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[RP] Le silence des armures; du sel sur nos sutures.

Judas
[Résumé des épisodes précédents...

Une promesse d'octroi de fief, quelques missives bretonnes. Une défaite Royale, un baptême à huis clos. Il tient souvent à quelques évènements au premier abord insignifiants de mettre en marche des groupes, et des armées aussi. Dans les faits, la rencontre de ces deux entités sonnait le glas de beaucoup.

Le coche avait été chargé à Nevers, tout le petit monde de Petit Bolchen avait été prié d'accompagner Judas lors de son déplacement supposé pour le Maine, où il devait voir de ses yeux ses futures terres de Courceriers - sauf Moran, resté au castel afin de garder les intérêts de son maitre - . Du moins, telle était la version de Judas servie à ses gens. Il y avait sur le fil de cette histoire un autre mouvement, plus tendancieux, qui le poussait à vouloir faire une halte à Angers afin de vérifier que la Montfort à qui il prêtait sa maison de campagne en pied à terre momentané gardait réellement le silence épistolaire pour l'agacer ou si elle se jouait de lui en lui faisant manger du boniment. Et dans les faits là encore, ladite bretonne courrait l'amant à Saumur, ce que Judas ne découvrit pas, étant donné la rencontre plutôt dramatique de son escorte et d'une armée faucheuse aux portes de la Tourraine, juste avant d'arriver à bon port.

Ainsi, les vaches et les secrets restèrent bien gardés.]


Une armée. Une armée entière. La suite, nous la devinons sans peine. Les cris, le sang, les pleurs, puis le silence. Ce silence qui accompagne les massacres, pesant. Judas Von Frayner en tête, le groupe avait éclaté aux portes tourangelles comme une vulgaire coque de noix sous les sabots d'un cheval. Au revoir l'amante, la servante, la perfide seconde main et la fossoyeuse de Petit Bolchen. Au revoir unité, il y eut une page arrachée sur laquelle était écrit les détails de leur retour à Bourges, sans doute ramenés par de bonnes âmes dans un prieuré austère. Deux jours passèrent avant qu'enfin les premières paupières ne s'ouvrent...

La pièce était grande, plantée d'une rangée de lits plus ou moins occupés selon l'état des estropiés qui les habitaient... Les bénédictins arpentaient l'écho poussiéreux du bâtiment aux fenestres hautes tout le long de la journée, psalmodiant quelques prières et délivrant des soins sommaires, Judas lui s'était d'abord muré dans le silence. Choqué, peut-être. Il avait immédiatement remarqué que parmi les pensionnaires, les écorchés, les éclopés, la présence de la Roide faisait défaut. Et qui mieux que la mort vidait les couches que les gardes-malades refaisaient pour les nouveaux arrivés... Une femme l'avait soigné, mais de ce visage et de cet accent breton, de sa propre agitation fiévreuse et de ses divagations il n'en garda que peu de souvenir.

Il y avait là l'enfant Eleonore, la silhouette mutique de l'Iris, le corps inanimé de l'Azraël, le visage figé de Nyam, le silence de Suzanne... Et Judas, le bras en écharpe, une lettre repliée entre les bandages. L'esprit était ailleurs, tourné vers Anaon. Les incidents sont souvent le fruit d'une punition divine, et avant même d'avoir pu s'accorder un réel renouement avec l'objet de son tourment depuis son retour, voilà qu'il l'avait de nouveau perdue.

_________________
L_azrael


    L’ombre noire planait de son air menaçant autour d’elle. Scrutant avec attention chaque une des coutures de son nouveau jouet. L’Azraël est une poupée désarticulé dont le corps ne répond plus. Allongé au sol des enfers, elle regarde les deux grands yeux de la silhouette fumeuse du démon qui fut rejoint par un second, puis un troisième, puis toute une foule oppressante de silhouette enfumée qui ricanait et palabrait sur son devenir comme si elle n’était pas là.

