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[RP]Entretiens tavernicoles

Salvaire_d_irissarri
[Je te tiens, tu me tiens...par la barbichette. La barbichette ? De verda ?]

Sans un mot de plus, il était parti, la plantant là, seule dans la nuit ; sans même se poser la question de son retour. Allait-elle d'ailleurs rentrer à Randon ? Après tout, l'irlandois dormait bien quelque part ?... N'avait qu'à le rejoindre, picétou ! Et ma foi, il faut bien l'avouer, il avait très bien dormi. Les affres de l'amour n'étaient point de ces tourments qui emplissaient le coeur et l'esprit du jeune homme. Depuis bien long de temps sans doute, il avait décidé, consciemment ou pas, de rayer de sa vie tout ce qui en était trop douloureux, toxique, néfaste.

C'est donc en pleine forme, mais tojorn bien décidé à demeurer solitaire et poursuivre son chemin de fringant profiteur de tout ce qui portait jupon, sans angoisse et sans souci, qu'il s'en vint procéder à l'inspection matutinale de son auberge. Et, plan segur, elle était déja là ! Sans doute qu'elle y avait dormi d'ailleurs. Chambre rouge ou chambre verte ? Va savoir...

En premier lieu, il s'affaira à son activité tavernicole, tournant autour des tables pour remplacer ici une bougie, là un nouveau bouquet de violettes dans un hanap d'étain brillant. La lueur du jour donnait à sa taverne un éclat bleuté, comme embrumé par les vapeurs de rosée qui montait des champs juste derrière. Il s'attarda à la contemplation de la ruelle, essayant de deviner les occupations des mendois en ce jorn. Ces rumeurs de routiers, d'italiens sur les chemins, l'avaient décidé à retarder son périple en Lengadòc. Elle craignait aussi pour ses biens, lui avait-elle dit et soit, ils partiraient donc plus tard, lorsque la situation serait plus calme.
Gestes lents, visage fermé, il se hâtait lentement, afin de la laisser prendre la parole ; qu'elle lui dise ce qu'elle avait à dire, qu'ils en terminent enfin. Mais, plan segur, elle n'ouvrit point la bouche.

Décidément, je ne la comprends point, cette femme-là ! Et elle non plus ne me devine pas ! Rien ! Nous n'avons rien en commun, nous ne sommes point compatibles, voilà tout !

Il revint donc s'asseoir, loin d'elle, sur ses maussades pensées et là.. lecteur avide et inquiet de savoir ce qui survint... Je vais te la faire courte. Il ne se passa.. rien ! Certes, ils ont causé... un peu. Certes, ils ont tenté de mieux se connaitre l'un, l'autre. Certes, ils ont parlé de l'irlandois, du rang à tenir, chacun sa place et les brebis feront du bon fromage, toussa. Quelques visiteurs s'en vinrent, bisounouilleurs qui les firent sourire ; puis le ser Arthurus qui occasionna discussion passionnante sur l'amour et l'humour et le sens de la vie.

C'est ainsi qu'elle lui demanda une trêve, qu'elle lui dit à nouveau qu'elle l'aimait d'amour, qu'il répondit que c'était bien là sottise de femme et qu'il ne voulait point qu'on l'aime de cette sorte-là, qu'elle se trompait de plus ; on ne pouvait décider d'aimer si soudainement, si évidemment. La vie est courte, le plaisir est doux et ne perdons point de temps à nous tourmenter et toute cette sorte de choses. Pivoilà !

Salvaire, devant elle se sentait comme au premier jour. Elle l'intriguait , l'attirait et l'éloignait tout à la fois de par son attitude. Son corps en revanche...Son attitude...Ses manières...Cette façon qu'elle avait de poser son menton dans sa main, son regard qui l'éblouissait de bonheur à chaque fois qu'il plongeait à l'intérieur. Segur ! Elle avait quelque chose de plus qui lui parlait précisément à lui et pas à un autre. Quoique.. l'irlandois ?

Il ne lui ferma point la porte d'une suite possible, mais sincère et honnête, il lui parla justement de l'homme au kilt et répondit qu'il ne ferait rien sans savoir son opinion à lui et le désir qu'il avait de sa voyageuse. Il avait préséance tout de même ! Et puis, il est des moments dans la vie d'un homme où l'amitié importe plus que l'amour pour une femme. De plus, il ne voulait ni s'engager, ni aimer, ni qu'on l'aime. N'en parlons plus et avançons !

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“ Se ne vos pas sentir la fret, te cal minjar un caçolet ”
Fervantskate
[Quelques heures plus tard, dans la soirée.]

Le Gael, remonté au plus haut point, avait fini par se faire une raison. Il en était ainsi. Il n'était le gardien de la Blonde. Pourquoi se mettre dans tous ses états... Il avait commis tellement d'erreurs avec elle. Commencer à répliquer alors qu'il n'avait pas lieu de le faire, il fallait être idiot. C'est d'un pas bien décidé qu'il avait pris route vers la taverne, désireux de s'entretenir avec l'homme Blond. Passant la porte, il se fit un visage froid pour aborder le sujet, observant l'homme à son travail de tavernier. Posant sa hache sur la table, il lâcha froidement un :

Faut qu'on parle.

[...]

Les mots étaient posés. Pas un seul meuble de casser. C'est qu'ils avaient un minimum de sang froid et de bon sens ces deux gaillards. Le Gael avait réussi à garder son calme ainsi que d'entendre les mots du Baron. Même mieux, il avait réussi à reconnaître que ce Blond de Baron était son seul ami. Et il était sincère sur ses mots. Salvaire n'avait pas obtenu toute son attention dans les premiers temps. Il pensait à un petit noble fraîchement sorti des jupons de sa mère pour se couler sous ceux des paysannes. Mais, après maintes discutions, il put constater de lui même que cet homme n'était pas n'importe qui, sur le plan amical. Il était franc, honnête et bon. De plus, il arrivait à divertir et arracher un sourire à l'Irlandais, ce qui était nouveau.

Tout avait changé depuis qu'il était à Mendes. Tout était remis en question. Tout. Cependant, il n'était pas le moment de trop penser. Il fallait agir. Voilà pourquoi il allait s'investir un peu plus dans cette ville, et pourquoi pas s'investir sur d'autres points. Il allait lui falloir du temps, beaucoup de temps.
Boulga
[Une rupture peut en cacher une autre]

[Même soir, avant, pendant et après certaine discussion entre hommes]

Boulga ignorait la tournure qu'avait prise la relation entre dona Esmey et son senher. Elle en était restée à une première dispute, à la fin de laquelle elle était arrivée, et en guise d'explication de l'ambiance terriblement festive qu'elle avait trouvée - ils tiraient tous une tête à massacrer le voisin ou la voisine - Esmey lui avait répété un peu brutalement sa sortie au senher Salvaire :

Il est pire de cochambrer avec son intendante que d'échanger quelques mots doux avec l'Irlandais

Plusieurs informations à tirer de là :
- l'Irlandais était revenu, il ne se laisserait sans doute pas souffler sans rien dire dona Esmey
- le senher Salvaire n'était pas possessif seulement avec Boulga
- Dona Esmey avait visiblement autant de mal qu'elle à supporter le cochambrage mais elle était beaucoup moins conciliante que la petite intendante.
La perspective que cette histoire-là finisse brutalement, loin de réjouir Boulga, l'assombrit et la fit réfléchir à sa propre situation.

