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[RP] Entière qu'à moitié

Astana

Laissée à la croisée des chemins... entre un campement et un autre.
La Nuit touche à sa fin. l'Aurore viendra bientôt et emportera avec elle les effluves de cette dernière soirée.

Une décision reste à prendre. A droite, ou à gauche ?
Elle l'avait observé partir de son coté, alors qu'elle n'avait pas bougé, adossée au mur, la mine fermée. Les minutes s'étaient écoulées, à une rapidité effrayante d'abord, et se faisaient plus lentes à mesure que la lune cédait la place au soleil. Le jour une fois venu, le Néant s'éparpillerait, redevenant poussière et Illusion. Brûlé par la lumière. Une main se porte instinctivement à sa gorge encore serrée, où un breuvage avait laissé son empreinte, son sillon de flammes. L'alcool qui l'avait poussée à faire des révélations bien étranges, la concernant. Il était donc le seul à savoir. Comment agir, face à cela ? Les mots avaient franchi la barrière de ses lèvres, dévastant tout, détruisant protections conscientes et inconscientes. Et maintenant...

« Ton toujours sera ma Nuit »

L'Hésitation grandit. A droite, ou à gauche ?
Sa vie, ou la sienne ? Astana ou le Néant ? La moitié, ou le tout ?

« Je ne suis Entière que la nuit »

Cette phrase cogne dans son crâne. Pour tout ce qu'elle dévoile, sous-entend et dément. Pour tout ce qu'elle implique. Pour cette réalité, restée longtemps enterrée. Elle est capable d'être Entière, donc. De tout rassembler. Mais que la moitié du Temps. Parce que cela demande trop d'efforts autrement. Et s'il était possible qu'elle se retrouve même le jour ? Il avait dit Savoir. Déstabilisée, décontenancée, par des propos trop justes, trop confiants. Elle avait haït ces mots immédiatement, autant qu'elle les avait éprouvés en secret. Elle ferme les yeux, cherchant à y voir plus clair. Mais au lieu de trouver une réponse, elle en trouve des centaines ; elle retrouve la crypte, les crânes humains ; le corbeau est là, lui aussi. Le liquide fait encore effet. Les paupières se relèvent, et un grognement est émis. Ça n'a pourtant duré que quelques secondes... et la nuit a tellement reculé...

Il va falloir agir. A droite, ou à gauche ?
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Khal
Flammes

Entre deux. Monde éphémère et lueurs indécises. La lune flirte avec les prémices du jour. La Nuit touche à sa fin, sa Vie aussi. Impassible, il s'avance, le corps nullement impressionné par la froideur environnante. Ne se retourne pas. Jamais. Les Flammes brûlent encore en lui, et battent en ses tempes le rythme sourd des tamtams. Amphore vide. Images gravées. Bord de Loire, coin de sable. A peine un regard pour son campement de fortune. A peine. Impassible, il chasse son pays d'un clignement de paupière. Nul part ailleurs n’existe pour l’heure. Il n’est qu’un homme aux pensées chassées et balayées, concentré uniquement sur le bien être de son corps.
Prenant place sur la terre, en tailleur, il ferme les yeux. Remontent quelques bribes de la soirée. Entre halètements, griffes, morsures, caresses et passion, les mots reviennent en force et explosent son crâne.

Peut être.
Corps et âme.
Entière.
Ma Vie.
Ma Nuit.


Leur paradoxe et l’union imparfaite. Le manque de la totalité. La totalité du manque. Il se redresse, ouvre les yeux et fixe, imperturbable le cours de l’eau. Ses pensées divaguent, dérivent tandis qu’enfin il laisse les Flammes ravager son corps, maintenues toute la soirée derrière un mur de glace. Lentement, sa tête glisse sur sa nuque, sa nuque se détend, ses épaules se relâchent, un soupire s’échappe de ses lèvres. Et remonte dans sa gorge un long grognement brutal, tandis qu’il se laisse tomber sur le dos, les yeux ouverts sur un ciel bigarré.
Le paysage défile à vive allure dans son crâne, le brun se mélange avec l’or et le rouge, le safran, les épices et l’encens, les Flammes, les femmes, les armes, le sang. La chaleur le fouette de plein fouet, assèche sa gorge, brûle ses yeux, glisse sur son corps le sable soulevé par le martellement des sabots. Sa peau se recouvre de poussières sombres tandis qu’il sombre dans ce paysage et ne fait plus qu’un avec lui.

