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[RP] Revers de fortune

Gnia
Sort inique et cruel ! le triste laboureur
Qui s'est arné le dos à suivre sa charrue,
Qui sans regret semant la semence menue
Prodigua de son temps l'inutile sueur,

Car un hiver trop long étouffa son labeur,
Lui dérobant le ciel par l'épais d'une nue,
Mille corbeaux pillards saccagent à sa vue
L'aspic demi pourri, demi sec, demi mort.

Un été pluvieux, un automne de glace
Font les fleurs, et les fruits joncher l'humide place.
A ! services perdus ! A ! vous, promesses vaines !

A ! espoir avorté, inutiles sueurs !
A ! mon temps consommé en glaces et en pleurs.
Salaire de mon sang, et loyer de mes peines !
    Sort inique et cruel. Agrippa d'Aubigné.


[Crépuscule de Mars 1460 - Bourgogne - Castel de Digoine - La Salamandre ne meurt que si le feu s'éteint.]


Il est des nuits sans sommeil où pourtant les cauchemars se font réels.
S'il est possible de pousser monture sans qu'elle crève d'épuisement sous son cavalier, c'est ce qu'en cette nuit la Saint Just fit. Le Carimaros des Marais soufflait, le poil luisant de sueur, le lourd destrier soutenant une cavalière plus épuisée que lui. Sagittaire effrayant qui fendait la nuit, mantel sombre claquant au vent, visage émacié auréolé de mèches sombres, telles les serpents de la coiffe de la Méduse.

Le coup de grâce avait fait que l'ultime affront à la fierté d'Agnès avait été balayé. Pourtant, son visage portait encore les tuméfactions d'un affrontement avec une bande de caïmans qui les avaient pris par surprise au sortir de Nevers.
Mais fi des petits malheurs quand de plus gros sont à l'honneur.

A l'aube, Digoine, les murailles déchirant les cieux de leurs pointes acérés, comme si elles pouvaient crever le ciel lourd de nuages.
Corps de garde, baille intérieure, la monture ralentissait à peine que déjà la cavalière sautait adroitement au sol. Un regard, un seul, à Sulpice qui s'était précipité à sa rencontre. Ses yeux s'effrayent de la triste figure de la Comtesse. Il secoue la tête et du menton lui désigne une poterne et au delà, l'extérieur.

Les sourcils de la Saint Just se froncent, un profond soupir s'invite au milieu d'une respiration encore chaotique après l'effort fourni. Puis, elle fait volte face et fonce droit vers la direction indiquée. L'huis ne grince pas, l'on y veille scrupuleusement, cette issue étant partie intégrante des possibilités dont user en cas de siège.

Derrière, herbes folles et pierrailles sur quelques mètres, avant l'à-pic. Et au bord de celui-ci, une silhouette pensive, assise sur un rocher, le regard perdu sur l'horizon sombre malgré l'aube.
Agnès se faufile sur le terrain accidenté, atteint enfin son but, et, conservant le silence, vient s'asseoir sur la même pierre. Ses yeux suivent un instant la même direction que celle indiquée par le nez du Balbuzard, avant de se tourner vers lui et envisager le profil de rapace.

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Eusaias
[…]
C'est une volupté, mais terrible et sublime,
De jeter dans le vide un regard éperdu,
Et l'on s'étreint plus fort lorsque sur un abîme
On se voit suspendu.

Quand la Mort serait là, quand l'attache invisible
Soudain se délierait qui nous retient encor,
Et quand je sentirais dans une angoisse horrible
M'échapper mon trésor,

Je ne faiblirais pas. Fort de ma douleur même,
Tout entier à l'adieu qui va nous séparer,
J'aurais assez d'amour en cet instant suprême
Pour ne rien espérer.

Louise Ackermann


[Crépuscule de Mars 1460 - Bourgogne - Castel de Digoine - La flamme vacille.]

Les rires avaient commencé la veille, tonneau en perce et éclats de voix jusqu’à la sentence : « les votes ont changé, le périgourdin sera couronné ». Aux rires succèdent les cris : « A mort le Comte ! » pour les uns et pour les autres : « Tous à Paris, il en est fini de sa vie ! ». Puis vint le chaos, certains s’écartèrent, d’autres troupes se regroupèrent, le Balbuzard fut à la fois orage et roc fendu.

Bien qu’il eu juré : « je vais lui arracher le cœur ! Et planter mes dents dedans ! » il lâcha le couteau qui avait armé sa main au moment de son cri. « Laissez moi ! » tempêta le vieux lion bourguignon. Tous avaient fuit, craignant le courroux du seigneur, alors que celui-ci, d’un pas irréfléchi avait rejoint la falaise.

Point de Louvre, mais une roche pour le balbuzard. La nuit était passée au dessus de sa tête et lui n’avait pas bougé, ancré sur son trône rocailleux. Son regard parcourait le charolais alors que les mâchoires serrées grinçaient de temps à autre. Trahi par les notaires, voilà ce qu’il était, trahi par les notaires…

Il venait, mi-rageur mi-abattu, d’envoyer quelques pierres s’écraser en contre bas. Il avait eu aussi l’idée de les rejoindre… L’idée de voir si un balbuzard bourguignon savait voler. Mais une salamandre vint troubler sa question. Le nez aquilin se tourna vers elle, un court silence fut brisé par un souffle.


Ils m’ont trahi...
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Gnia
Oscillements.
Non point de ceux qui chancèlent mais de ceux qui préludent au choix.

Quelle femme sera-t-elle en cet instant, celle qui n'est femme que sous ses extérieurs glacés, sculptés selon les détails de son genre, ou que dans ses intimités ardentes, élans fugaces et intenses comme autant d'escarbilles ?

Oscillations.
Souffler sur les braises et les enflammer pour s'en repaître.
Ou les couver et attendre que le poison fasse effet.

Elle n'est pas le Phénix, elle est la Salamandre.
Elle n'allume pas le feu pour s'y consumer et renaitre, elle entretient les flammes pour s'en nourrir et les éteint à l'envie.