Deux ou trois jours d'absence, les réflexions avaient fait leur chemin. Les regards et pensées du senher Salvaire sans cesse tournés vers Esmey - ce qui rendait la rupture insoupçonnable - achevèrent de persuader la jeune fille qu'elle s'engageait dans la bonne voie : mourir d'amour, non merci, pas pour elle. Mais mettre un terme à une relation qui finissait par la blesser beaucoup trop en regard du bien qu'elle pouvait en tirer, cela c'était résolu. Ce ne serait pas facile, sans doute un peu douloureux, mais moins que d'encaisser coups sur coups.

Elle entra à l'Epi chantant, sereine et froide, les mots tout prêts et y trouva messer Fervant et le senher Salvaire. Une conversation entre homme, ça ne se trouble pas. A la demande de messer Fervant, elle se retira. Elle reviendrait plus tard. Sûr qu'il se négociait des choses importantes comme un nouveau partage de territoire entre mâles dominants.

Une bonne heure plus tard, retour à la taverne. Les deux hommes semblaient de bonne humeur et en bonne entente. Négociation réussie, donc. Mais peu importait, Boulga était venue dans un but précis : attendre de se trouver seule avec son senher pour lui exposer froidement sa décision irrévocable. Même la tentative de rapprochement esquissée par Lui, lorsqu'il laissa entendre dans un chuchotement que dona Esmey retournait à l'Irlandais, n'y changea rien. D'ailleurs, Boulga prit assez mal la confidence : amante complaisante jusqu'au partage, elle l'avait accepté tant bien que mal, mais la complaisance n'allait pas jusqu'à entendre le récit des aventures en cours.
La taverne ne se vidait pas. La jeune fille était fatiguée. Elle se leva pour partir. Si elle ne disait rien ce soir, ce serait pour le lendemain, tanpis. Son senher ne la vit même pas partir, alors que tous les autres la saluèrent. Elle ne pourrait même pas se payer le luxe de lui dire non pour la première fois, s'il avait exprimé l'envie de la "raccompagner" !
Décidément. Colère froide et tristesse.
Elle erra quelque temps dans Mende et sur les bords du Lot avant d'aller se coucher.

Et puis... et puis... elle tomba sur une nouvelle toute fraîche, toute neuve : un bal serait donné au castel de Montpelher pas plus tard que la semaine suivante, ouvert à tous et à toutes.
La perspective de danser et s'amuser fit s'envoler instantanément les idées noires qu'elle se trainait ! Elle pensa au choix de son cavalier, de sa tenue, de ce qu'elle danserait, à mille choses toutes plus importantes les unes que les autres.
Fallait qu'elle annonce la nouvelle.


Retour à l'Epi chantant.
Ca beuglait à qui mieux-mieux là dedans, et ça sentait les vapeurs d'hypocras. Ronds comme des ronds, qu'ils étaient. En plus, ils s'amusaient sans elle !

Ma parole ! Moi qui venais annoncer la tenue d'un bal public au castel de Montpelher, adissiatz, je vais me trouver un cavalier sobre !

Non mais des fois, j'vous jure !
Boulga
[Vous passez par la case départ et vous gagnez un baron ruiné mais double et bel et blond... *hips*... et ivre]*
Suite immédiate du précédent.



Décidément, les choses ne tournent jamais comme on a prévu qu'elles tournent.

Boulga...*hips*... vous me feriez grand plaisir si vous acceptiez d'être ma cavalière... *hips*... à ce bal

Boulga s'arrêta sur le seuil. Avait-elle bien entendu ? Elle se retourna, surprise. C'était bien son senher qui avait parlé. Et d'un ton humble, encore ! Elle sembla hésitante.

Le voulez-vous ?

Bon, accorder quelques danses, elle pouvait bien faire ça, elle était de bonne humeur, là, et puis après tout, ça lui éviterait de rechercher un cavalier les jours suivants. Elle pourrait se concentrer sur sa robe.


Très bien senher, je serai votre cavalière, mais il faudra que je vous apprenne à danser un peu, pas ce soir, je ne suis pas sûre que vous teniez tout à fait debout. Adissiatz, donc, et dormez bien, nous verrons tout cela demain

Hop, retour vers la porte, la main sur la poignée, le pied déjà dehors.

Boulga ! *hips*... Gloubie !

Ah ça ! il avait donc encore quelque chose à ajouter ?

Oui ?

Je... je ne crois pas que j'arriverai... à rentrer seul... *hips* ce soir... J'ai besoin de votre aide

Ce n'était pas un ordre. cela sonnait comme une prière. Peut-être même comme une supplication et rien ne pouvait toucher davantage la jeune fille, même si elle savait pertinemment ce que cela signifiait. Cela dit, elle n'était pas aussi émue qu'elle l'aurait cru : elle gardait le souvenir cuisant des humiliations précédentes et rien ne garantissait qu'elles ne se reproduisent pas. Mais ce bal l'avait mise de fort bonne humeur et elle ne gardait jamais rancune longtemps.
Certaines choses devaient être bien claires, cependant :


Senher, vous m'auriez fait la même demande tantôt, avant que je sache qu'il y a bal, je vous aurais répondu que votre auberge comporte deux chambres avec tout le confort souhaité et que vous n'auriez pas besoin de mon aide pour y monter

Elle revint vers le senher Salvaire. C'était un consentement et il ne s'y trompa pas.

Merci ... *hips*...Gloubinette


Senher, remerciez plutôt le comité d'animation du Lengadoc qui m'a mise de si bonne humeur. Sans lui, je vous plantais là.

Et c'était la stricte vérité. Elle lui tendit la main et l'aida à se lever.

Appuyez-vous donc sur moi

Ma Gloubinette... *hips*... il n'y a que vous... vous êtes la seule... *hips*... la seule...

Mmh mots d'ivrogne ou bien ? S'en souviendrait-il seulement le lendemain ? Bien sûr, Boulga était touchée, mais plus prête à le croire tout de suite sur parole, même si parfois la vérité se trouve aussi au fond de plusieurs verres d'hypocras. Elle lui posa la main sur la bouche.


Chut

Elle aurait bien ajouté "enfant", mais s'en abstint.