Peut être.

La voix est faible, recouverte par le chant des guerriers qui prennent les armes pour détruire les villages alentours. Telle une tempête de sable, ils arrivent, emportent tout sur leur passage. Tuent les hommes, font des femmes leurs esclaves, le poitrail en sang, portant fièrement les gains acquis. Le regard sombre, ils n’ont de pitié pour personne, ne cessent leur combat ancestrale que lorsqu’il n’y a plus rien à détruire, et passent à autre chose. Le Néant. Il frémit quelques secondes, puis retourne autours du feu, observant les corps agités fêter la chasse de la journée. Lui même possède un corps, devant tous, et besogne la brune parce qu’il se doit de le faire. Première esclave faîte, première femme prise.

Possèdes-moi.

Les images se superposent, les sensations changent. L’esclave et Elle se remplacent. Son corps contre le sien, brûlant et humide. Ses soupires, ses mains, ses seins et son cou. La savoir présente. Entière. Et l'observer. Veiller sur elle, l'emprisonnant dans ses bras. Autre homme. Toujours Khal.
Il gronde et ouvre les yeux, tente de retrouver son chemin à travers ce lot de Flammes, le torse agité de profonds soubresauts.

Corps et âme.

L'image floue se précise, sa main blessée, le sang léché. Et le Corps et Âme qui résonne, encore, encore, encore...
Il se cambre, les poings crispés et laisse un grondement jaillir de ses lèvres. Son prénom s'échappe de ses lèvres, ses yeux se referment et lentement, se résorbent les flammes en lui, laissant dans ses veines leur lot de cendres et de déchets. Son souffle rauque se calme, son corps se reprend. Péniblement il se redresse, aperçoit maintenant le soleil tout bas et grogne.
Le Jour a commencé....

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Astana

Le Moi se perd en émoi. Mélanges de sensations. Discussion profonde. Ses paupières se referment sur les abysses de ses songes, de sa Folie, elle se laisse envahir. Un, deux, trois. Pour trois voix. Trois parcelles d'humanité. Dont deux restées inavouées, enfermées, brimées.

Au commencement le Corbeau, porteur de malheur. L'oiseau prophétique se pose sur son épaule droite. Il croasse, une fois, puis deux. Son bec s'approche de la joue opaline, qu'il pince fortement, en guise d'avertissement funèbre. Elle gronde sous la douleur, et chasse le volatile ; avant que celui-ci ne revienne à la charge, se posant outrageusement devant elle. L'ombre portée grandit subitement, alors que le soleil se lève. Ses prunelles se fixent dessus, refusant de faire face à son tourment. La danoise reconnait là son pire ennemi : le moralisateur. Parce qu'elle sait ce qu'il va lui annoncer. Elle ne veut pas entendre, non. Il ne faut pas. Mais l'Ebène déploie ses ailes, claque du bec, tandis qu'une voix railleuse en sort : « Jamais plus ». Il répète cela, comme un refrain obsédant ; éternelle ritournelle de sa vie. Si bien que ses deux mains, plaquées sur ses oreilles, ne suffisent pas pour en atténuer la vérité. Tout fait écho dans son crâne, les mots explosent.

Se substitue au Corbeau : la Chouette, qui en un envol vient se poser sur la branche la plus proche. Son cri, ressemblant à une plainte d'agonie, lui glace le sang. Le coup au coeur est puissant. Il en éclate presque. Fatal cri. Astana se sent partir, glissant en d'autres lieux. Les secondes s'écoulent, et pourtant, le lieu est toujours le même : seule l'atmosphère a changé. Il fait nuit noire. Le regard perçant de la Chouette fond sur elle comme un éclair. Clairvoyante, elle voit. Tout. Dès lors, elle n'est plus Assassine mais Sagesse. Compagne de Minerve. Celle que l'on écoute, en prenant le temps de la réflexion, et dont les conseils, bien que flous méritent respect : « Il n'y aura pas de retour possible ». Trop difficile, trop éprouvant. Quel est le bon choix ? Y en a-t-il seulement un, en vérité ? Et...

