Anne_de_breuil
Chapitre I
Elle retenait sa respiration essayant vainement entendre son coeur battre au même rythme que les cloches de l'église. Ding ! Dong ! Papam papam !
Ses yeux verts fixaient intensément les ombres du mur de la chambre, voile gris sur gris, la vie semblait éteinte entre les murs sombres du couvent de Hastings.
En songe parfois, elle voyait le visage d'une femme blonde et grande qui penchait son visage vers elle sans un sourire. Elle se voyait tendre ses bras vers ceux de la dame mais toujours, celle-ci s'effaçait et ce n'était que bures qui l'entouraient.
One ! There is only one God, which thou shalt love and like perfectly.
Elle ne connaissait de perfection et d'amour que ces rêves secrets que jamais on ne la laisserait révéler sur cette île. Un jour, elle ne serait plus une enfant apeurée non, un jour elle n'aurait plus peur des battements de son coeur. Un jour, elle serait une dame devant qui on ne hausserait pas le ton, devant qui on baisserait les yeux.
Rien à faire, son coeur ne suivait pas le rythme des cloches.
Two ! Thou shalt respect His Holy Name, avoiding blasphemy and false oaths.
Un Dieu qui la laisse pourrir dans un tel endroit ne peut qu'être mauvais et ceux qui le servent ne sont que fourberie et hypocrisie.
Un jour, oui un jour, elle fera de l'amour son vice et d'elle la perfection. Elle sera déesse et niera le Très Haut. Un jour rien ne lui fera peur même pas cet Lune qu'ils lui balancent à tout va pour la faire taire.
Ah ! Là son coeur à fait boum en même temps que la cloche tintinabulait.
Un jour elle sera maîtresse de tout, du temps, de la vie, de la mort...
Anne, you're a devil ! In the night you must close your eyes, not to see the moon.
La voix surgissait si près de ses oreilles que la fillette blonde tressauta sur le lit de paille. Elle ne perçut qu'un instant après la douleur sur sa cuisse du bâton qui avait été assené sur sa peau avec fermeté.
Les yeux verts de l'enfant se posèrent sur la soeur aristotélicienne qui lui faisait face. Elle la haïssait et ne le cachait pas.
Get lost in hell, murmura la fillette entre ses dents mais pas assez fort pour éviter un autre coup de branche de noisetier.
Des heures s'écoulèrent sans qu'elle laisse pour autant ses paupières couvrir l'iris de ses yeux. Elle gardait la machoire contractée de rage se promettant d'un jour faire souffir ses bourreaux. Elle imaginait qu'eux aussi verraient leur sang s'écouler sur leur peau et sentiraient la douleur fulgurante du bois qui fouette ce même sang.
A l'aurore, elle se leva nue et fragile. Contrairement aux autres enfants qui vivaient là, Anne se drapa de ses vêtements sans attendre qu'on lui en donne l'ordre mais cette fois, au lieu de rester assise sur le lit à attendre l'appel quasi militaire des surs, elle quitta le dortoir pour se faufiler dans le couloir des cellules.
Elle n'avait jamais compris ce qui poussait ses femmes à vivre en recluses dans des pièces si étroites que ces cellules grises et tristes. Elles lui apparaissaient comme n'ayant aucune âme, comme étant vide de tout sentiment. Chaque jour elles se pliaient aux même horaires, même rituels sans autre distraction sans doute, que de faire subir aux enfant qu'elles avaient en charge leur frustration.
Get lost in hell, dit-elle de nouveau tandis qu'elle parcourait le couloir pour aller jusque dans les cuisines. Allez mourir, dit-elle cette fois dans sa langue faisant honneur à ses origines.
Quelques instants plus tard, elle était de nouveau dans le couloir, sa main retroussée dans sa manche tenait un couteau à la lame aiguisée. Anne sentait à la fraicheur qui s'immisçait entre les murs que la matinée se levait apportant avec elle des courants froids, un voile de brouillard typique de cette île maudite et une rosée imperceptible qui se coucherait sur chaque brin, chaque pétale avant que les rayons de l'Astre solaire viennent les tuer goutte après goutte. Elle détestait ce soleil cruel qui régnait en maître au milieu des monstres.
C'était bientôt l'heure. Anne amena sa main frêle à la lumière, la lame brillait prête à s'engorger de sang.
