Matalena
Décidément, je n'y comprends goutte, moi, à ces choses de femmes... A part grogner comme un dogue, je ne suis guère bonne à rien, mais de cela tu étais jà au courant. Car enfin, dans tes mélancolies, nulle ne semble plus inopportune que moi à te guérir, tant par ma maladresse qui ne fait qu'enfoncer les têtes de clous qui dépassaient encore que par ce que le thème même échappe sans doute à mon entendement. Mais enfin, l'heure n'est pas aux veines tergiversations semble-t-il, et la gravité de tes mots me contraint au sérieux.
Diantre, ce n'est pas faute de t'avoir sermonnée pourtant : tu vas t'abîmer le cur, à ne plus savoir qu'en faire de la sorte. Je n'ignore pas que ce sont des choses que l'on subit plus qu'on ne les souhaite, mais enfin, ne peux-tu brider la profondeur du manque, qui te fait à ce point devoir combler l'amour par toutes ses facettes ? Les impossibles, les passionnées, les hésitantes, les complices, les incertaines... S'en est trop, ma mie, quelle âme pourrait se targuer souquer ferme dans des eaux si troubles et tumultueuses ? (Si tu veux mon avis, une bonne grosse sal...)
Comme le dirait notre estimé Averroës (Promis, une dernière après j'arrête les citations exégèses) : la modération dans les plaisirs. Et si je le cite, ça n'est point pour tassommer de vérités prophétiques, mais simplement pour souligner que même un homme, à l'époque, avait compris qu'à se laisser tirer à hue et à dia par les aléas sentimentaux, on finit par se perdre soi-même... Et je t'arrête de suite, noublie pas que pour notre bien-aimé Créateur, l'amour de l'amitié et de la vie sont les souverains biens. Il me semble donc tout à fait hors de raison que dans Sa grande sagesse, Il puisse souhaiter qu'un de ses fidèles ne respecte pas ses propres commandements en le coupant de cela.
Nous grandissons, mon aimée, et nous changeons. Cela est dommageable pour certaines choses... Où sont passés ces soirées en taverne où, de chopine en chopine comme deux pochardes avinées, nous refaisions le monde de notre mauvaise langue ? Que nos mots me semblent sérieux aujourd'hui, et emprunts d'une tristesse qui n'est point encore accordée à nos visages sans rides. Pourtant, nous changeons aussi en mieux, je le crois sans en démordre pour ce qu'il me semble qu'avec plus de temps, plus d'ans écoulés, nous pourrons trouver la sérénité qui relie l'esprit aux actes. Ne sois pas si catégorique avec toi-même... Nous avons tous nos faiblesses, et Deos seul en jugera.
Enfin, quoi qu'il en soit, tu ferras tes choix, ainsi que toujours. Saches que mon cur et la porte de ma demeure ne te seront jamais clos, quoi qu'il puisse advenir et quelles que soient les piques échangées. S'il te faut trouver une retraite dans la folie du monde, je t'invite sous mon toit dès qu'il te chante. Toi, ta petite, tes compagnons d'alors, ou quoi que ce soit d'autre, car noublie pas l'essentiel : Una soleta lenga non sufís per díser taimi.
Mata
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