Dès lors point de giron aimant et consolateur.
Fi des gestes qui apaisent et qui ouvrent la voie aux atermoiements.
Ne reste que le souffle brûlant, le poison violent à instiller.


Et maintenant ?

Un murmure tout d'abord. A peine un bruissement.
Et puis enfin, la balance penche, la voix se fait ferme, la mine, butée.


Et maintenant ?
Allez-vous accepter et courber l'échine ?
Ou bien vous lèverez-vous, conchierez les résultats, clamant haut et fort que vous êtes Roy de France et que désormais la Cour est à Dijon ?

Resterez-vous là sur votre trône de pierre à osciller au-dessus du vide ?


Geste plein de mépris qui désigne ce qui est devant eux.

Car je n'oscillerai pas avec vous.

Ferme.
Définitif.
Sans appel.

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Eusaias
Tsss…

Elle allait donc finir par l’achever ? Il aurait voulu son soutien et bien que l’amour entre eux était franchement discutable, il aurait aimé ses bras autour de son cou et qu’elle lui offre sa poitrine en guise de coussin. Mais il ne fallait pas rêver, l’artésienne était une salamandre et celle-ci ne sont pas réputées pour leur douceur.

Il secoua la tête, pour dire non à tout. Non à la France. Non aux résultats. Non à la vie. En bas les rochers lui ouvraient les bras. Entendrait-il le son de ses os se broyer sous l’impact ? Ou serait il mort avant ? Il haussa les épaules, la réponse il s’en foutait. Il repensa encore une fois à tout cela et surtout aux mots de son épouse.

Ceci étaient durs, bien trop durs. Le regarda se tourna vers le vide. En contrebas passaient un berger pipeau à la bouche et ses moutons. On pouvait deviner la prospérité du berger aux nombres de moutons et à ses vêtements loin d’être les loques des autres éleveurs du coin. La petite troupe suivait un chemin escarpé lorsqu’une ombre balaya le ciel au dessus d’eux. Dans un cri perçant l’aigle fondit sur la troupe et de ses serres puissantes captura le mouton qui bêlait le plus pour l’emmener dans les airs.

Dans la panique qui saisit les ovins, ceux là renversèrent le berger qui chuta en contre bas. Etait-ce un signe du Très Haut ? Un aigle envoyé par celui-ci pour punir le berger d’une mauvaise fortune ? Et si le berger était Vonafred ? Et si les moutons, par leurs riches laines étaient les bourgeois ? Qui serait l’aigle envoyé par Dieu pour les punir ?

Le balbuzard passa son doigt sur l’arrête de son nez aquilin. Qui serait l’aigle envoyé par Dieu pour les punir ? Un bourguignon à coup sûr.

Un ricanement de hyène secoua la bourguignon, chassant les ombres sur son visage.


Ma dame mon épouse. Allez donc faire chercher ma ferraille, je m’en vais chercher mon trône !

Puis en se levant.

De toute manière j’ai froid au c*l sur cette roche.
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Gnia
Mâchoire crispée, elle avait encaissé le refus, mal, comme un coup au ventre qui lui déchirait les entrailles.
Front plissé, elle le regardait pencher vers le vide, sans même avoir l'envie de le retenir. A quoi bon un allié qui s'effondre dès la première difficulté.
Cruel, certes, mais en cet instant, c'est sa propre survie qu'elle jouait.
Il lui fallait une victoire, juste une.
Quoique ce n'était point tant la victoire qui faisait vibrer la Saint Just, mais la lutte pour y arriver. Comme toujours.
Le but n'a aucune saveur, s'il n'y a de défis supposément insurmontables à relever.

Visage fermé, elle lui semblait lire sur le profil taillé à la serpe la fin d'un pacte quand il y eut, en cette aurore lugubre, un signe. Elle l'avait vu aussi, la scène macabre qui s'était joué en contrebas.
Et elle sursauta au rire typique de son époux lorsqu'il avait quelque mauvais coup en tête.

Sourcil haussé d'une surprise sincère, elle le dévisagea, restant un instant interdite devant sa brusque volte face.
Puis enfin, un sourire en coin retroussa ses lèvres tandis qu'elle se permit un petit clin d'oeil discret en direction du ciel.

Elle le suivit à petit pas tandis qu'il reprenait le chemin des murailles.


Si je puis me permettre, mon époux, s'il est de bon aloi de songer à faire reluire les plates d'armures, je gage qu'il nous serait plus favorable tout d'abord de faire entendre à qui veut que le trône est à vous.
Fi donc, d'aller le chercher à Paris, quand nous pouvons déplacer Paris à Dijon.

Son argumentaire s'entrecoupait de brefs silences, nécessaires à regarder où elle posait ses pieds tant le terrain était accidenté.

Vous n'allez pas chercher le trône, vous l'imposez.
Avant de faire cliqueter la ferraille, il faut faire grincer les plumes, mon ami.
Les mots sont des armes acérés qui savent parfaitement s'accorder avec leurs jumelles d'acier.

Elle l'avait devancé jusqu'à la poterne, devant laquelle elle marqua un temps d'arrêt, jusqu'à ce que le Balbuzard la rejoigne. Elle darda alors son regard bleu sombre dans celui de son époux avec un sourire étrange, puis ses doigts vinrent se refermer en serre sur le tissu de son pourpoint à l'épaule, l'attirant à elle pour lui dispenser un baiser sulfureux.

Le souffle brûlant de la Salamandre.

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Eusaias
[…]
Mychault aprés son premier somme
trouva ce dit en son trésor
Et pour ce prie qu'on le nomme
Le songe de la thoison d'or

« S’ensieult le songe de Mychault » par Michaut Taillevent poète bourguignon du XVeme



[Digoine, dans la forteresse.]


