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Dans l'écrin du Domaine de Calviac...

[RP] Dors, ma Belle, laisse tes rêves s'écouler...

--Vierge_noire
[... Comme des vagues de tendre feu...]

Le soleil accompagne de nouveau leurs pas et la lune berce de nouveau ses nuits sans sommeil.
La mélancolie gagnait, tour après tour, la partie d'échecs contre l'euphorie artificielle et les remèdes anesthésiants. Les boursouflures de son visage régressaient, les lèvres se reconstruisaient, la pommette et l'arcade ne garderaient peut-être même pas de fine cicatrice, pour une fois. Physiquement, elle récupérait plutôt bien.

Mentalement, c'était un désastre.
Non qu'elle fut mal entourée; au contraire. Cependant, aucun membre du quatuor ne pouvait infléchir le passé. Ne pouvait combler ce vide dans son coeur. Ne pouvait remplacer son rire espiègle et son regard si pénétrant.
Ma soeur de coeur... Où es-tu partie sans moi...

Pourtant, ils la comprenaient. Connaissaient assez l'Envolée et leur relation si particulière pour savoir ce qu'elle devait ressentir. Ils prenaient leur temps, leur mission maintenant accomplie. Quelle urgence, leur avait-elle soufflé de ces lèvres craquelées? Celle de te soigner et de lui rendre un dernier hommage, avaient-ils insisté. Je l'ai abandonné... Non, elle t'a laissé partir, ne lui ôte pas une de ses dernières volontés.
Son regard se détournait souvent, vers le paysage lointain, flou, brumeux. Les larmes coulèrent sur le parvis de cette vicomté maudite. Maintenant bloquées dans sa gorge, sous un noeud infernal. Les émeraudes revenaient après de longues minutes, claires et limpides, assurées. Comme si de rien n'était.
Ca fait mal... Je sais... J'aurais voulu tant lui dire... Elle te connaissait assez pour le savoir... Savoir et entendre n'est pas toujours si proche... Arrête de te faire souffrir... Mais elle...

L'Enrêvée n'était pas dupe des regards en coin de ses compagnons, l'incompréhension et les questions silencieuses, la surveillance discrète alors qu'elle avait repoussé la nouvelle fiole d'un geste ferme. Tes soins réclament repos. Je me suis bien assez reposée. Si mes traits causent la peur, je serais en paix.
Enfin, à la veille de l'arrivée, les plus jeunes couchés, elle dénoue sa tenue de voyage et enfile de vieilles nippes achetées pour une bouchée de pain moisie. Nulle inquiétude ne doit te hanter. Je ne serais pas seule là-bas et je dois savoir avant de retrouver le petit. Tu veux surtout lui dire adieu seule, je me trompe? S'il te plait...
Un dernier sourire grimaçant, la peau encore jeune sous les croûtes supportant mal les étirements, une caresse tendre d'une main mourrante et seules les volutes des premiers rayons lunaires enveloppent les hardes soulevées par le vent.


[... Laisse toi porter vers un nouveau matin...]


Vala bien un bordel qui leur était coutumier. Evidemment, elle n'avait pas eu le temps de visiter le domaine; à peine vassale, déjà...
Sa salive glisse amèrement dans sa gorge, tachant de se rappeler les indications de son amie. Déjà s'orienter de nuit était un pari; mais en plus, camouflée sur la large capuche mitée et avec la Blafarde comme compagne, c'était une gageure. En plus, ce bled mité n'avait même pas de crécelle! Même le simple plaisir de renouer avec ces hardes ne lui était pas accordée.
A quelques lieues d'éventuelles bornes de propriété, elle stoppe sa monture. Se plonge dans le silence lourd d'une campagne nocturne.
Tu l'avais connu, cette épisode ma Belle?
...
Mais si, je t'en avais sûrement parlé! Fais pas ta timide, viens rire avec moi de me voir me déguiser pour rencontrer celui que tu chérissais assez pour lui confier tes volontés! Non mais crois pas que je me méfie, je suis juste prudente. C'qui c'lourdaud que tu as ramassé?
...


S'il te plait... Reviens... Juste une minute... Un instant... Ris avec moi...

Seule une brise improbable secoue quelques feuilles au loin. Son souffle se coupe, encore, son visage l'élance violemment quand elle grimace dans la douleur d'une larme qui refuse de sortir.
Ma soeur de coeur... Qu'as-tu fait, une fois ma présence envolée...
Dans un soupir qui se serait presque voulu résigner, ses talons chatouillent les flancs de l'animal. Reprenant sa route dans ce silence de...
Mort...

Enfin, les ombres du Domaine apparaissent.
L'Ombre qu'elle était redevenue remonte les fossés jusqu'à trouver le chemin qui oblique vers le manoir. Sans qu'aucun gardien ne vienne l'interpeler... Les lieux prenaient doucement vie... Elle chercherait cet inconnu après. Rien que mentionner son existence faisait monter une rage folle en elle. Il savait et n'avait prévenu personne; ne s'était pas renseigné sur son entourage, avait ignoré tout contact extérieur. Peut-être même l'avait-il laissé mourir, qui sait?
Non décidément, elle ne pourrait le rencontrer avant d'avoir trouvé sa tombe.

Bien sûr, la Quête de la Pestiférée ne fut pas longue, ni très compliquée. Il suffisait de contourner les murs noirs et les fenêtres silencieuses, de marcher dans la jeune herbe souple pour gagner les terres environnantes. Les gazouillis cristallins d'un rû émirent peu à peu leur musique. La monture tourne alors vers un point d'eau - une mare, un étang, un lac? - aux rives dégagées, sauf d'un large saule aux bourgeons explosants. Libérée du poids infime de sa propriétaire, la jument empruntée s'éloigne pour brouter alors que ses bottes parcourent les derniers mètres, les sens aux aguets.


Je suis revenue... J'ai... J'ai tenu ma promesse...

Enfin les larmes jaillissent, coulent en silence sur ses joues meurtries, alors qu'elle tombe à genoux près de la terre encore fraîchement retournée.
Seul la musique légère du cours d'eau brisait le néant de l'instant.
La longue litanie de remords, regrets, rêves, cauchemars, souhaits s'égrène dans le secret d'un esprit cherchant le sien.

Tu as juste besoin de te soigner...
De faire tiens les mensonges...
Continue d'avancer et ne regarde pas en arrière...

_________________
--Pierrick_entheogenus
[Ode au paradis artificiel]

Paradis terrestre contenue dans une fiole ambrée,
Décoction de plantes et de fleurs macérées.
Substance aux mille visages,
Dont la nature altérée,
Fait de ce monde sauvage,
Une toute autre réalité.
Ô mère au sol fécond,
Toi qui cache sous ton giron,
Tant de beauté et de destruction,
As laissé tes fils dénaturer ta création.
Tes lèvres pourtant si douce,
Ont en un souffle laissé un goût amer.
De mirage en mirage,
Je goûte à tes faveurs,
Laissant sur mon sillage
Comme une impression de torpeur.
Logé contre ton sein,
Je dévore impavide
Ce liquide à la saveur acide,
Pour me retrouver enfin entre tes reins.

[Have you ever danced with the death in the pale moonlight ?]

Je touche du doigt l’accessible, l’aliénable dans l’euphorie du moment qui est devenue permanent. Je ne sors plus… J’ai tout à disposition. Je me fournis dans les plantes que j’étudiais. Quel intérêt de continuer cette existence ? L’espoir n’est plus…existait-il avant ? Y’avait-il un avant…ma mémoire…qu’est-ce donc ? Je ne suis plus, je n’existe plus…je suis mort…dedans…
La pièce est en piteux état…comme autrefois…je sors de ma torpeur…non je ne peux…ma main se porte à ma poche pour y chercher ma fiole…J’ai mal à la tête et je m’affole…où est cette foutue fiole ? Comme un dément je la cherche sur moi, mais je ne la porte pas…mes pupilles se rétrécissent…je reprends connaissance.
J’étouffe un cri de bête agonisante. J’étais dans le fauteuil…oui elle doit être là…j’accours vers lui, éventre son étoffe à la recherche de mon rêve…le tissu est déjà bien entamé…ce n’est pas la première fois que je suis en manque…je m’accroupis au cas où je l’aurai laissé choir…mes gestes que je veux rapide le sont trop pour mon crâne. Une douleur vrille à ma tempe…je ferme les yeux, je me plie, je me tords, j’ai besoin de mon traitement pour ne plus ressentir cette douleur. Je m’assoie les genoux replié sur mon torse…d’avant en arrière je me balance…je tremble…les balancements se font de plus en plus rapide…mes dents claquent…je pleure.

La pièce est dévasté, ma vie est ravagé, j’ai mal, si mal. Je me balance plus vite. La sueur a collé ma chemise à ma peau…ma double peau…je regarde le foyer dont les flammes lèchent presque la pierre de l’âtre et je ne ressens que le froid. Il me faut du bois…j’essaie de regarder autour de moi sans avoir le tournis…rien, mon stock est épuisé. Je me masse les tempes afin d’essayer de réfléchir. Pour retrouver ma fiole il faut que je me lève et que je chauffe le salon. La table et les chaises y sont passées…ainsi que mes recherches…peut-être le fauteuil qui ne me sert plus à rien…nom d'une rabanelle! Du mobilier qui ne sert plus à rien…au contraire il est source d’ennui, ça prend de la place et m’empêche d’y voir clair !

La force du désespoir…la force d’un dépendant…d’un enfiévré...D’un drogué…ma respiration est rapide et saccadé…dans ce brouillard qu’est mon esprit tout devient un obstacle à mon calmant. Je plonge ma main dans ma chevelure, plus pour trouver un semblant de calme que pour me recoiffer. J’abats le dernier vestige qui faisait de moi un homme civilisé, ce fauteuil où nous avons lentement devisés.

Premier souvenir…déclic…la peur au ventre de me souvenir de tout je mets plus de cœur à l’ouvrage, je jette le bois, je bourre la cheminée… le feu jouit en un cri atroce…je bouche mes oreilles…il crache sur moi sa puissance…me brûle…frénétique je jette tout ce qui me passe dans les mains pour la plus grande satisfaction du démon qui s’est installé dans ma demeure.
La fiole est nulle part…je me frotte le visage avec brusquerie…où est-elle…j’en ai besoin…ma survie…ma chimère…JE veux encore une fois les voir…les toucher de mes doigts…rendez…moi…mon illusion…
Debout je m’agite, je tangue, j’oscille…


Dans la serre…je suis sur qu’elle est dans la serre…avec …dans…je me souviens…mes derniers essais…

Je m’empresse d’aller voir…seul endroit où je n’ai rien saccagé…j’ai bien trop besoin de cette pièce pour créer, inventer, me fournir…
Un sourire glacé s’accroche à mon visage. Elle est là…à côté d’un liquide visqueux…la sève d’une plante surement…j’ai tellement fait de mélanges et d’expériences…goûté tant de saveurs…failli vider mon corps de ses dernières défenses…
Je l’attrape, l’apporte à mes lèvres…un haut le cœur me soulève…l’arrière-goût est…il n’y a pas de mot censé à part *yeeeeeeeurk* qui me parait approprié.
Je m’écroule comme frappé d’un coup en plein estomac. A quatre pattes je tente de respirer…je tousse…je suffoque…et d’un coup, je sens mes pupilles se dilater et mon corps devenir vaporeux.

Bateau ivre je marche à quatre pattes…je me soulève à peine…je zig… je zag…Mon reflet me nargue…son teint est jaune…cireux…les mèches collées à la tempe…je lui souris ironique…sa carcasse est maigre…bientôt je ne le verrai plus…je serai parmi les étoiles dans mes rêveries.

Des bruits de sabots non loin de ma demeure…suis-je déjà parti ? L’ivresse est-elle maintenant instantanée ? Je tends l’oreille…Je sors…débrailler…la chemise ouverte retenue par un bouton unique. La cicatrice sur mon ventre luit.
Je ne fais pas de bruit…j’attends que mes yeux s’habituent à la pénombre… Elle est là…elle me tourne le dos…son ombre si souvent attendue…cette ombre tant de fois haït…


Je ne vous attendai plus…Le jeu est donc fini…vous avez enfin décidé d’achever votre travail ? Ma voix est pâteuse, rogue et pourtant emplie d’une haine farouche. Combien de fois vous ai-je supplié de venir… Je m’approche sans même m’en rendre compte. Combien de prière…ma vie vous amuse-t-elle ? Est-ce si jouissif de me voir plonger dans les abimes… hey bien il faudra repasser plus tard cette fois…je ne partirai pas aussi facilement…vous attendrez que ma mission ce soit achevée !
--Vierge_noire
Le barrage a sauté, déversant ses flots tempétueux sur le lit asséché de son visage. Les larmes ruissèlent, sillon après sillon, ride après ride, marquent sans relâche chaque parcelle du sceau de sa douleur sans limites. Rivière silencieuse, sans début ni fin cascadant dans son cou à l'abri de la profonde capuche sombre de ses hardes.
Tu te rappelles notre rencontre? C'était... C'était en Alençon... J'étais au Conseil et ton mari m'avait invité, un soir. Pour me présenter à celle qui illuminait sa vie.
...
Ne me regarde pas avec ces grands yeux, oui, il est pourri jusqu'à la trogne et alors? Grâce à lui, nous sommes devenues amies. Grâce à lui, j'ai trouvé une épaule, une complice, une confidente, une soeur. N'est-ce pas l'essentiel?
...
Oh ne boude pas s'il te plait... Maha... Nous nous sommes trop fachées ces derniers temps. Parce que tu voulais me sauver de moi-même. Parce que tu avais cette confiance en moi que je n'ai jamais eu...


Pourquoi tu es partie... Pourquoi tu nous laisses... Pourquoi tu as abandonné... Pourquoi...

Nouveaux sanglots, nouveaux murmures d'une voix étrangement posée; les flots reliés à son coeur, les mots reliés à son esprit. Seule la Rousse pouvait comprendre comme elle était capable de tout séparer, nier, cacher, différencier, ne s'unissant que dans le secret le plus absolu.
Tu vas te moquer... Mais j'ai rêvé, pendant ce trajet vers les Flandres... J'ai vraiment rêvé que Gabriel et toi pourriez vous rapprocher.
...
Non mais crie pas. Je t'ai pas dit que j'y croyais, je te dis que je l'ai rêvé. Tu imagines? Réellement soeurs, réellement unies. Lili aurait pu vraiment être ma nièce.


Et tu serais toujours là... Je pourrais te serrer dans mes bras, toujours...
Je ne vous attendais plus.