Allons, ne tardons pas

Il leva une dernière fois son godet avant de le vider, l'oeil humide :

Ce soir... *hips*... j'ai trouvé un ami véritable et je vous ai retrouvée, Gloubinette ! je suis ravi... *hips*... ravi !

Elle lui prit le godet des mains


Oui, oui, allons-y

Ne me perdez plus... *hips*... Gloubinette, ne me perdez plus...

Elle murmura, tout doucement :

Il ne tient qu'à vous senher Salvaire, qu'à vous.

Comme ils franchissaient le seuil de la taverne et qu'il se cramponnait fermement à elle, il dit encore :

Un bain froid et sept lieues, et je serai frais comme un gardon, vous verrez






*Note HRP : j'ai retranscrit l'échange en taverne entre Salvaire et Boulga, avec l'accord de JD Salvaire
Salvaire_d_irissarri
[La soirée de tous les im-possibles]

Boulga, Gloubie, Gloubinette, ma Gloubinettà...Toujours elle était là. Elle prenait grand soin de lui, de son âme, de son coeur, de son corps et jamais ne savait lui résister.
Et lui ? L'aimait-il ? Ah cà ?...Cette fille-là, mon vieux, c'est quelque chose ! Cette fille-là, elle lui collait au coeur et au corps. Cette fille lui était nécessaire, indispensable, vitale ?

Mais il était lui aussi...Aimable en général, noble toujours, un homme surtout même si elle aimait à lui dire qu'il se comportait souvent comme un enfant. Elle l'étonnait, il la voulait près de lui, mais n'envisageait pas de se passer des autres. Tout comme il l' encourageait à le faire pour elle-même.
Possession ? Jalousie ? Quels vilains mots que ceux-ci qui ne faisaient partie ni de son vocabulaire ni de ses valeurs, ni même de celles de son coeur.
Toujours est-il bien que ce soir-là, lorsque le brugnon baron parut en taverne mendoise, Salvaire fut surpris de l'attitude d'abord puéril, puis obstinée et arrogante enfin, énormément, absolument de cet encore adolescent de 16 années à peine. Il savait bien, il avait bien compris, deviné que Boulga et lui...Sans doute...Forcément.

Mais lorsque, tellement dépité par le Jehan_Djahen, il dût quitter son auberge et les laisser seuls tous les deux ; lorsque plus tard, on lui parla d'un baiser échangé...Il en conçut une peine plus grande encore que celle que pouvait ressentir un amant trompé. Ce n'etait point lui qu'elle avait trahi, non point. Pas de celà entre eux.

Mais elle s'était trahi elle-même. Accorder à ce fat présomptueux une chose si intime, si privée, si douce, si précieuse....La déception pour Salvaire était immense. A la mesure de la peine qu'il avait ressenti en découvrant ce fol baron, il dépitait en la voyant, elle, perdre pied et se livrer au premier imbécile qui lui chantait mielleuses comédies. Il concevait alors pour lui un avenir sombre, seul, triste. Les gensses ne sont rien ! Les gensses sont décevants, tojorn.

Il s'en alla alors converser plus loin, charmanter ailleurs, réellement parler comme si de rien n'était, consoler les amants séparés.
Puis s'en revint Esmey...

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“ Se ne vos pas sentir la fret, te cal minjar un caçolet ”
Boulga
[Je n'ai qu'une parole, senher]

Ce soir-là, lorsqu'elle était arrivée à la taverne, elle y avait trouvé une troupe d'hommes, chose inhabituelle à Mende.
Parmi eux son senher, Salvaire. Et le senher Jehan, auquel elle avait promis un bain dans un moment de colère et de défi. Et pour lui rappeler sa promesse, il lui avait offert un petit canard jaune "qui flottait dans l'eau".
Devant tout le monde. C'était humiliant, mais Boulga décida de prendre la chose à la plaisanterie.

La première fois qu'elle se retrouva seule avec le senher Jehan, rien ne put la sortir de son embarras. Pas assez audacieuse pour dire franchement "allons-y et qu'on en finisse", maintenant que l'échéance était toute proche. Et foncièrement mal à l'aise à l'idée de se donner à un autre que son senher.
Elle dut paraître bien sotte dans ce premier entretien, mais peu lui importait. Garder la tête froide. La tête froide à tout prix. Et ne pas perdre de vue qu'elle n'avait qu'une parole.

Et puis, inexplicablement, tout avait changé.
Le senher Salvaire et le senher Jehan s'étaient disputé ses faveurs, la prenant à parti bien cruellement. Se retrouver au milieu d'une joute entre hommes fut une des pires expériences qu'elle fit, elle qui avait horreur des disputes.
Boulga, sans rien accorder au senher Jehan, avait refusé de rejoindre son bel et blond baron, qui avait quitté la place. Ah ! cette promesse allait lui coûter bien cher !
Les tempes de la jeune fille bourdonnaient encore qu'elle entendit un murmure :

"il tient tant que cela à vous ?"
Elle avait répondu, un peu en détresse :
"oui, je le crois"
"Boulga, je vous délie de votre promesse."
C'était simple et direct.
"Allez donc vite le retrouver. Zo."

Elle était si stupéfaite qu'elle ne bougea pas. Elle ne comprit pas immédiatement pourquoi il agissait ainsi, mais le gamin arrogant, prompt à l'insulte et aux mauvaises manières, en deux noms le Jehan Djahen, se montrait chevaleresque au moment où plus rien ne l'y obligeait.
Se pouvait-il qu'il y ait autre chose derrière le masque ? Ou bien était-ce seulement un moyen plus subtil de séduction ?

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Florella
Bien des jours plus tard...



Florella entra dans la place, grande, blonde, belle comme une dame de récit chevaleresque en nettement moins distingué cependant, et pour cause : son rêve ç'aurait plutôt été d'être elle-même chevalier et accomplir toutes sortes d'exploits glorieux dont la mémoire se fût perpétuée au fil des générations grâce aux épiques récits qu'on se raconte au soir au coin du feu, etc, etc, etc... Mais le destin fait parfois les choses tout autrement : Florella était fille, elle avait fait son éducation d'abord dans un couvent dont elle s'était enfuie, puis dans les montagnes du pays basque, avec les bergers. C'était une authentique bergère. Enfin... un authentique berger si on considère ses manières un peu masculines. En tous les cas, partie comme elle était, elle pouvait tirer un trait sur son rêve de chevalerie, sauf à devenir dame ou demoiselle en détresse et croiser elle-même la route de gentils chevaliers.
Las ! le monde n'est toujours pas ainsi fait et comme elle commençait à prendre de la beauté à la sortie de l'enfance, elle essuya une tentative de séduction trop brutale pour être parfaitement honnête de la part d'un godelureau fraîchement promu vicomte ou comte ou ... bref. Si ses gens d'armes commencèrent par rire de la belle fille qu'il avait dans les bras, il finirent sûrement par se gausser du chapon qu'il récupérèrent quelques instants plus tard. Sans la fille, s'entend, qui avait pris la fuite.