Quelques heures après le baiser de feu et qu’il, en bon hussard, ait fait gémir sa femme contre la poterne, le bourguignon avait retrouvé son cabinet la chemise sortant encore à moitié de ses braies. Il remplit de gobelet d’étain à l’aide de la carafe de vin posée à côté et, la mine terrassée par la fatigue se porta au dessus du vélin.

On les pendra ces chiens…

Le cerveau était embrumé, l’homme épuisé, mais toujours présentes étaient menaces et autres grossièretés. Les serres ratissèrent la repousse de barbe sur sa joue déchirée par une cicatrice, vilain souvenir de la prise de Bouillon. L’excitation se mêlait à la fatigue, alors que la plume brassait l’encre.

Vous devrez rallier le ponant à mon panache, moi je m’occuperai du Domaine Royal, de la Touraine, du Lyonnais et de la Bourgogne. Je sais pouvoir compter sur eux. La Flandre j’ai mes soutiens et dans les provinces du sud, nous aviserons, je pense que les auvergnats et les languedociens ne nous seront pas hostiles.

Le nez menaçait encore le vélin, la plume elle aussi guettait le bon moment. La France allait connaitre un grand moment et tout ceci pour quelques lignes et une envie de justice.




Citation:

    Peuple de France,

    Qu'il soit su et dit,


    Qu'en ce vingt quatrième jour de mars de l'an de grasce mil quatre cent soixante, nous, Eusaias de Blanc Combaz, Roy de France par la grâce des urnes immaculées,

    Réaffirmons à nos sujets que nous tiendrons la promesse faite de les guider vers un avenir meilleur.
    Et ce malgré la trahison des notaires qui a permis d'entacher votre volonté à voir celui que vous avez choisi s'ériger à la charge suprême de veiller à la bonne gouvernance du Royaume de France.

    Réjouis-toi, Peuple de France, car nous ne t'abandonnons pas à ton triste sort.

    Annonçons que celui qui se tient à Paris et usurpe les armes de France est un imposteur.
    Lui laissons de bonne grâce Paris et ses dorures cachant bien mal l'ordure et plaçons notre Cour et le siège de Nos Royales Institutions à Bouillon dans les Ardennes.

    Invitons nos Vassaux, Régnants du Domaine Royal, Grands Feudataires de France, Vassaux d'Ile de France, à venir y faire hommage et allégeance à leur Souverain.

    Invitons les officiers royaux, les serviteurs de la Couronne a venir y prester serment devant leur Souverain.


    Appelons nos soutiens, amis et alliés à se faire connaître, à s'unir pour soutenir leur Roy et à se liguer contre l'Usurpateur.

    Sommons l'Imposteur de mettre fin à sa mascarade et d'abandonner sur le champ toute prétention au Trône de France.


    Peuple de France, lève toi et rallie toi à notre panache blanc !








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Gnia
On exposait une peinture
Où l'artisan avait tracé
Un lion d'immense stature
Par un seul homme terrassé.
Les regardants en tiraient gloire.
Un lion en passant rabattit leur caquet.
"Je vois bien, dit-il, qu'en effet
On vous donne ici la victoire ;
Mais l'ouvrier vous a déçus : Il avait liberté de feindre.
Avec plus de raison nous aurions le dessus,
Si mes confrères savaient peindre."
    Le Lion abattu par l'Homme. La Fontaine


[Digoine, dans la forteresse.]


L'eau fumante clapotait contre le drap qui couvrait la cuve de bois. Elle retenait sa respiration, le visage sous l'eau, en songeant que si elle devait être soumise au jugement de l'eau, pour sûr, l'eau rejetterait son corps, la déclarant d'office possédée par le Sans Nom.
A court d'air, elle émergea brusquement, quelques gerbes d'eau parfumée s'étalèrent au sol, et aussi soudainement qu'elle s'était laisser aller à cet instant de calme, elle s'ébroua.

Elle avait dormi une poignée d'heures, recroquevillée en chien de fusil sur l'une des banquettes du cabinet de travail du maître de Digoine, bercée par le grincement de la plume sur le vélin.
Réveillée tant par l'inconfort de sa posture que par la nervosité qui n'avait trouvé d'apaisement dans le sommeil agité, elle s'était penchée sur l'épaule du Balbuzard, avait proposé quelques modifications avant de filer s'octroyer un instant de calme avant la tempête.

Revenue dans le cabinet, les yeux encore ourlés de halos bleutés, mais le visage moins crispé, elle somma son époux de faire relâche.


Eusaias, allez vous reposer quelques heures, je me charge de faire copier prestement cette déclaration et de la faire porter aux quatre coins du Royaume de France. Les coursiers attendent déjà.

Elle tira un siège vers l'écritoire qu'elle avait fait installer dans la pièce, et entreprit de tailler une plume. Du regard, elle insista, constatant que son époux restait prostré sur son fauteuil.


Vous vous occuperez des missives à nos principaux soutiens après, je me charge pour l'heure de notre arrière-garde.

Et bientôt, une nuée de cavaliers sans livrée distinctive, en habits sombres, s'égayèrent comme des corbeaux sur les chemins de France.
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Eusaias
Dormir ? Quand je dois reprendre par le fer et la plume mon royaume ?

Il grimaça devant se rude dilemme. L’oreiller gonflé de duvet, rafraichi par la nuit passée serait d’un véritable réconfort, tout comme ses draps et couvertures passés au chauffe lit à braises. Le matelas de laine épouserait admirablement son corps à n’en point douter et la combinaison des trois seraient un havre de paix. Sans doute ronflerait il à en faire trembler les murs lors de ce sommeil profond et réparateur.

Le regard du rapace se brouillait déjà alors que les paupières se fermaient, hélas l’encrier fut distingué et la tête violement secouée.

Non pas maintenant, je me dois d’écrire encore. A mon vassal le duc de Bourgogne et à ses deux jolies lionnes que son la duchesse de Touraine et la duchesse du Lyonnais-Dauphiné. J’irai ensuite.