L'Ombre sursaute, se met sur ses pieds dans la foulée, portant sa main gauche à son flanc pour la refermer sur son pommeau dans le secret des plis. Qui est-il? Que fait-il ici? A cette heure? Les émeraudes heureusement dissimulées profitent de l'obscurité du saule pour observer l'inconnu. Ou plutôt observer la loque qui débite son discours en tanguant, les vêtements en désordre, ses cheveux blancs captant les rares rayons de lune filtrés par les feuilles naissantes.
Au milieu des cris blessés de son âme à vif, elle commence à entrevoir le fil qu'il suit. Ainsi vêtue, ainsi apparue, il la prend pour le Passeur. Ou plutôt sa double occidentale, la Faucheuse... Coincidence amusante...


- Vous attendrez que ma mission se soit achevée !
- Je suis la Mort... Et je cueille la Vie.

Je suis en sursis... Je voudrais cueillir la Vie.
Le flashback se fait violent devant ses yeux. Le saule devient chêne. Les hardes deviennent robe. L'inconnu devient un Aîné au parfum d'orient. La nuit devient jour et la terre encore fraichement retournée devient herbe verte et grasse.
L'air a l'odeur de tes envies et un jour ce sera celle de ta liberté...
Qu'est-elle devenue... D'une poupée rêvant de connaître la douceur de l'air, elle est devenue Ombre buvant le sang, vouant son esprit à un Serviteur.
Un jour, tu n'auras plus à rêver la vie, tu en seras la vie.

Les souvenirs affluent, se mélangent dans une danse macabre et désordonnée. La voix grave et chaude se mélange à celle silencieuse d'une jumelle dont elle guette la musique. Elle redevenait cette folie, sous les yeux de celle qui l'avait tant soutenu dans sa lutte.
Secouant son visage, secouant les larmes qui ruissèlent toujours sur ses joues, sa voix froide et éteinte s'élève dans l'ombre.


- Crois-tu que j'ai cure de ce que tu dois faire? Quelle serait donc cette mission qui revêt plus d'importance que le goût de ton âme entre mes lèvres?
A nouveau, le goût âcre de sa salive s'écoule dans sa gorge. Qu'il en soit ainsi, si ce déguisement lui permettait de savoir, de comprendre, pourquoi son amie était morte au lieu d'accueillir son retour en se moquant de ses menaces sur la survie du mobilier de la taverne.
En plus, l'Ombre n'avait que peu de temps; elle Lui avait donné rendez-vous ici.

_________________
--Pierrick_entheogenus
[Death…suffering… and give way to one's grief]

Elle est… l’Allégorie sortie de mon esprit empoisonné…la personnification de ma culpabilité…ma dépendance à la mort douce…
Je lui fais face. Prêt à me battre…Mes rêves ne revêtent jamais la forme escomptée, tantôt… près des miens insouciant, jeune homme…ma prime enfance avec ceux qui étaient tout pour moi…le plus souvent…le présent se superposent au passé…pour retrouver dans son regard la félicité…mon corps alangui…transi…


Crois-tu que j'ai cure de ce que tu dois faire? Quelle serait donc cette mission qui revêt plus d'importance que le goût de ton âme entre mes lèvres?

Parce que vous croyez que je vais parler de ma mission à un être tel que vous...je ne suis pas sot...drogué mais pas sot ! Vous y trouverez encore un plaisir malsain à me torturer sans que je ne puisse rien faire. J'ai une mission voila tout ! Repassez plus tard si mon âme a tant de saveur, ce soir ce n'est pas possible...

Je me retourne l'air assuré alors qu'il n'en est rien, je sens le breuvage s'infiltrer dans mes veines et bientôt je ne pourrai plus me mouvoir autrement qu'en rampant. Je tente un sourire amer en espérant faire disparaitre cette vision.


Vous avez tort de jouer avec moi... Il me suffit d'un claquement de doigt pour prolonger indéfiniment votre vie, malgré votre mission accomplie... Prolonger cette souffrance, cette torture, cette angoisse... Ou... Vous refuser votre plaisir...

Timbre monocorde…souffle glacé m’atteint de plein fouet …je me fige… la tête me tourne, me vrille les tympans, cette chose ou la drogue qui se joue de moi

Vous avez fait de ma vie un carcan...vous m'avez tout pris...tout...emportez les innocents...j'ai assez payé...vous avez fait de moi un pantin...vos fils macabre m'ont fait voir des choses...pourquoi ne pas m'avoir ôté la vie ce jour là...pourquoi m'avoir encore infligé la souffrance...ne suis-je donc qu'une marionnette pour vous ?


Tout n'est que marionnette pour moi. Mon seul intérêt est la saveur de votre âme. Et plus elle est torturée, plus je la savoure. La votre a encore une étincelle de survie... Une étincelle d'espoir... Parle moi de ta mission, peut-être consentirais-je à mettre fin à tes douleurs.... Le marché est honorable, je perds une victime à torturer et tu obtiens la paix...

La faucheuse…amante douce et prévenante, qui se joue de nous pauvre mortel susurre au faible de sa voix immonde des douceurs qui même en ayant les tympans percés, telle la sirène voit notre âme emportée.
Mourir en paix enfin ? Les rejoindre eux...mes amours...non, je ne mérite pas de les retrouver j'ai fait tant de choses...un sourire devant mes yeux...je tends la main pour caresser son visage. La mort n'est plus là, il ne reste qu'elle...ma tête penche de côté, comme j'aimais la regarder.


Pourquoi...pourquoi vouloir savoir encore et... toujours... Vous n'êtes que mensonges et perfidies... vous m'avez laissé la sauver...l'aimer...pourtant j'ai tout fait pour rester insensible à ses charmes...à sa douceur...mais elle lui ressemblait tellement par certains côtés...je savais que c'était votre œuvre de me tenter...pour me l'enlever...vous n'aviez pas le droit... ELLE était innocente...


Elle? Elle qui? La rousse que je viens d'enterrer ou ton fantôme?

Mon corps devient lourd, mes jambes tremblent, il est de plus en plus difficile de la défier...faucheuse insensible besognant en se délectant du chagrin qu'elle cause.

ELLE...Elle s'appelait Maharet... elle était douce et vive...elle était le feu et la glace...la force et la fragilité... je tombe à genoux en pleurs. Pourquoi n'a-t-elle rien dit...pourquoi attendre qu'il soit trop tard pour venir me trouver...déjà qu'elle m'avait mis de côté lorsqu'elle donnait la vie...avait-elle peur que je la sauve encore...vous auriez pu attendre encore...Il y a tellement...vous êtes injuste...si...laissez-moi au moins accomplir sa dernière volonté...


Ne m'oblige pas à te relever pour prolonger ta torture. Elle m'appelait, m'attendait, m'espérait, et tu le sais, je me trompe? Cesse donc de te voiler la face, mortel et dis-moi pourquoi je devrais te laisser l'exaucer. Et surtout ce que je devrais laisser exaucer.

Elle vous appelez dites-vous ? Non elle était écorchée...elle voulait sauver les âmes en perdition...elle voulait me sauver moi alors que j'étais celui qui lui avait redonnée un souffle de vie...si vraiment elle vous attendait aurai-je pu la première fois la sauver ? Non, vous l'avez prise pour me punir...pourtant vous auriez pu il a tant d'années... Je dois...la tête me tourne, le sol se met à tanguer...la terre se met à craquer...un cri se forme au fond de ma gorge prêt à exploser, je le contiens...je dois me concentrer. Je...dois...j'articule avec lenteur alors que ma mâchoire se bloque. donner...un coffret...et...une orchidée...à sa sœur...elle doit savoir...elle doit savoir qu'elle l'aimait...et que...Maudite entité, je pleure les larmes que je ne voulais verser, oui elle l'attendait cette faucheuse impie, personne pour l'empêcher de décider quand le fil serait coupé. C'était la seule sortie qu'elle avait trouvé...elle ne voulait pas finir comme sa mère...alors elle a décidé de sa mort...VOUS auriez dû l'en dissuader... vous auriez dû rester sourde à ses appels comme au mien...

Un coffret dis-tu? Qu'ai-je à faire d'un bout de bois? Chant aigu, haché rend la mort plus enivrante, pourtant exécrée. Tu me donnes bien peu de raisons d'abréger tes souffrances... De fait... et qui est cette sœur? Ses ainées sont mortes et sa jumelle est disparue dans les limbes depuis des années. De qui parles-tu?

Croyez-vous que la famille n'est mêlée qu'au sang ? Je ne peux contenir un rire alors que l'amer se répand dans ma bouche. Vous êtes d'un pathétisme...je comprends mieux pourquoi vous vous repaissez de la souffrance...c'est parce que vous ne pouvez concevoir l'amour. Ilmarin D'Azayes est sa sœur...oh elle n'a pas son sang...mais elle détenait son cœur...sanglots étouffés, je veux la rencontrer celle qui détenait tant de ma mécène. Il me faut lui confier ses enfants et ce coffret...Peu m'importe d'abréger mes souffrances... qu'allez-vous faire attendre sagement sa venue ? la torturer à son tour pour étudier ce qu'est l'amour ? si on m'avait dit... à genoux les mains profondément ancrées dans la terre, le visage baissé, la drogue ne me fait plus d'effets, je suis un enfant perdu qui dans ses yeux a invité un torrent qui ne veut s'assécher. Vous voulez savoir ce qu'il y a dans le coffre ? Une lettre scellée...l'ai-je ouvert ce coffret ? surement pas...c'est elle qui m'en avait parlé... elle doit être remise à l'homme à l'orchidée...

La Mâne psalmodie, titube sous mon regard effaré… d'abord hébété, ensuite surpris. Elle tombe à genoux, son souffle pénètre le mien… Elle..elle sanglote ? Ai-je vu juste ? Se nourrit-elle du malheur ? L'aurai-je entamé en lui parlant d'amour ? Non elle ne peut que rire et se railler de moi…


Maharet... Maha... Reviens...

Elle s’approche sans que je ne puisse bouger…me surplombe… Sa main…humaine…humaine…se tend vers moi… Le temps estompe sa course, mon cœur cesse la sienne… elle se découvre en repoussant la capuche qui la dissimulait et me révèle son visage, puis son corps. Je suffoque…je ne peux mourir maintenant…pas avant d’avoir scellé ma promesse…

Je suis Ilmarin d'Azayes... Qui êtes-vous? Qui êtes-VOUS? Pourquoi Maha est MORTE?

L'astre de son pale rayon découvre un visage humain.

Qui...Je me recule comme si j'avais le sans nom aux trousses...ce regard...ce regard ne m'est pas inconnu...il me scrute...non il n'est pas possible de le connaitre...secoué...ma respiration devient plus rapide...mon sang ne fait qu'un tour et se ballade trop près de mes yeux. Vous n'êtes pas réelle...vous jouez encore de moi...vous pouvez prendre tous les visages...

Son visage est tuméfié, inondé, c'est la drogue...les mélanges sont trop vifs...elle n'est pas là...
--Vierge_noire
Je suis la Mort et Je cueille sa Vie.

Elle est... Ce qu'elle a toujours honni, détesté et appelé de toute son âme, de toutes ses forces pendant tant d'années. Elle est cette fin de la souffrance, le repos éternel, le froid baiser du repos...
Ce ne sont pas ses mots qui s'écoulent de ses lèvres encore gonflées des coups reçus; mais les Siens, les Leurs. La froide incompréhension d'une situation rejetée; la froide décision de dieux et démons maudits jusqu'à la fin des Temps. Ce n'est pas sa présence, qui observe la loque défoncée croyant lutter pour sa vie; ce sont les yeux de Celui qui transporte, sans questions, sans remords, les âmes damnées qui paient leurs tributs. Celui dont elle refuse l'étreinte, la danse et que maintenant, elle se résout à incarner pour comprendre.

Ses mots s'écoulent, enflammés comme le Phlégéton d'une colère sourde, nés de la mort esseulée de son amie; puants de manipulation et du soufre des mensonges, comme le Styx, nés de la douleur de sa mort souffreteuse.
Elle n'est plus que l'Ombre, la servante, le sourire grimaçant alors qu'une langue décomposée humidifie des lèvres bavantes d'anticipation morbide au repas à venir...


Ilmarin D'Azayes est sa sœur... Elle détenait son cœur...

Je suis la Mort et Je cueille sa Vie.
Je suis en vie et j'encaisse la Mort...

Tout implose.
D'une simple phrase, les questions deviennent réponses. Les doutes deviennent certitudes. L'Errant était présence, le drogué était soutien.
Tout explose.
Sa main, depuis que sa conscience avait baissé la garde, tenait son épée sous les nippes, prête à la dégainer pour décapiter l'impétrant et finir avec cette masquarade. Plus leur duel devenait perfide, plus sa main blanchissait, se figeait, approchant cet état où seule la crampe est maintien autour du pommeau.
D'un coup, tout son corps se relâche. Séparant le fantôme de l'Ombre, la laissant à genoux, à nouveau en larmes.
Un peu humaine.


- Je suis bien réelle. Je suis Ilmarin.
L'Ombre qu'elle fut n'a que trop jouer avec lui et doit mourir. Doucement, les hardes sont repoussées, les cheveux blonds retrouvent l'air libre, une mèche jouant sur son front, l'autre dans le creux de son cou venant se lover. Les émeraudes noyées se posent sur l'éperdu, naviguant entre divers sentiments incompatibles enflammant son coeur.
Le corps encore entravé du déguisement se met à ramper, à genoux, pour s'approcher de lui, espérant qu'un rayon de lune montrera quelque couleur survivante au milieu des marques encore bleuâtres qui déforment ses traits. Sa main, valide, se tend, tâche de trouver celle de l'inconnu; celle vivante, surtout pour ne pas l'effrayer du contact froid du cuir. Lui montrer qu'elle est bien humaine...

Voyez, je suis bien faite de chair et de sang... Etes-vous l'exécuteur testamentaire? Connaissez-vous Maha depuis longtemps? Il faut me répondre, je vous en prie. Il faut que vous me parliez d'elle. Il faut que je sache comment elle est morte... S'il vous plait...
La détresse, le besoin de réconfort, le besoin de savoir tremblent dans sa voix, étranglée de sanglots silencieux qui n'en continuent pas moins de rouler sur ses joues, piquant les plaies cicatrisantes. Toutes ces questions qui tournaient depuis la lecture de la lettre et dont elle touche les réponses, du bout d'un doigt terrifié qu'il perde la tête avant...
Elle m'a parlé de vous dans sa lettre... Po.. Posez moi les questions que vous voulez, j'y répondrais... S'il vous plait...
Elle voit son manque sans le prendre en compte; elle le voit perdre la tête sans l'accepter; elle refuse les affres du paradis artificiel alors qu'elle ne les connait que trop, elle-même en plein sevrage des drogues qui lui permettent de se soigner et de chevaucher.
Elle ne voit que le fantôme qui a accompagné son amie et son besoin dévorant de connaître ses réponses.