Florella se réfugia à Mont-de-Marsan, sous un faux nom et y resta quelque temps à cultiver son jardinet. Quand on n'a pas ce que l'on aime, il faut aimer ce que l'on a, et ma foi, la vie sédentaire d'agricultrice n'était pas trop désagréable.
Deux choses font battre le coeur de Florella : l'amour de Dieu, attrapé au couvent, et les histoires de chevaliers, attrapées dans les montagnes avec les bergers.



La rencontre avec le baron d'Irissarri, à Mende, à l'Epi chantant, fut comme un signe du destin. Rien qu'au nom, elle reconnut le compatriote. Il était blond, comme elle, grand, un peu plus qu'elle et heu... ils se trouvèrent d'autres points communs à leur enfance.
Bon, on ne peut pas prétendre que le baron fit merveille en tant que séducteur auprès de Florella, bien qu'il semblât déployer un certain nombre d'efforts en ce sens.
Florella coupa court aux badineries en annonçant qu'elle était vierge, qu'elle aimait Dieu, et posa sa hache sur la table. Hache qui n'avait pas servi qu'à couper du bois, à ses dires.
Ca rend prudent.

La vérité, c'est que Florella est d'une ignorance totale concernant les plaisirs de la chair et que personne, jusqu'à présent, ne lui a donné envie d'essayer. Ca la laisse complètement froide. Et puis, elle tient farouchement à son honneur.
Cela dit, elle n'est point tout à fait sotte, et avant de décréter que l'amour charnel, c'est nul, il est bon de se faire une idée concrète des choses.


Elle mit donc à profit la nuit passée au castel de Randon, où le baron d'Irissarri l'avait conviée très chastement - chasteté qu'il observa à la lettre pour ce qui la concernait, elle. Donc, je reprends : elle mit à profit la nuit à Randon pour réfléchir aux évènements et s'endormit en pleine méditation, se demandant pourquoi hommes et femmes couraient tant après les baisers et si ça faisait autant battre le coeur que prier Dieu ou écouter des histoires.


C'est donc avec ces questions cruciales qu'elle rencontra pour la seconde fois ce matin de 1er mai le baron d'Irissarri. En le considérant bien, il lui rappelait décidément le chevalier Gauvain, le meilleur du monde après Lancelot, qui dépucelait les demoiselles par douzaines, autant qu'il défaisait de chevaliers noirs verts ou rouges, et ne s'attachait à aucune. Ou bien les épousait toutes les unes après les autres, ce qui revenait à peu près au même sur le principe. Et puis, une fois, Gauvain avait dû rester chaste au côtés d'une demoiselle nue, parce qu'une épée tranchante s'abattait sur lui dès qu'il faisait mine de s'approcher.
En clair, Florella était sûre que celui-là, elle ne l'aurait pas sur les bras.
Après les salutations d'usage et quelque discussion avec la bourgmestre, Florella, droite, directe, décidée à prendre les choses en main et à les garder fermement, exposa sa requête particulière baron.

Beau sire, je n'ai jamais embrasser d'homme, et comme je ne souhaite point mourir ignorante, j'aimerais savoir si vous êtes prêt à m'accorder un baiser. Je voudrais voir quel effet ça fait vraiment. D'aucuns prétendent que ça fait toucher le ciel, comme de prier Dieu. Vous me paraissez idéal pour remplir cette fonction. Qu'en dites-vous ?

En réalité, elle ne doutait pas de la réponse - positive - et si elle ne s'était pas jetée directement sur le jeune homme pour essayer, c'était uniquement parce qu'elle prévenait avant, comme la veille elle avait prévenu pour le coup de hache. Un homme averti en vaut deux, toujours.
Salvaire_d_irissarri
[Les jours se suivent et...]

Depuis quelques jours, la taverne et la ville de Mende étaient bien plus calmes. Des voyageurs en voyage, le temps qui incitait sans doute aux promenades en montagnes; de celles dont on s'en revenait fourbus mais contents, avec la simple envie de se lover autour de l'âtre pour déguster une tisane bien chaude. Brèfle !
Boulga aussi était partie, Boulie en retraite, Son Altesse Franc Claude Volpone en préparatifs de son départ pour des études studieuses et monacales...Salvaire se sentait comme du vague à l'âme, comme un alanguissement. Non point pénible, peutêtre même bienfaisant, mais il manquait d'envie, d'enthousiasme.Heureusement, Esmey était encore là et le rassurait sur son avenir qui lui paraissait plutôt morose.
Ce projet de mariage avec la comtessà ! Non vraiment, il ne s'y faisait point. Montait en lui lorsqu'il y pensait des envies sombres, des idées mauvaises qu'il s'empressait d'éloigner dans les nuits qu'il passait avec sa douce Blondie.
C'est donc en assez bonne disposition après tout ; après une nuit chaleureuse, emplie de rires, de plaisirs et de tranquilles conversations qu' il s'installa tranquillement au matin en son auberge de l'épi chantant.

Survint alors une jeune femme qui lui parut en plus que d'être belle de fort bonne compagnie. Une part, une autre s'en vient.. Eternel cycle de la vie, du changement. Tout change et tout reste pareil. Il la quitta donc de fort bonne humeur pour s'en aller rendre visite au voisinage. Puis vint le soir. Autre rencontre. Et là, la jeune femme fit la connaissance de la donà Esmey puis de Fervant l'irlandois. Le jeune baron nota tout de suite que son ami appréciait la dame et lui-même la devinait être une personne de confiance. Nombre de faits de leur passé leur étaient communs, ce qui ne laissait pas d'étonner Salvaire. Tant et si bien que parlant du jeune Charlemagne, Altesse Royale s'il en était, mais bien mal éduquée, il en vint à lui proposer la charge d'en devenir sa gouvernante, suivante, aidante et surtout, surtout, guidante pour apprendre au jeune garçon les bonnes manières.
Il avait dans l'idée que si cela permettait à Charlemagne de devenir plus aimable, cela , certainement, lui donnerait aussi occasion à être plus aimé, ce qui ne pouvait manquer d'influer heureusement sur le cours de sa vie.

Et puis, plus tard, le soir, alors qu'ils étaient seuls tous les deux vint une demande surprenante de la dame à la hache :

Citation:
Beau sire, je n'ai jamais embrasser d'homme, et comme je ne souhaite point mourir ignorante, j'aimerais savoir si vous êtes prêt à m'accorder un baiser. Je voudrais voir quel effet ça fait vraiment. D'aucuns prétendent que ça fait toucher le ciel, comme de prier Dieu. Vous me paraissez idéal pour remplir cette fonction. Qu'en dites-vous ?