    Tuons là ! Haranguait le premier
    Il faut l’achever ! Acquiesçait un second
    Non ! Coupons-lui la jambe, nous verrons ensuite !
    Clamait un autre démon à la voix caverneuse.
    De toute manière, son sort est quasiment scellé. Elle va mourir.
    Murmurait tout bas une vieille infirmière au chevet de Constance. La pauvre enfant…

    La soignante sans âge prenait soin tant bien que mal de chacun de ses pensionnaires. L’Azraël était l’un d'eux. La plus meurtrie sans doute. Un corps inanimé qui respirait à peine. Constance était immobile, dénudée, avec pour seule parure un simple drap de toile qui ne cessait de s’imbiber de son sang par petit touche. Son cuir s’étant devenue passoire depuis l’attaque brutale des armées tourangelles.

    Le pire était sans doute à sa cuisse. Un trou béant, sanguinolent, menacé par l’infection à chaque minute. En attendant la prise de décision d’une autorité supérieur - voir divine - la plaie avait été nettoyé par les vivants, et remplie d’un cataplasme à la couleur rédhibitoire et à l’odeur immonde. Sans doute que si elle avait été consciente l'ange leur aurait fait bouffer l'horrible mixture dont ils la tartinaient. Salopiot ! En attendant un improbable réveil de la croque mort une interrogation planait. Couper et ne pas couper cette jambe ? Telte était la question pour les médicastres de campagne...

    Dans la hiérarchie des blessures de Mitaine, venait ensuite celle de sa tempe. Là où son maigre corps fuyait sans discontinuer, constellant son édredon de tache rouge comme un champ de coquelicots. Cette blessure-là avait transformé la vaste plaine de ses souvenirs en une jachère chaotique. Un désert aride ou rien ne poussera plus jamais… Et ce n’est pas plus mal. Ainsi elle ne se souviendra jamais de ce qui avait causé sa perte. Le visage de ce soldat inconnu. Sa pelle qui s’abat sur elle. Le contact froid avec le fer. Le sol. Le noir total…

    La voilà donc inconsciente sur ce lit inconnu avec une seule question en tête... Qui enterre les fossoyeuses?

Judas
Les jours passèrent et se ressemblèrent. Seule Suzanne montrait réel signe de vie, et peu à peu elle sortit de sa couche. Ce ne fut pas glorieux, quelques pas pour commencer, puis une ébauche de conversation. Tant que l'esprit restait combattif, le corps pouvait se remettre de tout; ou presque. Gardant le chevet de ses ouailles, le Von Frayner n'était pas vraiment sorti de son mutisme, les rares moment où ses lèvres se décelaient étant réservé aux questions qu'il posait à Suzanne au sujet de son état. L'Anaon n'était pas reparue, Judas accusait le coup. Las, usé, les blessures visibles guérissaient lentement, pour les autres... Il tentait de les masquer sans succès.

La lettre de Marie avait enfin trouvé une réponse, réponse brève et monocorde. Réponse plus explicite qu'il n'y paraissait. L'homme accueillait une déprime certaine, trouvant le jour et la nuit aussi insipide que l'eau des bénédictins, ainsi il décida de laisser de coté toutes les préoccupations qui pavaient jusqu'à lors sa vie, se consacrant à l'état de celles qui ne l'avaient pas quitté depuis la Bourgogne, ses petites gens...

Un soir où les cernes lui faisaient le visage creux et le teint maladif et où la jeune Suzanne semblait avoir trouvé le sommeil, Judas vint se poser au chevet de l'Azraël. Il contempla son visage figé, la cadence régulière de sa respiration. Le temps où il prenait un malin plaisir à l'accabler lui sembla si loin et dérisoire. Le remord faisait son nid, là au milieu de toutes ces literies abritant les corps abimés de ses subordonnées. Le Très Haut avait décidé de le lester du poids de ses actes passés qu'il vit un à un reprendre vie dans ses pensées. S'il était du groupe le moins éprouvé physiquement, c'était bien le châtiment de son dieu afin qu'il ait tout le temps et la force nécessaire pour prendre conscience du fruit de ses actes.

Le le corps vandalisé de la Frêle Nyam. Les coups de fouets près du bois dans le dos de l'Iris. l'Azraël chassée du castel. La faiblesse de l'enfant Eleonore, qu'il avait trompée d'une perfidie d'adulte. Les larmes de Suzanne lors du retour de l'Anaon.