Comme un enfant, ses yeux embrumés tentent de la regarder, de se fixer dans les siens. Encore effrayés d'une vision qu'il croit être celle du Passeur. Elle comprend sa lutte contre les vapeurs, comprend sa lutte pour tâcher d'animer un corps qui ne veut que plonger.
Tout se mélange. Tout se mêle. Dans une même envie d'oubli mensonger.
Alors, quand enfin il touche sa main, frissonnant du contact glacé, pour la première fois, elle se sent s'adoucir et s'ouvrir à cette créature abandonnée. Comme elle.

- Je... Suis son médecin... Une hésitation. Lui laissant le temps. Tout le temps.
Qui est Nymphe ? Votre soeur ?

Je suis la Mort et je protège Ta vie. Me revoici dans ton esprit, enlaçant ton âme.
Non. Je t'apprivoise, je te maitrise à défaut de te contrôler.
Secouée d'un violent frisson, elle relâche fugacement son étreinte.
La question la plus dure, la plus secrète; le prénom le plus honni, le plus vomi. Et le plus craint... Qu'elle doit toujours affronter, de peur de la voir renaitre.
Gabriel comme j'aimerais que tu sois là...

- Non... Nymphe est... Est ma folie... Mon double haineux... Ma... Ma protection et ma Perte... La bile remonte entre ses lèvres, tous ces efforts alors qu'elle est épuisée... La nausée l'assaille maintenant... Emet son sourd grognement en spasmes pour le moment lancinants.
Co... Comment connaissez-vous Nimphelos...? Comment Maha a-t-elle pu vous en parler, elle savait que... Que je ne voulais pas qu'elle l'étale...
Le geste se fait désespérer, sa main s'agrippe à la sienne. Au moins aussi vaincue que lui, seulement portée par ces besoins vitaux... L'obliger à rester concentré sur elle, sur ce qu'il sait et sur ce qu'elle avoue. L'obliger à la reconnaître pour enfin, enfin, savoir...
Rhuy... Maha... Gabriel...

Alors qu'elle murmure les noms des seules ancres qu'elle n'ait jamais eu, il choit dans l'herbe naissante, dans l'humidité de ces premières nuits de printemps. Faible, porté par la conscience artificielle.
- Je ne voulais pas vous blesser... C'était le seul moyen pour moi de savoir... Elle s'inquiétait pour vous...Vous savez... Elle ne m'a pas parlé d'elle volontairement... Elle délirait... Elle pleurait et vomissait son sang alors qu'elle voulait vous protéger... Enfin ses démons...
De concert, ils pleurent, la défunte, leur lien impossible, improbable. Buvant ses paroles comme elle boirait l'eau du Léthé, pour, peut-être, oublier ce vide qui grandit en elle, ce malaise, cette rancoeur de ne rien avoir vu et de ne pas avoir été là. Encore.
J'aurai pu la sauvée si j'avais su avant... Elle a attendu... Elle a attendu que cela soit trop tard pour venir me trouver... Et encore c'est une servante qui est accourue ici même... Elle était rongée de l'intérieur... Son âme s'échappait mais cette fois je n'ai rien pu faire...

Le silence retombe, seulement troublé par les clapotis de la masse noiratre au pied de laquelle la Rousse repose.
Atterrée par ce qu'elle apprend. Par ce qu'elle n'a pas vu. Par ce qu'elle n'a pas su. Par ce qu'elle n'a pas pu. L'Ombre met quelques instants à réaliser qu'il s'affaiblit, qu'il lui échappe, ainsi que les réponses qu'il garde encore tûes au fond de lui.
Si Maharet est morte, sans elle, au moins lui connaîtra sa présence et devra livrer tout ce qu'il a recueilli.

- Vous devez vous reposer... Montrez moi où vous logez... Vous allez dormir, nous parlerons à votre réveil...
Seul l'amour qu'elle portait à sa soeur de coeur, à sa jumelle d'âme lui donne les quelques forces dont elle a besoin. Tirant sur son bras, grimaçant en ravalant un gémissement douloureux, elle essaie de le hisser sur son épaule, de le porter à moitié. Tant pis pour le dos, tant pis pour les reins meutris. Le prix est si doux quand vous tenez le dernier fil.
Vous devez vivre, pour votre mission, pour notre amie... Mon frère va nous rejoindre, il saura vous aider. Gabriel sait aider, moi je ne sais que détruire et perdre.... Vous m'entendez? Nous devons encore parler...

- Laissez moi ici et rentrez vous reposer... Ne vous inquiétez pas j'ai l'habitude... L'ange Gabriel... Je l'ai aimé lui aussi... Mais je ne méritais pas ses ailes... Elles étaient froissées...
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--Pierrick_entheogenus
>>[When Doves Cry …]

Chatouillé par le bruissement de l’air dans les draps, le chant matinal des mésanges comme dans un rêve lointain…chatouillé…J’ouvre les yeux surpris. Elle est assise là un sourire en coin. Mon cœur s’affole…

Ma fleur de Lys…ma main attrape la sienne, la serre…Je…tu…Si tu savais ce que j’ai cru vivre…un cauchemar…Je l’entraine contre moi, enlace son corps. J’ai…tu es réelle n’est ce pas…tu ne peux que l’être je te sens comme moi…

Elle me repousse affectueusement, son visage…ce visage qui m’a tant manqué est si doux à regarder. Je n’arrive pas à croire que ce n’était qu’un rêve tout ce que j’ai vécu. Je sens encore les vapeurs de drogues jamais consommées…la douleur en rempart…

Ma fleur de Lys…nous ne perdrons plus une minute…la nuit…cette longue et éprouvante nuit m’a ouvert les yeux…nous ferons tout ce qu’il te plaira…à jamais unis…

Elle pose sa main sur mon front inquiète, sa bouche s’ouvre, ses lèvres remuent mais je n’entends rien. Je frotte mes oreilles pour enlever ce bouchon qui m’étouffe le son.

Je ne t’entends pas…parle moi…Ma fleur…je suis...sourd…Ma fleur qu’est ce qu’il m’arrive…Je n’ai pas dormi qu’une nuit ?

Elle pose son index sur mes lèvres, son sourire est pâle…elle me cache quelque chose…Ma fleur baise mes lèvres, enfouie ses doigts dans ma crinière brune à la façon d’une mère apaisant son enfant après un sommeil agité. Elle me berce et même si je ne l’entends pas je sais qu’elle chante pour moi… Je saisis son visage entre mes paumes, je veux graver chaque détail…

Entendrai-je de nouveau ta voix un jour ?

Elle fait oui de la tête, agrippe mes épaules, se met à articuler *je t’aime* son souffle puis ses lèvres se collent à ma tempe et doucement mais fermement m’oblige à me recoucher. Je n’ai pas envie de dormir…je veux rester à ses côtés…oublier ce mirage…Je ne veux plus la quitter…pourtant je me laisse aller contre le soyeux du coussin. Sa main caresse mon visage avant de finir sa course sur mes yeux…Je veux encore la voir…J’enlace ses doigts pour les retirer de mes yeux… Et me retrouve aveuglé par une lueur…dans un lit à l’odeur de rance…la réalité…
Quelle réalité ? Celle où la mort est venue me trouver…était-ce aussi une vision...quelle réalité…celle de la drogue dans mon organisme…me suis-je empoisonné ?
Tout semble s’embrouiller… Je…suis… épuisé…ma bouche desséchée…mon crâne comprimé…mes descentes en général sont plus euphoriques…le nouveau breuvage un peu trop dosé…je tremble du manque…j’ai… la nausée…

Comment peux- tu me laisser debout tout seul dans un monde qui est si froid ?


[Drogue, Folie & Démons]

Aveuglé par le jour déjà bien entamé… paupières collées…mon cœur saigne. J’y étais presque….mes yeux s’ouvrent avec difficulté…
Je suis dans mon lit…sans aucun souvenir...enfin si …un…la mort au regard émeraude…Je l’ai frôlé…mais ne sais pourquoi j’en ai réchappé…chaque tentative pour rassembler un semblant de souvenance…cette impression demeure…me colle à la peau…Lambeaux de chairs bordés de cils blancs tentent une ouverture…je…balaie la pièce égaré…perles dilatées…souffle court…Je me relève comme un beau diable, le dos contre le mur faisant face malgré moi à la Faucheuse…mort… loque… femme. Elle est assise, les traits tirés, gonflés, la joue violacée…la lèvre tuméfiée : observe. Installée contre le mur dans des hardes dix fois trop grandes pour elle, pour jouer à la mort…



comment vous sentez-vous? Une grimace étire sa lèvre en coin. Du sang perle…je ne dis rien. Ses émeraudes me fixent, me pénètrent…

Que...qui...qui êtes-vous...que voulez-vous... dis-je en tentant de cacher le tremblement persistant de mes mains, vous êtes sur une pro... on se connait ? La question est dépourvue de sens.

Je suis Ilmarin. Elle semble épuisée malgré ce sourire affiché, ce ton distant. Ilmarin. Vous m'avez trouvé sur la tombe de Maha, cette nuit, en train de la pleurer...

Un étourdissement me déstabilise, ma poitrine se comprime… les bribes restent un puzzle éclaté. Elle me dévisage…me rends mal à l’aise.

VOUS…

Combien de nuits ont défilé depuis…depuis son ensevelissement… Je déglutis avec difficulté…je me mets en quête de mon poison…je ne suis pas prêt…pas encore…


Oui, moi. Ilmarin d'Azayes, venue enterrer ma sœur de cœur. Son sourcil se soulève et retombe aussitôt, surement de douleur car elle se met à grimacer. Elle me dévisage, n’a cessé depuis…depuis quand ? Un murmure sort d’entre cet amas de chair boursoufflé. Que cherchez-vous?

Troublé, je plonge la main dans mes cheveux.

Je...ne vous attendais pas si tôt...je pensais recevoir un courrier...le temps...de tout mettre en ordre... Gris cherchant une échappatoire, mon médicament...


A qui aurais-je écrit? Je ne connais pas votre nom. Maha n'en a pas parlé dans sa lettre... Et je ne veux pas que les enfants me voient, pour l'instant. Opium...?

ah...oui...je n'y avais pas songé...je pensais que vous passeriez par le domaine...de l'opium ? La jeune femme s’est relevé en me posant la question, plissant ses paupières Acculé contre le mur, je m'abstiens de lui révéler que n'en ai plus...surtout que je préfère mes propres décoctions. Non du tout...ma fiole contient...mon remède.

demain, ou le surlendemain, je le ferais. Avec mes proches pour venir chercher les enfants. Je ne suis là que pour Maha et... Vous...? Qui êtes-vous?

Je m'appelle Pierre médecin de campagne...chercheur.

Je ne suis personne qui puisse vous intéresser madame, ai-je envie de lui répondre…je ne suis effectivement plus personne depuis bien longtemps, une ombre parmi les ombres…je redeviens Pierre l'itinérant, celui qui ne veut plus être. Que veut-elle savoir…pourquoi ce silence tout à coup…sait-elle qui je suis…non Ma Dame ne lui a jamais, je suis sure parler de ma présence en ses murs…


Parlez-moi de sa maladie. comment est-elle morte? Comment l'avez-vous soigné. Je veux tout savoir de ses derniers jours...

Que lui dire...qu'elle avait contracté la phtisie et qu'avec de la médicamentation elle aurait survécue...encore aurait-il fallu qu'elle le souhaite...

Elle était atteinte d'un empoisonnement des poumons...la phtisie dans sa dernière forme...j'ai besoin de ma fiole, je ne peux supporter son regard...je ne veux plus voir son visage...agité, je tâtonne ma carcasse. Vous êtes médecin ? Vous y connaissez-vous en cataplasme...

Une nouvelle larme roule sur sa joue droite sans qu'aucune émotion ne transperce le masque froid et inquisiteur que la nuit a posé sur son visage. Perle traçant un sillon, élargi par les jumelles qui ne tardent pas de suivre.


je n'ai que des notions... Des ébauches de soins... De la survie... Continuez.

Mot résonnant comme un ordre…je n’ai pas la force physique et mentale pour m’opposer à elle…sa souffrance…

Elle ne venait plus me voir...je trouvais ça curieux mais comme elle était devenue procureur...je pensais qu'elle était trop occupé et qu'elle reviendrait lorsqu'elle aurait plus de temps...Il est vrai que depuis la naissance de Lili...elle n'avait que peu de temps pour visiter un vieil ermite...la première nuit de l'équinoxe... l'une de ses servantes est venue me trouver... Je glisse contre les draps…me remémorant avec difficulté cette nuit la... Cette nuit là...elle...elle dormait...dans le soyeux de ses draps...je me perds dans la contemplation disparue. Le teint pâle...j'ai essayé...de la sauver...son visage était...si...livide et...apaisé...pourtant je ne voulais pas...je ne pouvais pas...la laisser partir... Ô j'ai bien réussi à la ramener encore...le temps de lui dire au revoir... Je suis de nouveau seul, ma voix devient souffle. Egoïste que j'ai été...mais...je ne pouvais me résoudre à la perdre.


maha...

Indifférent au feulement plaintif de celle qui avait été la sœur de ma mécène… impassible je la laisse s’effondrer et pleurer tout son soûl. Sa douleur…ma douleur …Ce n’est rien que la panacée des être vivants que de pouvoir extérioriser leur sentiments les plus enfouis…détaché…loin de sa souffrance…Elle n’est plus dans la pièce, je ne suis plus en train de conter ce qu’il s’est passé…je suis de nouveau à son chevet.

je l'ai drogué pour la guérir...usé de tous les onguents qu'ils m'étaient possible...elle ne se battait plus...j'avais beau me battre pour nous deux...elle voulait partir...des jours sont devenus des semaines...interminable...jusqu'à ce jour où elle...elle avait retrouvé des couleurs...un semblant d'appétit...mon souffle se coupe. Je lui avais fait promettre de ne pas se fatiguer...de rester dans son lit...mais elle a insisté...supplié...elle voulait voir son fils...elle avait promis vous comprenez...promis de rester dans le fauteuil...si seulement j'avais su...senti que c'était la fin...la dernière fois que je voyais son sourire...


... sentie que c'était la fin... la fin... la fin...