La sorcière allait bientôt se lever et découvrir que c'était elle ici qui décidait de son propre sort, elle qui avait des deux, les ongles les plus acérés, elle qui...
...avant qu'elle n'ait pu entailler la chair de qui que ce soit une main ferme se ferma sur sa peau entourant son poignet. Déjà elle se débattait de toutes ses forces, sa rage prenant le pas sur sa raison. Ses poings tambourinaient de toutes ses forces la poitrine opulente de la sur qui lui faisait face. Cette dernière lui lançait un regard sans équivoque.
Je vous tuerai, je vous tuerai toutes ! I will kill you all !
Elle n'aurait su dire combien de temps après cela elle était restée enfermée dans ce placard à attendre une sentence qui ne venait pas. La faim et la soif la tiraillait depuis des heures déjà lors quenfin la porte s'ouvrit.
La lumière ne fut guère une bénédiction. Trop longtemps dans le noir elle devait garder ses yeux fermés quelques minutes avant de s'habituer de nouveau au jour. Un homme qu'elle ne connaissait pas -d'ailleurs, il n'y avait jamais d'homme dans ce couvent- tenait sa main à presque lui broyer les os. Anne voulait pleurer mais au delà de sa peur son orgueil l'en empêchait. Elle ne pleurerait pas, elle ne leur ferait pas ce plaisir. Ils avancèrent tous les deux jusqu'à la lourde porte dans la cour et sortirent hors du couvent. Longtemps elle avait rêvé de s'échapper de cet endroit et pourtant au moment où elle le quittait, la peur déchirait ses entrailles.
L'homme avançait à grand pas, elle avait bien du mal à le suivre. Pas un mot n'avait été échangé entre eux, aucune soeur n'était venu la voir depuis qu'on avait enserré son poignet. Après avoir parcourut plusieurs rues, Anne sentait les muscles de ses chevilles endoloris et ses pieds gonflés. Elle continuait cependant à retenir ses larmes.
La nuit tombait et Anne comprit qu'elle avait passé toute sa journée enfermée dans le placard du couvent à ruminer ses rancurs... Elle cherchait un moyen fou pour s'échapper de la poigne de l'homme et repartir au couvent terminer ce qu'elle avait commencé. Du haut de ses onze ans elle avait une foi en elle à toutes épreuves. Parfois, elle essayait vainement de retirer sa main de celle qui la faisait souffrir.
Un vent frais vint chatouiller ses narines et lui apporter une certaine douceur dans la douleur. Des odeurs salines se faisaient sentir. Anne voyait à travers le brouillards des formes devenir plus distinctes : des murs... des tonneaux... un quai... un bateau...
Lorsqu'ils arrivèrent tous deux sur le ponton d'amarrage de l'un d'eux, l'homme lâcha sa main mais lui signifia d'un regard qu'elle avait tout intérêt à ne pas bouger. Elle s'exécuta en restant droite comme un i.
Un autre homme était là, une pipe coincée entre ses lèvres dont il se saisit pour parler.
- Is she ?, demanda l'homme à la pipe
- Yes.
- Got some money ?
- Here !
La fillette assistait à l'échange sans mot dire mais en maudissant son destin jusque là inconvenant.
L'homme qui l'avait accompagné jusqu'au port d'Hastings lui fit signe de les rejoindre. Son compagnon se pencha vers elle lorsqu'elle fut près d'eux.
- Tu es française je crois. Tu vas devoir venir avec moi sur ce bateau, l'église ne veut plus de toi sur cette île. Tu repars dans ta famille.
Elle acquiesça refusant toujours de prononcer le moindre mot se demandant tout de même ce qu'il entendait par famille. Elle n'avait jamais eu que sa mère qui l'avait abandonnée dans ce couvent où elle avait découvert que si l'Enfer existait, le Très Haut lui était en retraite spirituelle depuis déjà trop longtemps. Peut être même était-il mort, ou juste mauvais...
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Elle retenait sa respiration essayant vainement entendre son coeur battre au même rythme que les cloches de l'église. Ding ! Dong ! Papam papam !
Ses yeux verts fixaient intensément les ombres du mur de la chambre, voile gris sur gris, la vie semblait éteinte entre les murs sombres du couvent de Hastings.