... elle s'effondre, abattue en plein vol, devant une femme abasourdie, tant par la violence de l'acte, que par l'ambiguïté des songes qui se succèdent. Ils s'emboitent, évoluent. Ni jour ni nuit, simplement l'aurore. Le cadavre tout de blanc vêtu reste ainsi, quelques instants tout au plus, avant de reprendre vie. Sous les plumes se dessinent des arabesques et le Serpent sort de sa cachette. La langue fourchue et habile, qui semble vouloir la piquer. Il ondule dans sa direction, vif, menaçant, les écailles brillantes, et siffle, imposant son point de vue : « Une fin n'est jamais la Fin en soit ». Il se roule et vient planter ses crocs dans sa queue. Le vent se lève alors, emportant avec lui la première peau du reptile, pour la remplacer par une nouvelle. L'Eternel retour. Mort et Renaissance. Fin et Renouveau.

La vision se brouille, tout devient flou, pour ne pas dire fou. Plusieurs réponses, un seul choix. Le Serpent emporte cette manche. Lorsqu'elle ouvre de nouveau les yeux, Astana observe avec attention ce qu'il se passe autour d'elle. Car ce n'est pas la Nuit qui tombe, mais le Jour qui se soulève. Qui balaie tout.

Pas le temps. Plus le temps. Poussez-vous, poussez-moi, j'ai pas le temps pour ça. C'est le palpitant qui s'accélère, et les jambes qui se mettent en marche d'elles-mêmes. Si ce n'est que le début de la route, elle n'en voit pas encore le bout. Certains mots s'entrechoquent, se superposent pour former des phrases restées silencieuses. Mais souvent, le Silence guide les esprits.
Il est là, au bord de l'eau. Sa posture laisse à penser qu'il médite, ou qu'il se recueille. Son espace. Sa Vie. Astana ne s'approche donc pas plus que cela, elle reste en retrait, dissimulée, les sourcils froncés. Un grondement remonte le long de sa gorge. « Fière toujours, Entière qu'à moitié ». Frustration. Mais contre toute attente, elle prend place sur l'herbe. Le regarder Vivre. Apprendre.

Peu importe qu'il la voit ou non. Elle est là, c'est tout ce qui compte... jusqu'à ce qu'elle s'éparpille de nouveau.

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Khal
Ombre

Incompréhension. Totale. Ce monde n'est pas le sien, cette eau n'est pas celle de son pays. Nulle oasis où se rafraîchir, où les fruits exotiques aux saveurs de paradis côtoient celles animales des hommes en sueurs. Où les animaux se prélassent sous un soleil de plomb, immobiles, insensibles à la chaleur. Ici, tout est surfait. Les titres, les religions, les femmes, les hommes, les patois du Nord, du Sud, de l'entre deux. Les alcools faibles, les combats à l'épée, les duels, les drames et les amours. Même les mariages... De vastes farces qui faisaient trembler les futures épouses et sonnaient à leurs oreilles comme chaînes et boulets à traîner à vie à leurs pieds.
Loin d'être stupide, il apprenait vite, posait beaucoup de questions pour s'intégrer davantage. Mais ce matin là, après cette nuit passée dans la chaleur de son corps, il n'avait pas envie. Plus envie de faire semblant.
Fixant le vide, il pose une main sur son épaule, sur les lignes noires tracées, représentant chaque frère perdu. Un grondement remonte dans sa gorge, il n'avait eu le temps de se recueillir, de célébrer ses morts, de les pleurer aussi. Relevant la tête, fixant l'horizon, il sut qu'il lui faudrait prendre un peu de temps seul, pour retrouver le "sauvage" -comme ils disent" qui est en lui.