Plan segur, Salvaire ne saurait laisser ainsi une dame dans le besoin et dans l'ignorance. Il lui avait fait part de sa vision de la vie. Justement parce qu'il avait vécu tant de souffrances déja, à présent il ne voulait plus garder que le meilleur. Un peu embarrassé tout de même car s'il fanfaronnait volontiers, il n'en cachait pas moins sa pudeur et sa timidité sous cette farouche attitude. Néanmoins ce qui fut demandé fut obtenu.
Très doucement, il saisit la jeune femme, ses deux joues entre ses deux mains et l'embrassa d'abord doucement puis la sentant curieuse et réceptive prolongea le baiser tout en s'obligeant à ne voir là qu'un cadeau...Une sorte de présent de bienvenue à cette jeune femme qui lui accordait déja sa confiance.

Il cessa bientôt et lui caressant la joue lui sourit sans ajouter un mot.

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“ Se ne vos pas sentir la fret, te cal minjar un caçolet ”
Ursula_
[ ... se ressemblent tous. Plus ça change, plus c'est pareil]


Depuis plusieurs jours, notre charmante blondinette était d'excellente humeur. Les émois et rebondissements dignes d'un théâtre d'été causés par un polygone amoureux à géométrie variable étaient passés. Tout allait pour le mieux. Le blé poussait bien, l'air était doux, les petits oiseaux chantaient, tout ça, tout ça. Seule ombre potentielle au tableau: les deux «Boubous» du senher Salvaire s'en étaient allées. La donà Boulie en retraite et Boulga sur les routes. La jeune femme avait donc hérité d'un doble baron charmant, mais un peu apathique. La mèche dorée ne voletant que très rarement maintenant, son propriétaire en proie à des idées noires. Sans doute par crainte qu'elle ne l'abandonne elle aussi, le baron d'Irissarri se montrait des plus prévenants avec elle. Ravie de ces attentions, Esmey s'accommodait plutôt bien de l'absence de la gouvernante de son Altesse et de l'intendante de Randon et d'Apcher puisqu'elle pouvait profiter de la présence de son senher à ses côtés un peu plus souvent. Comblée -si l'on puis dire- de telle façon qu'elle ne songeait plus à repartir sur les routes. Du moins, l'idée se faisait moins pressante pour l'instant. Sans doute y repenserait-elle lors du prochain orage baronnesque.

Pour l'heure, la jeune femme profitait simplement des plaisirs que lui offraient son existence mendoise. La vie est courte, pourquoi se priver de certains plaisirs qu'elle offre? lui répétait son amant. Après avoir médité cette phrase en sa compagnie du bel et blond, Esmey en vint à la conclusion qu'elle était tout à fait juste, cette phrase.

Levée tard cette journée là, «Blondie» ne s'étonna pas de l'absence de son senher à ses côtés lorsqu'elle ouvrit les yeux. Vu le soleil déjà haut dans le ciel, il devait être en train de servir ses fameux petits pâtés aux voyageurs de passage. Quittant le castel le plus discrètement possible - elle ne s'y attardait jamais, Franc Claude Volpone étant sur son départ, elle n'avait théoriquement plus aucune raison d'y être- elle marcha d'un pas alerte jusqu'à l'auberge où elle était certaine de trouver le baron affairé à servir des jonquilles et mettre des pâtés dans des vases. Ou l'inverse. Brèfle.
En entrant, Esmey offrit un large sourire à Salvaire puis alla prendre place près du comptoir. Non loin d'elle, était assise une jeune femme qui lui était inconnue. Présentations d'usages, salutations polies. Florella -elle s'était présentée ainsi- semblait être une jeune personne plutôt agréable à côtoyer. Un chouia innocente et une foule d'histoires épiques à raconter. Ils étaient tous trois à discuter lorsque l'Irlandois toujours assoiffé fit son entrée. Lancer de piques habituels, c'était de bonne guerre. Ensuite, quelques verres offerts. Derrière ses godets, Esmey observait les regards et les allusions à peine dissimulées que le senher Salvaire lançait à l'autre jeune femme. Celle-ci avait d'ailleurs une excellente répartie. Elle lui répondit en souriant qu'elle était vierge et que sa hache n'avait pas servi qu'à couper du bois.

Décidément, la petite Normande apprécierait la voyageuse. Cependant, elle voyait bien que le baron se faisait charmant et charmeur. Pour lui montrer sa désaprobation, elle lui fit les gros yeux. Lorsqu'ils se retrouveraient seuls, elle lui en toucherait deux mots.

Jalousie? Ha non, du tout. La crainte de perdre sa place? Non plus. Ben pourquoi elle lui fait de gros yeux alors? Ça lui enlaidit les traits, c'est fou! Tais-toi et laisse-moi raconter! JE narre l'histoire. Écoute et tu vas savoir plus tard.

Soudain, la jeune femme se souvint. Vonafred! Le diabolique âne était toujours attaché à la charrue. Se levant, elle salua rapidement les gens présents et se précipita chez elle en espérant que la bête n'avait pas labouré le champ voisin...

C'est bien plus tard qu'elle revint dans la taverne. Il y avait encore un peu de lumière. Peut-être le baron l'attendait-il avant de rentrer? Poussant la porte, elle découvrit une scène à laquelle il aurait fallu s'attendre: Le baron, les mains en coupe autour du visage de la jeune voyageuse. Tous deux souriaient. La jeune femme referma la porte doucement, mais en même temps avec assez de force pour qu'on l'entende se barrer. Faisant celle qui n'a rien vu, Esmey retourna à sa place habituelle près du comptoir.

L'air gaie, elle lança:

-Bonser!

Léger silence malaisé.

-Ahem. Je ne dérange pas j'espère?

Tendant le bras pour se servir un godet, elle se pencha discrètement vers le baron pour lui murmurer qu'elle aurait à lui dire un mot lorsqu'il aurait le temps. Ne voulant pas qu'il croie qu'elle s'opposait à cette potentielle nouvelle conquête basque, elle ajouta en battant des cils et en affichant son air le plus désirable:

-Me manquez.

Ce n'était pas faux, il lui manquait. Mais elle voulait en outre lui dire, lorsque l'occasion se présenterait son opinion sur la possibilité d'une modification de leur polygone.

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Florella
Citation:

Un peu embarrassé tout de même car s'il fanfaronnait volontiers, il n'en cachait pas moins sa pudeur et sa timidité sous cette farouche attitude. Néanmoins ce qui fut demandé fut obtenu.
Très doucement, il saisit la jeune femme, ses deux joues entre ses deux mains et l'embrassa d'abord doucement puis la sentant curieuse et réceptive prolongea le baiser tout en s'obligeant à ne voir là qu'un cadeau...Une sorte de présent de bienvenue à cette jeune femme qui lui accordait déja sa confiance.


