Suzanne
Elle veillait. Elle veillait sur les filles... pas comme un Ayoub renfrogné et grognant non, mais comme une présence animée des meilleurs intentions, quoiqu'il se soit passé... Avant le chaos, avant la tragédie...quoiqu'elles puissent en penser.
Leurs vies venaient d'éclater... elles étaient en vie... oui... mais quelle vie désormais ? 'Nore et ses grands yeux pleins de questions, Nyam, que ce drame avait encore plus dévastée, Azrael, perdue dans les limbes des souvenirs...
Suzanne était assise sur sa couche, supportant autant que possible les blessures pansées chaque jour, feuilletant des herbiers, souhaitant apprendre les vertus des plantes, quand un cri lui fit relever la tête.
Iris.
Un attroupement se fit autour d'elle, tentant d'apaiser les hurlements d'Iris. Suzanne ressentit un pincement au coeur... balayant rapidement la salle, elle se leva doucement, après que les bénédictins se soient éloignés, se dirigeant vers la couche d'Iris. Prenant place sur une chaise inconfortable, elle posa sa main sur celle de la Soumise.
Iris. C'est Suzanne.
Elle l'aura sûrement reconnue à la voix... Mais parfois, on ressent le besoin de dire des choses qui tombent sous le sens, surtout quand on se sent démuni, comme Suzanne à cet instant. La rassurer ? lui dire : "ça va aller" et puis quoi encore... qu'est ce qui va aller ? elle a perdu la vue... Y a t-il quelque chose de pire ? oui certainement, mais Iris n'était sûrement pas en état de l'écouter. Elle regardait son visage, les fenêtres de l'âme closes.
'Nore, Nyam et Azrael sont ici... Nous sommes toutes là. Sauf Anaon. Elle a été la moins blessée
Les derniers mots sortirent avec difficultés...
Judas et reparti pour affaires à Nevers.. il va faire en sorte de revenir sous huit jours.
Elle serra sa main doucement... ne rien dire de plus, que dire de plus... il fallait qu'elle informe Judas du réveil de Iris, comme promis.
Suzanne
Nous sommes chez les bénédictins. A bourges, ils nous soignent.
La voix est posée, comme toujours. La brune regardait le corps de la jeune femme, elle aussi blessée au niveau de la taille... Suzanne esquissa un léger sourire quand Iris lui serra la main, signe d'une force bien présente. En vie.
Elles vont mieux, les blessures se cicatrisent lentement. Nyam ne peut encore marcher seule, 'Nore a des contusions... Azrael... est un peu perdue, désorientée. J'ai pris quelques coups d'épée aussi...
Atténuer la vérité, sans pour autant mentir.
Judas s'est remis rapidement... il avait une épaule démise.
L'autre main s'avança doucement pour effacer avec douceur un sillon salé sur la joue blême.
Tu as été gravement blessée aussi. Il te faut te reposer encore, ne cherche pas à bouger, pas encore. Tu as quelques bleus, une blessure à la taille.
Et l'horreur de ce qu'elles avaient vécu lui sauta de nouveau au visage... réprimant un frisson. Une injustice, une erreur... le groupe avait payé pour l'arrogance d'une armée, supposément fière d'avoir laissé pour morts une poignée d'hommes et de femmes en quête d'une terre.
Je vais informer Judas par missive que tu es réveillée. Il sera soulagé... il était très inquiet.
Il n y avait aucune vérité d'atténuée dans ces propos. Elle avait vu le satrape soucieux, plus silencieux encore qu'à l'accoutumée, demandant chaque jour des nouvelles de chacune.
Je suis là..
Suzanne
C'était sûr : elle allait finir folle, ou morte d'ennui... mais pourquoi n'a t-elle pas succombée à ces fichues blessures ?!
Rongée d'ennui et d'angoisse sur la paillasse, fatiguée de lire et relire l'art de cuisine le cerf, de chasser le sanglier... oh ! ramasser un champignon... après avoir appris par coeur tous les herbiers qu'elle avait pu trouvé au prieuré, la brune cherchait de l'air... encore et toujours. Et c'est en balayant la petite pièce aux paillasses alignées comme les soldats qui avaient précipitée leur chute, qu'elle se calma... Compagnes de fortune, d'infortune, elle veillait inlassablement sur elles...
et une voix fraîche et souriante éclata... La brune leva son visage exsangue, qui n'avait plus connu la couleur rose depuis bien des jours, vers Rosalinde... Ah.. le maître... Tout le monde cherchait le maître... toutes...
Faisant l'effort de se redresser malgré la douleur insidieuse qui se propageait, elle se rendit en souriant légèrement, à la hauteur de la rousse.
Bonjour Rosalinde..
Elle n'allait pas s'éterniser... quand on lui posait une question, elle répondait, sans détour, sans attendre.
Il est repartit à Nevers, pour affaires.
On pouvait faire difficilement plus succint... encore que, le "pour affaires" était certainement de trop. Et la question qui lui brûlait les lèvres... pourquoi le" cherchez vous ? " resta accrochée derrière la lippe sauvagement mordillée.