Sòrre meuna, decebuda per-aquò...
Afin que de te pouvoir parler sincèrement, vraiment, et le cur plus léger, je t'entretiens d'abord de ce qui constitue pour moi à la fois le plus exaspérant (Car oui, je suis tout à plein exaspérée) et le plus navrant des arguments... Ce qui dans mes humeurs va souvent de paire.
Qu'il soit su, dit, écrit et enfin définitivement compris que :
- J'emmerde
Cette drôlasse du Cur Navré qui, sous prétexte de se mêler des histoires de cul d'autrui, utilise son entendement de sotarde vicieuse pour tirer de toutes choses les conclusions qui l'arrangent le plus. Devrais-je prouver devant cette guimauve suffisante qui se prend pour une dure qui à la plus grosse ? Devrais-je étaler, à son instar, mes exploits guerriers pour lui faire ravaler ses injures de chiourme mal torchée ? Devrais-je souligner une fois encore que pour une donneuse de leçons, avoir promis dix fois quitter la troupe sous des prétextes plus ou moins bidons est pour le moins malvenu ?
Certes non, ce serait lui faire plus d'honneur qu'elle n'en mérite.
Je conchie cette variété de femelles qui, de leur simple existence et du droit qu'elles ont à la parole, nous oblige à prouver dix fois notre valeur quand un mâle ne le doit qu'une, histoire de dépasser les aprioris semés par ces volières de caquetantes sans cervelle. Tu le lui pourras répéter de ma part à ta guise, cela m'indiffère.
Ce détail étant écarté... Nous reste ce qui nous intéresse.
Le pourquoi de mon départ ? A coup sur, s'il n'a été divulgué à personne, ni aux généraux, ni aux proches, c'est, tu t'en doutes, pour une bonne raison. Enfin non, tu ne t'en doutes pas, vu les lignes de reproches et de douleur dont tu témoignes.
Des cachotteries ? Il est vrai. Une mise à l'index ? Je ne sais. Dois-je préciser que ma grossesse, mon mariage et la nouvelle de mon annoblissement ont été révélés et décidés en l'espace de trois semaines ? J'ignorais où envoyer mes missives, lors de mon invitation. J'ignorais que tu te trouvais alors avec Humbert, et pourquoi (Ce qui est d'ailleurs toujours le cas. T'en ai-je fais question pour autant ?). J'ignorais ton nouveau nom de famille jusqu'à ce que tu me le lâches par hasard, et ce qu'il implique. J'ignore le pourquoi de ta participation à cette action, et donc ce que je puis t'y dire ou non.
Essais-tu de me tirer les larmes en m'annonçant les blessures de ma suzeraine ? Crois-tu que j'ignorais ce qui allait arriver ? Ou crois-tu que je le savais, et ai quitté le combat craignant pour ma vie ou mon honneur ? Aurais-je frondé tout ce temps, avec le risque de crever à chaque jour qui passait, si tel était le cas ?
Je ne sais plus quoi croire. Je pense que tu me connais suffisamment pour savoir que mes choix n'ont pu être dictés par cette sorte de sentiments, et pourtant tu me reproches à demis-mots de n'avoir point été là pour recevoir sur mes genoux le sang de ceux qui me sont chers. Que répondre à cela ?
Oui, je n'étais pas là.
Et non, je n'ai aucuns regrets, croyant avoir obéit bien plus fidèlement par mes actes actuels celle que je sers que vous tous hier au soir. Mais cela, je n'ai à le détailler ni devant le Cur Navré, ni devant toi.
Ma colère et mon fiel s'apaisent alors que je t'écris, car, moi aussi, j'oublie en ce moment une chose essentielle : la question n'est point là, en réalité. Je t'ai déçue une fois encore, et suis en cela seule responsable, pour ne t'avoir pas prévenue de notre départ.
Ma rousse... Nos chemins se sont séparés nombre de fois, je le sais. Mais dans ce laps de temps, sans que mon amour pour toi se soit étiolé, je ressens comme le poids de non-dits, de secrets, que je ne sais guère plus comment gérer. Et de cela aussi, je suis responsable, car peut-être m'aurais-tu parlé si j'avais quitté ma réserve pour m'ouvrir à toi. Mais de cela, je n'ai pas eu le courage. Tant à dire et si peu de possibilités de le faire, que je ne sais par où commencer.
Quoi qu'il en soit, je regrette, ma Scath, de t'avoir déçue une fois de plus... Ce qui m'est une navrure bien plus rude à penser que celles que j'aurais pu recevoir tantôt sur un énième champ de bataille. Me pardonneras-tu ?
Je ne promettrai pas que cela ne se reproduise plus, ignorante de demain que je suis, mais te promets néanmoins de tâcher de n'être plus si cachottière, et te te parler plus ouvertement ; Ou du moins d'essayer.
Je me rends en Anjou avec Maleus afin de déposer mes enfants, et un précieux colis, à l'abri dans notre seigneurie. Je nous souffrirai plus qu'ils soient exposés plus avant aux dangers des combats. Par delà, il m'incombe une autre mission dont je t'entretiendrais tantôt, dès que celle-ci ne nécessitera plus d'avancer à tâtons, une patte déjà sur le recul.
Te remettras-tu vite ?
Ta sombre brune
(Qui n'est plus obèse, soit dit en passant)
PS : Qu'en est-il de cette lettre ? Et du moustachu ? Je me perds une nouvelle fois dans la géométrie de tes inextricables amours.