Mais le jour est levé maintenant, et la douleur, mêlée à la plénitude de cette nuit tombe sur ses épaules. Lentement il se redresse, songe à elle, aux marques de ses dents sur son épaule. Aux griffes plantées dans la peau. A l'odeur de son corps en action. Elle qui s'en était allée de son coté par crainte du matin. Se retournant pour retrouver son campement de fortune, il la voit. Assise, pensive, qui l'observe sans un mot. Il plonge son regard dans le sien, puisant toutes les pensées qu'elle lui inspire et s'approche lentement.
Le soleil dans ses cheveux se reflète, baignant son visage d'une auréole d'or. Si belle en ce matin qu'elle ressemble à l'aurore. Il s'arrête à un mètre d'elle, son corps projetant une ombre sur le Néant, la recouvrant entièrement.


Le Jour est là.
Toi aussi.


Doucement, il s'accroupit face à elle, pose son regard sur elle, glisse sur ses yeux couleur ciel, ses lèvres roses et tendres, son cou à la limite du transparent, ses fines épaules et sa petite poitrine. Il la déshabille du regard lentement, se remémore cette nuit, ce qui s'est dit, ses aveux. Flamme qui brûle et qui l'emmène loin, bien loin dans ses souvenirs. Sa main qui effleure la pierre, jusqu'au sang. Et son regard sombre et sauvage, fou parfois. Il en était fier. Cette femme qu'il avait fait sienne. Il le savait. Il l'avait su dès le premier coup d’œil. Qu'elle était différente. Bien loin de ce monde là et pourtant, se perdant dans le décors. Ailleurs et perdue.
Une main sur sa joue, qu'il glisse sur sa nuque, effleurant du bout du doigt la cicatrice qui a prit place. Un sourire sur ses lèvres, avant qu'il ne se recule, impassible. S'installant en tailleur, il se redresse et poursuit son inspection.


Pourquoi?

Il attrape sa tresse et la défait lentement, plonge son regard dans le sien, oubliant ce monde étrange dans lequel il se perd davantage chaque jour. Mettant de côté les pensées obscures qui l'habitent, l'envahissent et le cloue sur place chaque nuit. Le laissant vide et amère chaque matin. Khal et Astana. Juste eux en l'instant. Rejetant sa longue chevelure noire dans son dos, il glisse une main sur sa barbe et ajoute:

Entière?
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Astana

L'observer vivre, se recueillir, pour s'imprégner de chaque détail. Tout mémoriser. Tout. Avant que la Raison ne vienne à se perdre de nouveau. Le silence est d'or, pas un bruit ne vient perturber ce moment particulier, privilégié. Pour une fois, elle n'aspire qu'au calme. Pour une fois, elle n'a pas envie d'être ailleurs, ni d'esquisser ne serais-ce qu'un mouvement, par peur de rater ce qu'elle a sous les yeux. L'Homme n'est plus le même. Il est loin de la figure de marbre qu'il laisse transparaître. Plus d'air impassible, plus de grondements. Seulement sa douleur, ses prières. Le coeur avant le masque. L'âme dévoilée ainsi, au grand jour, dans son intimité, alors qu'il pense être seul. C'est une parenthèse qui s'ouvre ici, où le Temps semble s'être arrêté. Pas de pitié, pas de larmes versées... juste de l'empathie et du respect.

Aussi, lorsqu'il se lève et pose son regard sombre sur elle tout en s'approchant, elle arrête de respirer. Non pas par peur, ou crainte. Mais uniquement car elle veut prolonger, autant qu'elle le peut, cet instant. Les paroles viendront bientôt casser cette quiétude. Ses mots à lui. Pour ses quelques maux à elle. L'équilibre étant déjà tout trouvé. Quelque part, elle accepte cela. Oui, quelque chose en elle avait choisi de laisser passer ce genre de sentiment, alors qu'auparavant y figuraient des remparts imprenables. Le Néant, les Ténèbres jaillirent aisément, pour se faire palpables, presque à portée de main... menaçants de redevenir Brume sitôt qu'elle éclaterait. Elle.