Le plume trempa encore, le balbuzard lorgna son épouse un court instant avant de se concentrer sur le vélin. La première lettre a duc de Bourgogne fut vite rédigée, il savait ce qu’il devait dire.


Citation:

    De nous Eusaias Blanc Combaz,
    Roi de France par la grâce des urnes,

    Au Duc de l’infinie Bourgogne,
    A son collège Nobilaire,
    A son conseil ducal,


    Salut !


    Il fut un temps pour les discours, il fut un temps pour les élections et je fus reconnu Roi de France par la grâce des urnes. Je fus roi, jusqu’à ce que Vonafred et les siens changent à coup d’écus le résultat, élisant de cette manière deux rois, l’un légitime nous et l’autre roi des parisiens.

    Je ne doute pas que cela pu réjouir quelques pairs qui voyaient déjà la porte se fermer à leur nez, je ne doute pas que cela a réjoui des Cedric Virloinval, des Nicolas de Firenze et autres imbéciles notoires.

    Les premières heures furent pour nous très difficiles. Comment la France pouvait se doter de deux rois, l’un des deux devait s’effacer. De sur les roches entourant mon bastion, je contemplais le vide, espérant que le Très Haut reprenne mon âme. Mais le Très Haut m’envoya un message bien différent : un aigle puissant, au bec aussi acéré que le mien et s’élevant de Digoine, tua de ses serres puissants un gras mouton bêlant sans cesse. Le berger, le plus riche de la région, trébucha dans la panique et chuta trouvant ainsi la mort.

    Point de doute, le message du Très Haut était clair, l’aigle était nous, le mouton tué représentait les notaires se réjouissant de la situation, le berger ne pouvait donc être que le vil usurpateur périgourdin.

    Aussi, nobles de Bourgogne, honorables conseillers, souffrez que le Très Haut me soutienne et de ce fait je ne pourrais être vaincu. Qu’importent les courroux, qu’importe la ruine, la France se ralliera à mon panache blanc !

    Nobles de Bourgogne, si souvent attaqués par pairie et hérauderie. Vous Bourguignons, qui vos pères ont soutenu le grand duc Jean, allez vous plier devant le roi Parisien ou rallier le Roi de France Eusaias Blanc Combaz ?

    La nuit dernière j’ai vu Saint Bynnar et Saint André dans mes songes et eux m’hélèrent m’encensèrent à ne pas céder devant le veau d’or Vonafred. Déjà les fils des partisans bourguignons s’étant battus pour le grand duc Jean m’annoncent soutien.

    Peuple de Bourgogne Lève toi !










Puis sur la même base il écrit à la duchesse du Lyonnais, non pas oser raconter :

Vous savez ma mie, j’ai promis à la duchesse du Lyonnais d’installer une statue d’elle dans notre chambre si j’étais élu roi. Elle a trouvé l’idée amusante… jusqu’à ce que je dise que j’aurai donc besoin qu’elle pose seins nues pour la réalisation.

Un sourire mauvais déforma un peu plus le faciès d’oiseau de proie.

Elle a bien failli m’incruster ses cinq doigts dans ma joue. Bon sang… Elle en était encore plus excitante.

Citation:

    De nous Eusaias Blanc Combaz,
    Roi de France par la grâce des urnes,

    A la Duchesse de Lyon et du Dauphiné,
    A son collège Nobilaire,
    A son conseil ducal,

    Salut !



    Il fut un temps pour les discours, il fut un temps pour les élections et je fus reconnu Roi de France par la grâce des urnes. Je fus roi, jusqu’à ce que Vonafred et les siens changent à coup d’écus le résultat, élisant de cette manière deux rois, l’un légitime nous et l’autre roi des parisiens.

    Je ne doute pas que cela pu réjouir quelques pairs qui voyaient déjà la porte se fermer à leur nez. Il est certain que plus d’un de vos opposants se sont amusé de la situation après avoir serré les fesses le temps des élections.

    Les premières heures furent pour nous très difficiles. Comment la France pouvait se doter de deux rois, l’un des deux devait s’effacer. De sur les roches entourant mon bastion, je contemplais le vide, espérant que le Très Haut reprenne mon âme. Mais le Très Haut m’envoya un message bien différent : un aigle puissant, au bec aussi acéré que le mien et s’élevant de Digoine, tua de ses serres puissants un gras mouton bêlant sans cesse. Le berger, le plus riche de la région, trébucha dans la panique et chuta trouvant ainsi la mort.

    Point de doute, le message du Très Haut était clair, l’aigle était nous, le mouton tué représentait les notaires se réjouissant de la situation, le berger ne pouvait donc être que le vil usurpateur périgourdin.

    Aussi, votre grâce, seigneurs du Lyonnais et du Dauphiné, honorables conseillers, souffrez que le Très Haut me soutienne et de ce fait je ne pourrais être vaincu. Qu’importent les courroux, qu’importe la ruine, la France se ralliera à mon panache blanc !

    De partout le mot indépendance se murmure, je lui fais donc écho d’un : Un royaume, un vrai ! Plus d’absolutisme, mais un Souverain et ses Vassaux avec tout ce que cela implique, pour diriger les terres, les sujets.

    Quid des destitutions ? Haha, pour vous un titre correspond à quoi ? Un papier ou alors deux terres qui se lient par un serment vassalique dans le respect de la féodalité ? Allons… Vous avez la terre, nous ferons le serment, à l’usurpateur on lui laisse le papier pour se torcher. Dès aujourd’hui, nous organisons notre hérauderie.


    Peuple de Lyon et du Dauphiné Lève toi !










Il ne remit pas sa chevalière immédiatement, un autre document serait à sceller.

Vous savez, je crois que ce n’est pas la beauté qui m’inspire chez une femme, mais ce qu’elle dégage. Une femme peut être fort jolie et ne pas m’attirer pour ça. J’en ai tirée cette conclusion durant les élections. Vous voyez la duchesse de Touraine, sa frimousse, son regard azur, ses cheveux bruns et ses petites hanches qu’on a envie d’agripper doivent faire saliver plus d’un homme, mais je crois que son véritable aura n’est pas celui là. Bon dieu, cette femme force le respect et plus que dans ma couche je la voudrai à mes côtés sur un champ de bataille.