Ses mots tournent en boucle et ne m’atteignent… Je suis à ses côtés cette nuit…elle dort enfin…pour ne plus se réveiller… Si la femme s’est levée…titubé…vacillé, je ne l’ai pas remarqué car déjà je n’étais plus là.

espèce... de... traitre... lâche! médecin? Ah! et vous dites la connaître? et vous vouliez la soigner? elle est morte! MORTE! Par votre faute! Incapable! Minable!

Surpris… sans volonté… je la laisse se jeter sur moi...elle étreint mon cou et pourtant je ne bouge pas...je ne veux pas bouger...ne peux me justifier...je n'attendais que cela...elle était ce que j' attendais...l'amie et la mort...la punition suprême de mon incapacité à la sauver...et cette fois, c'est conscient que je pleurais sa mort. Torrent de l’amer dans la voix et les gestes de celle qui fut un tout pour une pierre fine.

Rendez la moi! Ramenez mon amie! ma SOEUR! comment? comment avez-vous pu la laisser partir? sans moi!
--Vierge_noire
Un souffle... Chaud et froid... Tendre et Rugueux... Un chuchotement qui grandit...
Qui est-elle...
Cette petite fille seule, tapie dans l'ombre et le silence, la peur au ventre, les bras autour de ses genoux cagneux, fixant craintivement la porte dans la désespérante attente de la prochaine terreur brune...
Cette jeune femme retrouvant le goût de vivre, le goût d'aimer, la caresse du soleil sur sa peau, la musique des rires mêlés à ceux de sa Rousse amie, la joie de voir ses pages préparer une quelconque aventure à l'abri des murailles, amoureuse d'un Loup solitaire, la guetteuse d'une ombre au regard azuré, enfin apaisée...
A moins que... Qui...
Qui est cette jeune femme ivre de colère, de revanche, de sang, de douleur et de mort qui apparaît devant ses yeux... Qui sussure à son oreille... Sa voix l'enrobe, l'entoure, tisse sa toile, pas à pas, détache ses chaines, une à une. Lentement. Elle prend son temps, Elle savoure cette porte ouverte, Elle savoure cette nouvelle chance, peut-être la dernière, mais l'occasion de revenir dans un feu d'artifice...
Il ne fallait pas La laisser revenir. Il ne fallait pas Lui rouvrir la porte.
Intérieurement, le combat commençait. Elle se jetait de toutes ses forces sur la porte de la cellule, cherchant à la refermer, à rabattre le loquet. Alors qu'Elle glissait ses ongles malfaisants, crochus, dans l'interstice, écartant centimètre par centimètre le bois de sa volonté.

A nouveau, le tissu de son esprit se déchire, se scinde, se découpe. L'un fragile, instable, cherchant en hurlant de douleur la voix de sa meilleure amie, de sa soeur de coeur, de cette compagne qui s'était faite complice. L'autre perfide, malsaine, ne retenant un rire victorieux que par une méfiance inscrite au fond de sa chair, la haine brûlant à l'égard de cette Rousse qui l'avait relegué dans les tréfonds des oubliettes. Car si sa force avait diminué par la présence d'un Seigneur imprévu au programme, c'était l'Écuyère qui avait fini le travail.
Enfin...
Presque...


maha...

La raison meurt sous les coups de butoir.
La force se dissout dans ce néant de solitude impalpable.
La forteresse vacille.
Seule.

Ma Belle... Toutes mes condoléances pour cette perte... Elle était irremplaçable...
Si la voix se veut douce et compréhensive, les accents grincent de haine, de mépris et de rage. De revanche prête à être assouvie.
Je vois que tu es... Seule.
Les mots tombent comme des couperets, à chaque battement de coeur. Comme autant de béliers s'abattant sur l'entrée d'un donjon.
Encore. Toujours seule. Toujours abandonnée. Mais ton Amie est là. Ton Amie est toujours là pour toi.
Non. Je suis la Vie. Tu es ma Mort. Je... Je...
Chut... Je sais... Mais... Quelle vie? Ce fantôme, cette loque a pris ton plus ardent soutien...
Non... J'ai encore... J'ai...
Les noms se perdent dans une brume rougeatre, qui ondule, serpente, emplit chaque recoin de son cerveau épuisé.
Chut... Tu es épuisée... Blessée... Laisse moi... Laisse moi te guider... Tu l'entends? Il l'a laissé mourir... Sans bouger... Sans se battre... Laisser mourir seule... Sans t'attendre...
Non... Il... Il...
Il quoi, ma toute Belle... C'est un homme. C'est un lâche. Ils mentent tous. Il ne voulait pas que tu la revois. Il ne voulait pas qu'elle caresse ta joue une dernière fois. Il ne voulait qu'elle te rassure, une fois encore. Il était peut-être jaloux, vois comme il fuit ton regard.

Un silence. Un nouveau battement de coeur.
Souffle retenu. Suspendu aux lèvres de cette demi-conscience.

Il l'a peut-être tué...

Un cri. Indescriptible. Intranscriptible.
Un cri s'élève. Rebondit sur chaque neurone, chaque cellule, chaque fibre de son être.
Un cri de déni. Un cri de refus. Un cri impossible. Un cri instinctif, animal.
Un cri auquel se mêle le fracas effroyable d'une défense qui cède.
Un cri auquel se mêle le rire sardonique d'une entité qui a détruit ses dernières entraves.


MORTE! Par votre faute!

Oui ma Belle. Hurle. Hurle à en briser tes cordes vocales. Hurle à en réveiller les dieux. Libère ta douleur, libère ta souffrance. Hurle à en faire frémir ton Passeur. Ca va aller. Je suis là maintenant.
Tu n'es plus seule
.

Alors que ses doigts se referment sur la gorge d'un pauvre médecin n'attendant plus que la mort, ses émeraudes retrouvent une noirceur familière, une froideur glaçante. Sa main droite, brisée, rompue, retrouve quelque vigueur comme surnaturelle.
Laisse... Repose ta main fatiguée... Elle aussi porte le poids de multiples trahisons, tu ne dois pas l'épuiser pour un ver de terre.
Une main invisible, spectrale, prend le relais de la dextre brisée. Renforce l'étreinte. Une présence, dans son dos, l'enlace. Des bras glacés l'enferment dans un cocon douceureux. Elle se laisse glisser, dans cette protection familière. Dans ce refuge connu.
Dans les bras de Nymphe.


ma SOEUR!

Elle est partie mais Je suis là. Près de toi. Courage, ma Belle. Livre le Moi. Donne Moi son sang à boire, donne Moi sa chair à détruire. Et enfin, nous ne serons plus que Nous, encore, à jamais, comme ça aurait toujours dû être.
Resserre ton étreinte, encore quelques minutes. Enfonce tes ongles, arrache ses fibres.
Donne le Moi. J'étoufferais ta douleur et tu ne sentiras plus jamais... Ce néant...


La Blonde se laisse aller vers ce néant sirupeux, cette irresponsabilité reposante. Elle se sent légère, son fardeau est ôté de ses épaules. Elle peut flotter dans ce qui pourrait ressembler à un océan; si elle connaissait ces parties du monde inatteignables, elle nagerait dans une eau turquoise, chaude, au milieu des coraux. D'autres affronteraient le monde et ses déceptions; d'autres se battraient en prenant sa coquille, ses forces, ses formes. Son esprit, lui, vagabonderait dans un bien-être total et détaché...

Ilm...? Une nouvelle musique qui émerge. Un grattement de gorge comme hésitant. Des particules s'agitent dans le foutoir qui sert d'esprit à un corps en train d'en tuer un autre.
Vous gênez pas pour moi... Peut-on mourir en paix et laisser en vie un messager ou c'est devenu une habitude chez toi de La laisser régler les choses quand elles ne te conviennent pas ?
Un sursaut, traduit par un frémissement dans ses doigts. Ce n'est pas sa victime qui se débat. Ce n'est pas Nymphe qui hésite, bien qu'un regard noir se tourne vers une forme émergeant du néant.
Ilmarin d'Azayes ?! Je te parle ! Ne suis-je assez grande pour faire mes choix ? Me penses-tu assez sotte pour me laisser tuer par un médecin ? Non mais vas'y prends une vie innocente ! Si j'avais su je peux t'assurer que tu n'aurais qu'une pauvre lettre !


Maha...? Maha?

Comme la situation devait être étrange, pour le pauvre médecin de campagne observant sa tortionnaire en train de mettre fin à ses tourments.
Ses mains se faisaient tantôt avides, pressantes, pénétrant sa chair comme un prédateur affamé; tantôt tremblantes, épuisées, réticentes, laissant l'air s'infiltrer par petites goulées.
Son regard oscille entre un émeraude limpide, malgré l'épuisement et la peine, un noir dévorant, brûlant, si intense qu'il pousse à détourner toute attention et un flou inquiétant, comme si son âme avait quitté son enveloppe.

Dans la tempête immatérielle d'une conscience touchant la schizophrénie, la jeune femme qui avait vaincu son démon reprend quelque force, s'avance dans cette brume étrange, poisseuse, collante; cherche la présence de son amie.
Je t'ai appelé des heures, des jours! J'ai guetté ta voix dans le vent, dans mes rêves. Tu es là? C'est bien toi? Enfin?
Je t'attendais et veillais mes petits... Comment veux-tu faire ton deuil si je te réponds... Comment veux-tu que je repose si je reste à tes côtés... Je pensais pourtant t'avoir fait passer le message. Lâche le... Je vais bien ma belle et tendre amie.
La main glisse sous son menton, le caresse avec cette tendresse qu'elle seule savait prodiguer. Arrachant une nouvelle larme à la Blonde endeuillée. Je n'ai fait que t'épargner une lente agonie inutile...
Mais je ne veux pas faire mon deuil! Je veux te serrer dans mes bras! Je veux te dire combien je t'aime! Que tu es ma soeur, que tu ne peux pas partir, qu'on a tous besoin de toi! Je veux te serrer dans mes bras et il... Il... Il m'en a empêché! Maha... Pars pas... Tu peux pas me faire ça... Tu peux pas... Reste...
Main enlaçant la sienne, pleurant de plus belle en fixant la dernière vapeur éthérée alors qu'elle penche sa tête sur le côté, un sourire apaisé trônant sur ses lèvres.
Tu ne connais pas sa ténacité. C'est grâce à lui que nous avons pu nous retrouver, s'il avait pu encore il l'aurait fait... Mais j'étais fatigué. Je ne pouvais te faire une vaine promesse. Ce n'est qu'un au revoir Ilm...
Sa main se pose sur son coeur, diffusant une chaleur aussi puissante que l'étreinte qu'elle réclamait à corps et à cris. Je serai toujours là... Puis la pose sa tempe. Et là... Je t'aime ma soeur... Je garderai un oeil sur vous... Un baiser gagne sa joue boursoufflée, la marquant de sa bénédiction et de sa confiance. Prends soin d'eux... Ils auront besoin de toi.
Je te le promets... Maha... Je...
Une nouvelle série de larmes lui coupe le souffle alors qu'elle la fixe, comme s'excusant d'être incapable de lui dire ce qu'elle avait ruminé des jours durant.
Garde moi une place près de toi. Je tiendrais ma promesse avant de venir te rejoindre. Tu me manques.
Ma soeur...
Ses doigts étreignent les siens pour la retenir encore un instant. Fixe son image dans sa mémoire.
Avant de lui sourire une dernière fois.

Peu à peu, l'image se dissipe. La présence se dissout pour retourner au néant dont elle l'avait arraché. La Panthère s'accroche à cette ancre, l'attire vers elle, essaie juste une toute petite fois encore de la garder à leurs côtés. Un dernier murmure, une dernière caresse.
Toujours près de toi... Dors maintenant tu es épuisée...




Revenant brutalement dans un présent honni, elle se retrouve à fixer le médecin, contemplant l'étendue du carnage commis par une garde baissée.


Pardon...

Un sourire las étire les lèvres brisées, le sang revient perlé à la surface des plaies réouvertes.
D'un coup, ses forces l'abandonnent, libèrent sa victime alors que ses bras retombent à ses côtés.
Sans crier gare, ses yeux se révulsent, ses poumons expulsent violemment un soupir morbide. Ses jambes se dérobent.

L'Ombre tombe au sol. Inconsciente.

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--Pierrick_entheogenus
L’acte se termine sur la mise à mort…ma mort. Entre ses mains je ne souffre plus… je ne respire plus…le spectacle va s’achever, le rideau se fermer… les spectateurs bientôt se lèveront et applaudiront ou pleureront une scène tragique qui les touche jusqu’au tréfonds avant de rentrer chez eux serrer les êtres qui leurs sont cher et oublier la douleur ressentie.
Je tire ma révérence sans me battre… je m’incline devant ce destin railleur, lui cède volontiers ma place dans ce monde sans saveur. L’acteur aux mille facettes n’en peut plus et prend une retraite bien méritée…anticipée…


[Such a beautiful lie to believe in…and to try to let go of the truth]

Ses doigts sur ma gorge deviennent étau, la force du désespoir est presque jouissive si ce n’était mon air qui manquait et ma trachée obstruée. J’aimerai pouvoir dire que je sens ma vie m’échapper…s’envoler…alors qu’en vrai elle s’accroche…
Pantomime…deux âmes en peine…un lige et une panthère…souffrance et délivrance…

Tempête de larmes…chacun ses propres démons…chacun sa prison…je ne pleure plus sa perte…je verse l’eau qui trop longtemps s’était tarie dans mes yeux… je n’entends plus le son de sa voix…je n’attends plus ses mots…je veux toucher du doigt ce qui m’a été enlevé…je veux…ne plus avoir à subir ce manque…je préfère me noyer dans le fleuve et demeurer immerger dans la vase…dans les profondeurs…juste pour percevoir une dernière fois son chant…
La vie ne défile pas sous mes yeux…ces visages…empreintes effacées de ma mémoire…pour laisser un vide encore plus grand…une seule persiste…dans ce précipice…un ange…la crinière brune…les ailes froissées…azurs flottants…son nom à tout jamais interdit…C’est donc lui qui doit m’ouvrir les portes…Lui…mon fruit défendu…

Laisse le bucher ardent me consumer encore et encore…crève mes yeux…pour que je ne puisse plus voir…arrache ma langue pour que je ne puisse plus hurler…perce mes tympans pour que je ne puisse plus entendre…arrache mon cœur pour que je ne puisse plus ressentir…et jette ma carcasse au dessus d’un pieu enflammé…

L’étreinte se desserre…ma cage thoracique se soulève…mes poumons inhalent l’air qui lui manquait…je crache…tousse…ma gorge brûle…je ne peux…NOOOOOOOON…où est cette promesse muette de me faire ouvrir les grilles de la mort ? Laissez-moi prendre la barque… j’ai rempli mon contrat…elle est là…je me débats…vocifère…le passeur…à quelques pas…de moi…

La jeune femme me fixe… son regard… vitreux… ne me voit pas…ses émeraudes réduites à deux fentes… un son inintelligible s’échappe de cette bouche épuisée…défigurée…elle se permet un sourire qui rouvre la plaie de sa joue.

