Sebelia
[Ce samedy trente et unième jour de mars 1460 au petit matin]
La coutume dune feste célébrant le printemps, le renouveau, la résurrection de la nature, remontait à lantiquité, sans doute mesme avant en passant par les Celtes et les Germains. En ses maillots et enfance son père vénitien, lui contait alors que le dimanche de Laetare, à l'équinoxe du printemps, les villageois mettaient à mort l'effigie de la plus vieille femme du village. De quelle façon ? Ils sciaient, ou bruslaient la poupée... La tradition avait conservé quelques rites d'origine païenne qui n'étaient point du goust de sa mère, bretonne et fervente aristotélicienne. Adoncques bien souvent, gauchissant les estrives, la brunette attendait les achoisons de se retrouver seule avec le marchand afin d'esgourdir et de s'esbaudir devant tant de lecture. Castres de nos jours... L'idée d'un bal avait germé dans l'esprit de son alberguière des mois auparavant mais l'ambiance délétère qui régnait à ce moment là ne prestait point à la galéjade. Nid de vipères vivaces et venimeuses, chaudes et agissantes mit en bière, le printemps fut venu. L'invitation clouée en gargote fut la première étape de l'édifice; Sebelia avait alors foulé le pavé des vieilles ruelles à la recherche d'une salle suffisamment grande pour accueillir la menuaille du village. Quelques notes de musique puis bang fit l'immense portail en s'ébranlant contre le linteau de fer qui encadrait l'entrée principale de la bastisse aux murs de pierre et vitraux sur laquelle son choix s'était porté. Elle s'immobilisa à l'entrant, sourire flottant sur ses lèvres fines.
Parfait !
Quelques musiciens accordaient leurs instruments; d'autres répétaient... sur les accords d'un luth ...le saltarello promesse de danse joyeuse et vivante.
A sénestre la salle du banquet où maistre de bouche, rostisseur, apprentis marmitons, pastissier et sommelier s'activaient sous la cacaphonie des tympanons et des dulcimers. Les mets délicats et gouteux s'étalaient pour le plaisir des yeux et du palais sur les tablées comme une couronne d'offrande lors d'un rite païen. Contempler comme par friandise elle contemplait une galimafrée qu'elle ne pouvait gloutir. Ô grande était la tentation d'en saisir une bouchée du bout des doigts...
Un petit godet de vin et puis s'en va, s'étant assurée des derniers préparatifs avant l'ouverture du bal. Le choix du costume et du masque n'étaient toujours point établis à s'teure. Elle avait songé, lueur de malice au fond de ses prunelles mordorées, à se travestir... A capite ad calcem.* Le vin distillait déjà son poison épanchant ses désirs avec une sauvagerie inaccoutumée.
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Lieutenant de prévosté au barri de Castres, conseiller militaire (IG), archiviste judiciaire aux Archives Royales
La coutume dune feste célébrant le printemps, le renouveau, la résurrection de la nature, remontait à lantiquité, sans doute mesme avant en passant par les Celtes et les Germains. En ses maillots et enfance son père vénitien, lui contait alors que le dimanche de Laetare, à l'équinoxe du printemps, les villageois mettaient à mort l'effigie de la plus vieille femme du village. De quelle façon ? Ils sciaient, ou bruslaient la poupée... La tradition avait conservé quelques rites d'origine païenne qui n'étaient point du goust de sa mère, bretonne et fervente aristotélicienne. Adoncques bien souvent, gauchissant les estrives, la brunette attendait les achoisons de se retrouver seule avec le marchand afin d'esgourdir et de s'esbaudir devant tant de lecture. Castres de nos jours... L'idée d'un bal avait germé dans l'esprit de son alberguière des mois auparavant mais l'ambiance délétère qui régnait à ce moment là ne prestait point à la galéjade. Nid de vipères vivaces et venimeuses, chaudes et agissantes mit en bière, le printemps fut venu. L'invitation clouée en gargote fut la première étape de l'édifice; Sebelia avait alors foulé le pavé des vieilles ruelles à la recherche d'une salle suffisamment grande pour accueillir la menuaille du village. Quelques notes de musique puis bang fit l'immense portail en s'ébranlant contre le linteau de fer qui encadrait l'entrée principale de la bastisse aux murs de pierre et vitraux sur laquelle son choix s'était porté. Elle s'immobilisa à l'entrant, sourire flottant sur ses lèvres fines.
Parfait !
Quelques musiciens accordaient leurs instruments; d'autres répétaient... sur les accords d'un luth ...le saltarello promesse de danse joyeuse et vivante.
A sénestre la salle du banquet où maistre de bouche, rostisseur, apprentis marmitons, pastissier et sommelier s'activaient sous la cacaphonie des tympanons et des dulcimers. Les mets délicats et gouteux s'étalaient pour le plaisir des yeux et du palais sur les tablées comme une couronne d'offrande lors d'un rite païen. Contempler comme par friandise elle contemplait une galimafrée qu'elle ne pouvait gloutir. Ô grande était la tentation d'en saisir une bouchée du bout des doigts...
Un petit godet de vin et puis s'en va, s'étant assurée des derniers préparatifs avant l'ouverture du bal. Le choix du costume et du masque n'étaient toujours point établis à s'teure. Elle avait songé, lueur de malice au fond de ses prunelles mordorées, à se travestir... A capite ad calcem.* Le vin distillait déjà son poison épanchant ses désirs avec une sauvagerie inaccoutumée.
*De la tête au talon
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Lieutenant de prévosté au barri de Castres, conseiller militaire (IG), archiviste judiciaire aux Archives Royales