[Mont de marsan – premier assaut]
Et les voilà partis tous azimuts à la recherche du matos pour leur son et lumière avec apothéose pyrotechnique. Sauf que les artificiers impatients décident de lancer le bouquet final avant le grand air de la diva.
BooOoooum !
Qu’ils disaient…
L’italienne et les autre se regardent… tant pis ! On fêtera le nouvel an chinois une autre fois !
Tout le monde à son poste, en rangs serrés derrière le chef de section. Isadora ronge son frein. Ca défouraille dans tout les sens, l’hécatombe a commencée mais elle n’est ni artilleur, ni archère alors… Son heure viendra mais en attendant elle doit se contenter de rester les bras ballants et ça l’exaspère. Au point qu’elle mordrait le premier venu. A propos de morsure… Où est-il ? Elle l’a laissé avec son frère, en pleines retrouvailles et puis chacun a rejoint son poste. Sauf que Namay est là, mais pas lui.
Elle a beau tenter de l’ignorer, l’angoisse lui noue les tripes au point de lui arracher un grognement rauque. S’en suivent quelques savants jurons de son cru et un coup de pied rageur dans une pierre malheureuse qui s’en va rouler plus loin sans amasser mousse, comme il se doit.
- Porca Madonna e ¤
§Berlusconi%
@*$¤ !!
Elle tente de suivre d’un œil objectif le déroulement des opérations mais son palpitant bas la chamade et son œil de jais ne fouille la masse des corps enchevêtrés que dans l’espoir fou d’y apercevoir la silhouette chérie. Car il en est ainsi des Harpies, leur cœur toujours oscille entre la femme et le rapace.
Soudain son regard capte un éclair luisant dont l’éclat métallique révèle la détermination implacable, et l’obsidienne tranchante trouve l’acier inaltérable au-delà de la marée humaine qui se heurte au récif et explose en écume carmin. Son cœur se serre devant la férocité glaciale de ses assauts, devant la froide précision des coups qu’il porte avec une force effroyable, lui dont elle connaît la douceur. Dans son esprit étranglé de chagrin s’impose l’image cette madone, grave et souriante, aux lignes pleines de grâce qu’elle a découverte au fond de son atelier sous un voile de poussière. *
Protégez-le santa madona, ses mains sont faites pour caresser le bois et non le fer.*
Mais c’était sans compter la folie des hommes contre laquelle Dieu lui-même ne peut rien. A l’instant même où s’élevait ce vœu pieux, un coup de poing le cueille par surprise et le déséquilibre. Le cœur de l’italienne rate un battement et un cri muet s’échappe de ses lèvres exsangues. Paralysée par la terreur elle ne parvient pas à détacher son regard de l’immense silhouette qui chancelle un instant, reprend pied mais ne vois pas venir le coup de taille qui le transperce avec violence. Soudain le temps s’arrête et le silence recouvre tout. Elle le voit sans comprendre, sans réagir, tomber à genoux, porter une main déjà rouge à ses yeux, puis basculer face contre terre, sans un bruit. Plus rien n’existe que son corps allongé dans la poussière.
Poussant un hurlement de rage, elle s’élance dans la mêlée. Pousse, cogne, transperce, ouvrant des gorges, cassant des mâchoires. La colère comme un électrochoc a ranimé autour d’elle le temps et l’espace. Elle perçoit à nouveau les cris des combattants et les étincelles des lames entrechoquées. Dans le crépuscule rougeoyant la Furie prend son envole. Femme blessée, fauve furieux, elle progresse à la force sauvage de sa colère. Son chapeau trop grand tombé sur ses épaules a libéré la masse ondulante de sa crinière brune qui lui dessine sur fond de couchant une auréole noire. Chimère ailée, ange monstrueux s’élevant parmi les flammes d’un horizon consumé aux derniers feux de l’astre solaire, elle nourrit sa violence de celle de l’instant, éphémère, où le monde agonise dans un bain de sang céleste.
Une heure, une minute, une vie…
Le temps s’écoule inexorable tandis qu’elle se fraie un passage jusqu’à lui, l’attrape par les épaules et le traîne de son mieux jusqu’à un repli de terrain. Quelques secondes pour reprendre son souffle, il bouge, sourit, caresse sur sa lèvre la trace de sa morsure, elle serre les dents, retiens ses larmes, murmure dans un souffle rauque et grondant :
Accroches-toi ! Sinon j’te tue !
Quelqu’un d’autres les a vu, apparemment, car près d’elle apparaissent des visages connus, graves et concentrés, qui la déleste de son fardeau trop lourd pour elle, et les rapatrie vers le camp de memento. Ils allongent le blessé à terre, et elle se laisse tomber à genoux près de lui. Passant un bras sous ses épaule elle le hisse dans un dernier effort pour que sa tête repose sur son épaule minuscule et dorée. Elle presse d’une main sur son flanc ouvert son foulard mal propre. La joue balafrée s’abandonne dans le creux de son cou où pulse sa peur, elle lui caresse les cheveux et fredonne une berceuse de son pays, elle sait que médicalement il n’y a pas grand-chose à faire de plus… c’est d’abord à lui de se battre. Elle couvre son front de baisers, lui parle en italien, lui parle de cigales qui chanteront bientôt, d’écureuils amoureux qui dansent déjà sur la cime des pins parasols, des écorces fruitées qui parfument l’ombre quand la chaleur fait vibrer l’horizon. Elle lui parle d’amour, de promenades sur le lac aux eaux limpides, dans une barque qu’il aura faite pour eux dans la pénombre de son atelier. De jours paisibles où ils vivront heureux, où elle lui portera à boire l’eau fraîche des ruisseaux et le pain de son fournil pour qu’il reprenne des forces après une belle journée de travail. Elle couvre son front de baiser et lui murmure :
non abbandonarmi ! ti amo !
[ Dax]
Elle a dû le quitter, l’abandonner aux mains des médicastres au milieu des autres infortunés dont elle se fout complètement. Il n’a toujours pas repris conscience mais son cœur bat toujours. Et tant qu’il bat… elle aussi.
A genoux près du blessé elle lui promet :
- Je te préviens Grin ! Je fais n’importe quoi quand je suis en colère ! Tu es bien placé pour le savoir… Alors tu as intérêt à te réveiller, parce que je serai obligée de tuer tout le monde si tu ne me dis qui t’a fait ça.
- Je serai en première ligne jusqu’à ce que tu ouvres les yeux mon amour. Parce que si tu décides de ne jamais les rouvrir, je te jure bien que les miens se fermeront aussi.
En foi de quoi elle court rejoindre la longue colonne hérisée de hampes, de rapières et de carquois pleins dont la tête serpente déjà à travers la lande en direction de Dax. Elle sait que de nouveaux affrontements l’attende, elle sait que parmi ses opposants se trouve celui ou celle qui frappa son homme. Elle sait qu’elle lui arrachera le cœur avec les dents si jamais elle lui met la main dessus.
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