Les premiers mots claquent dans l'air matinal. Et ils tombent à plat. Astana ne les rattrape pas. Ce n'est pas le bon moment. Pas encore. Ses lèvres, desquelles s'échappaient de profonds soupirs quelques heures en arrière restent scellées. Deux iris bleutés détaillent avec attention les veines de son cou tendu, ou encore la lueur vacillante de ses yeux lorsqu'il la détaille pleinement. Mise à nu complète. Sans artifices. Un léger mouvement de tête, sur le coté, signifiant qu'elle cherche à percer la carapace qu'il a remise en place. Deux êtres humains, fiers comme des paons, qui cherchent à s'accrocher, comme ils le peuvent. Avec tout ce que cela implique : les aveux, les non-dits, et les silences évocateurs qui en découlent. Et puis... sa main s'avance, vient glisser de sa joue à sa nuque, laissant dans son sillage un léchemment de flammes. Qui brûle, la consume... et ne laisse que des cendres derrière elle.


Instinctivement, elle fronce les sourcils. Elle reconstruit les barrières, en dépit des images qui envahissent sa tête suite au contact ardent de la flamme. L'alcool, lui qui la pousse dans ses retranchements pour lui arracher le pire des aveux qu'elle puisse faire à quelqu'un, deux corps animés d'une folie passagère, vibrants au contact de l'Autre, comme s'ils faisaient partie du même engrenage, et étaient destinés, quoi qu'il arrive, à demeurer soudés. Cette cohésion. L'attraction d'un Univers. Deux Riens. Aussitôt qu'il se fait Soleil par la chaleur qu'il dégage, elle se fait Lune pour sa froideur. De nouveaux mots, des gestes, une chevelure majestueuse rejetée dans son dos qui lui fait l'effet d'une gifle cinglante...

Je ne sais pas... peut-être.

Grondements. Les mots ont franchi la limite, avant qu'elle ne puisse les rattraper. Le poing gauche se serre, même si la blessure récente lui arrache un nouveau grondement, de douleur cette fois-ci. La mâchoire se crispe, tandis qu'elle vient planter ses yeux dans les siens. L'Amertume, la Rancoeur... un peu... pour cette étrange influence qu'il a sur elle.

Je suis là. Maintenant. C'est tout ce qui compte...
Tu ne devrais pas poser la question.


Instable. Tu es instable, ma fille. Son regard se fait plus intense, elle le dévisage presque désormais. Les traits déformés, tirés. Rage se frayant un chemin en ses veines. Un battement de coeur, un souffle. Et elle retrouve son visage conventionnel. Sans expression aucune. Bien qu'intérieurement obnubilée par cet étranger. Quelle est la différence entre l'amour et l'obsession ? entre l'obsession et le désir ? Ce genre de sentiment dure-t-il éternellement ? L'Eternel... voilà bien une chose qui lui fait peur. Etre enchaînée. Elle ne cille pas pour autant, et attrape sa chevelure blonde, si proche du blanc, qu'elle ramène en un chignon sur le haut de son crâne, avant de nouer le tout du fameux Ruban Rouge. Le Tout et son Contraire. Sa langue claque, elle se redresse et se décide à dire :

Tu dois m'accepter, telle que je suis. Même... Entière, qu'à moitié.
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Khal
L'histoire.

Je t'accepte.
Vois qui je suis.