Il trempa sa plume et reprit.

Citation:

    De nous Eusaias Blanc Combaz,
    Roi de France par la grâce des urnes,

    A la Duchesse de Touraine,
    A son collège Nobilaire,
    A son conseil ducal,

    Salut !



    Il fut un temps pour les discours, il fut un temps pour les élections et je fus reconnu Roi de France par la grâce des urnes. Je fus roi, jusqu’à ce que Vonafred et les siens changent à coup d’écus le résultat, élisant de cette manière deux rois, l’un légitime nous et l’autre roi des parisiens.


    Et oui, celui qui vous trahit par le passé usa encore et toujours de ses méfaits, vénal qui l’est, pour trahir la France et usurper le titre.

    Les premières heures furent pour nous très difficiles. Comment la France pouvait se doter de deux rois, l’un des deux devait s’effacer. De sur les roches entourant mon bastion, je contemplais le vide, espérant que le Très Haut reprenne mon âme. Mais le Très Haut m’envoya un message bien différent : un aigle puissant, au bec aussi acéré que le mien et s’élevant de Digoine, tua de ses serres puissants un gras mouton bêlant sans cesse. Le berger, le plus riche de la région, trébucha dans la panique et chuta trouvant ainsi la mort.

    Point de doute, le message du Très Haut était clair, l’aigle était nous, le mouton tué représentait les notaires se réjouissant de la situation, le berger ne pouvait donc être que le vil usurpateur périgourdin.

    Aussi, votre grâce, barons de Touraine, honorables conseillers, souffrez que le Très Haut me soutienne et de ce fait je ne pourrais être vaincu. Qu’importent les courroux, qu’importe la ruine, la France se ralliera à mon panache blanc ! Le panache du premier des barons, à moi la France et les honneurs, à lui le Louvre et les pique-assiettes.

    Touraine doit être mitigé quant à mes propos, mais Touraine n’est elle pas terre féodale ? Celle qui marche pour l’honneur et pour des idéaux qu’elle croit juste ? Que la tromperie de notaire puissent prévaloir sur la voix des barons et des sujets est-ce un fait juste ? Par Dieu, Non !

    Comme je le disais il y a peu et Touraine comprendra encore mieux, pour vous un titre correspond à quoi ? Un papier ou alors deux terres qui se lient par un serment vassalique dans le respect de la féodalité ? Allons… Vous avez la terre, nous ferons le serment, à l’usurpateur on lui laisse le papier pour se torcher. Dès aujourd’hui, nous organisons notre hérauderie.



    Peuple de Touraine Lève toi et marche avec un véritable roi !











Voilà ! Faites porter ses courriers madame mon épouse, je m'en vais enfin dormir.
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Gnia
La Saint Just avait fini d'affuter sa plume et songeait, regard errant dans le vide et adossée à son siège, aux cursives, chemins détournés, qu'elle allait lui faire prendre.
Comme à l'accoutumée, sa main avait fini par courir que le côté droit de sa mâchoire, pour en pincer nerveusement la ligne blanche qui en marquait les contours.
Un sourcil se haussa lorsque le Balbuzard commença à lui livrer ses pensées, de celles qu'on partage plus aisément avec un compagnon d'armes autour d'un cruchon de vin dans un bouge qu'avec sa femme.
Le regard de glace s'alluma d'une lueur goguenarde tandis qu'elle le laissait parler, livrant à ses pieds les armes avec lesquelles elle aurait tout loisir de le torturer.
Sourire en coin collé sur le visage, elle l'observa un long moment se pencher à nouveau sur l'écritoire et conclure sa missive.


Je vois, mon cher époux, que vous songez déjà à me remplacer.
Si je dois, de vos babillages, retenir une seule chose, c'est qu'il vous faut pas moins de deux femmes pour m'égaler.


Et de lui laisser mirer la mine narquoise qu'elle affichait avant de le laisser filer.

Je vous fais éveiller dans deux heures. Vous avez un conseil à nommer.

Et lorsqu'enfin elle fut seule, s'étala peu à peu sur les parchemins l'encre rouge sang, trainée de poudre, prélude guerrier à un corps à corps musclé.
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Eusaias
"Un mot perd l'affaire ; un homme détermine le sort d'un empire"
Confucius.





[Bouillon la puissante citadelle]



Les coups de maillets sur les broches et chasses, les coups de taillants et de têtus sur les granites qui avaient été livrés dans la grande cour de la forteresse, résonnaient dans tout le domaine. Le Balbuzard, les mains sur un plan tentait de comprendre où chaque pierre allait se situer.

Hâtez vous ! Hâtez vous ! Hahaha

Et le balbuzard de rejoindre son nid, alors que les martellements dans la forge commençaient et annonçaient que la reprise de leur activité. Tombant nez à bec avec son épouse il ne put retenir son ricanement de hyène.

Ne me gourmandez pas pour le bruit dans la cour, les forges nous font les armes, les tailleurs de pierres vont confectionner mon trône ! Regardez !

Il lui colla le plan sous le nez.

Le même que le Charles le Grand ! Ahahaha, je vous le dis ma mie, Charlemagne… On me comparera à lui dans les premiers temps, mais après… les gens le verront comme un demi-Eusaias. Sinon… tous les villages du coin ont vu les taxes doubler, ça risque de râler un peu j’ai donc fait poser la veuglaire à l’entrée et donné ordre de tirer sur le premier jacques bonhomme venu.

Il se ratissa le menton de ses serres.

Bombardes et couleuvrines feront céder le pont en cas de dernier recours. Bouillon est tombé une fois et par ma main et il ne tombera plus jamais. Nous ne manquerons pas d’eau et je fais amasser le plus de réserve possible.