En songe parfois, elle voyait le visage d'une femme blonde et grande qui penchait son visage vers elle sans un sourire. Elle se voyait tendre ses bras vers ceux de la dame mais toujours, celle-ci s'effaçait et ce n'était que bures qui l'entouraient.
One ! There is only one God, which thou shalt love and like perfectly.
Elle ne connaissait de perfection et d'amour que ces rêves secrets que jamais on ne la laisserait révéler sur cette île. Un jour, elle ne serait plus une enfant apeurée non, un jour elle n'aurait plus peur des battements de son coeur. Un jour, elle serait une dame devant qui on ne hausserait pas le ton, devant qui on baisserait les yeux.
Rien à faire, son coeur ne suivait pas le rythme des cloches.
Two ! Thou shalt respect His Holy Name, avoiding blasphemy and false oaths.
Un Dieu qui la laisse pourrir dans un tel endroit ne peut qu'être mauvais et ceux qui le servent ne sont que fourberie et hypocrisie.
Un jour, oui un jour, elle fera de l'amour son vice et d'elle la perfection. Elle sera déesse et niera le Très Haut. Un jour rien ne lui fera peur même pas cet Lune qu'ils lui balancent à tout va pour la faire taire.
Ah ! Là son coeur à fait boum en même temps que la cloche tintinabulait.
Un jour elle sera maîtresse de tout, du temps, de la vie, de la mort...
Anne, you're a devil ! In the night you must close your eyes, not to see the moon.
La voix surgissait si près de ses oreilles que la fillette blonde tressauta sur le lit de paille. Elle ne perçut qu'un instant après la douleur sur sa cuisse du bâton qui avait été assené sur sa peau avec fermeté.
Les yeux verts de l'enfant se posèrent sur la soeur aristotélicienne qui lui faisait face. Elle la haïssait et ne le cachait pas.
Get lost in hell, murmura la fillette entre ses dents mais pas assez fort pour éviter un autre coup de branche de noisetier.
Des heures s'écoulèrent sans qu'elle laisse pour autant ses paupières couvrir l'iris de ses yeux. Elle gardait la machoire contractée de rage se promettant d'un jour faire souffir ses bourreaux. Elle imaginait qu'eux aussi verraient leur sang s'écouler sur leur peau et sentiraient la douleur fulgurante du bois qui fouette ce même sang.
A l'aurore, elle se leva nue et fragile. Contrairement aux autres enfants qui vivaient là, Anne se drapa de ses vêtements sans attendre qu'on lui en donne l'ordre mais cette fois, au lieu de rester assise sur le lit à attendre l'appel quasi militaire des surs, elle quitta le dortoir pour se faufiler dans le couloir des cellules.
Elle n'avait jamais compris ce qui poussait ses femmes à vivre en recluses dans des pièces si étroites que ces cellules grises et tristes. Elles lui apparaissaient comme n'ayant aucune âme, comme étant vide de tout sentiment. Chaque jour elles se pliaient aux même horaires, même rituels sans autre distraction sans doute, que de faire subir aux enfant qu'elles avaient en charge leur frustration.
Get lost in hell, dit-elle de nouveau tandis qu'elle parcourait le couloir pour aller jusque dans les cuisines. Allez mourir, dit-elle cette fois dans sa langue faisant honneur à ses origines.
Quelques instants plus tard, elle était de nouveau dans le couloir, sa main retroussée dans sa manche tenait un couteau à la lame aiguisée. Anne sentait à la fraicheur qui s'immisçait entre les murs que la matinée se levait apportant avec elle des courants froids, un voile de brouillard typique de cette île maudite et une rosée imperceptible qui se coucherait sur chaque brin, chaque pétale avant que les rayons de l'Astre solaire viennent les tuer goutte après goutte. Elle détestait ce soleil cruel qui régnait en maître au milieu des monstres.
C'était bientôt l'heure. Anne amena sa main frêle à la lumière, la lame brillait prête à s'engorger de sang.
La sorcière allait bientôt se lever et découvrir que c'était elle ici qui décidait de son propre sort, elle qui avait des deux, les ongles les plus acérés, elle qui...
...avant qu'elle n'ait pu entailler la chair de qui que ce soit une main ferme se ferma sur sa peau entourant son poignet. Déjà elle se débattait de toutes ses forces, sa rage prenant le pas sur sa raison. Ses poings tambourinaient de toutes ses forces la poitrine opulente de la sur qui lui faisait face. Cette dernière lui lançait un regard sans équivoque.
