--Vierge_noire
[... Comme des vagues de tendre feu...]
Le soleil accompagne de nouveau leurs pas et la lune berce de nouveau ses nuits sans sommeil.
La mélancolie gagnait, tour après tour, la partie d'échecs contre l'euphorie artificielle et les remèdes anesthésiants. Les boursouflures de son visage régressaient, les lèvres se reconstruisaient, la pommette et l'arcade ne garderaient peut-être même pas de fine cicatrice, pour une fois. Physiquement, elle récupérait plutôt bien.
Mentalement, c'était un désastre.
Non qu'elle fut mal entourée; au contraire. Cependant, aucun membre du quatuor ne pouvait infléchir le passé. Ne pouvait combler ce vide dans son coeur. Ne pouvait remplacer son rire espiègle et son regard si pénétrant.
Ma soeur de coeur... Où es-tu partie sans moi...
Pourtant, ils la comprenaient. Connaissaient assez l'Envolée et leur relation si particulière pour savoir ce qu'elle devait ressentir. Ils prenaient leur temps, leur mission maintenant accomplie. Quelle urgence, leur avait-elle soufflé de ces lèvres craquelées? Celle de te soigner et de lui rendre un dernier hommage, avaient-ils insisté. Je l'ai abandonné... Non, elle t'a laissé partir, ne lui ôte pas une de ses dernières volontés.
Son regard se détournait souvent, vers le paysage lointain, flou, brumeux. Les larmes coulèrent sur le parvis de cette vicomté maudite. Maintenant bloquées dans sa gorge, sous un noeud infernal. Les émeraudes revenaient après de longues minutes, claires et limpides, assurées. Comme si de rien n'était.
Ca fait mal... Je sais... J'aurais voulu tant lui dire... Elle te connaissait assez pour le savoir... Savoir et entendre n'est pas toujours si proche... Arrête de te faire souffrir... Mais elle...
L'Enrêvée n'était pas dupe des regards en coin de ses compagnons, l'incompréhension et les questions silencieuses, la surveillance discrète alors qu'elle avait repoussé la nouvelle fiole d'un geste ferme. Tes soins réclament repos. Je me suis bien assez reposée. Si mes traits causent la peur, je serais en paix.
Enfin, à la veille de l'arrivée, les plus jeunes couchés, elle dénoue sa tenue de voyage et enfile de vieilles nippes achetées pour une bouchée de pain moisie. Nulle inquiétude ne doit te hanter. Je ne serais pas seule là-bas et je dois savoir avant de retrouver le petit. Tu veux surtout lui dire adieu seule, je me trompe? S'il te plait...
Un dernier sourire grimaçant, la peau encore jeune sous les croûtes supportant mal les étirements, une caresse tendre d'une main mourrante et seules les volutes des premiers rayons lunaires enveloppent les hardes soulevées par le vent.
[... Laisse toi porter vers un nouveau matin...]
Vala bien un bordel qui leur était coutumier. Evidemment, elle n'avait pas eu le temps de visiter le domaine; à peine vassale, déjà...
Sa salive glisse amèrement dans sa gorge, tachant de se rappeler les indications de son amie. Déjà s'orienter de nuit était un pari; mais en plus, camouflée sur la large capuche mitée et avec la Blafarde comme compagne, c'était une gageure. En plus, ce bled mité n'avait même pas de crécelle! Même le simple plaisir de renouer avec ces hardes ne lui était pas accordée.
A quelques lieues d'éventuelles bornes de propriété, elle stoppe sa monture. Se plonge dans le silence lourd d'une campagne nocturne.
Tu l'avais connu, cette épisode ma Belle?
...
Mais si, je t'en avais sûrement parlé! Fais pas ta timide, viens rire avec moi de me voir me déguiser pour rencontrer celui que tu chérissais assez pour lui confier tes volontés! Non mais crois pas que je me méfie, je suis juste prudente. C'qui c'lourdaud que tu as ramassé?
...
S'il te plait... Reviens... Juste une minute... Un instant... Ris avec moi...
Seule une brise improbable secoue quelques feuilles au loin. Son souffle se coupe, encore, son visage l'élance violemment quand elle grimace dans la douleur d'une larme qui refuse de sortir.