C'est toute concentrée et à son affaire que Florella reçut ce premier baiser d'un quasi inconnu. de la part d'une femme farouche qui montrait la hache au moindre soupçon d'écart de conduite, il y avait de quoi surprendre.
Un peu comme elle 'aurait fait en goûtant un nouveau met ou un nouveau vin, elle ferma les yeux et écouta d'abord ce que lui disaient ses sensations, la texture des lèvres, leur chaleur, le souffle qui s'en exhalait discrètement, les hésitations aussi, qu'elle ne s'attendait pas à percevoir. Ce n'était pas désagréable, elle y prenait même goût, mais de là à sauter au plafond ou grimper au rideau, il y avait tout une distance difficile à mesurer.
En bref, la jeune femme ne ressentit rien de ce que prétendent les gens, ni vertige, ni ivresse, ni battements affolés du coeur, ni sueurs froides et chaudes, ni trouble d'aucune sorte, rien en tout cas qui ressemblât au trouble qui s'emparait d'elle quand elle se mettait à prier.


Expérience mitigée et assez peu intéressante, et elle allait y mettre fin quand son improbable accordeur de baiser s'écarta pour la regarder en souriant et lui caresser doucement la joue.
Une nouvelle surprise : il se passait donc des choses aussi avec les yeux ! Un timide remord se fit jour de planter là le baron, sans rien accorder en retour pour prix de sa complaisance. Qu'à cela ne tienne, elle rendrait le baiser, comme elle l'avait dit avant de penser que cela n'en valait pas la peine.
Lèvres posées sur ses lèvres... et finalement bien embarrassées de la suite. Elle voulait bien les bouger, mais bon, elle se faisait l'effet d'une poule qui vient de trouver un couteau.


Chuis sûre que j'ai l'air bien conne, comme ça, pensa-t-elle.

Heureusement, elle était pieuse et Dieu eut pitié de son désarroi : il lui envoya l'inspiration qui lui manquait.
Et c'est ainsi qu'elle récita la prière de confession, dans un fervent murmure, les lèvres sur les lèvres de Salvaire d'Irissarri.

Je confesse à Dieu Tout Puissant,
à tous les Saints,
Et à vous aussi mes frères,
parce que j'ai beaucoup péché
en pensées, en paroles, en actions.
Je supplie tous les Saints,
et vous mes frères,
de prier le Créateur pour moi.
Que le Très Haut nous accorde le pardon,
l'absolution et la rémission de tous nos péchés.

Elle venait d'achever lorsque la porte s'ouvrit sur dame Esmey.

Citation:
Ahem. Je ne dérange pas j'espère?


Florella sourit dans les grandes largeurs. Déranger ? Bien sûr que non, elle avait fini son oraison !
Elle réfléchirait plus tard, lorsqu'elle serait seule, à l'indéniable apport qualitatif au baiser de la prière qu'elle avait prononcée.
Boulga
Si Boulga était vraiment partie
Si un orage de grêle envoyé par le Très haut ne l'avait pas persuadée que sa place était auprès de son senher
Si elle n'avait pas assisté aux noces d'Amy et Sinon
Si elle n'avait pas honoré sainte boulasse avec quelques chopines
Si elle n'avait pas entendu parler d'une invasion de brigandes
Si elle n'avait pas résolu avec beaucoup d'abnégation d'occuper pour la nuit et de défendre la chambre rouge de l'épi chantant
Si ça ne lui avait pas donné des idées
Si le lendemain elle n'avait pas vu son senher
Si la promise du double baron n'était pas arrivée à Mende
Si le même double baron n'en avait pas été tout tristoune
Si les mêmes convives que la veille n'avaient pas déploré l'absence de curé à Mende
S'ils n'avaient pas réfléchi aux moyens de ramener des fidèles à l'église
Si le senher Salvaire n'avait pas entendu parler d'une diaconesse qui officiait en robe tranparente
Si les donas n'avaient pas préféré que l'officiant fût un homme
Si le bel et blond baron n'avait pas proposé à son intendante de se tremper dans l'abreuvoir tout habillée, pour juger de l'effet "mouillé par transparence"
Si elle n'avait pas relevé le défi et n'avait pas plongé directement dans le Lot
Si elle n'était pas revenue trempée
Si Gloubinette n'avait pas laissé à son senher le loisir d'admirer ses formes rondes avant de se sécher au coin du feu
Si la chaleur du feu, d'un beau rouge n'avait fait flamboyer ses joues
Si la dona Esmey n'était pas revenue ce soir-là de sa retraite chez les nonnes
Si un tonnelet de whiskey n'avait pas été ouvert
Si le senher Salvaire n'avait pas remonté de sa cachette une bouteille de chouchen avec des abeilles
S'il ne s'était pas plaint de son malheureux sort de noble contraint d'espousailler une dona détestée
Si Boulga n'avait pas poussé l'Amour et le dévouement envers son senher au point de le précéder dans la chambre rouge
Si elle n'avait pas non plus poussé l'Amitié et le sens du partage au point d'y laisser aussi entrer la dona Esmey
Si elle n'y avait pas fait Don de soi

Certo, la jolie face du mois de mai en eût été changée

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Salvaire_d_irissarri
[Cette soirée-là - Pendant laquelle il fut question aussi de la Lenga d'òc (10 minutes - enjoy ^-^)]

Quelques personnes réunies à l'auberge de l'épi chantant.

Macarena ! Je suis époustoubourifflé !

C'est à peu près ce langage que tint le double baron à la suite du spectacle qui lui avait été offert en sa taverne la veille au soir. L'assemblée, peu nombreuse, tant pis pour les gensses, s'était esbaudie et le troubadour avait charmé l'âme et l'esprit des spectateurs. Le bel et blond fut ému de ce geste que Louis avait présenté comme un cadeau de remerciement pour...Pour quoi d'ailleurs ? Depuis plusieurs jorns, les nouveaux arrivants en ce village de Mende avaient apporté un souffle de renouvellement et Salvaire en était plus qu'heureux. La troupe de ceux qu'il appelait les romanichels s'était installée non loin de la forêt et c'est un enfant, le petit Nicolas, qui les avait amenés à venir à l'épi chantant, taverne où les mendois qui aimaient à Réellement Parler se retrouvaient chaque soir que faisait le Très Haut.

Salvaire, tout baron qu'il fut et justement pour cette raison, avait dû, comme tojorn, comme d'habitude, comme tout le temps et c'était bien lassant....s'expliquer, se montrer, en rajouter même pour inciter le monde à causer, à partager, à deviser et voilà à présent qu'il semblait y avoir réussi. Alors ? Qui faisait un cadeau à l'autre, s'pas ? Ces gensses allaient demeurer quelques temps à Mende et la donà Brunissande attendait un enfant etil y en avait d'autres qui ne se montraient point et voila aussi que l'autre là, à peine 4 ans, avait su toucher le coeur du baron, comme avant lui, le jeune Franc Claude Volpone qui ne donnait plus de ses nouvelles. L'absence de l'un expliquait sans doute pourquoi l'autre avait pris une place demeurée vacante.