Le vent se lève et soulève les grains de sable autours d'eux, délogeant une mèche blonde fixée depuis peu. La chevelure sombre s'anime et se déploie derrière lui alors qu'il contemple ce visage fier et obstiné. L'accepter telle quelle, bien plus entière qu'elle ne l'imagine, laissant couler ses défauts entre ses doigts. Ignorant ce qui pourrait un jour leur nuire. Passer outre et fermer les yeux, guettant le vent et son appel.
Faire le vide autours de lui, ne pas sentir sur son corps le sable griffer sa peau, ignorer la morsure du froid et son regard à elle, sur lui, courroucé. Faire abstraction du reste quelques minutes, glissant ses doigts dans le sol qu'il étreint et malmène de ces mains.
Puis se redresse et la regarde quelques secondes, avant de parler dans sa langue natale, incompréhensible pour elle.
La voix se change, devient alors animale tandis qu'il trace sur le sable quelques symboles à ses genoux, légers alors, puis plus profonds et plus grands tandis qu'il s'approche des genoux pâles d'Astana. Remonte dans sa gorge quelques profondes intonations, tandis qu'il s'anime et se relève, laissant sa voix parcourir les dunes et les montagnes de son pays. Ses bras se détendent et s'ouvrent, son pied frappe la terre violemment à trois reprises puis il se calme et ses bras retombent, lourds, contre son corps. Plongeant son regard dans le sien, il retrouve son souffle lentement et commence à raconter son histoire, de cette langue inconnue qu'il n'arrivera pas à traduire en cet instant. Elle se veut entière, qu'elle le voit entier.

Il lui raconte qu'un jour pluvieux, tandis que son peuple et lui partaient en guerre, confiants comme à leur habitude des trop nombreuses victoires passées, ils s'étaient retrouvés prit entre deux feux. Une armée bien plus vaste que toutes celles qu'il avait vu, déferlant sur la plaine comme une tempête des sables s'était déversée sur l'horizon pour la recouvrir complètement.
Il se penche, attrape la main de la blonde et la relève tandis qu'il poursuit son histoire. Ils n'avaient pas cherchés à fuir, comprenant que leur route s'achèverait ici, face à ce dragon de flammes et de lances, et s'étaient élancés à leur rencontre en hurlant.
Le vent se fait plus fort et claquent dans l'air la jupe d'Astana de concert avec la chevelure de Khal. Sa voix devient plus menaçante tandis qu'il lui tourne autours, le regard sombre et froid et qu'il poursuit son histoire.
Ils étaient mille. Ils l'étaient dix fois plus. Et le martèlement des sabots faisait trembler la terre tandis que leurs voix unies et terrifiantes s'élevaient pour faire jaillir un flot de haine sans précédent.
Il lui raconte comment alors, pour la première fois de sa vie, son cœur s'est emplit de peur, mais n'a pas failli. Derrière elle, il glisse une main sur sa gorge qu'il presse doucement, sans violence tandis qu'il raconte à son oreille, la voix rauque et sombre qu'un à un, ses frères s'étaient éteints, le visage heurtant le sol dans un dernière souffle, le corps transpercés de lances, les membres arrachés, les entrailles recouvrant la terre. Il presse davantage une seconde, à peine, puis glisse sa main sur son ventre.
Et le sang jaillit de toutes part, pourrissant l'horizon de son odeur métallique tandis que les femmes étaient prises à même les cadavres. Les bêtes décapitées, les hommes tués, les femmes violées. En seulement quelques minutes.
Il se détache d'elle, retourne glisser ses pieds sur les symboles presque effacés et l'observe à nouveau.

Puis fixant l'horizon vert de ce pays détesté, il se perd en abîmes et poursuit, la voix éteinte.
Bientôt, il ne resta plus que lui, entouré de dix, vingt, cent, mille hommes, menaçant, découvrant le carnage qu'il avait fait à lui tout seul. Et le martèlement des poings sur leurs torses tandis qu'ils l'avaient répudié. Lui l'homme sans peuple. Condamné à vivre ainsi. Guerrier brisé, avec pour seul souvenir sa chevelure intacte. Lui, le fier, le vaincu, tellement avide de victoire qu'il en était devenu imprudent et orgueilleux. Lui l'homme défait. Laissé pour mort dans ce cimetière découvert.
Ses poings se crispent, son regard se voile. Il reporte son regard sur elle et plonge son regard dans le sien. La douleur est visible, palpable, mais il ne bronche pas et pas une larme ne coulera sur ces joues aujourd'hui. Il se redresse, majestueux. L'homme brisé pas vaincu et s'approche d'elle.