Non, Judas n'en avait épargné aucune, et pourtant elles l'avaient suivit. Fidèles et dévouées, les femmes qui portaient le satrape n'avaient eut de cesse que de le pardonner là où lui ne faisait jamais clémence. Sa main libre vint se poser fugacement sur le front lisse de la fossoyeuse, s'assurant que la fièvre n'était pas revenue. En silence, Judas pria pour elle, puis pour toutes les autres qu'il ne mériterai jamais. C'est beau un homme qui se repent. Si seulement c'était dans sa nature...

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Suzanne
Et parce qu’il fallait vivre, et parce qu’il fallait se battre encore et toujours… elle se forçait à se lever, au prix de tiraillements sur ses coutures, menaçant de se rouvrir à chaque pas vif.

Dés qu’elle reprit conscience et qu’elle fut capable de se tenir sur ses jambes, elle fuyait. Oui, elle fuyait cet endroit. Parce qu’elle ne pouvait pas rester, elle n’y arrivait pas. Préférant l’inconfort d’un banc un peu raide au coin d’une taverne, à la rugosité d’un drap de lin qui lui arrachait la peau à chaque mouvement… mais ce n’était là que l’excuse officielle… l’officieuse était bien plus lâche… Oui, elle faisait preuve de lâcheté…

Ne pas regarder ses compagnes de route, embarquées dans la même galère… blessées tout aussi grièvement… toutes échappées de peu à la mort… pour le moment. Seuls Anaon et Judas avaient été épargnés… au regard de ce qui avait été infligé aux donzelles sans forces… sinon celle de suivre le Maistre…

Lui en vouloir ? Pourquoi faire… ? Était ce de sa faute ? Pas cette fois non… Mais un étrange sentiment envahissait le cœur de Suzanne, comme si il s’était vidé de toute chaleur, de tout battement. Et elle continuera à sourire pourtant, se taire à juste titre, parler si le faut… faire comme si... mais savait pertinemment que la brèche ouverte en elle ne se referma pas… de sitôt en tout cas.

Quand elle revint pour se reposer, Judas était là, mutique… elle ne le regarda pas comme le faisait ordinairement, et regagna sa place, passant près de Nyam en réajustant le drap à ses pieds… geste anodin… ridicule sûrement… qu’importe, plus rien n’importait d’autre que leurs souffles, signes fragiles qu’elles vivaient encore. Elle se coucha, le visage grimaçant, pour sombrer dans une léthargie peuplée de rires mauvais et de regards tristes… elle pensera à écrire à Oro.. qui lui a sauvé la vie, puis au Patron… puis…
Judas
Trois missives s'en vont

Citation:
Moran,
Mon ami,
Mon fidèle sénéchal,

Je te fais parvenir ce pli avec un regret certain, moi qui pensais que je n'aurai à raconter que les terres de Courceriers et mes impressions quant à notre futur duché. C'est en chevauchant vers le domaine royal que notre progression fut stoppée, plus exactement chez les tourangeaux qui une fois de plus assoient leur réputation avec leurs armées bourrines, bras sans têtes. Mon ami, les femmes ont été blessées, le coche est mort sur le coup et l'Anaon a disparue. Me voilà seul au chevet de toutes, ironiquement, j'oscille entre la compassion et l'abbatement. Je sais que tu es à Petit Bolchen, je sais que tu devais y rester seul plus longtemps, mais le Très Haut semble compromettre ta tranquillité lorsqu'il me sème un champ de mort sous les pieds. Nous sommes chez les bénédictins, et même dans la maison divine je ne sais quelle conduite tenir. J'envoie ce jour ma Rosalinde chercher la Roide, moi je n'en ai plus la force, je crains chaque jour de trouver un cadavre. Lisreux, me voilà en fâcheuse posture, je crois que j'ai besoin de ta sagesse.

Judas Gabryel Von Frayner.