Ma soeur de coeur... Qu'as-tu fait, une fois ma présence envolée...
Dans un soupir qui se serait presque voulu résigner, ses talons chatouillent les flancs de l'animal. Reprenant sa route dans ce silence de...
Mort...
Enfin, les ombres du Domaine apparaissent.
L'Ombre qu'elle était redevenue remonte les fossés jusqu'à trouver le chemin qui oblique vers le manoir. Sans qu'aucun gardien ne vienne l'interpeler... Les lieux prenaient doucement vie... Elle chercherait cet inconnu après. Rien que mentionner son existence faisait monter une rage folle en elle. Il savait et n'avait prévenu personne; ne s'était pas renseigné sur son entourage, avait ignoré tout contact extérieur. Peut-être même l'avait-il laissé mourir, qui sait?
Non décidément, elle ne pourrait le rencontrer avant d'avoir trouvé sa tombe.
Bien sûr, la Quête de la Pestiférée ne fut pas longue, ni très compliquée. Il suffisait de contourner les murs noirs et les fenêtres silencieuses, de marcher dans la jeune herbe souple pour gagner les terres environnantes. Les gazouillis cristallins d'un rû émirent peu à peu leur musique. La monture tourne alors vers un point d'eau - une mare, un étang, un lac? - aux rives dégagées, sauf d'un large saule aux bourgeons explosants. Libérée du poids infime de sa propriétaire, la jument empruntée s'éloigne pour brouter alors que ses bottes parcourent les derniers mètres, les sens aux aguets.
Je suis revenue... J'ai... J'ai tenu ma promesse...
Enfin les larmes jaillissent, coulent en silence sur ses joues meurtries, alors qu'elle tombe à genoux près de la terre encore fraîchement retournée.
Seul la musique légère du cours d'eau brisait le néant de l'instant.
La longue litanie de remords, regrets, rêves, cauchemars, souhaits s'égrène dans le secret d'un esprit cherchant le sien.
Tu as juste besoin de te soigner...
De faire tiens les mensonges...
Continue d'avancer et ne regarde pas en arrière...
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Le soleil accompagne de nouveau leurs pas et la lune berce de nouveau ses nuits sans sommeil.
La mélancolie gagnait, tour après tour, la partie d'échecs contre l'euphorie artificielle et les remèdes anesthésiants. Les boursouflures de son visage régressaient, les lèvres se reconstruisaient, la pommette et l'arcade ne garderaient peut-être même pas de fine cicatrice, pour une fois. Physiquement, elle récupérait plutôt bien.
Mentalement, c'était un désastre.
Non qu'elle fut mal entourée; au contraire. Cependant, aucun membre du quatuor ne pouvait infléchir le passé. Ne pouvait combler ce vide dans son coeur. Ne pouvait remplacer son rire espiègle et son regard si pénétrant.
Ma soeur de coeur... Où es-tu partie sans moi...
Pourtant, ils la comprenaient. Connaissaient assez l'Envolée et leur relation si particulière pour savoir ce qu'elle devait ressentir. Ils prenaient leur temps, leur mission maintenant accomplie. Quelle urgence, leur avait-elle soufflé de ces lèvres craquelées? Celle de te soigner et de lui rendre un dernier hommage, avaient-ils insisté. Je l'ai abandonné... Non, elle t'a laissé partir, ne lui ôte pas une de ses dernières volontés.
Son regard se détournait souvent, vers le paysage lointain, flou, brumeux. Les larmes coulèrent sur le parvis de cette vicomté maudite. Maintenant bloquées dans sa gorge, sous un noeud infernal. Les émeraudes revenaient après de longues minutes, claires et limpides, assurées. Comme si de rien n'était.
Ca fait mal... Je sais... J'aurais voulu tant lui dire... Elle te connaissait assez pour le savoir... Savoir et entendre n'est pas toujours si proche... Arrête de te faire souffrir... Mais elle...
L'Enrêvée n'était pas dupe des regards en coin de ses compagnons, l'incompréhension et les questions silencieuses, la surveillance discrète alors qu'elle avait repoussé la nouvelle fiole d'un geste ferme. Tes soins réclament repos. Je me suis bien assez reposée. Si mes traits causent la peur, je serais en paix.