Son regard toujours acéré, bien que la fatigue cumulée depuis des jours était visible, sondait méticuleusement chaque coin et recoin.

Je veux vos piquiers flamands et je vais faire remonter une troupe d’hallebardiers suisses. Ils sont réputés pour ne pas faire de prisonniers et seront donc parfait pour défendre notre palais. Prenez mes cranequiniers morvandiaux pour votre escorte seront parfaits. Carreaux et braquemards auront raison de vos assaillants.

Puis un soupir profond mit un terme aux côté défensif.

Et vous à quoi avez-vous songé ? Pas de truc de fillette hein ! "La première dame des porteuses de braies du dimanche pluvieux" on laisse ça à l'usurpateur, pas besoin de ce genre de rififi, que du solide, que du concret.
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Gnia
"Je ne suis capable de fantaisie que dans l'ordre."
    Colette


[Bouillon, nid d'aigle.]


Et tandis que de la baille intérieure provenaient les bruits caractéristiques du mâle ayant sorti ses jouets préférés de leur coffre, la Saint Just avait refait une énième fois le tour du propriétaire flanquée de Sulpice qui prenait des notes.

Du haut du perron, elle envisageait la cour, se demandant ce qu'on allait bien pouvoir y caser, lorsque son époux, visiblement enjoué, lui expliqua les raisons de ce soudain regain d'activité.
Un coup d'oeil dubitatif glissa sur le dessin tandis qu'elle écoutait, hiératique, le rapport sur les défenses bouillonesques.

Lorsqu'enfin l'Impétueux cessa d'expliquer la teneur de son jeu à la Saint Just, celle-ci lui exposa le sien.


Alors déjà, prévoyez de faire assembler votre réplique du trône dans la grand salle, c'est évidemment là que vous siégerez.

Un petit signe à Sulpice pour qu'il lui laisse voir le résumé de leur état des lieux avant de poursuivre à grand renfort de bras moulinant les airs pour appuyer sa démonstration

La Tour Anne d'Autriche réunira votre conseil.
La bibliothèque et son scriptorium abriteront l'institution essentielle à rassurer ceux qui craignent pour leurs avantages.


La Saint Just ne réfréna pas à cette mention une moue méprisante et un claquement de langue agacé.

Nous conserverons pour nous et vos invités de marque, le logis ducal qui surplombe la cour d'honneur.

Si nous avons encore besoin d'espace, les trois fortins pourront être utilisés, la caserne également, et nous devrions pouvoir ré-agencer encore quelques pièces en autant de cabinets et salons.
Pour les quatre premiers, j'ai déjà donné les ordres pour qu'ils soient aménagés.


Un profond soupir conclut l'exposé. La tâche n'avait point été aisé d'imaginer Bouillon, forteresse construite pour la guerre, en palais royal, siège des institutions.


Charge à vous à présent d'y amener la vie et les peupler.
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Eusaias
Il avait écouté son épouse avec grande attention mais une chose ou deux l’avaient plus frappé qu’autre chose. Le nez aquilin se retroussa alors qu’un raclement mi-gorge mi-nasaux se fit entendre. Le présent jaune et gluant fut bavé dans la main d’un valet de porte bien ennuyé.

Va jeter ça dehors ! Manquerait plus que la malemort atteigne mon fils.

Puis le regard se pointa, acéré, dans celui de l’Artésienne.

Ma réplique de trône vous disiez ? Parce que j’ai une réplique de royaume peut être ?

Les dents grincèrent imitant à la perfection le planché "qui trahit celui qui veut être discret".

MON TRÔNE OUI !

Puis le visage revint au souriant faciès.

Ceci dit la grande salle sera parfaite pour l’accueillir oui. Le reste pourquoi pas, j’ai jamais rien compris « au paraitre ». Pourquoi s’ennuyer de discours quand une bardiche bien affutée suffit à mettre tout le monde d’accord.

Les bras se croisèrent sur la poitrine alors qu’il reprit la marche en direction de la grande salle.

Vous dirigerez la cour royale, en mon absence, menez mes vassaux, officiers et soutiens avec fermeté et justesse. Du respect réciproque il faudra. Je m’occuperai des manœuvres militaires si besoin de manœuvre militaire est.

Une grande expiration se fit entendre.

Agnès, si je venais à tomber, épousez sans attendre un roi. Tous sauf ceux qui seront aux côté de Vonafred et par votre mariage liez toutes les provinces vassales à la couronne que vous choisirez. Une fois tout ceci officialisé, que le cavalier noir ou le cavalier rouge fasse rendre gorge au monarque. Lionel deviendra roi et vous la reine mère.

Il se retourna alors encore une fois vers son épouse.

Je le veux et vous l’ordonne.

Les bras se décroisèrent pour faire claquer avec fracas les deux mains l’une contre l’autre.

Bien, me faut un confesseur car ça ne va pas être joli joli ce que je prépare à l’usurpateur et mon âme va avoir besoin d’être bien sauvée.

Un nouveau ricanement de hyène se fit entendre dans la citadelle de Bouillon.
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Gnia
Tout en mettant son pas dans celui de son époux, la Saint Just songeait à ses recommandations. Elle tut ce qu'elle s'apprêtait à rétorquer et conserva par devers elle l'idée pourtant simple que l'on ne saurait attendre d'un autre ce qu'on pouvait obtenir seule. Pourquoi épouser un Roy quand on pouvait devenir Reyne ?



Rencontré soit de bêtes feu jetant
Que Jason vit, quérant la Toison d'or ;
Ou transmué d'homme en bête sept ans
Ainsi que fut Nabugodonosor ;
Ou perte il ait et guerre aussi vilaine
Que les Troyens pour la prise d'Hélène ;
Ou avalé soit avec Tantalus
Et Proserpine aux infernaux palus ;
Ou plus que Job soit en grieve souffrance,
Tenant prison en la tour Dedalus,
Qui mal voudroit au royaume de France !