Citation:

A vous ma marraine,
A vous baronne,
A ma future Suzeraine,
A Erwelyn Corleone

C'est à regret que je vous fais parvenir quelques nouvelles, souffrez que je les aurai voulues meilleures. Je suis blessé à Bourges avec mon escorte suite à l'attaque sournoise d'une armée de Tourraine lorsque je me déplaçais vers Courceriers pour aller visiter les terres que vous m'octroyez de si bonne grâce. Le bilan n'est pas fameux, je compte un mort et quatre blessées, une disparition aussi. Je suis pour ma part entier, quoi que le bras en écharpe chez les bénédictins. Le Très Haut m'a épargné, et malgré ces heures difficiles je n'ai de cesse que de l'en remercier. Ainsi je vois la surprise de ma visite par chez vous avortée, et j'en suis navré, gagez que ce n'est que partie remise... Où que vous soyez, mes sentiments les meilleurs vous accompagnent, gardez-vous de courir les routes.

Judas Gabryel Von Frayner.

Citation:


Rosalinde,
Oeil de Petit Bolchen,

Le bon jour vous va. Je ne sais si vous avez rattrapé le groupe ces jours derniers, cessez de courir, nous sommes à Bourges. Helas, moins fringuants qu'à notre premier passage, nous avons été purement et simplement balayés par les forces de Tourraine... De cette rencontre malheureuse, j'essuie avec difficulté la disparition d'Anaon, mercenaire au visage balafré qui nous accompagnait. L'heure est venue de mettre vos talents à mon service, puisque je vous paye pour cela. Retrouvez-là. Cherchez une bretonne, aux cheveux bruns et tressés à demi. Ses yeux sont bleus, sa peau est pâle, son gout pour l'alcool immodéré, à son cou une fiole . Cherchez une garçonne, cherchez les stigmates d'une vie bien remplie. Retrouvez-là.

Judas Von Frayner.

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Judas
Et s'en reviennent...

Citation:

Judas,
Cher Maître et ami,

Que voilà de tristes nouvelles. Je m'en vais de ce pas déléguer mes tâches aux domestiques les plus dignes de confiance et je viens vous rejoindre au plus vite. Je tâcherai de chercher Anaon sur la route, rappelez vous qu'elle est bien plus coriace qu'il n'y parait, elle n'aura pu succomber sans que vous ayez eu vent d'une ou deux victimes de ses griffes. Si aucunes nouvelles aussi macabres ne vous sont arrivées, c'est que la bougresse a du réussir à trouver un moyen d'échapper aux malheurs qui ont touché vos autres compagnes.
Dieu soit loué si vous vous en sortez indemne, mon maître. Je serai rapidement près de vous et des femmes afin de les aider à se rétablir au plus vite.
Mais de grâce, seigneur, je connais votre sang chaud et votre tempérament de feu, ne faites rien d'irréfléchi avant que je ne sois là, je vous en conjure.

Aristote vous met à l'épreuve une fois de plus, ensemble nous trouverons la solution à ce nouvel obstacle.

Que le Très Haut vous garde vous et vos femmes.

Me voilà déjà parti, considérez que je suis d'ors et déjà près de vous mon maître.

Moran Lisreux,
Votre fidèle Sénéchal

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L_azrael


    Du bouillon !!!

    Vous ne pouvez pas vous imaginez à quel point elle maudissait ce foutu bouillon de légumes. Eau croupie ou baignait quelques rebus végétale. Pas les plus beaux morceaux, la demoiselle est à l’article de la mort. La chair juteuse et coloré des carottes n’est pas pour elle, les fanes parcontre…

    Coincé dans le carcan de son inconscience, L’Azraël redoutait de plus en plus le désagréable rituel qui se répétait plusieurs fois par jours. D’abord il y avait l’odeur infâme, chaude et moite qui venait s’immiscer dans ses narines délicates, signe annonciateur de son supplice. Puis une présence près d’elle, une chaise qui grince douloureusement sous le poids de son bourreau, et cette main glacée qui se glisse sous sa nuque et la redresse. Dieu qu’elle exécrait de ressentir tout cela et de ne pouvoir rien faire… Encore bloqué dans son no man’s land, la fossoyeuse n’avait toujours pas montré signe de vie, mais cela ne l’empêchait pas de ressentir ce qu’il se passait autour d’elle depuis 5 jours maintenant. Et surtout ce gout infecte de soupe de légumes qu’on lui servait avec parcimonie plusieurs fois par jours sous prétexte de lui donner des forces. Elle n’en voulait pas de ses doses de « forces » qu’on lui coulait dans le gosier sans lui demander son avis. Elle en avait assez… Et le vingtième fut celui de trop. Les sourcils se froncèrent légèrement. La tête se tourna en une vaine esquisse.