Néanmoins, il demeurait une part de mystère, d'inquiétude. Est-ce que vraiment un homme au si lourd passé saurait s'amender ? Est- ce que vraiment nulle tromperie n'était en cours ? Salvaire s'inquiétait pour Mende, pour sa mesnie, pour le Lengadòc.

Les propos échangés à la suite, ce courrier reçu par l'homme, ses questions... Que fallait-il en penser ? Que fallait-il faire ?...Tout ceci sous le regard du petit homme peintre. Lui aussi... Ce nouveau venu, ce peintre si doué, qui était-il au fond ? Et allait-il rester au village ?
Deviendraient-ils tous deux, le saltimbanque et le nabot, de célèbres artistes que toutes les cours du voisinage allaient bientôt s'arracher pour le plus grand bonheur des coeurs sensibles à la beauté, au plaisir ?

Ah le plasèr...! Il en fut question aussi lors de cette soirée-là et le jeune homme l'acheva en attrapant sa Boulga par la main, lui promettant comme souvent, nouvelles inspirations, nouvelles tentatives, inspiré qu'il était par les postures de l'homme qui faisait vivre sous leurs yeux les boules de feu. Peut-être qu'il allait inventer cette nuit le "huit enflammé" ou bien rester sur le classique "illumination mendoise"...Nous le saurons - ou pas - au prochain épisode. Toujours est-il qu'ils prirent congé, chacun les uns des autres, réunis déja en ce souvenir de cette soirée-là. Le paratge si cher aux gens du Sud qu'il venait de retrouver ici, comme en Tolosa parfois, au coeur d'une taverne villageoise. Ils se séparèrent, enfin, sans doute tous un peu différents de ceux qu'ils étaient avant le début de cette soirée-là.


Adissiatz. Mercès plan et Buena nuech !

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“ Se ne vos pas sentir la fret, te cal minjar un caçolet ”
Boulga
[Un jorn de juillet, peu après cette soirée des feux dansants]

Boulga, attablée près de la fenêtre, profitait d'un instant de solitude, plume et parchemin à la main, et réfléchissait à ce qu'elle allait bien pouvoir écrire au joli barde blond auquel elle avait demandé une sérénade et qui avait proposé de la lui chanter au clair de lune. Elle avait accepté et devait simplement lui envoyer un gentil rossignol pour préciser l'heure et le jour.
Et voilà qu'elle butait sur les mots, incapable de trouver le ton juste. Rien de bien compliqué, pourtant. Une toute petite ligne suffisait, mais sa main refusait de la tracer. Et son esprit trop préoccupé tentait de faire le tri dans ses pensées.

Quelques jours plus tôt, le Gaucher, pour remercier le baron de sa confiance et de son hospitalité, avait fait une démonstration de bolas enflammés. Le feu dansait encore sous les yeux de Boulga, qui en gardait indéfinissable impression. Son regard avait voyagé des flammes aux visages qui s'illuminaient fugacement au rythme des mouvements du danseur. Et toujours il revenait à son senher. Etait-il vraiment si beau que cela ? A vrai dire, elle ne savait plus, elle ne voyait plus rien comme avant : elle était simplement imprégnée de ces traits si familiers à présent et si évidents, qu'ils faisaient partie d'elle.


Si leur relation avait commencé sous des auspices bien difficiles et fort passionnés de son côté à elle, un rythme beaucoup plus tranquille s'était instauré par étapes. Non pas tranquille, de fait, parce que le senher Salvaire ne serait jamais homme tranquille - et sans doute était-ce cette stimulation permanente qui convenait à Boulga, qui était toujours aussi surprise de ce lien tissé avec un homme qu'elle prétendait à l'opposé de ce qu'elle cherchait. Elle cherchait époux, elle était devenue maîtresse. Elle rêvait de fidélité, elle avait choisi un volage. Elle donnait son amour sans condition, et lui l'avait assurée de l'amour éternel qu'il vouait à sa divine cousine et qu'il n'aimerait jamais aucune femme autant qu'elle. Elle prétendait n'aimer que lui, et il la poussait à essayer d'autres hommes, pour parfaire son expérience.
Bref.

Pourtant... ben pourtant, elle se sentait contente de tout cela. Une danse des coeurs et des corps d'abord bien maladroite mais qui avait fini par trouver ses rythmes et accords propres. Il y avait de l'amour dans ce lien, assurément, mais aussi de l'amitié, et beaucoup de confiance. Une indéniable souplesse.

Voilà.
Si Boulga aujourd'hui ne voulait plus tenter l'escapade avec le joli barde à la moustache blonde, ça n'avait rien à voir avec son senher, qui lui avait donné "permission". C'était simplement que passé le tout premier moment de séduction, quelques échanges en plus, et elle avait senti que le courant ne passait pas tant que cela et qu'ils risquaient davantage de s'ennuyer l'un l'autre qu'autre chose. Or pour une nuit, c'est tout de même ballot de s'ennuyer... ou de simuler pour être poli. Le mensonge, voià le mal.

Une occasion manquée ? Il en viendrait sans doute d'autres.
Qui lui feraient dénouer en douceur le lien avec son senher. Ou peut-être le renforcerait.
Bah, on verrait bien. L'important était de ne plus se brûler pour rien. Et en attendant, ils jouaient au "verger d'Alaïs", à "pêcher à Montpelher", aux "confessions nîmoises" pour finir avec "l'illumination mendoise".


Oué. Té. Le "huit enflammé" aussi, qui avait été grande réussite côté rire.

Le souvenir la fit pouffer toute seule devant sa table. Et c'est avec un grad sourire qu'elle rangea plume et parchemin. Le rossignol irait gazouiller ailleurs, cette fois, et tanpis si on la trouvait versatile, ou inconstante, ou hypocrite, ou niaise, ou... bah, elle s'en fichait comme d'une guigne !
Elle avait ses divers offices à remplir d'abord.

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Assyr
[Soirée du 15 juillet 1460 - A l'épi chantant]



Ce soir là, Assyr arriva à la taverne du Baron d'Apcher. Et il n'était déjà pas bien net le bougre. En effet, avant de s'y rendre, il s'était enfilé ni une ni deux le petit tonnelet de son vin qu'il avait toujours sur lui. C'était une des rares choses que les brigands ne lui avaient pas volée. Il faut dire que ce matin même, le ciel lui était tombé sur la tête lorsqu'il reçu la funeste nouvelle de la mort d'Armoria. Qui plus est, il avait dû faire bonne figure devant la duchesse d'Auxerre avec qui il avait eu un entretien dans la matinée. Car personne, non personne, ne devait savoir combien il souffrait, car personne ne devait savoir combien il l'aimait. Le soir venu, la douleur était telle que le seul moyen qu'il avait trouvé pour l'apaiser un peu, c'était l'alcool.