Ses poumons sifflent et elle s’effondre sans vie…de peu…je l’attrape avant qu’elle ne tombe sur le sol…avec mes dernières forces je l’accompagne à mes côtés…plus tard…je m’occuperai d’elle…plus tard…mes yeux se ferment pour me laisser sombrer dans un sommeil sans rêve…



[Hide behind an empty face…]

Combien de temps ai-je dormi…si j’en juge l’élancement dans mon cou je dirai que je me suis tout juste évanoui. Je tourne la tête pour voir si la Faucheuse est toujours à côté de moi… à sa respiration sifflante je ne peux qu’être affirmatif…elle ne devrait pas tarder à se réveiller…pour m’en assurer je me relève et pose ma main sur son front…brûlant...je saisis son poignet …déformation je prends pouls…faible…comment a-t-elle réussi tout ce temps à rester debout ? Je me relève.

On dirait que vous avez besoin d’un remontant…tout comme moi…Je masse ma gorge. Ne bougez pas je reviens…

En descendant les marches je m’arrête et me retourne. M’a-t-elle vraiment portée jusque dans ma chambre…cela me semble exploit…après avoir vu la jeune femme allongée…Je secoue la tête, je verrai plus tard avec elle…avant qu’elle n’essaie encore de me tuer.
Je me dirige vers la serre, le seul endroit que l’ouragan nommé drogue ne dévaste jamais et pour cause, sans les précieuses plantes en culture, pas de repos...juste du manque et des douleurs…
Je pénètre mon sanctuaire en essayant de ne penser à rien, surtout pas à ce regard de jade pétillant d’impatience à l’idée de me faire découvrir son présent… J’ignore le pincement qui m’assaille.
Je coupe quelques tiges pour en extraire la sève, arrache quelques pétales, saisis celles sèches sur l’établi pour les mélanger dans un mortier en pierre. L’onguent que je prépare l’aidera surement à apaiser ses douleurs physique…pour le moral…je lui diluerai mon breuvage personnel dans de l’eau. Le liniment bien onctueux, je prends une cuiller pour le mettre dans un petit récipient. Une fois terminé, je cueille quelques fleurs d’oranger. Il ne me reste plus qu’à retrouver ma fiole et de l’eau et je pourrai remonter m’occuper de cette amie.

Une envie me saisit lorsque dans l’herbe je retrouve mon bien. Juste tremper le bout de mes lèvres…une goutte pour me donner de la force, J’abandonne vite cette idée, j’ai mieux à faire pour l’heure…soigner une furie déguisée en Faucheuse.
Je remonte avec tout mon attirail, je pose le tout afin de vérifier que la dame dorme toujours. Sommeil agité…tremblement dans le corps…comment trouve-t-elle encore la force de délirer ? je délie le liquide dans un peu d’eau et la force à boire. A défaut de se laisser faire, elle restera un petit moment dans un sommeil sans rêve.


Je vais devoir me rendre compte des dégâts sur votre personne, aussi, je vous serai gré de ne point prendre ombrage si mes mains se baladent sur votre corps, dis-je en la prenant dans mes bras pour l’allonger confortablement. Je sais que vous allez encore me menacer de me tuer mais en attendant…laissez-moi faire mon travail…nous verrons ensuite pour nos petites querelles…

Si je n’avais pas eu mon lot de corps raide pendant les campagnes il m’aurait été impossible de soulever cette tunique. Je détache sa ceinture, je prends soin de ne pas faire tomber l’épée…ma main se tâche lorsque je prends le cuir en main…une autre surprise…je la retourne pour voir en plus d’une dague…le tissu imbibé…couleur qui revient à présent trop souvent…
La dame était bien armée, mercenaire de son état m’avait dit Ma Dame qui s’inquiétait dès que son amie partait « rendre service » Elle avait elle aussi eu son lot de guerre mais trouvait la situation différente…que de rixes amicales lorsqu’on la contredisait sur ce point là…


avez-vous d’autres surprises Madame ? Je n’attends pas de réponse, elle est endormie et ne risque pas de l’ouvrir avant plusieurs heures. J’éloigne votre dague au cas où l’envie vous prendrez de me faire payer le sang…Je comptais simplement vous rafraichir et soigner votre visage…mais je vais devoir faire bien plus. Ne commencez pas à grogner, je vous en prie ! Laissez vos menaces de côté…je dois voir l’ampleur de vos blessures…mais avant vous allez prendre un bain ! Mais non je ne vais pas en profiter pour vous regarder…Croyez-vous être la première à qui je donne le bain pour nettoyer les plaies ? Ne vous inquiétez pas pour votre vertu, jamais de ma carrière je n’ai touché une femme endormie, ce n’est pas maintenant que je vais commencer ! Je sais…vous allez me tuer dès que vos émeraudes seront ouverts mais en attendant je suis le seul maitre à bord… Le temps pour moi de faire chauffer de l’eau et vous pourrez vous détendre et moi nettoyer vos coupures… Qui vous dit que je suis bien médecin ? moi ! La preuve ? à côté de mon acte de décès…

J’aurai besoin d’un bon bain moi aussi…depuis quand n’ai-je pas fait une toilette digne de ce nom…les souvenirs sont trop douloureux pour donner une date exacte…Je m’échine à faire bouillir de l’eau et la mettre dans la cuve que j’ai montée à cet effet…je répands les pétales de fleurs d’oranger… odeur qui a bercé mon adolescence…toujours gardé cette effluve malgré les ans…Je trempe un drap avant d’y déposer l’endormie. Je ne défais que ses bottes pour y trouver une autre dague…le pantalon aussi contient son arsenal de couteaux…avait-elle peur de rencontrer une armée en venant sur les terres de son amie ? comptait-elle s’en servir…question à ne pas poser vu qu’elle avait failli me tuer de ses propres mains…le gant déposé sur le pantalon crasseux…

Je vous laisse la chemise jusque dans l’eau mais ne m’en demandez pas plus…Cessez donc de vociférer de la sorte et goûtez à la chaleur bienfaisante de ce bain…exhalez l’odeur particulière que dégage la fleur d’oranger…plus vite vos plaies seront cicatrisées…plus vite vous pourrez…vous vengez de l’assassin de votre amie…n’est ce pas là un bon compromis ? Je savais que cela vous plairait.

Mes mains passent sur son corps frêle, je fais attention de ne pas la toucher là où l’entaille suinte. L’eau est à peine chaude, cela lui fera du bien et me permettra de voir si son corps est marqué ailleurs…

Ne croyez pas que je n’ai pas vu vos cicatrices…j’en ai déjà vu mais jamais sur le corps d’une femme…du moins autant…qui vous a soigné ? un boucher ? Cela ne peut être que ça. Regardez la couleur et la taille de certaines… Sont-elles aussi inavouable que la mienne…Assez parlé…je vais couper votre chemise alors n’hurlez pas encore…je vous en donnerai une moins abimé de toute manière…Elle avait raison…vous vous négligez…un point commun Ilmarin d’Azayes…cela vous rend plus humaine…

Je déchire le tissu sans trop de difficulté, pour dire à quel point il était usé. Par pudeur, je garde mon regard rivé à son dos…Elle n’est qu’os et cicatrice…estafilade cautérisée au fer…une main contre son épaule, je m’agenouille pour voir de plus près l’encre dans le creux de son épaule près du cœur : un tatouage… L’éponge guidé par ma main entreprend de redessiner le félin…une nouvelle sensation de déjà vu…lointaine et fugace pensée que je balaie d’un revers de main. Je la maintiens le dos droit pour nettoyer la blessure n’est qu’une éraflure bénigne…pourtant vu comme elle maltraite son corps…l’écorchure est à deux doigts de s’infecter…

Vous n’avez vraiment aucun respect pour cette enveloppe de chair qui vous a été donné…

Sa respiration chevrotante me répond telle une protestation du plus profond de son sommeil…je n’ai pas à juger ses actes…comment aurait-elle pu prendre soin d’ELLE…Toutes les mêmes, elles protègent leur famille, leurs amies au détriment de leur propre vie…Tête de mule ! Cela causera votre perte comme la sienne…Agacé…meurtri…je finis sa toilette et l’enroule dans le drap. Je n’ai plus de larmes à verser…

Ne croyez pas que je serais votre dévoué…les mots sonnent durs. Je ne me laisserai plus avoir… dès que je vous aurai soigné…je vous envoie au domaine et libre à vous de venir finir votre travail ou prendre la cassette… Vous m’entendez…je n’ai plus la force…ni la foi…

Je badigeonne ses reins de la mixture préparée, applique une linge propre et bande le tout… je ne serre pas pour que la mixture fasse son effet et ne macère pas…Je lui passe sur le corps une chemise propre…je n’aimerai pas lui soigner les plaies et créer une humeur sur les poumons….lèvres craquelées…joue tuméfiée… serait-ce le résultat de cette promesse dont j’ai vaguement entendu parler ? Je n’en saurai pas plus alors autant ne rien demander…même onguent sur la joue…elle dégonflerait d’ici quelques heures si la jeune femme ne bougeait pas dans ce laps…celle-ci…restera en l’état… sauf si elle doit remettre cette chose…

Qu’avez-vous fait à votre main pour qu’elle soit ainsi…je l’inspecte, je l’ouvre et la retourne pour y découvrir des cicatrices blanches…naissance dans le poignet…comment avez-vous pu la garder…

Je l’ouvre complètement en mettant ma paume dans la sienne…je force ses doigts à réagir…c’est son corps qui se soulève…je referme ses doigts un à un sentant les tendons résister… c’était vraiment un danger pour elle-même…

J’applique le reste de pommade entre ses doigts…cela ne sert à rien mais au moins ça l’hydratera…Une dernier coup d’œil à la jeune femme, je remonte le drap, ferme les tentures et m’allonge sur le sol…épuisé…je nettoierai la pièce plus tard…j’ai juste besoin d’un peu de repos…fiole en main…j’ingurgite juste de quoi m’assommer et rêver…
--Vierge_noire
Elle tombe.
Combien de temps? Depuis quel lieu? Vers quels Enfers?
Elle tombe, aussi longtemps que l'air est chassé de ses poumons; aussi longtemps que nécessaire à son corps martyr pour toucher le sol de la masure; aussi longtemps que nécessaire à son esprit pour se frayer un chemin dans cette brume insipide, rougeoyante, aussi vivante qu'un amas de chair agonisant.

Il fait nuit. Il fait doux. Ses paupières se soulèvent lentement, aussi lourdes qu'une porte en chêne massif, irritant ses pupilles desséchées. Ces meubles... Ces murs... Ces couleurs ternes, froides, tristes... Elle connait ces lieux. Timidement, son pied glisse sur le sol sur le parquet décoloré et poussérieux. Une lame grince; étrange, cette lame, proche de la porte, ressemble à une jumelle enfuie, dans un sombre passé. Son visage se relève, ses longues mèches blondes s'écartent.
Sa chambre... Elle est revenue dans sa chambre d'enfant... De martyr... De tortures sans cesse renouvelées... Un frisson la secoue, d'horreur et de dégoût. Sa chambre... Elle lève rapidement sa main droite, la retrouvant maigre et faible mais vivante, posée; et surtout utilisable.
Suli...? Suli? Suliiii!
La porte s'ouvre à la volée, laissant passer un corps fragile, maladif et malingre, visiblement sous-alimenté. Un pantalon trop grand frappe ses jambes taillées en allumettes, une chemise baille sur son torse encore asexué, recouverte d'une veste d'homme usée mais encore présentable.
La voici plus de quinze ans en arrière. Cette nuit où elle décida de fuguer et de le rejoindre. De vivre, tout simplement...


Une secousse lui coupe de nouveau violemment le souffle.
Sa joue vient d'arrêter la course d'un poing; le sang gicle de ces lèvres plusieurs fois fendues, gercées, coupées. Enragée, dans un cri de bête, laissant le fluide s'écouler sur son menton, elle se jette sur sa proie, griffes sorties, se refermant sur la trachée de son adversaire. Serrant. Serrant toujours. L'étouffer. Le tuer.
Rappelle toi. Ces doux moments en tête à tête. Rappelle toi combien de fois je t'ai sauvé. Rappelle toi combien d'aventures nous avons vécu ensemble. Laisse moi rester à tes côtés...

Laissez vos menaces de côté…
Mes menaces ne sont pas vaines! Réveille toi! Regarde le te dépouiller! Laisse moi! Laisse moi l'achever!

Elle flotte. Ailleurs. Se détourne de cette voix aigrillarde. Replonge dans cette brume palpitante. Elle ne veut plus l'entendre, plus la subir. Elle ne veut que ses souvenirs, ces bons souvenirs. Elle ne veut que la Rousse. Son Seigneur des Airs. Son Loup. Ses pages. Ces rencontres, ces confiances.
Retour entre ces quatre murs. Retour dans son adolescence.
Le soleil a depuis longtemps lancé ses derniers feux sur l'horizon; le manoir est peu à peu illuminé par les domestiques, sauf sa chambre, bien sûr, évidemment même, dans laquelle ne brillent que deux bougeoirs et un maigre feu. Combien il lui est étrange de retrouver l'usage complet et sûr de ses doigts, de les voir ficeler une ceinture sur ses reins, ficeler les lacets de bottes masculines au cuir épais et aux sangles métalliques. Alors qu'elle attrape la bande de lin, la porte grince faiblement. L'adulte revit son passé, pénétrant ce corps pour le posséder et rouvrir un passage effondré.
Suli? Souriante, elle se retourne pour voir l'arrivant, poitrine naissante nue, prête à être dissimulée. C'... C'est quoi ça? Indique-t-il du doigt, les azurs lumineux écarquillés, pâlissant à vue d'oeil comme s'il avait vu un spectre. La jeune fille bafouille, rougit, baisse ses émeraudes à l'abri de ses boucles blondes, s'agrippe au lin qu'elle essaie de dérouler autour de sa taille. Bah... Chuis une fille, tu te rappelles? On dirait que j'grandis... Il se détourne, fixe une tenture décolorée près de la fenêtre. Oui je sais... Excuse moi... Je voulais juste... Juste t'aider... Son esprit rit aux éclats, charmé de retrouver ce souvenir oublié, charmé de cette gêne entre frère et soeur, laisse se dérouler le fil alors que son fantôme reprend la parole. Tu peux m'aider s'il te plait? J'y arrive pas toute seule... Y'aura les nattes aussi...Le visage fin et gracieux de son ainé revient vers elle mais dissimule le ciel étoilé de son regard, alors que ses mains passent dans son dos. Mal à l'aise, sans qu'elle n'ait compris pourquoi. Pourquoi son Seigneur avait changé, fugacement, ce soir-là. Bien sur pour sortir faut dissimuler tout ça ! Mais serre déjà un peu... Je suis ton frère... Maintenant que tu es une femme... Il faudra que tu te couvres...