    Sa première réaction au monde extérieur et elle sombra de nouveau victime de sa fièvre et ses divagations. A ses cotés la bénédictine regardait stupéfaite, le corps immobile sous le linceul blancs de son drap. Souillé de la potion qu'elle avait rejeter, sa patiente était en vie.



    Elle... Elle a bougé !! Sire !!

    Le regard de la nonne se pose sur Judas.
    Il pouvait y lire plus d'incrédulité et de stupéfaction que de joie.

Rosalinde
En parallèle au réveil de la Fossoyeuse, une lettre parvint.

Citation:
A Judas von Frayner,


    Je cherche donc.



Florie de Clairval.
R.

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Judas
Ha!

Judas s'étonne mais s'enthousiasme, comme une surprise qu'il crut ne jamais arriver, comme une promesse non tenue qui soudain s'exauçait. Elle avait bougé, peut-être parlé, elle était revenue parmi les vivants. Sautant sur ses pieds, il rejoint son chevet, contournant la couche de Suzanne et lui soufflant au passage un enjoué :


Je vous l'avais dit! La mauvaise herbe ne crève pas aussi aisément!


Les autres convalescents pouvaient bien crever, le Von Frayner ne se préoccupait que de ses femmes, et tant pis si son petit air heureux contrariait l'austérité des bénedictins.... L'Azraël était envie. Il poussa presque la robe de bure, cherchant à être la première vision significative de la fossoyeuse. Sa main libre vint se poser sur celle de l'Azräel, espérant qu'elle s'y réchauffe un peu. Son contact l'étonna, il était déjà brulant.

La voix cassée du brun se fit presque douce, il se pencha sur la Croque-Pelle.


L'Azraël...
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Suzanne
Sursaut d'entre les cauchemars incessants qui peuplaient les instants où elle osait fermer les yeux...

Elle a bougé oui, mais laquelle ? La réponse fut soufflée par un Judas ravi. Qui d'autre que L'Azrael nommait-il ainsi ...

Si Suzanne se sentit soulagée par la nouvelle, elle n'en restait pas moins inquiète pour Iris et Nyam et la petite 'Nore. Et l'impuissance qu'elle ressentait ne faisait que creuser l'état dans lequel elle s'enfonçait jour après jour.

Tout en se redressant pour suivre des yeux Judas se rendre au chevet de la fossoyeuse, un léger sourire étira ses lèvres. Au moins retrouvait -il de l'intérêt à quelque chose.

La brune mutique, elle, se leva avec prudence, jetant un coup d'oeil au bandage qui comprimait son flanc. Elle évitait les regards désapprobateurs des bénédictins... L'idée de se lever chaque jour pour aller arpenter quelques rues et autres tavernes, n'était pas la meilleure qui soit, mais c'était au dessus de ses forces que de rester là, entre ces murs.

Passant derrière Judas, regardant L'Azrael, Suzanne sourit encore. C'était qu'un simple mouvement, mais elle vivait.

Elle ira vite mieux.

Murmure, prière, souhait ? Regard aux filles... et jouer la fille de l'air, comme chaque matin... pour revenir après... plus tard... quand la douleur et la fatigue la rappeleront à l'ordre.
L_azrael


    Elle avait échappé à son calvaire, maculant sa couche de l’infâme poison qu’on lui avait servi. Ça lui brulait presque la peau d’ailleurs. Entre ça et la fièvre la petite ne manquait pas de chaleur. Elle en tremblait presque d’avoir trop chaud. Mais peu importe. La nonne, surprise par la réaction de la jeune femme, n’avait pas tenté un second essai avec le peu de bouillon qui restait au fond de son auge, c’était là le plus important. Ce fut la première victoire de la brunette sur la mort.