Une fois le fameux tonnelet terminé, il décida de sortir et de continuer à boire dans une taverne. Il se rendit donc
A l'épi chantant où il y avait la foule des grands soirs. Le baron et son intendante étaient présents, Marieline qu'Assyr avait accompagnée la veille à Alais était là aussi, tout comme le troubadour futur maire de la ville et sa dulcinée, croisés déjà à Tonnerre en des temps obscures, et bien d'autres personnes que le diplomate ne connaissait pas. Accoudé au comptoir, il enchainait les verres sans presque s'arrêter, sans compter les tournées générales généreusement offertes à tour de rôle par l'ensemble ou presque des présents. Tant et si bien qu'Assyr finit par être rond comme... euh comme un rond. Et là, ce fut le drame ! Le ton monta, il y eut querelle, excitation, vulgarité, le vigneron bourguignon ne se maîtrisait plus ; il ne maîtrisait plus son corps, il ne maîtrisait plus ses mots, sa parole, plus rien. Il finit même par tomber en larmes dans les bras du senher Salvaire lorsqu'ils comprirent tous les deux qu'ils souffraient du même mal. Finalement, le Tonnerrois s'effondra sur le comptoir. Boulga et Marieline encouragées par le blond baron prirent la décision de monter l'ivrogne dans une chambre de l'auberge pour qu'il y passa la nuit. Ce fut la chambre rouge qui fut désignée parce que dans un râle presque inhumain Assyr refusa la chambre verte - c'est celle qui avait été choisie dans un premier temps - sous prétexte qu'il n'aimait pas cette couleur.

Ils arrivèrent enfin à destination, et croyez-moi ce ne fut pas une partie de plaisir. Le Bourguignon s'était lamentablement laissé trainer, c'était tout juste s'il arrivait à marcher en fait. Néanmoins, ils arrivèrent et les deux courageuses purent enfin le déposer tant bien que mal sur le lit. Et là sans trop comprendre pourquoi, Assyr sentit tout son corps s'effondrer, toutes ses barrières sauter, toute sa douleur exploser. Un torrent de larmes se déversa sur le visage du malheureux et des sanglots lui nouèrent la gorge. Il ne s'arrêtait plus.

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Boulga
[Même soir - Mêmes lieux]

Une des premières choses qui avait frappé Boulga lorsqu'elle était entrée dans la taverne ce soir-là, ce fut le langage pourle moins inhabituel de son Excellence l'Ambassadeur Assyr. Elle était si surprise qu'elle ne put s'empêcher d'en faire tout haut la remarque, et d'ailleurs, elle ne fut pas la seule.
Quelques "hips" malencontreux renseignèrent cependant la compagnie sur l'origine de cette transformation si radicale : l'abus de chopines, capable de faire craquer bien des couches de civilité. Et pardine, son Excellence devait en avoir bu beaucoup plus que son content pour qu'en l'occurrence toutes les couches aient volé en éclats en public.
Boulga se trouvait partagée entre le rire et la désolation.
Et puis ce fut le drame. Les grandes eaux du désespoir qui révélèrent à tous les convives un secret qu'Assyr gardait bien enfoui au fond de son coeur, apparemment : le deuil d'un amour jamais avoué, jamais partagé, silencieux et qui aujourd'hui ne pourrait plus jamais l'être puisque celle qui l'avait inspiré était morte. La jeune fille en fut toute remuée : son senher bien-aimé portait un deuil semblable qui lui faisait répéter régulièrement qu'il ne pourrait jamais aimer d'autre femme que sa Divine, la première Reyne justement élue du royaume. Et qu'il avait décidé de noyer sous des flots de travail, de joies et de plaisirs, plutôt que sous des flots de larmes. Et si ces journées de juillet voyaient s'épanouir un plein été chaud, coloré et odorant, elles marquaient aussi un triste anniversaire.
Dérober une peine si intime au public, ce fut la première préoccupation de la jeune intendante : Marieline, qui les avait accueillis à Mende à la fin de l'hiver lorsqu'elle était bourgmestre, l'aida à porter l'ambassadeur de Bourgogne jusque dans la chambre rouge : il ne serait pas prudent de le laisser rentrer seul à son logis, si tant est qu'il fût capable d'en retrouver le chemin.

A peine les deux jeunes femmes eurent-elles déposé le paquet sur le lit, et à peine Marieline fût-elle redescendue qu'Assyr éclata à nouveau en sanglots, qui cette fois ne se tarissaient plus. Brisée, la digue, les grandes eaux tournaient au flot bouillonnant d'un large fleuve après un violent orage. D'en bas montaient les bruits assourdis des rires et des conversations. Le senher Salvaire badinait avec une jolie demoiselle. Une même douleur, deux réactions opposées en apparence. Mais le temps avait tissé son voile dans un cas, alors que dans l'autre, tout était encore frais du jour.
Boulga ferma doucement la porte de la chambre et revint vers l'homme pour lui retirer d'abord ses bottes, avant de s'attaquer au pourpoint et de le laisser en braies et chemise. Elle ne posa aucune question, ne chercha aucune parole consolante. Par pudeur sans doute.
Par prudence, aussi : c'était ainsi qu'elle en usait avec son senher : elle se gardait de toucher au deuil qu'il portait et n'avait jamais cherché à le partager en aucune manière. D'abord parce qu'elle n'avait jamais connu la reyne Beatritz de près ni de loin : ce n'était qu'une vague ombre très lointaine, pour elle. Et ensuite parce qu'elle respectait trop son senher pour oser s'immiscer au plus intime de son coeur sans qu'il l'y ait invitée : il lui aurait semblé commettre une sorte de profanation.
Prétendre qu'elle acceptait ce fait de bonne grâce, c'eût été un mensonge : elle eût préféré être celle qui console et qui efface les blessures jusqu'à n'en plus laisser le moindre souvenir ni cicatrice. Mais cela, c'était vanité et péché d'orgueil.

Assyr pleurait toujours.
Boulga trempa un linge dans la bassine d'eau fraîche qui se trouvait là, dans la chambre, et l'appliqua doucement sur le visage de l'homme, tant pour dissiper certaines vapeurs d'alcool encombrantes que pour apaiser la fièvre provoquée par les brûlantes larmes. Le front, les joues, le menton, les yeux, le nez, la bouche... et le cou.
Elle renouvela l'opération plusieurs fois, un peu plus troublée à chaque fois de la proximité engendrée. Quelques mois plus tôt, une fois, elle avait tenu contre elle un autre homme qui pleurait lui aussi, et elle savait comment cela avait fini.
La sagesse lui commandait de se retirer. Mais elle n'en était pas capable. Pas maintenant. Ces larmes-là avaient effet trop puissant sur elle : c'étaient celles qu'elle ne partageait pas avec son senher.

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