Mai
Voilà quelques jours quelle avait fui sa Bretagne pour ne plus y remettre les pieds, y abandonnant époux, suzerains et amis. Ainsi va la vie, et la route qui mène vers un ailleurs aux milles promesses. Passant par le Maine et désormais lAnjou, la Myosotis avançait, cheville chancelante, vers un nouvel horizon Enfin pour le moment, Marie tentait surtout de traverser la foire qui avait pris place sur son chemin entre léglise et la rue de Rennes ou elle résidait. Lair de ne pas y toucher, la blondine jouait des coudes pour avancer. Par trois reprises, on lui avait marché sur les pieds, laissant une trace boueuse sur ses souliers. La bousculant sans cesse. Lui piquant son tour dans la file dattente du maraicher et du boucher Une vieille lui était même tombée dessus, manquant de peu de renverser le panier à provision calé au creux de son bras.
- Bavidig !! Gast !! **
Au bout de deux heures - le manque dhabitude naidant guère - Marie commençait doucement à perdre le contrôle de ses nerfs. Sa bouche pourtant délicate dordinaire offrait la saveur de son patois natale aux esgourdes angevines. Et si les mots étaient inconnus, le ton ne laissait aucun doute sur le langage fleuri de la jeune femme. Seule lamour ou la colère pouvait espérer la rendre à ses racines. Quand elle sabandonnait à être elle
Et cest ce quelle fit quand la haute stature dun homme la percuta de plein fouet. Loseille de son panier rencontra la dureté dun sol trop froid. Deux ufs se brisèrent sous le choc, une pomme roula hors de sa vue, le sac de lentille séventra, constellant le sol des milles et un grain de son repas.
- Heñvel out eget un tamm gweleoù brein marmouz! ***
Les mots étaient sortis tout seul, alors que son regard contemplait les débris de ce qui devait être le dîner de ses enfants. Le vil venait de priver sa marmaille dun repas digne de ce nom et pour le cur dune mère, cétait une chose impardonnable. Elle allait lui faire sa fête. Lui hurler dessus jusquà ce que lenvie lui passe. Le frapper de ces petits poings ridicules même. Les nerfs à vifs et la fatigue aidant, le maraud payerait pour tous les autres. Il allait morfler. Tant pis pour lui.
Le faciès tendu, la blonde leva le nez sur le fauteur de trouble, bien décidé à lui ruiné sa journée comme il venait de ruiné la sienne. Chausse, genoux, hanche, estomac, épaule, visag
- Kirke ?!
Lui, langevin qui réussissait mieux les crêpes quelle.
Lui, qui avait mis genoux à terre un soir dété
Lui, qui navait opposé quun toussotement faiblard à son hymen.
Lui, qui était revenu puis reparti sans un aurevoir
Tous les moments passé ensembles lui remontèrent en plein face dun coup dun seul, coupant net la colère qui lanimait une seconde plutôt. C'était brutal. Que faisait-il là ? Pourquoi ? Comment ? Un peu sous le choc, Marie accuse. Immobile. Muette de surprise. Les cheveux en bataille et les joues comme un champ de coquelicot. Elle avait bien prévu de le revoir son «Dieu» blond. Mais pas là, pas maintenant, pas tout de suite. Et surtout pas sans contrôler la situation
Marie nest pas du genre à aimer limprévu.
_________________
*Albert Einstein
** Gourdasse !! Putain !!
*** Espèce de vile raclure de crachat de singe
_________________