    Etonnée et fière d’elle, la bénédictine eut tôt fait de crier victoire à l’assemblée toute proche, provoquant un mal atroce entre les tempes de Mitaine et un remue-ménage autour de son lit. Dans son tourment une main vint se poser sur la sienne. Contact étrange qui venait se rajouter à la fièvre et au drap trempé qui la recouvrait.

    « L'Azraël... »

    Bien qu’elle ne comprenait pas ce qu’on lui disait, la signification de ce mot lui étant inconnue. La croque-pelle comprit cependant que pour la première fois l’une des voix qu’elle entendait s’adressait à elle. On lui parlait, et la blessée prit conscience qu’il y avait un monde en dehors de ses divagations fiévreuses. Il fallait qu’elle vive… Doucement, les doigts emprisonnés dans cette paume bouillante viennent entourer un doigt masculin et tente de l’étreindre bien faiblement. Les forces lui manquent. La mitaine s’épuise d’un rien. Mais elle est tenace... Doucement, les paupières se plissent sur ses yeux, les sourcils se froncent. Puis une lumière aveuglante fait son apparition dans son paysage. Tout est flouté, troublé. Ça lui fait mal au crane. C’est alors qu’une tache sombre, s’invite au tableau. Un visage. Le visage d’un homme. Un inconnu.


    J’ai chaud…

    Supplique à peine audible. Qui que vous soyez aidez-moi.
Eleonore...
[Au pays des rêves]

Il faisait noir, ni chaud, ni froid, le petit corps était vêtu d'une simple tunique blanche, mi-longue, ses cheveux onduler, lâcher, bouffer légèrement, quelques mèches bougeant, au gré d'une brise légère. Les petites mains, ramenèrent en arrière la longue frange droit, cachant souvent les prunelles chocolat. Elle regarda devant elle, rien. Le noir, le néant. Elle regarda ses pieds, nue ils étaient, elle fit un pas, sembla marcher dans le vide le plus total.

La frêle silhouette, fit quelques pas, elle semblait toujours flotter. D'où venait cette brise ? Une lueur s'approcha d'elle, bientôt l'aveugla, l'éblouissante lumière se tamisa, laissa les yeux de la jeune fille s'habituer à cette semi-obscurité. Ses yeux captèrent une silhouette recroquevillée .Alors, la petite Eleonore, approcha sa main, une main tremblante, un visage humain, se tourna immédiatement vers elle, un visage doux, de fillette, son visage. Son visage, oui, mais on pouvait largement voir, les dégâts subit par celui-ci. Une coupure légère à la joue, un bleu dans le cou. La deuxième Eleonore se leva, celle-ci se plaça devant sa double . En se levant,Eleonore vit que la blessée était un peu pâle, celle-ci possédée également quelques éraflures sur le haut de corps et sur ses longs membres fins. Les prunelles chocolat se croisèrent et le double, blessé dit, d'une voix semblable à celle d'un fantôme :


"- 'Nore, tu es attendu là-bas"

Puis Eleonore sentie un picotement dans ses mains,étrange, jusqu'à maintenant elle n'avait eu aucune sensation, elle vit le fantôme, s'avancer vers elle, puis la serrée contre celui-ci. Le corps fantomatique se fondit, la lumière s'intensifia jusqu'à aveugler complètement la jeune fille, qui gênée, ferma les yeux.

[De retour à la réalitée]

Premier mouvement. Et se sont d'horrible douleurs qui lui immobilise le bras. La même douleur, dans ses jambes, ses petites douleurs, lui arrache un petit gémissement. Quel horrible sensation! Elle se sentait aussi mal en point que lorsque ses frères lui avaient fait porter le lourd marteau de forgeron de leurs père. Le lendemain, ses bras l'avait fait souffrir, mais les douleurs avaient disparu quelques jours plus tard. Elle se souvenait également des rare longues marches faits, ces fois-ci c'étaient ses jambes qui avaient eu ses douleurs de quelques jours. Elle papillonna un peu, ses yeux s'habituèrent enfin à la lumière ambiante, pas aussi forte que celle de son rêve, mais suffisante pour l'éblouir, après les quelques jours passé dans le noir. La petite courageuse, tenta de se relever, mais abandonna bien vite, se souvenant de ses muscles douloureux. Nouveau gémissement de sa part.

