Aubanne.
Une dernière fois, elle se pencha vers son fils.
Le souffle régulier la rassura et elle sortit de la chambre sur la pointe des pieds.
Matinale, comme toujours, elle avait sans bruit quitté le havre de paix que représentait encore Les Lucioles.
Toute la petite communauté dormait.
Elle referma soigneusement la lourde porte de bois et sans se retourner, elle séloigna sur le chemin.
Ombre frêle entre lune et étoiles qui vacillaient, elle marchait dun pas vif.
Le jour hésitait encore, paré de couleurs ternes.
Quiconque laurait croisé, aurait été salué dun vague sourire et la fine silhouette aurait passé son chemin toujours aussi vivement.
Pressée elle ne létait pas vraiment
Si ce nest quelle voulait pouvoir surprendre le soleil lorsque celui-ci daignerait se lever sur Genève.
Aubanne releva légèrement la tête et plissa le nez.
Les hauts remparts qui dominaient la ville se découpaient droit devant elle.
Pour avoir quelquefois fois assuré des tours de garde, elle avait repéré les coins insolites de la ville et sétait toujours dit quelle y reviendrait.
La marcheuse accéléra le pas.
De là haut, elle surplomberait la ville.
Regarderait le lac et verrait ou le soleil se pose
Elle pourrait alors admirer « Les Lucioles » parée de couleurs différentes et peut être lui trouver un nouvel attrait
Aubanne.
Premier arrêt sur le chemin de ronde.
Première espoir dun regard différend.
Par endroit le ciel commençait à se déchirer et le rose timidement tissait sa toile lumineuse.
Les gris peu à peu laissaient la place aux mauves et la tache noire que formait le lac scintillait doucement
Les ombres sévanouissaient autour de Genève et elle distinguait mieux le refuge qui abritait les fadas endormis..
Appuyée contre le haut mur de pierre, la curieuse se hissa sur la pointe des pieds pour mieux admirer la vue et son regard sarrêta devant une tache sombre ourlée de mauve et qui pointait le nez entre le verdâtre de lherbe
Quest ce que
.
Linstant daprès, faisant fi de sa robe, elle enjamba le muret et se pencha vers la première vraie couleur de cette Aube nouvelle
Artur
mmmhmhmhmh Chépa
mmmmh allez, arrête
Chépa ! Dégage !
Et un coup parti sur la tête du chien qui léchouillait le visage de son maître alors que le soleil pointait à peine le bout de son nez.
Le gamin semmitoufla de nouveau sous sa couverture et ferma les yeux pour tenter de sendormir. Mais le chien couinait. Et malgré le coup, il remonta sur le lit et poussa Artur de son museau. Le gamin se leva en marmonnant, shabilla et emmena son compagnon dehors. Il le laissa dans la cour et remonta au plus vite dans sa chambre. Mais voilà
impossible de sendormir maintenant ! Foutu chien
Artur se leva de nouveau et se rhabilla. Il sortit de sa chambre et alla vers celle de sa mère. Mais au moment de louvrir, il sarrêta et repartit sur la pointe des pieds vers celle dOpaline. Bien entendu, il navait pas le droit dy aller. Interdiction quil bravait à chaque fois quil le pouvait pour aller passer un petit moment vers la catin quil voulait prendre pour femme quand il serait plus grand. Mais comme dhabitude, elle nétait pas là. Faut dire que la pauvre fille avait été enlevée par on ne sait quel crétin. Et le gamin navait pas bien imprimé la gravité de la situation. Alors tous les jours, il posait la même question à sa mère : « elle revient quand Opa ? ». Et cétait toujours la même réponse
Mais pas grave, Artur recommencerait demain. Et le jour daprès aussi. Et ceux qui suivraient, jusquà ce quelle revienne.
Le petit garçon revint donc vers la chambre de sa mère. Il ouvrit la porte et découvrit avec surprise quelle nétait plus là. Il soupira et se mit en quête de môman, hurlant à travers le lupanar. Mais aucune réponse. Et faute davoir sa mère et Opaline, Artur alla chercher Ingrid, sa nounou.