Quatre mois soit en un vivier chantant,
La tête au fond, ainsi que le butor ;
Ou au grand Turc vendu deniers comptants,
Pour être mis au harnais comme un tor ;
Ou trente ans soit, comme la Magdelaine,
Sans drap vêtir de linge ne de laine ;
Ou soit noyé comme fut Narcissus,
Ou aux cheveux, comme Absalon, pendus,
Ou, comme fut Judas, par Despérance ;
Ou puist périr comme Simon Magus,
Qui mal voudroit au royaume de France !

[...]

    Ballade contre les ennemis de la France. François Villon.


[Aurore d'Avril 1460 - Bourgogne - Castel de Digoine - Ajustement de cap.]


Le bastion ardennais était à présent paré, quoiqu'il advienne. Qu'il soit le prélude à un nouveau rayonnement ou la Massada d'une Salamandre et d'un Balbuzard.
Quelque soit la fin, elle n'était point écrite et ne saurait être autrement qu'illustre et héroïque.
Pouvait-il en être autrement lorsque l'on avait choisi de se battre avec honneur face à un triomphe sans gloire ?

Et puisqu'il était question de lutter, que la lumière seule de la forteresse de Bouillon ne suffisait à attirer en son feu les éphémères sans but, il convenait d'aller les attraper, armés de filets, les débusquer sur leurs territoires.
Retour en la morne Bourgogne donc, et avec elle, l'insatisfaction d'une chasse dont on revient bredouille.
En fallait-il si peu pour que le poison de la salamandre ne tarisse ?
Non point.
La chienlit artésienne s'était toujours targuée de toujours repousser là où l'on pensait s'en être défait.

La Comtesse attendait, relisant une dernière fois la déclaration qui lui était venue, que le Balbuzard en prenne connaissance et la valide.
Et lorsqu'enfin il entra dans la pièce où il était attendu, Agnès, fidèle à son pragmatisme, lui tendit le vélin

Lisez, modifiez ce qui doit l'être, datez, signez et scellez.
Les copistes ont déjà leur plumes affutés et les coursiers sont sellés.


Quelques ajustements, un brin de fioriture, un trait d'encre impérieux, la cire qui pleure et puis gémit, prise en étau entre le vélin et le scel.

Et que s'abatte l'aiguillon qui affine la route sur laquelle voguer.


Citation:

    A ceux qui grondent tout bas sans oser élever la voix,
    A ceux qui, timorés, restent dans l'ombre,
    A ceux qui poussent à la Fronde sans pour autant vouloir faire face aux conséquences,

    Au peuple de France,
    A ceux qui ignorent par manque d'information,
    A ceux qui préfèrent ignorer par manque de volonté,
    A ceux qui brûlent de savoir,


    Sachez qu'un Roy ne peut guère longtemps vouloir se faire porte parole d'une masse qui a pris le parti de rester cachée.
    Pourtant, et parce nous avons de l'honneur, nous ne saurions abandonner un combat auquel nous croyons, même si nous déplorons l'idée d'en devenir le seul martyr.

    Vous aviez peur d'une nouvelle guerre, elle ne sera point de notre fait. Il n'en a jamais été question.
    A quoi bon prendre les armes quand il possible de soumettre sans combattre, de déstabiliser sans épée, de blesser sans faire couler de sang ?

    Vous avez pris le parti de faire confiance au Roy des Parisiens.
    Comment faire confiance à un homme qui refuse de soulager son propre domaine, d'honorer les dettes contractées auprès de ses vassaux directs, arguant que les caisses royales sont déjà vides, mensonge éhonté, quand il est évident qu'elles sont sollicités pour rembourser au Périgord le prix des malversations notariales qui ont permis d'entacher le bon déroulement de cette élection ?

    Vous doutez de nos intentions. Elles restent inchangés.
    Nous refusons de voir le Trône de France flétri par un homme qui pense que l'honneur et la gloire s'achètent.
    Nous continuerons à rallier sous la bannière de la contestation ceux qui ont à coeur la droiture et la grandeur du Royaume de France.

    Que ceux qui veulent se laisser abuser ploient donc l'échine sous la férule d'un Paris corrompu.
    Que ceux qui n'ont d'autre désir que de laver l'affront fait à la France rejoignent la bannière de Bouillon.

    Car nous n'avons pas peur.
    Nous ne saurions trembler devant l'imposture et les menaces.
    Car notre lutte est juste et notre coeur est pur.
    Nous ne saurions voir obscurcies nos intentions par la souillure de l'ignorance ou pis, par les relents putrides de la calomnie.


    Et s'il le faut, nous irons seul au front, portant haut l'oriflamme de la Fronde, car notre honneur nous y contraint et notre Amour pour le Royaume de France nous guide.


    Qu'il en soit ainsi et heureusement.


    Faict à Digoine le 8 d'avril 1460






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Eusaias
On venait de lui remettre un mot, en main propre. En bon souverain il avait placé certains de ses vassaux dans le camp adverse et ceux-ci l’informaient régulièrement. Il tira le code sur la laine pour délier le minuscule rouleau.

A la lecture il ne put que ricaner.



Qu’il est beau ce marchand de tapis qui se prend pour un roi. Hahaha !


Et de fournir le document à son épouse.


Brulez- le en plein après votre lecture. Je vais répondre à cela.

Il se fit porter son écritoire et tout ce qu’il fallait pour rédiger son annonce. Sourire aux lèvres.


Citation:

    Peuple de France,


    Selon le torchon qui tient actuellement lieu de charte royale, la légitimité du Roy vient du résultat des élections.
    Et tu as pu constater comment une légitimité s'achète.


    Selon l'idée largement admise que le pouvoir royal ne saurait être confirmé sans sacre, il est de coutume d'attendre celui-ci pour demander allégeance à ses vassaux.
    Et tu apprendras qu'en lieu et place de la légitimité que confère élections et sacre, le Roy des Parisiens a besoin de faire signer à ses feudataires une déclaration commune de soutien.