Elle avait repris conscience, dans un effort qui lui arrache un gémissement, qu'elle retient, Eleonore caresse sa joue, elle sent du bout de ses doigts, la coupure. Descendant un peu plus bas, dans son cou, c'est vers ses clavicules qu'elle sentie une vive douleur, lorsque ses doigts se posèrent. Elle baissa la tête et pu voir une tâche bleu-mauve, ses petits doigts se posèrent dessus, elle grimaça de douleur. Faisant taire ses douleurs, elle put se redresser un peu, observa ses bras, ceux-ci avaient les mêmes éraflures que la frêle silhouette vue dans son rêve, surement avaient-elle leurs jumelles sur ses jambes. Elle était pieds nus, vêtu de sa tunique, presque épargnée, presque, celle-ci été légèrement déchirer vers le bas. Eleonore était surement tombée une énième fois.

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Nyam
Tout était flou dans l'esprit de la Frêle... Après son sauvetage par la Roide, elle avait mis des jours à se remettre suffisamment pour pouvoir aligner une pensée logique. Puis le Maître avait ordonné le voyage... Une charrette avait été préparée et l'esclave meurtrie y avait pris place, tendue et terrifiée qui ne s’apaisait que lorsque la Roide venait effleurer son front de ses doigts frais.

Et puis il y avait eu le chaos... Le bruit, les cris, le sang et la douleur encore... Et surtout, le vide... La disparition de l'Anaon... La disparition de sa mère... Mais tout était noire... La vie s'envolait du corps de la Frêle alors que les soldats s'acharnaient sur elle. Des coups d'épées et de poings gantés qui ravagèrent un peu plus le corps déjà meurtris de l'adolescente. C'était comme morte qu'on l'avait abandonné sur la route.


[Plusieurs jours s'écoulèrent...]

Chaque souffle était un combat, la Frêle se battait à chaque instant pour sa vie car elle avait promis... Promis à une mère, cette mère qu'elle s'était choisie... Les mains des étrangers qui tentaient de la garder en vie l'angoissaient car peu familière. La fièvre se mit dans ses plaies, elle qui était déjà si faible manqua périr emportée par l'infection. Mais le coeur continua de palpiter dans la poitrine fragile même si l'esprit semblait perdu pour de bon.

Mais la vie trouve toujours un chemin...

Et Nyam vivait encore, contre toute attente... Et c'est avec sidération que les serviteurs du Très-Haut virent s'ouvrir les yeux azurs de la Frêle. Le regard se posa sur rien, car si la vie avait repris son droit sur le corps, l'esprit lui avait du mal à réintégrer ses pénates. Elle resta complètement mutique, comme si sa tête avait été vidée de tout. Seuls les gestes réussissent à attirer l'attention de l'adolescente, qui fatiguait vite, fermant les yeux.

Il fallut plusieurs autres jours pour qu'enfin, une pensée émergea de cet amas de douleur. Une idée fixe et une terreur infinie... Celle d'avoir perdu cette nouvelle mère... Celle d'être seule encore... La main fine se crispa sur le drap et un murmure franchit ses lèvres.


Maître... Où est ma... Où est Anaon ?