Le silence reprend ses droits tandis que son souffle se calme, qu'il se perd dans l'azur de son regard pour étancher sa soif, pour éteindre cette colère toujours vibrante, étouffante, asphyxiante. Une main dans ses cheveux qu'il détache doucement, récupérant ce ruban rouge qu'il garde dans son poing. Ses cheveux se déploient et envahissent son horizon alors qu'il s'approche et glisse une main sur son ventre, remontant sur sa poitrine dénudée. Il observe cette chemise qu'il a arraché quelques temps plus tôt puis glisse son regard sur un sein nu qu'il empoigne doucement. Fermer les yeux, ne plus songer à leurs cris à eux...
Retrouver en sa mémoire ses cris à elle. Et tandis qu'il lutte pour retrouver son âme, il s'approche d'elle, et l'embrasse sauvagement.

_________________
Astana

Accuser le coup. Lui qui se montre si compréhensif, si tolérant, alors que tout Être normalement constitué serait sans cesse dans ses retranchements. Il ne cesse de la surprendre, de la désarçonner à tel point que celui lui donne presque le vertige. Comme au bord d'un précipice devant lequel la chute est inévitable. C'est le palpitant qui s'accélère, alors qu'elle ne détache pas ses yeux de lui et qu'il se met à parler dans un langage dont elle n'a pas les clés. Mais y en a-t-il seulement besoin, de ces clés ? Le fond, la forme... Seules les intonations comptent, la gestuelle, cette voix qui se fait rauque, menaçante et animale. Une bête sauvage. Astana est comme hypnotisée, plongée dans un mutisme attentif qui l'empêche de bouger autre chose que sa tête, les mains jointes sur ses cuisses.

La scène est brutale, violente. Barbare. Elle peut ressentir cela ; rien que par le regard noir, et cette lueur furieuse et paniquée qui se cache derrière. Elle ressent, oui. Et devine qu'il raconte une histoire. Son Histoire, son Passé. Ses frères tombés au combat dont il ne parle jamais ; ou très peu. Mais chaque fois qu'il avait regardé les marques noires sur son torse, elle avait deviné que tout était à leur propos. Des frissons l'envahissent, s'insinuent dans les moindres recoins ; presque jusqu'à son âme. Tout se fige, se glace. En un instant qui lui semble être une Absolue Eternité.

Et lorsque le vent se lève et qu'elle se laisse emporter pour le suivre, lui, cet homme : tout s'inverse. Plus de glace. Rien plus que la chaleur étouffante, qu'un soleil de plomb qui brûle et brûle ! Elle peut presque sentir ce sable qui griffe sa peau, voir les caravanes de femmes et les guerriers à cheval qui fendent comme une vague déferlante sur leurs ennemis. La détresse d'une situation insurmontable, et cette main puissante qui se glisse sur sa gorge comme un étau d'acier. Qui semble resserrer son emprise alors que le geste, lui, n'est nullement agressif. Asphyxie lente et douloureuse. La Mort est partout. Elle vient se loger entre ses entrailles, en elle-même, des suites de la main assassine posée sur son ventre qui vient y arracher le semblant de Vie qu'il y restait. C'est une exécution, un réel massacre.

Paupières closes. La respiration calée sur la sienne, pour mieux comprendre, imaginer. Tout s'arrête lorsqu'il s'éloigne et que la proximité ardente de sa peau n'est plus. Elle ouvre les yeux de nouveau. Mais elle n'est pas là, pas ici. Ses yeux sont vides, absents, peu importe que Khal le sonde ou non. Astana n'est plus là ; l'esprit étant resté dans une vaste contrée aride et déserte qui lui est inconnu. Seulement lorsqu'il la touche réellement, seulement alors, Astana redevient... Astana. Finalement, il est aussi brisé qu'elle ne l'est. Leurs bouches se heurtent alors, s'emprisonnent pour mieux se savourer, les caresses se font toutes griffes dehors et les deux corps présents se lancent dans un ballet bestial. Aucune logique ici. Si ce n'est celle de Vivre, même si tout le reste se meurt et que l'Avenir n'a guère plus aucune signification.

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