorte d'homme, prêchant vertue et amour divin. Vêtu d'une soutane aussi noire que la nuit, il l'observe à la dérobée, la main posée sur ce livre odieux qu'il nomme... mais comment le nomme-t-il déjà ? L'homme a l'air assez fort pour l'aider, et surtout, étant donné qu'il est religieux, il ne pourra refuser d'aider une pauvre âme.

Elle s'approche donc de lui, et fait passer sa demande d'aide par un ravissant sourire provocateur. Il sait très bien qu'elle est une brebis égarée, et qu'elle n'a pas l'intention de se laisser trouver par les aristotéliciens. Mais il conscent à l'aider. Le Très-Haut est bon. Cela tombe bien, cette bonté sert les intérêts de la rousse.

En quelques minutes de temps, et à eux deux, ils transportent le corps de Soren dans une chambre à l'étage. L'aubergiste les a autorisé à monter et à occuper la troisème chambre à droite. Syu ouvre la porte d'un coup de pied, et ils entrent sans tarder. Une fois le Danois déposer sur son lit, l'homme d'église se tourne vers la Saxonne.


- Vous vous demandez sans doute ce qu'un prêtre fait dans un lieu tel que celui-ci ?

Syu hausse les épaules.

- Je m'en fiche totalement, l'abbé. Vous faites ce que vous voulez de votre vie.

- J'aide les pauvres âmes égarées. J'en ai sauvé pas mal. Je fais jeune, mais j'ai sauvé plus de monde que vous ne pourriez le croire. Et je vous ai vu, et observé. Je peux vous aider à gagner le Droit Chemin. Le Très-Haut vous pardonnera vos péchés, et une vie bénie pourra alors commencer pour vous.

- J’ai déjà des Dieux, l'abbé. Et eux ne nous ont jamais demandé d'aller tuer de prétendus barbares pour leur prouver notre amour. Donc, le jour où vous pourrez m'expliquer en quoi tuer, violer, et détruire des vies est bon, et que votre Très-Haut s'en réjouit, alors là, peut-être que je vous écouterais. En attendant, merci pour le coup de main, et disparaissez de ma vue.

Il a la bonne idée de ne pas insister, et sort rapidement. La rousse soupire d'agacement, avant d'ôter totalement, cette fois, la chemise de Soren, pleine de sang séché devenu noir. Un pichet d'eau se trouve par bonheur, posé près de la fenêtre. Humidifiant un morceau de la chemise, elle essuie les traces rouge sur le ventre de Soren, puis se nettoie le visage et les mains. Extirpant de son sac la bourse contenant l'onguent, elle en étale un peu sur la plaie.

Syu n'a plus qu'à attendre qu'il s'éveille. Elle s'allonge sur le flan, à même le sol. C'est étrange, ce silence, après les derniers évènements. C'est étrange, mais reposant. Elle glisse ses mains sous sa joue, et ferme les yeux. Par la fenêtre, le soleil descend lentement, et ses rayons frappent la chevelure de Syu, l'enflammant d'avantage encore que d'ordinaire. Et, doucement, un sommeil léger s'empare de la Saxonne, repos nécessaire après ce qui vient de se passer.


[*Alice Parizeau]
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Soren
[Le temps ferme toutes les blessures, même s'il ne nous épargne pas quelques cicatrices.*]

Une premier sensation. Ma tête dodeline de gauche à droite. Mes paupières battent une fois. Deux fois. Mes yeux sont ouverts. La première impression que je ressens, c'est celle d'un grand vide. Une grande fatigue. La tête me tourne légèrement. J'essaie de reprendre mes esprits. Où suis-je? L'endroit est sombre. Devant moi, une fenêtre fait pénétrer dans la pièce une lumière blafarde. Le soleil est à peine levé. Le matin semble brumeux. Qu'est-ce que je fais là? Encore une beuverie? Une de plus? Et… où suis-je d'abord? M'a t-on ramené à Mayenne?

Et puis vient la deuxième sensation... la douleur. Elle a pour origine mon abdomen mais elle irradie dans tout mon corps. Instinctivement, je porte la main à l'endroit qui me fait mal. La chair est gonflée, contusionnée. Des fils dansent sous la paume de mes doigts. Des fils? On a du refermer une plaie? Et cette substance? Cette odeur? Un onguent? Un baume?

Des images me reviennent en tête. Une chope abîmée... Une envie d'aller visiter l’Écosse avec une écossaise qui se prétend saxonne... Une douleur... Un tonneau qui déverse son contenu sur moi. Et puis rien. Plus rien!

Je suis dans une chambre, allongé dans un lit. Je sens la bière. Affreusement. L'endroit est silencieux. Il contraste avec la salle commune de la taverne, derniers souvenirs dont je me rappelle avant d'avoir sombré dans l'inconscience. Depuis combien de temps suis-je ici? Un jour? Plus? 2? 3 jours? je reprends peu à peu mes esprits. je passe une main sur mon front. Celui-ci est douloureux, mais cela n'a rien à voir avec une quelconque blessure. La boisson serait plutôt en cause. Je soupire. Il faut vraiment que je me domine. Ces derniers jours ont été pénibles. J'ai trop bu, j'ai trop crié ma haine. Je me suis trop hais aussi. Cela ne peut plus durer. Je dois me ressaisir et vite avant de tomber dans une nouvelle folie noire, violente et dévastatrice.