Un appel au seul être qu'elle savait qu'il la chercherait plus que les autres... Il l'avait violé, il l'avait torturé, il l'avait brisé... Mais il était le seul à aimer la Roide suffisamment pour retourner la terre entière s'il le fallait pour la retrouver... Rien d'autre n'avait d'importance, et c'était la seule chose qui lui permettait de lutter contre son corps qui voulait mourir...
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*Frédéric Régent, Historien
Judas
Le réveil de l'Azrael en avait inspiré d'autres, au plus grand soulagement du Satrape. Celle-ci combattait la fièvre, mais son esprit semblait ailleurs. Il craignit immédiatement une Amblypyge bis, et redoutait les chuchotis des bénédictins dans leur dos. Esprit vide disaient-ils, passage du malin, esprit fol pouvait-il entendre encore. Judas restait sur la réserve, tentant de la nourrir et de faire tomber le mal qui l'habitait. Il se rendit compte combien servir une personne était délicat, et combien l'on pouvait appréhender toutes ses réactions. Lorsqu'elle se refusait à boire, il se trouvait désemparé. Lorsqu'elle semblait ne pas comprendre un mot de ce qu'il lui raconté, il se sentait impuissant. Frustrants ressentis, pensées contradictoires, servir était un sacerdoce. Pourtant, il fallait qu'elle revienne parmi eux, qu'elle reprenne sa place. Ironiquement, Judas aurait payé pour l'entendre lui servir un des sarcasmes dont elle avait le secret... Et pour voir ses yeux habités par autre chose que de l'interrogation.

Les jours passent et ne se ressemblent pas. La petite Eleonore avait repris connaissance, suivie de près par la Frêle qui défiait son sobriquet. Les mains religieuses s'affairaient, et rapidement les fillettes purent observer l'organisation minutieuse dont leur entourage usait pour les veiller et les voir reprendre un peu de rose aux joues. L'Iris elle ne bronchait pas, et subissait tout comme ses homologues le supplice du bouillon... Moran était en route, Rosalinde venait au rapport... Rapport qui ne plaisait guère à celui qui lui remplissait les poches.

Pas d'Anaon.

Alors, que répondre à la jeune esclave lorsqu'elle réclamait celle qu'elle portait en "sauveur"... La vérité, celle qui ne ménage pas, parce que Judas ne changerait jamais même face à l'adversité.


Anaon a disparu lors de... Enfin, j'ai envoyé Rosalinde à sa recherche. Maintenant, cesse de parler, tu dois reprendre des forces.


Regard à Suzanne, qui sombrait chaque jour un peu plus dans le silence. Il était temps que le Lisreux arrive, Judas étouffait, l'atmosphère de la convalescence a un gout d'éternité.
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Suzanne
Elle payait son audace d'être sortie du prieuré bien top tôt. Chaque jour qui passait pesait sur elle comme si les coups d'épées se répétaient inlassablement, martelant son corps autant que son esprit.

Elle dû se rendre à l’évidence… la force de sortir de là pour se rendre à l’abri contre un comptoir s’amenuisait… elle ne savait pas si ses blessures guérissaient correctement, et n’en avait cure. Ainsi, elle se trouvait plus fréquemment assise sur la couche de fortune, frigorifiée, autant sur la peau que dans l’âme, le nez plongé dans un livre de chasse.

Chacun de ses battements de cœur lui faisait mal, chaque mot qu’elle aurait voulu prononcer restait obstinément derrière la barrière de chair qu’elle ne desserrait même plus pour un léger sourire.

Et c’est un jour presque comme un autre, alors qu’elle lisait un chapitre passionnant sur l’art de chasser le sanglier, tout en imaginant ledit chasseur avec une moustache – on se demande pourquoi – que les bruissements et des murmures lui firent relever la tête.

Les filles… elles bougeaient. Enfin. Les yeux noirs de la brune allèrent de l’une à l’autre… soulagée. Oui, elle l’était, même si elle connaissait les sentiments que nourrissaient Nyam, en particulier, à son égard. L’un des torts de la brune étant de s’attacher, vite, trop vite. Paradoxe quand on sait la méfiance dont elle fait preuve envers ceux qu’elle ne connaît pas. Elle faisait du mal, sans le vouloir…

Elle aurait voulu aller près d’elles, leur sourire, rassurer… mais ça lui était interdit. C’est le regard de Judas qui enfonça le clou encore un peu plus… Mais il fallait faire face, se masquer encore… elle hocha la tête doucement : « elles sont sauves » L’ombre d’un sourire se dessina sur ses lèvres et posa le livre, attentive aux réactions des filles
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