Grinwold
[Mont de Marsan]
Voyage dans l'inconscient.
Quelques heures, quelques jours, des semaines...
Comment savoir ?
Le temps n'a aucune prise en ces lieux. Peut on d'ailleurs le qualifier de lieu ?
Ni terre, ni cieux.
Ni vent, ni vie.
Rien qu'une sensation étrange, flottement perpétuel, dans une substance gazeuse. Inodore, incolore, à peine visible en fait.
Et pourtant, elle donne naissance à tout ce que l'esprit semble lui transmettre. Souvenirs...
Il peut se revoir, allongé sur le sol, tiré par sa bien aimée tandis qu'il se vide de son sang. Un regard, un seul, et les ténèbres brouille la vision.
Il ignore tout de son présent, où est-il, et dans quel état ?
Est-il d'ailleurs toujours en vie ?
Rien, impossible de revenir à lui, une barrière semble avoir verrouillé l'accès au monde réel, le gardant prisonnier de cet univers vaporeux.
Le passé s'invite, et toujours les mêmes images, la même personne.
L'Artois, il y a plusieurs années, il est jeune et fringant, inconscient aussi sans doute... Elle est déjà là.
Pimpante, plaisante, et terriblement attirante. Elle lui semble pourtant si inaccessible. Les deux joueront longtemps, séduction constante, ils s'amusent tant.
La guerre les sépare, mais les rendra toujours à leur aventure, juste assez pour qu'elle perdure.
Le jeu s'éternise, ils pensaient sans doute pouvoir se défaire à tout moment. Mais n'est ce pas ce que ce disent les dépendants ?
Pas épargné par le destin, loin de là ! Ce vilain a toujours pris un malin plaisir à leur mettre des bâtons dans les roues. Aujourd'hui encore, alors qu'enfin retrouvés, lui est à moitié mort pendant qu'elle découpe du pleutre.
D'ailleurs il peut la voir, ou du moins le croit-il.
La belle est couchée dans l'herbe, la lame à ses cotés. Regard perdu dans les cieux, tête dans les étoiles. Une brise parfumée bat la prairie, en profitant de l'absence du couvre-chef pour soulever l'élégante chevelure délassée.
Le souffle porte sa vision, et il se voit à ses cotés. Une mèche est retombée, barrant maladroitement sa joue cuivrée. Il veut la repousser, mais son geste reste sans consistance, lui rappelant fort douloureusement le caractère illusoire de la scène.
Un soupir lui échappe, suivi de prêt par une larme bien peu discrète.
Dernier regard, le vent tombe, le songe avec lui...
Retour du néant, cette torture.
Se battre, à chaque instant. L'adversaire est connu, il l'a déjà affronté par le passé. Ce corps capricieux qui une fois cicatrise, une fois oppose d'inquiétantes réticences.
Il vaincra, encore une fois.
Il le faut.
Mais soudain, un son. Le premier de ce qui lui semble une éternité.
Des paroles.
Des rimes.
La tournure est connue, le verbe léger, ciblé.
Enfin vient la signature, la lettre claque comme un flash dans les ténèbres.
I~
Battement, soubresauts.
Tout s'agite, tout s'effondre. Le néant semble basculer, les particules vaporeuses se dispersent, s'enfuient.
Une autre voix lui parvient. Une voix masculine, lourde, profonde, gutturale. Seuls les derniers mots prennent un sens.
...revient à lui !
Au même moment, les premières sensations. Toucher, ouïe, odorat s'éveillent peu à peu, laissant la vue et la parole remettre ça à plus tard.
Moment agréable, effacé quasi-instantanément par des assauts effroyablement douloureux qui lui déchirent le ventre. La bouche s'ouvre mais il ne peut crier.
On s'agite autour de sa couche, on applique une substance visqueuse sur sa blessure, qui finit par atténuer la douleur.
Les paupières toujours closes, un sourire se fige sur ses lèvres, avant de laisser passer une unique voyelle.