    Une nouvelle preuve si tu en manquais pour démontrer que lui-même doute de sa légitimité.

    Est-il besoin de te refaire la liste des piètres premières actions de ce Roy dont le Trône lui brûle tant le séant qu'il ne sait comment s'y assoir ?

    La corruption de notaires pour faire voter les morts et voler sa victoire.
    Le mensonge fait à son Domaine sur la vacuité des caisses royales, quand celles du Périgord Angoumois se regonflent comme autant de rus après l'orage.

    Un premier discours d'investiture qui ne fait que répondre à la première annonce d'un véritable souverain.
    Suivi d'une annonce qui lève la trahison de Namaycush Salmo Salar. Première action d'un prétendu et dict Roy visant à grâcier son frère et qui laisse envisager un règne voué au népotisme et aux passes droits.
    Encore.
    Et puis, comment peut-on en un si court laps de temps parler de paix et gracier un homme dont la culpabilité est connue de tous ?
    Est-il également besoin de rappeler le mépris affiché pour un adversaire qui n'a jamais quitté la table des négociations et l'affront qui lui ai fait de ne point reconnaitre son Alliance ?
    Est-ce vraiment vouloir la paix que d'insulter son vis-à-vis en guise de prélude à des discussions sans passion ?

    Alors, Peuple de France, je te demande,
    Combien de nouvelles erreurs attendras-tu encore pour daigner ouvrir les yeux et chasser l'imposture qui est sensée te gouverner ?

    Peuple de France,
    Ouvre les yeux !
    Lève toi !
    Rallie l'oriflamme de Bouillon !












Et de transmettre son communiqué après l’avoir scelé.

Qu’en pensez vous ?

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Gnia
Plus tard. Un autre jour. Le lendemain peut-être.

Un éclat de rire sonore rebondit sur les vieilles pierres, se fraye un chemin sous le bois patiné des portes, et prend son dernier envol en même temps que la Saint Just parcourt les couloirs du castel de Digoine à la recherche de quelqu'un avec qui partager la cause de cette gaité intempestive, si rare en ces lieux.

Une pause avant d'investir le cabinet d'écriture du Balbuzard, redécoré un état major, siège d'une campagne où le terrain est fait de parchemin, où plumes et encriers tiennent lieu d'armurerie, où ironie et provocation sont autant de stratégies et où ignorance et couardise sont les véritables ennemis.
Et de pouffer une dernière fois avant d'ouvrir la porte à la volée.

Vide.
Juste une feuille qui volète mollement jusqu'au sol, soulevée par l'intrusion hâtive.
La Saint Just semble un instant désemparée, avant qu'une lumière invisible ne se fasse quelque part sous sa dense chevelure.
Et la voilà repartie dans les couloirs, son bout de papier à la main, un sourire étrange plaqué sur les lèvres, rare et donc évidemment inquiétant.
La Cour est traversée d'un pas leste et sans autre forme de cérémonie, Agnès dégotte son époux en plein entrainement avec ses nouvelles recrues pour son grand projet d'ordre de chevalerie bouillonnant.


Blanc Combaz, vous avez lu la dernière bouse émanant de la Pairie ?

Et ignorant le quelconque apprentissage qu'elle interrompait de son babillage, elle lu et commenta, le bruit de ferraille des épées que l'on affronte en guise de ponctuation.

Bon alors, sans surprise, la Très Inutile Assemblée des Pépères Parisiens fait savoir au bon peuple qu'elle ne saurait renoncer à la boue dans laquelle elle se roule et qu'elle ne reconnait donc qu'un seul Roy, celui des Parisiens.

Et de balayer l'introduction d'un geste ample comme l'on chasserait une mouche de sa tartine de confiture.

C'est après que ça devient intéressant. Oyez plutôt.
Blabla... "Les élections ne s'achèvent que lorsqu'il n'est plus possible de glisser un bulletin dans l'urne, lorsque celles-ci sont officiellement closes."
Dites moi pas qu'c'est pas vrai ? Ah bah ça alors, pour une nouvelle... On en apprend tous les jours, n'est ce pas ?
Et dire que c'est sensé être le dessus du panier des provinces qui pond ce genre d'annonce, hein...


Et de reprendre sa lecture, concentrée dans l'exercice tout en marmonnant

Sérieusement, je pensais pas qu'on puisse concentrer autant de conneries en si peu de phrases.
Si l'on exclue l'édifiant exemple que nous a donné le tout navré qui se prend pour un chevalier justicier, l'autre jour à Nevers, évidemment. Lui, il culminait à bonne hauteur aussi...
Mais bon, la Pairie, c'est pas pareil, on a l'habitude...


Ah voilà, tenez-vous bien, ça vaut son pesant de fruits secs.

"... le fait que les voix aient basculé en faveur de l'actuel roi-élu..." ! Vous entendez ça, ça veut donc dire que la Pairie reconnait donc qu'il y a un Roy non élu !

Et de lever les yeux au ciel avant de pointer le doigt sur la suite des inepties qu'on servait en guise de couleuvres aux Français sans même avoir besoin de leur faire avaler.

Et il nous ont gardé le meilleur pour la fin...
En fait, ce n'est pas la fautes des notaires, si on a pu bourrer les urnes et faire voter les morts pour Vonafred après que les résultats aient été arrêtés, mais de la faute de la confrérie des Crieurs publics qui a fait annoncé trop tôt les résultats...

Et la Pairie conseille donc de faire prendre haut et court les crieurs incriminés, pour l'exemple...


Et de relever le minois, consternée.

J'espère qu'avec une telle menace ils vont encore trouver du monde pour crier et placarder leurs annonces... De là à ce que les Secrétaires d'Etat se mettent en grève pour atteinte à la profession...

La Saint Just s'étonne enfin de ne pas trouver d'écho autre que ses propres commentaires à ses commentaires.

En fait, vous m'écoutez pas hein ?
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