Je vous tuerai, je vous tuerai toutes ! I will kill you all !
Elle n'aurait su dire combien de temps après cela elle était restée enfermée dans ce placard à attendre une sentence qui ne venait pas. La faim et la soif la tiraillait depuis des heures déjà lors quenfin la porte s'ouvrit.
La lumière ne fut guère une bénédiction. Trop longtemps dans le noir elle devait garder ses yeux fermés quelques minutes avant de s'habituer de nouveau au jour. Un homme qu'elle ne connaissait pas -d'ailleurs, il n'y avait jamais d'homme dans ce couvent- tenait sa main à presque lui broyer les os. Anne voulait pleurer mais au delà de sa peur son orgueil l'en empêchait. Elle ne pleurerait pas, elle ne leur ferait pas ce plaisir. Ils avancèrent tous les deux jusqu'à la lourde porte dans la cour et sortirent hors du couvent. Longtemps elle avait rêvé de s'échapper de cet endroit et pourtant au moment où elle le quittait, la peur déchirait ses entrailles.
L'homme avançait à grand pas, elle avait bien du mal à le suivre. Pas un mot n'avait été échangé entre eux, aucune soeur n'était venu la voir depuis qu'on avait enserré son poignet. Après avoir parcourut plusieurs rues, Anne sentait les muscles de ses chevilles endoloris et ses pieds gonflés. Elle continuait cependant à retenir ses larmes.
La nuit tombait et Anne comprit qu'elle avait passé toute sa journée enfermée dans le placard du couvent à ruminer ses rancurs... Elle cherchait un moyen fou pour s'échapper de la poigne de l'homme et repartir au couvent terminer ce qu'elle avait commencé. Du haut de ses onze ans elle avait une foi en elle à toutes épreuves. Parfois, elle essayait vainement de retirer sa main de celle qui la faisait souffrir.
Un vent frais vint chatouiller ses narines et lui apporter une certaine douceur dans la douleur. Des odeurs salines se faisaient sentir. Anne voyait à travers le brouillards des formes devenir plus distinctes : des murs... des tonneaux... un quai... un bateau...
Lorsqu'ils arrivèrent tous deux sur le ponton d'amarrage de l'un d'eux, l'homme lâcha sa main mais lui signifia d'un regard qu'elle avait tout intérêt à ne pas bouger. Elle s'exécuta en restant droite comme un i.
Un autre homme était là, une pipe coincée entre ses lèvres dont il se saisit pour parler.
- Is she ?, demanda l'homme à la pipe
- Yes.
- Got some money ?
- Here !
La fillette assistait à l'échange sans mot dire mais en maudissant son destin jusque là inconvenant.
L'homme qui l'avait accompagné jusqu'au port d'Hastings lui fit signe de les rejoindre. Son compagnon se pencha vers elle lorsqu'elle fut près d'eux.
- Tu es française je crois. Tu vas devoir venir avec moi sur ce bateau, l'église ne veut plus de toi sur cette île. Tu repars dans ta famille.
Elle acquiesça refusant toujours de prononcer le moindre mot se demandant tout de même ce qu'il entendait par famille. Elle n'avait jamais eu que sa mère qui l'avait abandonnée dans ce couvent où elle avait découvert que si l'Enfer existait, le Très Haut lui était en retraite spirituelle depuis déjà trop longtemps. Peut être même était-il mort, ou juste mauvais...
* Peur et amour, Yolande Chéné
1. Il y a seulement un Dieu, il est amour et perfection. 2. Vous respecterez Son Nom Saint, évitant le blasphème et les faux sermons.
3. Anne, tu es un démon ! La nuit tu dois fermer tes yeux pour ne pas voir la lune. 4 et 5. Vas pourir en enfer 5. je vous tuerai toutes
- C'est elle ?
- Oui
- Tu as l'argent ?
- Tiens !
3. Anne, tu es un démon ! La nuit tu dois fermer tes yeux pour ne pas voir la lune. 4 et 5. Vas pourir en enfer 5. je vous tuerai toutes
- C'est elle ?
- Oui
- Tu as l'argent ?
- Tiens !
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