I~
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Voyage dans l'inconscient.
Quelques heures, quelques jours, des semaines...
Comment savoir ?
Le temps n'a aucune prise en ces lieux. Peut on d'ailleurs le qualifier de lieu ?
Ni terre, ni cieux.
Ni vent, ni vie.
Rien qu'une sensation étrange, flottement perpétuel, dans une substance gazeuse. Inodore, incolore, à peine visible en fait.
Et pourtant, elle donne naissance à tout ce que l'esprit semble lui transmettre. Souvenirs...
Il peut se revoir, allongé sur le sol, tiré par sa bien aimée tandis qu'il se vide de son sang. Un regard, un seul, et les ténèbres brouille la vision.
Il ignore tout de son présent, où est-il, et dans quel état ?
Est-il d'ailleurs toujours en vie ?
Rien, impossible de revenir à lui, une barrière semble avoir verrouillé l'accès au monde réel, le gardant prisonnier de cet univers vaporeux.
Le passé s'invite, et toujours les mêmes images, la même personne.
L'Artois, il y a plusieurs années, il est jeune et fringant, inconscient aussi sans doute... Elle est déjà là.
Pimpante, plaisante, et terriblement attirante. Elle lui semble pourtant si inaccessible. Les deux joueront longtemps, séduction constante, ils s'amusent tant.
La guerre les sépare, mais les rendra toujours à leur aventure, juste assez pour qu'elle perdure.
Le jeu s'éternise, ils pensaient sans doute pouvoir se défaire à tout moment. Mais n'est ce pas ce que ce disent les dépendants ?
Pas épargné par le destin, loin de là ! Ce vilain a toujours pris un malin plaisir à leur mettre des bâtons dans les roues. Aujourd'hui encore, alors qu'enfin retrouvés, lui est à moitié mort pendant qu'elle découpe du pleutre.
D'ailleurs il peut la voir, ou du moins le croit-il.
La belle est couchée dans l'herbe, la lame à ses cotés. Regard perdu dans les cieux, tête dans les étoiles. Une brise parfumée bat la prairie, en profitant de l'absence du couvre-chef pour soulever l'élégante chevelure délassée.
Le souffle porte sa vision, et il se voit à ses cotés. Une mèche est retombée, barrant maladroitement sa joue cuivrée. Il veut la repousser, mais son geste reste sans consistance, lui rappelant fort douloureusement le caractère illusoire de la scène.
Un soupir lui échappe, suivi de prêt par une larme bien peu discrète.
Dernier regard, le vent tombe, le songe avec lui...
Retour du néant, cette torture.
Se battre, à chaque instant. L'adversaire est connu, il l'a déjà affronté par le passé. Ce corps capricieux qui une fois cicatrise, une fois oppose d'inquiétantes réticences.
Il vaincra, encore une fois.
Il le faut.
Mais soudain, un son. Le premier de ce qui lui semble une éternité.
Des paroles.
Des rimes.
La tournure est connue, le verbe léger, ciblé.
Enfin vient la signature, la lettre claque comme un flash dans les ténèbres.
I~
Battement, soubresauts.
Tout s'agite, tout s'effondre. Le néant semble basculer, les particules vaporeuses se dispersent, s'enfuient.
Une autre voix lui parvient. Une voix masculine, lourde, profonde, gutturale. Seuls les derniers mots prennent un sens.
...revient à lui !
Au même moment, les premières sensations. Toucher, ouïe, odorat s'éveillent peu à peu, laissant la vue et la parole remettre ça à plus tard.
Moment agréable, effacé quasi-instantanément par des assauts effroyablement douloureux qui lui déchirent le ventre. La bouche s'ouvre mais il ne peut crier.
On s'agite autour de sa couche, on applique une substance visqueuse sur sa blessure, qui finit par atténuer la douleur.
Les paupières toujours closes, un sourire se fige sur ses lèvres, avant de laisser passer une unique voyelle.
I~
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