Je tourne la tête de l'autre côté et j'ai du mal à croire ce que je vois. Là, près du lit, à même le sol… une femme. Non… pas une femme! Une saxonne! Une saxonne aux cheveux de feu! Que fait-elle là? Et pourquoi est-elle allongée au sol? J'essaie de me lever mais la douleur est trop vive. Il faut que j'y aille plus doucement. Bien plus doucement. J'essaie de rassembler mes pensées. Oui, c'est bien Syu que j'ai rencontré hier dans une taverne… la taverne où je me suis fait poignarder. Est-ce à elle que je dois d'être encore en vie ce matin? A t-elle veillé sur moi durant tout ce temps? Tant de questions…

Avec moultes précautions, je me mets sur pieds. C'est pénible. Ça fait un mal de chien! Mais c'est supportable. Je me lève. je vacille quelque peu mais je tiens debout. C'est le principal. Je sais par contre que je ne pourrais pas soulever Syu pour la déposer dans le lit. Syu… La lumière qui filtre au travers de la fenêtre embrase sa chevelure. C'est la première fois que je l'observe ainsi… avec un regard neuf. Différent. Cela fait des mois que nous nous connaissons mais j'ai l'impression de la redécouvrir aujourd'hui. C'est étrange comme sensation. Cela fait… bizarre! Oui! Bizarre! Bizarre car je n'arrive pas à mieux analyser la situation actuelle. Cela me rend perplexe. J'ai l'impression d'être un inconnu pour moi-même. Hum… m'aurait-on fait ingurgiter quelques philtres? Quelques potions qui rendent… bizarre?

Je ne peux me pencher plus. Alors je me rassois.


NicDougall? Vous faites quoi là? A terre? Auriez-vous perdu votre honneur? Est-il tombé si bas que vous deviez le chercher aux pieds d'un danois?

Faire de l'humour n'a jamais été mon fort. Mais faire de l'humour alors que j'ai la tête qui tourne? Que j'ai les entrailles qui me torturent? Hum… c'est encore pire que d'habitude. C'est même déplacé.

Excusez-moi Syu… Mes paroles ont dépassé ma pensée. Je… Je suis maladroit avec les mots.

Je lui laisse le temps de se réveiller. Je me lève et m'approche de la fenêtre que j'ouvre. Un vent frais s'engouffre dans la pièce. Il me fait du bien. J'aime le froid. Il remet l'esprit en ordre. Mon regard scrute l'horizon. Les chaumières s'étalent devant moi, non loin des champs. Je ne suis pas à Mayenne. Je n'ai pas quitté la taverne où la saxonne m'avait donné un rendez-vous. Combien de temps suis-je resté ici? Pourquoi a t-on voulu me tuer? Oui… Pourquoi? Je me retourne et observe, sans gêne, la silhouette qui se découpe avec le contre-jour de l'autre fenêtre. Mon regard la balaie. De bas en haut. Puis de haut en bas. Mon visage reste impassible. J'intériorise.

Êtes-vous apte à marcher? Je crois que nous n'avons plus rien à faire ici. Venez… partons


* Marc Levy
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Syuzanna.
[Toute chose à une fin]

- Mais Père, pourquoi ne sommes nous pas comme les autres ? Pourquoi sommes-nous Saxons ?
La gifle est censée faire figure de réponse. Plus tard, il faut couper le bois d'abord.

Le souvenir, transformé en rêve, lui fait ouvrir les yeux en grands. Juste au moment où le Danois prononce ses premiers mots, depuis l'attaque. Un éclair de colère passe dans les yeux de la rousse, qui a brusquement envie de lui flanquer un coup de poing dans l'abdomen. Histoire de lui rappeler que sans elle, il giserait comme un misérable sur le sol de cette taverne malpropre.

Calme-toi, Syu, calme-toi. Il ne sait pas ce qui s'est passé. Et puis, elle n'attend pas non plus de grands remerciements pleins de larmes et d'émotions. Elle se redresse donc, esquissant un sourire.


- En réalité, je regardais si le votre, d'honneur, n'était pas caché sous le lit. Par malheur, il n'y est pas. Où l'avez-vous donc mis ?

Elle s'étire comme un chat, un sourire carnassier aux lèvres. En apprenant la langue de ces Françoys, elle n'avait pas conscience que les mots pouvaient être aussi tranchant que le fil de son épée. Et cela lui plait de plus en plus.

Son sourire change, lorsqu'elle se tourne vers lui, et qu'elle constate qu'il l'observe. Eh bien ? Qu'a-t-il donc, avec sa mine si sérieuse, à la regarder ainsi ? Elle se relève en souplesse, et arrange les plis de sa robe. La manche est arrachée, et couverte de sang. Il lui faut d'urgence une couturière. Ou une femme qui sache manier l'aiguille autrement que pour recoudre des plaies... La petite serveuse !


- Excusez-moi, lance-t-elle au Danois avant de sortir en trombe de la pièce.

Elle y revient, à peine un quart d'heure plus tard, la manche aussi blanche que la neige et parfaitement assemblée. Voilà qui est mieux. On risquerait de la prendre pour une barbare...


- Oui, répond-t-elle enfin. Partons. Nous n'avons plus à faire ici.

D'un geste, elle jette sur son épaule sa besace, puis ouvre la porte, avant de sortir de là. Elle descend les escaliers, salue le tavernier comme il se doit, avant de décrocher quelques saucisses sèches du dessus de son comptoir, tout en posant une pièce d'or devant l'homme, visiblement soulagé de les voir partir.

Direction l'écurie, où les chevaux grignotent quelques grains d'avoine. Syu monte souplement, avant d'installer son épée correctement en travers de son dos. Esquissant un sourire vaguement amusé, elle observe Soren grimacer en prenant le place sur le dos de son destrier.


- C'est parti, Danois, montrez-moi le chemin.

Et ils quittèrent enfin la taverne Mainoise, vers d'autres lieux.
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