Enfin, à la veille de l'arrivée, les plus jeunes couchés, elle dénoue sa tenue de voyage et enfile de vieilles nippes achetées pour une bouchée de pain moisie. Nulle inquiétude ne doit te hanter. Je ne serais pas seule là-bas et je dois savoir avant de retrouver le petit. Tu veux surtout lui dire adieu seule, je me trompe? S'il te plait...
Un dernier sourire grimaçant, la peau encore jeune sous les croûtes supportant mal les étirements, une caresse tendre d'une main mourrante et seules les volutes des premiers rayons lunaires enveloppent les hardes soulevées par le vent.
[... Laisse toi porter vers un nouveau matin...]
Vala bien un bordel qui leur était coutumier. Evidemment, elle n'avait pas eu le temps de visiter le domaine; à peine vassale, déjà...
Sa salive glisse amèrement dans sa gorge, tachant de se rappeler les indications de son amie. Déjà s'orienter de nuit était un pari; mais en plus, camouflée sur la large capuche mitée et avec la Blafarde comme compagne, c'était une gageure. En plus, ce bled mité n'avait même pas de crécelle! Même le simple plaisir de renouer avec ces hardes ne lui était pas accordée.
A quelques lieues d'éventuelles bornes de propriété, elle stoppe sa monture. Se plonge dans le silence lourd d'une campagne nocturne.
Tu l'avais connu, cette épisode ma Belle?
...
Mais si, je t'en avais sûrement parlé! Fais pas ta timide, viens rire avec moi de me voir me déguiser pour rencontrer celui que tu chérissais assez pour lui confier tes volontés! Non mais crois pas que je me méfie, je suis juste prudente. C'qui c'lourdaud que tu as ramassé?
...
S'il te plait... Reviens... Juste une minute... Un instant... Ris avec moi...
Seule une brise improbable secoue quelques feuilles au loin. Son souffle se coupe, encore, son visage l'élance violemment quand elle grimace dans la douleur d'une larme qui refuse de sortir.
Ma soeur de coeur... Qu'as-tu fait, une fois ma présence envolée...
Dans un soupir qui se serait presque voulu résigner, ses talons chatouillent les flancs de l'animal. Reprenant sa route dans ce silence de...
Mort...
Enfin, les ombres du Domaine apparaissent.
L'Ombre qu'elle était redevenue remonte les fossés jusqu'à trouver le chemin qui oblique vers le manoir. Sans qu'aucun gardien ne vienne l'interpeler... Les lieux prenaient doucement vie... Elle chercherait cet inconnu après. Rien que mentionner son existence faisait monter une rage folle en elle. Il savait et n'avait prévenu personne; ne s'était pas renseigné sur son entourage, avait ignoré tout contact extérieur. Peut-être même l'avait-il laissé mourir, qui sait?
Non décidément, elle ne pourrait le rencontrer avant d'avoir trouvé sa tombe.
Bien sûr, la Quête de la Pestiférée ne fut pas longue, ni très compliquée. Il suffisait de contourner les murs noirs et les fenêtres silencieuses, de marcher dans la jeune herbe souple pour gagner les terres environnantes. Les gazouillis cristallins d'un rû émirent peu à peu leur musique. La monture tourne alors vers un point d'eau - une mare, un étang, un lac? - aux rives dégagées, sauf d'un large saule aux bourgeons explosants. Libérée du poids infime de sa propriétaire, la jument empruntée s'éloigne pour brouter alors que ses bottes parcourent les derniers mètres, les sens aux aguets.
Je suis revenue... J'ai... J'ai tenu ma promesse...
Enfin les larmes jaillissent, coulent en silence sur ses joues meurtries, alors qu'elle tombe à genoux près de la terre encore fraîchement retournée.
Seul la musique légère du cours d'eau brisait le néant de l'instant.
La longue litanie de remords, regrets, rêves, cauchemars, souhaits s'égrène dans le secret d'un esprit cherchant le sien.
Tu as juste besoin de te soigner...
De faire tiens les mensonges...
Continue d'avancer et ne regarde pas en arrière...
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