Astaroth, incarné par Blanche_
La lame coupa, le sang coula. Se répandant sur le sol comme un duvet rouge. En hauteur, leur deux mains suspendues, tenues à bout de bras entre deux sièges, étaient toujours fermement tenues l'une dans l'autre... L'une d'ours, énorme, qui gardait avec précaution et fermeté, une toute fine, et fragile, comme celle d'une poupée. Les deux étaient très différentes, mais la beauté résidait dans leur point commun : ce sang, cette histoire commune, qui s'unissait sur le sol comme dans leurs veines.
Et Moi, Astaroth da Lua, je jure de te protéger, Blanca de Walsh-Serrant, de toutes les obscurités et tous les démons, d'être honnête et vrai, et de te donner tout ce que tu mériteras.
Bon...
comme mauvais.
Il commença donc par saisir, en se levant lestement, un morceau de tissu et le rompre en deux selon la longueur. Deux longs pans blancs, deux longs pans de deuil, qui choyait leur chute en s'enroulant autour d'une paume frêle... Il fut sur le point de pleurer, tant elle ne tremblait pas alors qu'il refermait l'ouverture, alors que les berges, dans une brûlure qu'il tolérait lui même avec peine et agacement, dans une déchirure rupestre et ancestrale... Il aurait pu pleurer, lui qui avait tué tant de monde, parce qu'une fragile chose qui tenait debout avec la main tranchée, c'était rudement beau.
Il commençait à croire qu'il avait très bien choisi sa femme. Barbare, la fille.
Je t'aime*, dit il en serrant le linceul autour de sa main.
Nous pourrions être amants, pensa t'il en regardant le buste trempé de sueur de sa future femme. Il regardait, il voyait le tissu nimpé d'une eau tiède et collante, qui pourtant ne sentait pas. La seule chose qui montait à ses narines, outre l'odeur du sang, était cette extraordinaire flagrance que Blanche portait dans sa nuque. D'abord, la note de tête, qu'on absorbait comme un grand verre d'air : du citron, de la bergamote, et bientôt elle nous quittait et abandonnait entre nous du jasmin, de la rose de mai, de l'iris... peut être aussi du muguet**. Il aurait pu pleurer pour tout ça. Nous pourrions l'être si, et c'est un fait ! Il aurait voulu faire d'elle un bouquet de jasmin, qu'il aurait mélangé à son odeur de sang, d'homme, de guerre. La parure de n'importe quel soldat, c'était elle. Mais à lui seul elle était destinée. Aah... Héros, pour toujours, des héros, et jusqu'à la fin, nous serons des héros, juste parce que moi...
Je t'aime, redit-il.
Maintenant qu'il l'avait dit, il n'était redevable de plus rien.
Il lui tourna le dos, directement face à sa fenêtre aux carreaux ronds, et soupira devant la pluie.
Et maintenant, mon propre rituel, n'est-ce pas ?
* En français dans le texte original (rappelons qu'Astaroth parle en espagnol et que ses autres paroles sont traduites)
** nb. chanel N°5
*** Elephant Love Medley.
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