Judas
[Résumé des épisodes précédents...
Une promesse d'octroi de fief, quelques missives bretonnes. Une défaite Royale, un baptême à huis clos. Il tient souvent à quelques évènements au premier abord insignifiants de mettre en marche des groupes, et des armées aussi. Dans les faits, la rencontre de ces deux entités sonnait le glas de beaucoup.
Le coche avait été chargé à Nevers, tout le petit monde de Petit Bolchen avait été prié d'accompagner Judas lors de son déplacement supposé pour le Maine, où il devait voir de ses yeux ses futures terres de Courceriers - sauf Moran, resté au castel afin de garder les intérêts de son maitre - . Du moins, telle était la version de Judas servie à ses gens. Il y avait sur le fil de cette histoire un autre mouvement, plus tendancieux, qui le poussait à vouloir faire une halte à Angers afin de vérifier que la Montfort à qui il prêtait sa maison de campagne en pied à terre momentané gardait réellement le silence épistolaire pour l'agacer ou si elle se jouait de lui en lui faisant manger du boniment. Et dans les faits là encore, ladite bretonne courrait l'amant à Saumur, ce que Judas ne découvrit pas, étant donné la rencontre plutôt dramatique de son escorte et d'une armée faucheuse aux portes de la Tourraine, juste avant d'arriver à bon port.
Ainsi, les vaches et les secrets restèrent bien gardés.]
Une armée. Une armée entière. La suite, nous la devinons sans peine. Les cris, le sang, les pleurs, puis le silence. Ce silence qui accompagne les massacres, pesant. Judas Von Frayner en tête, le groupe avait éclaté aux portes tourangelles comme une vulgaire coque de noix sous les sabots d'un cheval. Au revoir l'amante, la servante, la perfide seconde main et la fossoyeuse de Petit Bolchen. Au revoir unité, il y eut une page arrachée sur laquelle était écrit les détails de leur retour à Bourges, sans doute ramenés par de bonnes âmes dans un prieuré austère. Deux jours passèrent avant qu'enfin les premières paupières ne s'ouvrent...
La pièce était grande, plantée d'une rangée de lits plus ou moins occupés selon l'état des estropiés qui les habitaient... Les bénédictins arpentaient l'écho poussiéreux du bâtiment aux fenestres hautes tout le long de la journée, psalmodiant quelques prières et délivrant des soins sommaires, Judas lui s'était d'abord muré dans le silence. Choqué, peut-être. Il avait immédiatement remarqué que parmi les pensionnaires, les écorchés, les éclopés, la présence de la Roide faisait défaut. Et qui mieux que la mort vidait les couches que les gardes-malades refaisaient pour les nouveaux arrivés... Une femme l'avait soigné, mais de ce visage et de cet accent breton, de sa propre agitation fiévreuse et de ses divagations il n'en garda que peu de souvenir.
Il y avait là l'enfant Eleonore, la silhouette mutique de l'Iris, le corps inanimé de l'Azraël, le visage figé de Nyam, le silence de Suzanne... Et Judas, le bras en écharpe, une lettre repliée entre les bandages. L'esprit était ailleurs, tourné vers Anaon. Les incidents sont souvent le fruit d'une punition divine, et avant même d'avoir pu s'accorder un réel renouement avec l'objet de son tourment depuis son retour, voilà qu'il l'avait de nouveau perdue.
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Une promesse d'octroi de fief, quelques missives bretonnes. Une défaite Royale, un baptême à huis clos. Il tient souvent à quelques évènements au premier abord insignifiants de mettre en marche des groupes, et des armées aussi. Dans les faits, la rencontre de ces deux entités sonnait le glas de beaucoup.
Le coche avait été chargé à Nevers, tout le petit monde de Petit Bolchen avait été prié d'accompagner Judas lors de son déplacement supposé pour le Maine, où il devait voir de ses yeux ses futures terres de Courceriers - sauf Moran, resté au castel afin de garder les intérêts de son maitre - . Du moins, telle était la version de Judas servie à ses gens. Il y avait sur le fil de cette histoire un autre mouvement, plus tendancieux, qui le poussait à vouloir faire une halte à Angers afin de vérifier que la Montfort à qui il prêtait sa maison de campagne en pied à terre momentané gardait réellement le silence épistolaire pour l'agacer ou si elle se jouait de lui en lui faisant manger du boniment. Et dans les faits là encore, ladite bretonne courrait l'amant à Saumur, ce que Judas ne découvrit pas, étant donné la rencontre plutôt dramatique de son escorte et d'une armée faucheuse aux portes de la Tourraine, juste avant d'arriver à bon port.
Ainsi, les vaches et les secrets restèrent bien gardés.]
Une armée. Une armée entière. La suite, nous la devinons sans peine. Les cris, le sang, les pleurs, puis le silence. Ce silence qui accompagne les massacres, pesant. Judas Von Frayner en tête, le groupe avait éclaté aux portes tourangelles comme une vulgaire coque de noix sous les sabots d'un cheval. Au revoir l'amante, la servante, la perfide seconde main et la fossoyeuse de Petit Bolchen. Au revoir unité, il y eut une page arrachée sur laquelle était écrit les détails de leur retour à Bourges, sans doute ramenés par de bonnes âmes dans un prieuré austère. Deux jours passèrent avant qu'enfin les premières paupières ne s'ouvrent...
La pièce était grande, plantée d'une rangée de lits plus ou moins occupés selon l'état des estropiés qui les habitaient... Les bénédictins arpentaient l'écho poussiéreux du bâtiment aux fenestres hautes tout le long de la journée, psalmodiant quelques prières et délivrant des soins sommaires, Judas lui s'était d'abord muré dans le silence. Choqué, peut-être. Il avait immédiatement remarqué que parmi les pensionnaires, les écorchés, les éclopés, la présence de la Roide faisait défaut. Et qui mieux que la mort vidait les couches que les gardes-malades refaisaient pour les nouveaux arrivés... Une femme l'avait soigné, mais de ce visage et de cet accent breton, de sa propre agitation fiévreuse et de ses divagations il n'en garda que peu de souvenir.
Il y avait là l'enfant Eleonore, la silhouette mutique de l'Iris, le corps inanimé de l'Azraël, le visage figé de Nyam, le silence de Suzanne... Et Judas, le bras en écharpe, une lettre repliée entre les bandages. L'esprit était ailleurs, tourné vers Anaon. Les incidents sont souvent le fruit d'une punition divine, et avant même d'avoir pu s'accorder un réel renouement avec l'objet de son tourment depuis son retour, voilà qu'il l'avait de nouveau perdue.
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