Je vous laisse la chemise jusque dans l’eau mais ne m’en demandez pas plus...
Rire sardonique, froid, glacial. Tu es une femme... Une femme... Femme...
Elle n'a plus rien. Elle n'a plus que ça... Les coussins roses aux froufrous insolents s'étalent dans certains boudoirs; le bar regorge d'alcool. Et sa besace regorge de petites boulettes de couleur marron au parfum âcre et entêtant. Le sourire qui s'étale est déformé par une grimace. La vue est brouillée, le nuage obsédant, épais, douceureux.
Tous les vices, toutes les dépravations... Quelle époque... Quelle vie... Reviens... Reviens... Prend ma main...
Une seule marchandise, une seule vente, un seul espoir. S'abrutir pour oublier ce commerce. Oublier dans ce commerce pour s'abrutir. Aucun visage n'est resté, enveloppé dans un brouillard bienvenu. Eux sont oubliés.
EUX ne sont pas oubliés. Parfois une larme roule sur sa joue, souvent au pire moment pour l'inconnu qui n'arrive même pas à capter son regard.


Vous n’avez vraiment aucun respect pour cette enveloppe de chair qui vous a été donné...

Jamais. Aucun. Elle n'a pas appris ce respect, n'a pas appris à s'aimer, se soigner. N'y a jamais vu aucun intérêt.
Enveloppe de tourments. Enveloppe trop étroite pour ces rêves qu'elle pensait effacés. Enveloppe mourrante, déficiente, faible. Honnie.
L'Ombre assommée se débat, gémit, hurle lui semble-t-il. Refuse ce contact. Refuse ce jugement. Que sait-il? Qui est-il? Personne ne peut comprendre cet enfer du déni, de l'interdiction de vivre, d'exister. Cette crainte perpétuelle d'ouvrir les yeux. Cette crainte que le moindre souffle vous trahisse et qu'une pluie de coups soit la sanction de la moindre erreur...

Pleure-t-elle, à nouveau? Enrage-t-elle encore d'être clouée, là, dans ces limbes? Cet inconnu, ce Pierre, lui effleure-t-il le visage?
Laisse la! Ne la touche pas!
Non! Tu ne le toucheras pas! Il est médecin et il a tenu sa promesse!
Un cri. Aïgu. Strident. Vrillant. Auquel se mêle un cri de douleur alors qu'il déplie les doigts crispés, blessés.
Vois ce qu'il te fait! Vois ce qu'il t'inflige! Sans précautions, sans ton avis!
Vois ce qu'il fait, oui. Il me soigne. Ma soeur avait confiance en lui, pourquoi ne ferais-je pas de même?
Le cri grandit, rebondit sur les lèvres scellées par le sommeil artificiel. L'instinct se cabre, se tord, soulève les reins de la couche misérable. Il lui fait mal. Si mal. Elle lui fait mal. Si mal. Tout se mélange, se mêle.
Assez. J'en ai assez. Je ne veux plus être esclave. Je ne veux plus te laisser cette part de moi.
Tu ne sais pas ce que tu dis! T'ai-je déjà trahi?

Oui...


L'air a l'odeur de tes envies et un jour ce sera celle de ta liberté...
Il fait doux. Il fait chaud. La fièvre grimpe et dévore son corps. Son esprit combat, quelque part, une folie qu'il avait créé; l'oblige à revenir à la place qu'elle n'aurait jamais dû quitter.
L'arbre étend ses branches pour les protéger, les feuilles bruissent délicatement dans une brise d'été. Front contre front, main contre boucles, souffle caressant sa peau moite. Un rare moment de paix volé au manoir. Alors qu'elle est en paix dans cet ailleurs secouant les chaines de l'oubli, l'Ombre se débat dans une couche inconnue, soupire, glisse dans cette fournaise.
Elle tremble, en spasmes de plus en plus longs, de plus en plus épuisants. Parfois un éclat métallique retentit dans le lointain, comme deux lames qui s'entrechoquent. Ils se sourient, rassurés. Parfois le craquement d'un os retentit. Les azurs cajolent les émeraudes apeurées.
Combien de temps est-elle allongée dans l'herbe, les reins poisseux de s'agiter en tout sens. Combien de temps se repose-t-elle à l'ombre de l'arbre centenaire, retrouvant peu à peu les senteurs de cet après-midi.




Les paupières papillonnent douloureusement. Sa tête est lourde, son corps broyé, des vêtements inconnus collés à sa peau, ses pieds entortillés dans une chaine de laine tissée. Peu à peu, ses sens se réveillent. Elle jaillirait volontiers de la couche, mais sa cuisse refuse d'obéir, encore paralysée des derniers lambeaux de nuit, ses épaules prises dans des étaux insensibles et sa main refuse de se déplier, encore engourdie de sommeil.
Tout semble normal, en dehors des lieux qu'elle ne reconnait pas.
La mémoire lui revient à mesure que le sang cingle les veines, les muscles. Douleurs matinales, des centaines de fourmis lui dévorent la chair.
Pas un bruit. Pas un son. Pas un souffle. Sa tête semble vide, son coeur semble léger, comme si des griffes s'étaient relâchées. La nausée est toujours là. Mais différemment. Elle ne saurait même pas l'expliquer.
Peut-être un goût de paix... Peut-être un goût de calme... Il lui semble sentir un musc aux senteurs épicées, accroché à ses doigts inutiles, mêlé aux fleurs d'oranger.
Elle se rappelle son parfum.


Je crois que j'ai réussi Maha... Je crois que... Je suis libre...
_________________
--.gabriel.


Sur le pas de la porte, deux silhouettes à demi cachées par l’ombre du soir, chuchotaient pour ne pas réveiller celle qui dormait dans la chambre.

- Le sait-elle ?

- Non…elle m’aurait tué…

- Je sais.

- Et…toi…comment ?

Un sourire se dessina dans la pénombre.

- Crois-tu que j’aurai pu oublier ? T’oublier ?

Main qui glissa sur de la neige soyeuse. Un sourire. Des joues qui s’empourprèrent dissimulées.

- Les filandières ont de drôles d’occupations…je…je ne l’avais pas reconnu…ses yeux…elle est devenue une femme forte…

Il acquiesça sans un mot, azur voilés, nuage cachant la face de la lune. Rayon qui éblouit.

- Je l’ai toujours su…c’est ma…une forteresse…

Pierrick tourna la tête, fuyant son regard.

- C’est du passé. Elle saura te…

- Non ! Ne lui dis pas, l’interrompit-il, elle ne doit rien savoir…elle a déjà assez de quoi faire…je ne pense pas nécessaire de lui infliger une nouvelle…blessure.

- Pierrick…elle comprendra…Sa main se posa sur son bras, le serra. Moment fugace empli de souvenirs. Tout se pardonne…crois-moi.

Pierrick se redressa, haussa le ton sans le vouloir.

- Et si je ne voulais pas de son pardon ! Et si je méritais…j’ai beau payer…je ne pourrai jamais me racheter à ses yeux…

Le jeune homme eu cette impulsion de vouloir prendre son ancien camarade dans les bras. Combien d’années s’étaient enfuies ? Ce bonheur tangible qu’ils avaient partagé à présent enfoui sous une masse informe de souffrance et de rancœur. Sous ses airs de dur, Pierrick avait été des trois les plus fragiles, celui qui avait eu le plus besoin d’attention. Que dire d’une fratrie qui avait développé une folie aussi matérielle qu’un être fait de cher et de sang ? Pouvaient-ils rayer cette époque de leur vie où ils n’avaient fait qu’un…

Nous avons passés trop de temps à nous laisser ronger ! Il est temps de faire table rase de cette gangrène. Sans réfléchir, il lui attrapa la nuque et posa sa tempe contre celle de son compagnon. Sa voix n’était que douceur et souffle chaud contre son oreille. Nous étions jeunes, trop inexpérimentés pour comprendre. Trop naïfs pour ne pas tomber dans un piège aussi grotesque…

Le médecin secoua énergiquement la tête. Il hésita puis le repoussa.


- Tu…tu ne comprends pas ? J’avais réussi à vous oublier …moi ! Vas t’occuper d’elle ! Elle a besoin de toi…elle a toujours eu besoin de toi ! Je n’ai toujours été qu’une entrave…toléré…

- Pie…

- Non Gabriel…s’il te plait…

Fébrile. Le bruit d’un tissu qu’on froissait. Malmené. Et l’ombre du jeune homme disparue de l’étage, laissant un Gabriel choqué. Les mots qui autrefois apaisaient son ami à présent le rendaient nerveux. Il n’avait plus souhaité le revoir, il n’avait plus espéré, rêvé, son monde s’était écroulé. Et la première main tendue avait été une mercenaire, une femme qu’il n’avait su aimer. Premier rayon de soleil dans son obscurité, sa folie. Elle avait entrouvert une porte, et pas n’importe laquelle…celle du retour auprès de sa rédemption. Aujourd’hui, il ne comptait plus les pertes, une seule chose comptait, il avait raison, était son Ilmarin. Pourtant, en la retrouvant, elle avait à son tour laissé une nouvelle possibilité et il l’avait retrouvé LUI. Destin farceur. Dieux anciens qui avaient déchus le seigneur des airs pour n’en faire qu’un simple mortel et lui faire découvrir les affres de la solitude.

Il resta là un moment appuyé contre le chambranle. Pensées désordonnées. Cœur en saignée. Le retrouver et le perdre. Lentement. Automate. Il pénétra dans la pièce. La Lune de son croissant bercée de son clair-obscur les nuages printanier égarés dans cette immensité.

Il se retourna et se mit à observer son Ilmarin. Il n’avait eu se privilège depuis l’enfance. Des boucles blondes auréolaient ce visage endormi. Combien de fois y avait-il plongé ses doigts pour les enrouler autour ? Combien de fois les avait-il coiffé lorsque trop indisciplinées elles formaient des anglaises parfaite. Qui aurait pu croire un instant qu’ils avaient réussi avec force à la faire ressembler à un garçon ? Les traits aujourd’hui marqués étaient d’une finesse, adolescente.

Affluent de souvenirs, toujours plus vivant. Il aurait tout donné pour que cela ne cesse jamais, effacer de sa mémoire les années de doute, le mal. Tout ce qui était dérangeant mais ça, cela faisait pourtant parti de leur passé. Brûlure au fer. Trace indélébile. Souplesse féline du corps. Démarche assurée. Il vint de son corps protéger sa destinée.

Non, il ne dormira pas ce soir, car oui, il l’a retrouvé.
--Pierrick_entheogenus
[Come What May…]

un jour et une matinée sont passés sans que je ne m’en rende compte. La drogue n’y est pour rien, j’ai juste soignée…veillée une furie, assoiffée de vengeance…une âme esseulée qui vient de perdre sa famille. Moi aussi je l’ai perdue, moi aussi…je ne suis qu’une ombre et si elle avait été la Faucheuse, peut-être serai-je pas loin… Je secoue la tête, ma fiole est ma compagne…la mort m’a rejeté…ses desseins…obscurs…a fait de moi…un pantin de chair et d’os…au gré de ses envies, elle me traine… m’inflige…sans que je ne puisse riposter… Il y a bien longtemps que j’ai cessé de me battre contre…peut-être qu’un jour dans ses bonnes grâces, elle se détachera et me laissera mourir…vaine utopie…il lui faut d’abord se repaitre de chaque centimètre de mon être… exhaler chaque odeur…gouter chaque perle…et enfin le jour où je ne serai plus qu’un corps sans âme alors…peut-être…en aura-t-elle fini…et se trouvera un autre avec lequel jouer…ses fils de lins, tels la veuve noire dans sa toile, tisseront sur chacun de ses membres…elle guettera…à l’affut comment lui rendre la vie bien plus intolérable encore.

En attendant que ce jour arrive, il ne faut pas que je néglige la dame qui dort…s’agite dans mon lit. La fièvre s’accroche…le mal qui la ronge est sans rapport avec les blessures dont elle est marquée…de belles plaies…propres qui cicatriseront sans laisser de marques profondes…tout du moins si elle ne les néglige pas…

Elle pourrait jouer les belles endormies pendant que je passe l’éponge sur ses reins…mais non…elle bouge..grogne…


Quoi..vous aussi vous avez remarqué mon manque d’hygiène…oh ne me faites pas de remontrance…mon odeur n’est pas si forte...maintenant vous pincez le nez…non mais d’accord je vais aller me pendre un bain. Je soulève sa nuque pour la faire boire un peu…ses lèvres se ferment. Je vous préviens…si vous voulez que je vous laisse vous reposer, il faudra d’abord boire ceci, sinon je reste et il n’y aura pas que votre nez qui sera agressé par ma fragrance exceptionnelle.La coupe au bord de sa bouche, le liquide coule sur son menton. Vous n’êtes qu’une tête de mule !Allez, faites un effort, c’est pour vôtre bien !Un souffle en forme de protestation, je retente et cette fois, elle en laisse quelques gorgées pénétrer. Je pose le godet, masse sa gorge pour la forcer à avaler. J’entreprends d’essuyer le médicament qui a pris la fuite jusque dans le creux de son cou. C’était si difficile que ça ? Vous êtes pire qu’une enfant madame ! Sur ce, permettez que je me retire afin de faire quelques ablutions…Ne vous inquiétez pas, je vais vous laisser en paix pour aujourd’hui…enfin jusqu’à ce soir.

Je n’avais remarqué combien le temps avait changé. Le soleil timide, caché derrière une nuée lors de sa mise en terre avait pris tout son essor en quelques jours. Ses fleurs devaient s’être épanouies…Son visage radieux devant le parterre d’orchidées…les premiers boutons coupés de sa main…ma main sur mon cœur…un étourdissement…je ne la reverrai plus…sourire…Par automatisme comme à chaque fois qu’un souvenir remonte à la surface, je plonge mes doigts à la recherche de ma fiole…cette fois, je sais que je ne l’ai pas sur moi puisque je l’ai posé sur la table..je ne peux fuir…pas tant qu’elle sera là… J’aurai besoin d’un bon bain, de soleil, et m’évader…oublier…sans aide chimérique…
Mes pas inconsciemment me portent jusqu’au lac…bien sur j’aurai pu aller jusqu’à la fontaine mais sortir du domaine…marcher…m’épuiser..ne peut qu’être bénéfique…ressentir ce manque…cette envie…je suis de nouveau seul…la poussière devient en volant sous mes pieds de petits tourbillons emportés par la bise…la moindre chose susceptible, mon regard se fond dans l’oubli…la contemplation de ce qu’elle aurait pu voir..que je découvre pour la première fois.

