A peine avais-tu proposé une petite pause que tu vois la marraine partir rapidement avec son cheval. Sans chercher à comprendre, et dans un puissant besoin de ne pas te retrouver aux côtés de Staron, tu la suis en partant au galop, direction la bâtisse.
Arrivée à la taverne, tu descends de ton cheval et tu le caresses un bon moment. En fait, tu préfères attendre que tout le monde pénètre dans la taverne pour te retrouver seule ne serait-ce quelques instants. Seule avec toi-même. Seule face à toi-même.
Puis tu te décides à rejoindre les autres.
Lorsque tu pousses la porte de la taverne et entres, tu vois les autres déjà attablés.
Toi tavances progressivement, en traînant des pieds et tu entends cette voix qui test familière
-Viens ma Lou près de moi! Viens goûter de ce vin, un vrai régal pour les papilles!
Tu te diriges vers elle, et tu tassois à ses côtés. Devant toi, un verre. De vin. Il te semble que tu nen as jamais goûté. Tu saisis délicatement le récipient et le porte à tes lèvres après avoir remercié Ael.
Doux torrent dans ta gorge déchirée par tant damertume. Ce vin délicieux te réchauffe doucement et tu le bois avec délectation.
Tu reposes le verre sur la table et le fixe longuement du regard. Ce silence en toi alors que tous parlent à tes côtés.
Tu est plus douloureuse que jamais et tu ne parviens pas à te sortir de cette tristesse.
Maintenant, tu existes sur deux plans :
Celle qui a mal et celle qui va faire mal.
Lesseulée et la vaillante.
Létouffée et la valeureuse.
La jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée.
Lamoureuse heureuse et léternelle souffrante.
Leurs destins se sont rencontrés lorsque tu as quitté Bordeaux, lorsque tu es devenue létrangère de son cur et lorsque cette rage de te venger ta submergée. Lorsque tu as dû enterrer au plus profond de toi cette femme que tu es, amoureuse de ce pèlerin et lorsque tu as dû te recouvrir de cette force pour trouver le courage de continuer à vivre.
Alors tu penses à ta morte, celle que tu étais avant quil ne tavoue tout, avant que tu saches quil ne te voulait plus, avant que tout sarrête, que tout se vide en toi.
Tu avales en vitesse le peu de vin qui reste dans ton verre .
Tsss
c'est bon le vin mais tu regrettes amèrement la bière du Val qui rit ...
Tu repousses le verre loin devant toi et tu fouilles dans ta besace. Tu ne sais même pas pourquoi tu fais ça mais tu fouilles. Soudain tu tombes sur quelque chose que tu naurais jamais voulu retrouver.
Une lettre
Enfin celle que tu avais écrite avant de lui envoyer.
Celle sur laquelle tu y avais déposé toutes tes pensées
Celle sur laquelle tu avoues ouvertement que tu laimeras toujours
Tu ne ten souvenais même pas que tu avais préalablement fais un brouillon de cette lettre et aujourdhui tu la retrouves.
Tu la sors doucement de ta besace, la déplie soigneusement et tu te mets à lire à voix basse quelques passages de tes écrits.
Citation:Depuis toujours, au fond de moi cette plainte, ce cri qui est allé samplifiant, mais que je refusais, niais, et qui au fil du temps, a fini par métouffer. Toutes ces nuits interminables où je sombrais , me laissais vaincre et admettais que la vie ne pourrait renaître.
(...)
Toujours apeurée par cette épouvante, jai grandi en pensant ne jamais pouvoir faire confiance à qui que ce soit. Je naurais osé le reconnaître, mais il est certain quun jour lamour a déferlé sur mes terres. Toi. Cette amour qui na jamais cessé de croître depuis notre première rencontre, mérodait, me dénudait, me ramenait constamment à ce quil y a en moi de plus pauvre, de plus démuni. Bien souvent, cette amour me maintenait éveillée toute la nuit, sa violence mimpressionnait. Ta douceur, ta voix, tes bras, ton amour menveloppaient et je me sentais protégée
aimée pour la première fois. Tu me laissais rêveuse face au bonheur
Puis comme un coup qui maurait brisé la nuque, ce brutal retour au quotidien, à la solitude, à la nuit qui nen finissait pas.
(...)
Effondrée, hagarde. Incapable de reprendre pied. Me ressusciter. Me recréer. Te dire quau fil des jours avec cette lumière qui nous portait, mais qui un jour, pour ton malheur et le mien, sest déchirée.
(...)
La gravité de ton regard, doux et ardent. Un regard qui palpe et interroge, sonde et caresse, pénètre et étreint, cherche à savoir qui je suis qui jétais. Ton regard qui se posait sur moi me transcendait.
(...)
Je souffrais tant que pour ne plus souffrir, jai cherché à verrouiller ma sensibilité, saccager en moi la source des émotions. Je ne voulais rien montrer.
(...)
Jose penser à ces instants que je voudrais revivre avec toi, ces instants où tu te livrais éperdument à notre amour, cette flamme qui brûlait en nous, où tu laissais sépanouir ce qui te poussait à taventurer toujours plus loin à mes côtés. Que nous est-il arrivé ?
(...)
Jai la nausée du temps, de ce temps qui ne sécoule plus, qui ne sécoulera sûrement plus
Je suffoque à lidée de penser aux jours qui sétendent devant moi. Un combat de chaque seconde. Puis, prise de mauvaises pensées , je viens à en avoir le besoin den finir
pour me préparer à linstant où il me faudra accomplir le geste ultime.
(...)
...et malgré tout cela, je crois bien que je taime encore, même encore plus, et je taimerai toujours quoi quil nous arrive.
Là où tu es, si moi je nai pas su, je désire que tu fasses attention à toi.
Je taime Staron,
Loulianne
Tes bouleversée
Tu te rends compte que tout ce que tu avais écris dans cette lettre, se reproduit à nouveau aujourdhui.
Une main se pose sur la tienne. Tu relèves les yeux et tu regardes Ael. Tu navais pas remarqué que tu parlais à voix basse et quelle était en train de lire discrètement cette lettre que tu tiens entre tes mains.
La seule solution fut un sourire esquissé pour ta marraine qui ne voulait pas te voir triste.
Bonsoir chères dames, je peux vous porter compagnie pour la soirée?
Ton regard se détourne de celui d'Ael et vient se poser sur cet homme qui vient de s'attabler devant vous deux.
L'oeil vif et une certaine timidité en apparence. Un sourire sincère s'impose à tes lèvres en direction de ce bel inconnu en face de toi et tu t'empresses de ranger la lettre.
Tu prends une grande respiration, te forces à sourire, pour faire bonne figure, même s'il a déjà dû remarquer ta tristesse et l'accueilles d'un geste de la main.
Bien sûr messire, je vous en prie..._________________