Artur
Chépa, il ma réveillé.
Et de bailler, en frottant ses petits yeux encore tout endormi. Artur posa une bise sur la joue dIngrid. Il laimait bien, Ingrid. Fallait dire que depuis le temps quelle soccupait de lui, il sétait habitué à sa présence et appréciait sa gentillesse, son affection, toussa.
Et jarrive plus à dormir maintenant.
Le ventre du petit garçon gargouilla. Il fit la moue et hocha la tête lorsquIngrid lui proposa de descendre déjeuner, ajoutant :
Oui stôplait.
Et de bailler de nouveau. Artur glissa sa main dans celle dIngrid et lentraîna vers la cuisine. Il avait la dalle, le mioche. Une fois dans la cuisine, il sassit et attendit patiemment son petit-déjeuner.
Aubanne.
Il fallait bien que laube se lève sur quelque chose
Et cest sur sa meilleure ennemie quelle posa le premier regard de ce premier matin.
Aubanne hésitait.
Passer son chemin ? Lattendre ?
Oui mais pour quelles raisons lattendre.
La jeter du haut des remparts comme lidée lui avait déjà traversé lesprit ?
Non
Le regard se perdait sur les ombres de la jeune blonde.
La douleur première sétait envolée. Et paradoxalement, elle avait aimé converser avec elle
Mais ça cétait avant de savoir
Oui
Avant
Avant, oui mais après cette nouvelle aube quelle avait appelée.
Avec toute la force de son âme. Ces dernières défenses posées là, devant ce ciel qui tissait lentement sa toile
Le nez se plissa, même si la voix douce se laissa aller à un « Bonjour Désirée » lisse et plat.
Linstant daprès le sourire tentait deffacer les rides et la jeune femme reprenait une pose plus rigide.
Le regard bleu suivi amusée la silhouette mauve et or
Dès lors que celle-ci laurait rejoint, elles offriraient à elles deux un joli bouquet de couleurs
Aubanne.
Comment allez-vous Désirée ??
Au moins, elles avaient lune comme lautre la politesse aux bords des lèvres.
Jusqu'à quand était la question à se poser.
Oui mais elle navait pas envie. Pas la force plutôt.
Son nez se plissa.
Un instant, un court instant, lenvie de la saisir et de la plonger dans les ombres de la muraille lassaillit.
Son nez se déplissa.
Le regard aussitôt se défroissa et observa sous la lumière rasante les courbes de la jeune blonde.
Elle sait que le soleil ne va pas tarder à sengouffrer sur elle et alors on ne verra plus que la chevelure blonde, la peau doucement satinée...
Et elle, cruchette, statue, naura plus quà retourner à ses galets.
Elle creusera peut-être un peu bêtement sous le sable, un moment puis se fatiguera, sépuisera et laissera le vent agir à sa guise.
Vous êtes ravissante, un peu pâle peut être
Mais pourquoi as t elle besoin de converser comme si elles partageaient un moment délicieux. Pourquoi pas la nappe blanche, les gâteaux au miel et les dragées
Parler
Vite.
Parler de tout et de rien. Vite!
Combler le vide douloureux.
Et surtout surtout chasser de sa tête cette envie qui revenait, insidieuse. ..Partir et ne plus revenir
Cest vrai quelle est pâle Désirée la si bien nommée.
Le regard bleu se fonce et dévisage.
Envisage.
Parce quelle a beau tourner les mots dans tous les sens elles nen voient aucun, mais alors aucun capable de saccorder avec le mauve et lor.
Elle ne parle même pas de sa robe Rouge, violemment écarlate et porteuse de tant de maux.
Vite
Un mot
Une phrase pour en cacher tant dautres
Le sourire est encore ourlé de sarcasmes quand Aubanne se décide à lâcher quelques bribes.
Genève est petit nest ce pas ?
Ou est-ce nous qui sommes attirées par les mêmes aimants ?