Quelques lieues parcourues pour découvrir une étendue bleue foncé. Plongée la tête la première sans songer à me dévêtir, à peine déchaussé. Me laisser couler comme une pierre au fond d’un étang…la respiration bloquée…je découvre laconique les trésors enfouis… fait d’algues… de sable et autres joyaux sous marin. Mon corps refait surface...je prends une longue gorgée d’air pur et m’allonge dans l’eau, laissant le courant m’emporter. Etoile de mer…les paupières closes…je dérive…le son du ressac en écho…seul…mes pensées annihilées par un engourdissement…je me retourne et plonge encore…toujours plus loin…toujours plus profondément…Infatigables, mes poumons suivent le rythme de mes pérégrinations.
Oublier en ne faisant qu’un avec l’eau…effacer ma mémoire en noyant les regrets…nager pour ne plus sentir que la douleur de mes membres… Et me hisser jusqu’au rivage, épuisé, la tête contre terre…
Une brindille me chatouille le nez…mes yeux s’ouvrent…l’astre a décliné…je dois rentrer…
Mon allure est plus lourde, je suis harassé…peut-être aurai-je cette nuit…un sommeil moins perturbé…En rentrant je passerais par le jardin…cela fait longtemps que je n’ai pas rendu visite à Ma Dame…elle sera surement ravie de voir combien ses efforts ont payés…Je longe mes doigts dans mes cheveux…j’essaie de les discipliner…peine perdue…il me faut un lacet ou un catogan pour les plaquer complètement…plus tard.

Orchidée coupée à la main…arrachée jusqu’à la racine…je retrouve le lit dans lequel Ma Dame repose. Je m’agenouille, fouille la terre pour y déposer mon présent…à côté de la stèle…Je m’arrange…du moins j’essaie mais la chemise me colle à la peau.


Cela faisait longtemps…dis-je penaud. Vous me manquez…je..je vous ai apporté l’un des boutons que nous avions plantés ensemble…les bourgeons ont éclos…vous…je suis sur que vous auriez adoré…Votre sourire me manque… je me détourne un instant…à quatre pattes…le tête basse cachée par mes mèches…je ne veux pas pleurer…je ne suis qu’une fillette…Tête de mule ! Les pupilles rétrécies, le regard noir, je soulève le menton Egoïste ! Vous n’aviez pas le droit ! Mon poing s’enfonce dans l’herbe. ILS avaient besoin de vous…ILS…j’avais…j’ai besoin de votre présence… un si mince équilibre…pas un geste…pas une parole…ne m’est épargné…jusqu’au bruissement des feuilles me rappellent votre absence…Ma Dame…je déglutis. Maharet...vous connaitre m’avait redonner l’espoir…aujourd’hui…je n’ai plus rien…Je donnerai n’importe quoi pour…vous revoir…une dernière fois…entendre le son de votre voix…


- Veuillez me pardonner… Je cherche ma sœur… Je ne voulais pas me montrer impoli mais l’inquiétude m’a gagné…

Ma mâchoire se crispe, ce domaine est pire qu’un relais, chacun s’invite à son gré sans même demander la permission au gardien…encore l’une de vos idées… pas de murs…pas de rempart…une chaumière où chacun peut trouver refuge…vous voilà servi…

- si c’est de la Faucheuse dont vous me parlez elle délire chez moi…


- En réalité…il se pourrait bien que ce soit elle. Est-elle blonde avec de grands yeux émeraude répondant au nom d’Ilmarin d’Azayes ?

Je me redresse sans prêter attention à l’homme en face de moi, en même temps, s’il avait eu une monture je l’aurai entendu de loin.

- vous êtes venu à pieds jusque là ? Vous comptez l’emporter sur votre dos…c’est qu’elle n’est pas en état de bouger… Je rencontre son azur, ma bouche juste à temps reste fermé…mes yeux s’arrondissent. Mon cœur cesse de battre, mon sang se fige. Un fantôme…plus précisément un ange aux ailes froissés…


- Pierrick ?! Pierrick…c’est…

Il me regarde incrédule…Je sens dans son attitude qu’il a envie de s’approcher afin de vérifier s’il ne rêve pas. Il a tellement changé…les rides sur le coin des yeux…les tempes grisonnantes…il n’a rien perdu de sa prestance… Je ne peux m’empêcher de l’observer…rivé sur lui…Océan dans lequel j’aimai tant me perdre…je me retourne pour regarder la tombe de ma mécène. Je voulais entendre votre voix et c’est la sienne qui revient du néant…

- Gabriel…que fais-tu là…

J’aurai pu essayer de nier…trouver une parade…Heureux…excité…paniqué…je le vois se jeter sur moi…ses bras m’enserrent…sa douce présence…enivrante…je ne me suis portant pas drogué…il ne peut faire parti de mes délires…il y a si longtemps que j’ai voulu le rayer…je l’enlace comme autrefois, comme si jamais nous ne nous étions perdus…mon ami…mon frère…mon compagnon… Il me repousse juste pour me regarder de plus près.


- Qu’est devenu ta si magnifique chevelure de jais…

- La neige…mon…ami…les neiges éternelles…

Nous sommes vieux maintenant…la vie n’a pas été tendre ai-je envie de lui répondre…à quoi bon…Il le sait aussi bien que moi…puisque tout à débuté…il y a…longtemps…

- Ilmarin d’Azayes est ta sœur…tu es marié ? Félicitation.

Il se recule, son visage s’illumine soudain, il secoue la tête. Il n’a pas besoin d’en dire plus…mon cœur se serre…pris au piège…j’ai du mal à respirer…pourquoi je n’ai pas compris…Ilmarin…Marie…deux visages…deux silhouettes…un seul regard…si longtemps hanté…

- Elle…remonte le petit sentier derrière toi…elle est à l’étage…vas’ y je te rejoins…la porte n’est pas fermée…j’ai quelque chose à faire avant…

Il a marqué un temps d’arrête avant d’acquiescer…Il a tourné les talons…et moi je me retourne vers la sépulture de Ma Dame.

Vous le saviez n’est ce pas…vous le saviez et vous avez gardé le secret... Comment affronter un passé aussi douloureux et chaotique… Vous saviez…

Je suis resté dans mon refuge…la serre… jusqu’à ce que la lumière ait totalement disparue… Une peur enfouie…pire que tout ce que j’ai pu vivre…des démons enfermés dans une boite…pourquoi…qui l’avait ouverte… ce ne pouvait être elle…m’envoyer dans le Tartare…sans préparation…La destinée est-elle si friande de cruauté ? Je dois résister à la tentation…mes mains tremblent…une fiole de secours dans ma manche… Je ferme les yeux avant de monter…je m’assois avant de l’affronter…le visage dissimulé entre mes mains j’essaie de ne réfléchir à rien…la tentation…Je prends une profonde respiration…me remets avant de me redresser…
Les marches me semblent moins longue qu’à l’accoutumée…ma chambre trop proche… Dans l’encadrement…sa silhouette semble m’attendre.


- Pourquoi ne se réveille-t-elle pas ? Qu’est ce qu’elle a ? Tu lui as donné quoi ?

Cette partie que je croyais envolée en moi me fait me dresser, hautain. Un retour de dix ans au moins… J’essaie d’oublier…me persuade qu’il ne m’accuse pas…

- Elle est arrivée salement amochée… j’ai joué mon rôle de médecin…ce sont les plantes qui l’aide à dormir…pour ses agitations…ce ne sont pas ses plaies…Désolé…je n’ai jamais su soigner l’âme…je suis juste spécialisé dans les corps…


- Je ne…voulais pas te froisser…ce sont ses lettres qui m’ont…chamboulées.

Je le retrouve l’ange aux ailes froissées…il n’a pas changé…toujours aussi protecteur alors qu’elle est devenue femme…cette pointe de jalousie qui renait tel le phœnix de ses cendres…comme si le temps avait suspendu sa course juste en sa présence…dans un tripot…une bouteille d’hypocras à moitié vide…les étoiles dans ses yeux, l’émotion…la fougue… Elle le centre de nos discussions…le phare…Il l’a toujours inclus…je me suis toujours demandé la place réelle que j’avais dans leurs vies…dans la sienne surtout…qu’étais-je…quelle place me réservait-il…
Là encore…la seule chose qui l’intéresse…c’est elle…je sais qu’il n’est venue que pour ça…mais il aurait pu…juste une fois…une seule petite fois…penser à moi…


- Tu…tu ne comprends pas ? J’avais réussi à vous oublier …moi ! Vas t’occuper d’elle ! Elle a besoin de toi…elle a toujours eu besoin de toi ! Je n’ai toujours été qu’une entrave…toléré…C’est sorti sans que je puisse me retenir…juste pour faire mal comme j’ai eu mal…comme j’ai mal… Je n’ai pas envie de l’écouter…Il est trop proche…j’ai besoin de…je ne veux pas qu’il soit là…je n’ai pas besoin de ça…comme un forcené je cherche la fiole…ce soir…je ne veux plus revivre… Non Gabriel…s’il te plait…

Dernière supplique avant de fuir dans les escaliers…dernier sursaut avant de redevenir le Pierrick adolescent…
--Vierge_noire
Je crois que j'ai réussi Maha... Je crois que... Je suis libre...

Sa peau semble être le champ de bataille d'une nouvelle guerre mortelle entre le sang reprenant ses droits et l'engourdissement nocturne, entre des muscles fatigués par ses errements, la fièvre et sa volonté les contraignant à se réveiller. Par les Enfers, quelle douleur... Par les Enfers, quelle malédiction... Revivre chaque matin arraché au gouffre ses combats, ses tortures, son erreur... Revivre chaque matin ce flamboiement insupportable... Et, petite cerise sur le gâteau écrasé de son corps, ses poumons lui semblent lourds... Si lourds...
Si lourds de cette fragrance qui noue son ventre... Noue ses pensées... Cette fragrance légèrement épicée... Epices d'orient ramenés par bateaux entiers quand les pirates daignaient les laisser passer... Ce musc si rare, si fort, si envoûtant... La première fois, elle avait... Six ans... Au réveil de ces semaines d'ombre, sa première conscience fut pour ce parfum... Leur père lui avait offert juste avant qu'il n'apprenne qu'elle était condamnée... La dernière, c'était dans ce grenier... Non... C'était dans une auberge... Non... C'était encore plus récent...
Un étau semble étreindre ses tempes aussi sûrement que sa poitrine. Le souvenir reviendra quand elle sera mieux réveillée. Pour le moment, elle lutte pour conserver ce petit nuage... Le souvenir du regard de sa soeur de coeur... Le souvenir du parfum de son frère de sang... Une larme roule sur sa joue... Encore une... Rejoignant les perles de sueur dans son cou moite d'avoir lutté toute la nuit... Une nouvelle flambée tord ses entrailles. Ce besoin impérieux de le voir revenir dans sa vie...


Suli... Suli...

Un gémissement s'échappe de ses lèvres desséchées, craquelées. Le murmure ouvre une brèche vers sa gorge, nourrissant le vampire qu'il lui semble être devenue de son propre sang. Le goût ferreux se distille, déclenche un spasme de nausée, pousse une nouvelle larme de deuil vers l'oreiller... La douleur reflue... Pas le musc... Menant une nouvelle vague de tristesse à l'assaut de la forteresse de ses cils...
Allez... Les enfants t'attendent...

La douleur se fait caresse... La faiblesse se fait étreinte... Les crampes se font berceau... Dans le néant blessé de ce réveil, une voix douce, chaude, rassurante fraie son chemin sans faillir...


- Je suis là mon Ilmarin... Tout va bien... Tout va bien...
- Suli... Suli...

Nouvelle grimace, cachée au creux du cou fraternel. Elle redevient cadette, agrippée à sa nuque, à ses épaules; elle redevient enfant fuyant le démon bien réel qui la traquait chaque jour entre les bras du Seigneur des Airs. Elle ne rêvait pas... Il était là... Elle rêvait... Il était venu...
A quoi bon les certitudes. Même si c'était un illusion, elle était trop douce pour ne pas s'y abandonner...
Les sanglots montaient plus sûrement qu'une marée d'équinoxe... Le noeud de sa gorge remontait vers ses lèvres. Et tout naturellement, une nouvelle vague de larmes répand ses perles éphémères sur la peau halée de Gabriel. L'énième destruction de son coeur. L'énième perte de sa soeur.


- Chut... Reposes toi mon Ilmarin... Je veille... Dors... La nuit est encore notre complice...
- Peux... Pas... Elle... Elle... Morte... Morte! Elle... Sans moi! Elle... Elle... Partie... Partie... Plus jamais... Plus... Compte...? Elle... Ma soeur... Amie... Elle... Refuse... Impossible... Ramène la... Ramène la... Pitié... Ramène la!
Un baiser léger, protecteur, se pose sur son front alors que ces bras tant aimés, tant honnis, tant cherchés se referment plus étroitement, recréent la bulle de leur monde, alors que la tête blonde retrouve sa place au creux de son épaule. Naturellement, comme si rien, ni le temps, ni les trahisons, ni les erreurs, ni l'espace, n'avaient pu détruire cette enceinte jalousement sauvegardée.
- Je sais ma forteresse... Je sais mais... Je ne peux pas... Je ne peux pas la ramener... Mon Ilmarin... Tu dois être forte pour eux... Et je le serais pour nous...
- Nooooon...
La voix de la jeune femme gagne les aigüs, refusant cette vérité trop éclatante, trop simple. Herakles avait sorti Thésée des Enfers dans les contes. La princesse Elfe avait sauvé le Prince humain dans les contes. Il ne pouvait que sauver Maharet et la ramener aux siens. C'était obligé, il est Sulimo...
Nooooon...


