Clelia
Cela faisait quelques jours qu'elle avait accouché. La vie reprenait son cours ou prenait son cours, c'était selon- pour la nouvelle maman et ses deux petites filles.
Dans le même temps, il y avait eu les élections royales, la défaite de son père, son entrée au conseil de Champagne, sa nomination archivistique... Et tout s'était enchaîné, inexorablement.
Seulement petit à petit, un sentiment de fatalité s'était instillé dans l'esprit de la jeune fille. Fatalité de se retrouver au conseil un peu malgré elle, fatalité de savoir qu'elle était arrivée au mauvais endroit au mauvais moment juste après la trahison du vassal de sa Duchesse-, fatalité que d'être Ponantaise, fatalité de n'avoir pas choisi finalement où elle allait naître, fatalité d'être systématiquement arrachée à toutes les figures maternelles qu'elle se trouvait... il y avait eu Sauvane qui avait disparu, il y avait eu sa mère qui avait été tuée par une armée mainoise pendant la guerre, il y avait Gwen qui était terriblement absente et puis...
Et puis, il y avait Kilia, Kilia de Chandos-Penthièvre, Kilia, l'ancienne Paire de France, Kilia, la lumière de l'Anjou, Kilia qui avait essayé de préserver ce qui restait de l'héritage des Penthièvre, Kilia qui, à ce moment-là, était en train de se vider de son sang sur la grande place angevine.
Les nouvelles étaient allées vite, quoi de plus naturel quand on savait à quel point cette Duchesse était aimée. Elle était à l'image de l'Anjou aujourd'hui, qui se vidait chaque jour un peu plus des Angevins qui avaient forgé son histoire.
Anxieuse, Clelia resserrait fébrilement sa main sur la missive qu'elle avait reçue. La prochaine serait très certainement pour annoncer que la Duchesse avait rendu l'âme... le pire étant qu'elle-même se trouvait loin de l'Anjou, trop loin.. et qu'elle avait une place au conseil et ne pouvait plus partir comme ça.
Et pourtant, s'il n'y avait pas eu sa Duchesse champenoise adorée, elle serait sans doute partie, partie rendre les derniers hommages à celle qui resterait dans l'Histoire, la grande histoire, l'histoire de l'Anjou, l'histoire du Royaume, celle qui demeurerait à jamais un modèle.. de droiture, d'intelligence... d'humanité quand il lui arrivait de se tromper...
Dans son esprit, les idées fusaient. Partir ce soir, là, maintenant... elle arriverait peut-être à temps en Anjou.. Mais pourquoi? Pour se faire recevoir comme une moins que rien en Anjou, par le Duc qu'elle avait trahi? Risquer le courroux de la future archiduchesse d'Anjou parce qu'elle n'avait pas obéi à ses plans? Et.. surtout.. devoir laisser ses deux petits anges qui ne pourraient pas faire le voyage.
Alors, pour la première fois de sa vie, alors que mille idées bouillonnaient dans son esprit, elle se rassit, prit une profonde inspiration et... ne fit rien.
Et ce fut quand de fines larmes commencèrent à couler le long de ses joues qu'elle se rendit dans la chambre de ses petites filles. D'un doigt elle caressa leurs petites joues toutes douces, leurs petites mains toutes potelées, tandis qu'un sourire s'esquissait sur ses lèvres. Puis, quand elle sentit que les sanglots allaient reprendre de plus belle, elle sortit de la pièce, referma doucement la porte derrière elle, s'adossa au mur sous le poids du chagrin et finit effondrée par terre, secouée par les pleurs.
La lumière d'Anjou allait s'éteindre et avec elle tout ce qui faisait son attachement viscéral à ce Duché.
Dans le même temps, il y avait eu les élections royales, la défaite de son père, son entrée au conseil de Champagne, sa nomination archivistique... Et tout s'était enchaîné, inexorablement.
Seulement petit à petit, un sentiment de fatalité s'était instillé dans l'esprit de la jeune fille. Fatalité de se retrouver au conseil un peu malgré elle, fatalité de savoir qu'elle était arrivée au mauvais endroit au mauvais moment juste après la trahison du vassal de sa Duchesse-, fatalité que d'être Ponantaise, fatalité de n'avoir pas choisi finalement où elle allait naître, fatalité d'être systématiquement arrachée à toutes les figures maternelles qu'elle se trouvait... il y avait eu Sauvane qui avait disparu, il y avait eu sa mère qui avait été tuée par une armée mainoise pendant la guerre, il y avait Gwen qui était terriblement absente et puis...
Et puis, il y avait Kilia, Kilia de Chandos-Penthièvre, Kilia, l'ancienne Paire de France, Kilia, la lumière de l'Anjou, Kilia qui avait essayé de préserver ce qui restait de l'héritage des Penthièvre, Kilia qui, à ce moment-là, était en train de se vider de son sang sur la grande place angevine.
Les nouvelles étaient allées vite, quoi de plus naturel quand on savait à quel point cette Duchesse était aimée. Elle était à l'image de l'Anjou aujourd'hui, qui se vidait chaque jour un peu plus des Angevins qui avaient forgé son histoire.
Anxieuse, Clelia resserrait fébrilement sa main sur la missive qu'elle avait reçue. La prochaine serait très certainement pour annoncer que la Duchesse avait rendu l'âme... le pire étant qu'elle-même se trouvait loin de l'Anjou, trop loin.. et qu'elle avait une place au conseil et ne pouvait plus partir comme ça.
Et pourtant, s'il n'y avait pas eu sa Duchesse champenoise adorée, elle serait sans doute partie, partie rendre les derniers hommages à celle qui resterait dans l'Histoire, la grande histoire, l'histoire de l'Anjou, l'histoire du Royaume, celle qui demeurerait à jamais un modèle.. de droiture, d'intelligence... d'humanité quand il lui arrivait de se tromper...
Dans son esprit, les idées fusaient. Partir ce soir, là, maintenant... elle arriverait peut-être à temps en Anjou.. Mais pourquoi? Pour se faire recevoir comme une moins que rien en Anjou, par le Duc qu'elle avait trahi? Risquer le courroux de la future archiduchesse d'Anjou parce qu'elle n'avait pas obéi à ses plans? Et.. surtout.. devoir laisser ses deux petits anges qui ne pourraient pas faire le voyage.
Alors, pour la première fois de sa vie, alors que mille idées bouillonnaient dans son esprit, elle se rassit, prit une profonde inspiration et... ne fit rien.
Et ce fut quand de fines larmes commencèrent à couler le long de ses joues qu'elle se rendit dans la chambre de ses petites filles. D'un doigt elle caressa leurs petites joues toutes douces, leurs petites mains toutes potelées, tandis qu'un sourire s'esquissait sur ses lèvres. Puis, quand elle sentit que les sanglots allaient reprendre de plus belle, elle sortit de la pièce, referma doucement la porte derrière elle, s'adossa au mur sous le poids du chagrin et finit effondrée par terre, secouée par les pleurs.
La lumière d'Anjou allait s'éteindre et avec elle tout ce qui faisait son attachement viscéral à ce Duché.