Un oiseau piaille, loin. Le jour s'infiltre entre les rideaux malmenés, joue sur le parquet sale, effleure la maigre couverture qui recouvre le frère et la soeur enfin réunis.
Combien de temps écoulé, dérobé, dissimulé, entre soupirs et murmures, sanglots et réconfort. Combien de distance comblée, juste parce qu'elle avait lancé un cri vers les étoiles. Combien de confiance retrouvée parce qu'il avait répondu au cri.
Doucement, ses paupières chassent la poussière de larmes d'émeraudes tristes mais enfin un peu apaisées.
Elle doit serrer les dents pour ne pas se laisser aller de nouveau. Son deuil ne fait que commencer. Mais elle a moultes promesses à honorer... Sa poitrine se gonfle d'une longue inspiration, recouvrant ses forces dans ce parfum qui lui a tant manqué, même si elle le niait farouchement.
Que c'est bon de redevenir petite et fragile sous son regard azuré...


- Tu as raison... Nous devons y aller... Je dois récupérer Tristan... Lucas... Lili... Récupérer le testament de... Le prénom s'étrangle dans sa gorge. Nouveau déni de l'évidence, elle ne peut pas coller ces deux mots dans la même phrase, c'est vicéralement impossible... Nous devons aller à l'Ephémère... Je dois récupérer quelques affaires là-bas... Et direction notre demeure...
Son front se pose contre le torse de son Ainé. Y puise sa force, sa détermination, sa volonté. Peau contre peau. Lumière contre ténèbres. Blonde contre brun. Emeraudes contre Pastels. Un seul et même sang, pourtant. Une seule et unique volonté...
Un sourire complice se mêle au sien. S'il est choqué par son visage déformé, l'entaille sur la joue gauche, il n'en dit rien. S'il est inquiet de la chaleur poisseuse qu'il avait deviné au creux de ses reins, il n'en dit rien. Si seulement il ne l'avait pas si souvent vu massacré de la sorte, il aurait pu offrir autre chose que son visage assuré et serein. Mais quand, chaque jour, vous avez contemplé les dégâts de la haine, ce qu'il devine être une simple bagarre vous semble... Futile...

Lentement, ils déplient leurs membres enchassés. Par murmures discrets, elle lui explique chaque geste, chaque massage devenu besoin d'avoir trop joué. A son tour de serrer les dents en contemplant les ravages qu'il n'a pu empêcher, en cherchant les loques dont elle se pare pour se cacher, en l'écoutant mentionner un anti-douleur fort peu orthodoxe. Mais à aucun moment, il ne la juge.
Le poignard de la culpabilité s'enfonce dans son coeur.
Chacun son châtiment...


- Pierre? Pierre? Nous devons parler! Pierre!
_________________
--Pierrick_entheogenus
[L’aurore esquisse au fusain les ombres naissantes… pour que celles du passé ressurgissent…]

Je ne peux pas, ne veux plus les affronter…j’en suis incapable. Un long frisson me glace, transperce chaque fibre de mon corps de ses fines pointes acérées. Le destin me prend pour son pantin…je n’en peux plus…ils sont trop…il est trop proche…j’emprisonne ma tête entre mes mains, l’étau se resserre, ma gorge comprimée comme lorsqu’Ilmarin tentait dans sa rage de m’ôter la vie mais cette fois c’est la culpabilité, le passé qui reprend ses droits. Comment ai-je pu avoir la naïveté de croire que je pourrais lui échapper alors que la faucheuse se joue de moi ? Un haut le cœur me saisit, je me penche juste à temps pour voir traverser sur le seuil de mes lèvres un mince filet jaunâtre. Un relent me secoue. Spasmodique la bile en essaim ravage mon œsophage, brûle et décime tout ce qu’elle traverse pour terminer sa course en cascade continue sur les marches de l’escalier. Je me retiens tant bien que mal à la rambarde pour ne pas basculer plus. Le cri de désespoir que je ne pousserai jamais se déverse là sous une forme visqueuse, les larmes dans leur berceau refusent d’alimenter mes yeux désespérément secs. Plus ma gorge se noue, plus l’acide pourlèche l’intérieur de ma paroi, l’entaille de manière à ressentir vivement chacun de ses passages. Je ferme les yeux et laisse tout ce fiel éructer par ma bouche. Cela me calme, les convulsions s’apaisent, mon estomac dans un dernier effort se contracte pour laisser de nouveau l’air filtrer.

Je me relève, avec le revers de ma manche de chemise j’essuie les dernières traces de ce tribu. Souillée, je la remonte jusqu’au dessus du coude, pas un seul regard pour cette flaque que je ramasserai plus tard ou du moins la couvrirai avec de la sciure. Ce n’est pas la première fois que mon corps s’exprime de la sorte mais souvent, il attend de me savoir complètement raide pour se venger de mon attitude. Mes pas, n’ont plus besoin de moi pour me mener dans le seul endroit où je trouve refuge. Retourné, j’ai besoin de ma dose. Je sais que j’ai dit que je m’abstiendrais le temps de sa présence…je suis humain…Ma Dame…pourquoi…pourquoi m’avoir tu son identité…pas une seule fois vous ne m’avez fait de son entendu…l’aurai-je seulement perçu si cela avait été le cas ? Ma Dame…Maharet… je…je ne suis pas capable de tenir ma promesse…trop de souvenirs…douloureux…votre confiance…EGOISTE ! Perfide et égoïste ! Je vous hais Ma Dame…je vous HAIS et je vous aime… fallait pas m’abandonner…me laisser là faire le sal travail. Me pensiez-vous assez courageux pour les affronter ? Ma perte n’était-elle donc pas assez conséquente… Je suis mort dans ce passé… La colère gronde en moi, aveugle et sourde contre celle que je ne cesse d’aimer.
Pourquoi prendre une fiole alors que je peux à la source gouter une gorgée de mon oubli. Non distillée la drogue semble compactée, quelques gouttes, quelques larmes aussi amères que douce sur mon palais fondent. Pour m’effondrer à même le sol les pupilles dilatées.


[Rêve enfiévré d’un souvenir ancien ou l’obsession d’une blessure à vif…]


- Allez arrête de faire l’enfant et montre-toi !

D’où viennent ces voix… Est-ce un songe ? Même dans mes rêveries les plus douces je n’entends jamais ma fleur de Lys… Ces intonations sont bien trop réelles pour que cela soit un rêve… suis-je toujours dans ma serre ? Je tends l’oreille intrigué.

- Non! Je ressemble à rien! Autant y aller en robe plutôt qu'avec ces oripeaux! Fait la voix d’une une jeune fille tremblante de dépit coléreux, des bottes et des habits d'homme! Tu avais promis!!

Un sourire nait sur mes lèvres, mon œil s’illumine. Cela ressemblait tant à la fois où Gabriel et moi avions décidés d’habiller Marie… Comme nous avions ri en piochant dans les malles à la recherche d’habits passés. Comme à l’époque elle avait déjà une belle taille, il avait fallu monter au grenier. Et lorsque nous étions tombés sur de très anciens, mu par une taquinerie qui nous distinguait, nous les avions emportés aussi. Nous savions en passant la porte que les premiers présentés seraient trop petits mais rien que pour voir sa moue boudeuse nous l’avions tenté.

- Mon Ilmarin…la voix grave de Gabriel à présent…je ne l’ai pas oublié même lorsque nous étions adolescent, trahissant à peine le rire montant. Je te dis que c’est ceux que je portais l’année dernière…ils ne peuvent que t’aller…à moins que tu ne sois une grande gigue…je ne vois pas pourquoi tu les méprises tant…

Je revois encore la porte du cabinet de toilette s’ouvrir en claquant contre le mur…comme dans cette scène qui se joue là, devant moi. Nous avions profités d’être seuls au domaine pour jouer au tailleur. Catherine depuis le retour de son neveu voguait de réception en réception qu’elle organisait pour lui et nous dans la chambre en train de rire aux éclats en voyant la mine boudeuse de Marie. Le pantalon comme escomptait lui arrivait aux genoux et la chemise si cintrée qu’elle ne pouvait se fermer. Je me rappelle de mon rire bruyant, aux larmes et la mine renfrognée soudain de Gabriel en voyant sa sœur.

- Et bien je suis une grande gigue! Regardez! Je ressemble à rien! Pareille à mon souvenir elle se dirige vers son lit, surement pour en extirper les frusques largement trop grandes et usées qu'elle cachait. Je reprends mes affaires alors!

- Marie ! Claquant dans l’air, l’intonation impérieuse de mon ange aux ailes froissés. Pourquoi ne pas avoir mis les bandages avant de t’habiller… Il a comme avait mis un froid soudain dans la pièce. Je crois qu’à l’époque, il n’avait pas eu conscience de sa façon de parler car déjà, il s’était radouci. Mon Ilmarin… il s’approche d’elle…encore… pour la serrer contre lui alors que son expression interdite la fait rougir. Nous allons te laisser seule pour te changer… son expression confuse en me regardant, la cachant à ma vue. Dépose ce que nous avons apportés dans le cabinet…elle doit se hâter si nous voulons profiter de la soirée…

Jusqu’alors, je n’avais pas remarqué que la gamine avait grandi, la chair nacrée et rebondie montrant les prémices de la femme. Je n’avais rien dit, pourtant, quelque chose changea en moi et même si pendant longtemps je me le suis caché, je découvrais les premiers émois à découvrir la splendeur d’une forme devenant généreuse.

Le plateau changea de décor. Mon médicament me fait jouer sur les flous, il me donne l’impression d’être dans une représentation du théâtre populaire. Une fumée dense imprègne mes paupières, les yeux rougis, je sens l’alcool dans mon haleine. Ma main sur une épaule presque nue, posée, caressante. Mon souffle devient court. Je passe ma langue sur ma lèvre supérieure, pâteuse, ma bouche a du mal à articuler. Je connais cette sensation pour l’avoir ressentie plus d’une fois… où suis-je à présent… Je tente laborieusement de tourner la tête, un vertige me prend. L’ai-je fait en vrai ou…


- Elle était ma forteresse…elle m’a déchue…

De nouveau mon compagnon…à quel moment était-ce…ma mémoire me fait défaut…mes doigts glissent sur sa gorge, si douce…il se laisse faire, il ne me voit pas…m’a-t-il déjà vu ? J’approche mon front du sien, gris contre azur.

- Tu es vengé Gabriel… mes lèvres éméchées susurrent.


J’ouvre en grand mes yeux. Je me souviens…mon cœur rate un battement. Non, ne dis rien…tais-toi…j’étais là, j’ai tout vu…tout dit…Je me crie de ne rien dire, vaine tentative, je cauchemarde, je suis sous l’emprise de la drogue. Je vais tout lui raconter je le sais…je vais le perdre…encore…mes bras sont lourds, je me débats avec l’apesanteur pour sauter sur celui qui semble être moi. Mon corps cloué ne s’agite même pas. Impuissant, pas même la force de cacher mes yeux, je regarde mon autre moi nous mener à ma perte.

- Vengé, dis-tu ? Son rire amère raisonne. J’ai tout perdu…TOUT tu entends, Pierrick ! Il se lève, arpente la chambre que nous avions l’habitude d’occuper les soirs de beuverie. Tu sais ce que ça veut dire… tu sais ce que j’ai vécu ? Non, bien sur que non… je n’ai plus rien… Et elle me le paiera… elle était mon souffle…ma raison…elle m’a abandonné, laissé de côté, deux ans… J’ai souffert mille morts… Je me tiendrais droit dans la chapelle et ELLE l’épousera… qu’elle sache ce qu’être piégé et anéanti signifie… Je devrais même te remercier d’avoir voulu la séduire. Elle n’est plus rien…elle est morte pour moi.

Chien fou alcoolisé, je me jette sur lui. J’enlace mon ange. J’ai vraiment cru être le rédempteur…si seulement lui comme moi avions gardés en mémoire que Catherine et Pons étaient des êtres malfaisant, alors Gabriel ne lui en aurait jamais voulu et moi…moi j’aurai trouvé un moyen de la voir et de lui parler… j’avais choisi la solution de facilité. Délaissé, j’avais sombré corps et âme dans le jeu et la boisson. Ils me manquaient tant… je n’avais qu’eux…ils étaient ma famille, mes amis… et ce brusque changement avait laissé comme un vide. Je me souviens de son retour, de son changement. Il n’avait plus rien du Gabriel que je connaissais. L’ange n’était plus, en face j’avais un être mort au regard noir et méprisant. Nous avions correspondus pendant plus d’un an d’absence, il me cachait beaucoup je le sentais mais je ne pouvais lui en vouloir, il me parlait de son Ilmarin et de son manque de réponse. Chacun de ses vélins étaient attendus jusqu’à ce que je ne reçoive plus rien. Le choc…

- Tu peux me remercier mon frère… sans moi…elle serait impunie…la petite princesse aux yeux de ton père. Je me vantais parce que je me pensais dans mon bon droit, je voulais tout lui raconter. Les circonstances, le piège, tout ça je l’avais fait pour lui. Son corps s’était raidi au fur et à mesure de mon récit. Que dire aujourd’hui ? Pardon mes amis…pardon d’être la cause majeur de votre errance ? J’ai été sot…je me suis laissé acheté, je ne vaux pas mieux que votre mère…Si vous saviez…j’ai vécu longtemps dans la douleur de vous avoir perdu…je ne vous méritais pas…


- TU AS QUOI ? Pas toi Pierrick… Il s’était retourné brusquement, m’avait repoussé. Pourquoi l’avoir piégé… Il avait compris bien avant moi la machination.

- Pour toi ! Pour qui d’autres ? Ma voix s’était faite plaintive, elle fait encore écho dans mon présent. J’avais réussi à l’étouffer. Je voulais


- Qu’as-tu fais…qu’avons-nous fait…nous la leurs avons offerte… Je le revois trembler, devenir fébrile. Il s’était mis à arpenter la pièce enfouissant ses doigts dans sa longue chevelure de jais. Ses iris s’agitant au rythme de ses pensées. Je dois rentrer…

Au moment ou je me mets à crier à mon autre moi de le suivre, de le soutenir comme j’aurai du le faire au lieu de rester les bras ballants sans rien comprendre, je sens qu’on me secoue sans ménagement, je tente de toute mes forces de me raccrocher à cette image pour hurler…peine perdu, mes yeux s’ouvrent sur une réalité douloureuse. Il m’a fallu quelques secondes pour comprendre qu’elle s’adresse à moi. Et si je lui disais qui je suis ? Assumer enfin le châtiment qui est mien, faire un pied de nez à la faucheuse en m’offrant sans défense à cette furie.

- Parler…Je sens qu’on me soulève, ça ne peut être que mon ange aux ailes froissés. J’ai envie de lui cracher "lâche-moi" je n’en fais rien. Je me contente de plisser les yeux en essayant de les ouvrir complètement. J’ai mal…si mal… Très bien…laissez-moi un moment pour me rafraichir et nous discuterons de votre paquet…il s’agit bien de cela n’est ce pas ?
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