Gautier.de.vaisneau
- Ah ! L'effrontée ! L'imprudente ! Limpertinente ! La prétentieuse ! Mais quelle vilaine insolence ! "Ne s'est jamais consommée et il serait temps d'y remédier". Dieu que je ris ! Mais quelle arrogance tout de même. Elle se fourvoie bien, cette devergoigneuse là, en pensant se poser ainsi et embrasser ma couche. Je te créant, Acelin, qu'elle n'y abandonnera pas un seul de ses cheveux.
- Qui est-ce ? Le valet savait poser des questions sans trop s'étendre et alimenter la colère misogyne du maître.
- Tout juste si je me souviens de son nom ! Diablesse à la crinière de feu. Une Von Frayneur, je crois. Je ne sais comment j'ai pu souffrir qu'elle se montre être mon épouse. Entre cette femme qui se joue mariée à ma personne et la véritable damoiselle qui m'est promise, je suis bien servi ! Elle me baille de la retrouver et m'ordonne de faire chauffer eau.
- Comment ? Elle ordonne ? Faute de moyens, Acelin se retrouvait l'homme à tout faire et la vue d'une tache en plus ne le réjouissait guère.
- Je ne puis pourtant pas refuser. Ma foi elle le mériterait bien mais c'est une question d'honneur. Je trouverai bien moyen de mettre à profit cette nuitée qui se promet désagréable.
Vélin et plume sont attrapés, le Vaisneau se met à écrire. Autant dans l'intimité de l'appartement il pouvait s'emporter, autant sa lettre traduisait plutôt une froide et distante hypocrisie.
Citation:
A l'épouse de contrefaçon qui est mienne,
Heureux de vous savoir en la capitale, tout sera organisé pour vous accueillir dignement.
Rejoignez moi à l'hôtel Arnvald où je séjourne quelques temps à Paris.
GdV
PS : Et nul besoin d'emmener votre piquette, j'ai de quoi vous satisfaire ici.
S'il y avait bien un avantage conséquent accordé aux avocats du dragon était bien celui de posséder un appartement sur Paris. Celui du Vaisneau était composé d'une pièce réception-bureau et d'une petite chambre. Simplement et sobrement décoré. Un messager fut payé pour apporter réponse et Acelin s'affaira pour rendre présentable l'appartement et faire chauffer l'eau tandis que Gautier préparait une douce lettre à l'encontre d'Elisabeth. La tête se relève.
- Et si elle ne se hâte pas, je prendrai bain à sa place.
La tête replonge quelques instants dans la lettre puis se relève à nouveau.
- Nous serions bien, tout de même, sans femmes !_________________
Gautier.de.vaisneau
[Hôtel Arnvald]
Mille ratures, les cheveux en pagaille tant il y avait passé ses doigts, l'esprit fatigué, la colère et lirritation renforcée. Parfois, il s'accoudait au bureau, reposait sa tête sur sa main, jouait avec sa plume et ses azurs se fixaient sur le vélin. Puis il reprenait ses cogitations, écrivait à nouveau, s'énervait. Annoncer son mariage et sa perte de libertés à une femme était la chose la plus difficile qui soit; et le Vaisneau bloquait complètement. Ne pas parvenir à quelque chose de convenable l'agaçait au plus haut point.
Tandis que sa concentration était entièrement dédiée à la lettre, le valet épiait à la fenêtre et lui jetait parfois un regard. Observateur impuissant et peiné.
- Elle arrive.
L'esprit sort de sa mélasse et de sa réflexion stérile. Il se lève, les papiers s'éparpillent et glissent sur le bois du parquet, la chaise s'apprête à tomber. Acelin est là pour la maintenir et la garder en équilibre.
Sa venue lui était complètement sortie de l'esprit. Il aurait été aisé pour elle de trouver un amant plus affectueux mais, toutes les forces de la nature se liguant contre lui, elle s'était tourné vers Gautier. Étrangement, le cur du jeune homme se serra, comme pris par la peur. La conviction que tout se trouvait lié : son mariage, la rousse, les femmes. Et à nouveau cette contraction dans sa poitrine : plus aucun doute, la peur.
Les deux hommes se faisaient silencieux mais régnait dans la pièce une atmosphère pesante de retraite désordonnée après la bataille. Instant de lucidité dans l'absurdité misogyne; comme si la surprise avait fait reprendre un sens logique à ses pensées. Il s'était confondu dans la colère et la force de ses reproches envers la gente féminine.
- L'eau est prête ?
Acelin désigna du menton la pièce d'à côte pour lui répondre puis ramassa les papiers. Gautier restait statique, à l'observer. Le seul qui supportait son ressentiment au quotidien. Le seul qui le soutenait sans porter aucun jugement. Le seul qui savait garder le silence quand il était nécessaire. Le seul qui lui était fidèle et en qui le Vaisneau avait toute confiance. Si cet homme n'était pas son valet, ils seraient amis. Leur relation dépassait depuis longtemps le stade du maître-serviteur, bien que tous les deux savaient qui dominait.
- Merci Acelin, tu pourras profiter de la nuitée pour te divertir.
Trois coups, la porte fut ouverte, le valet laissa entrer la femme puis se retira en fermant derrière lui.
Les azurs croisent le regard féminin. Aucune expression ne gagne sur l'autre. Partagé entre ce corps pouvant si facilement être en possession, la colère et l'éclat de lucidité non encore noyée dans le courroux.
Le jeune homme s'approche pour dévêtir la Musteile de ses habits dextérieurs. On est sincère ou ne l'est pas.
Gautier.de.vaisneau
Quand la rousse, peut être, songe intimité, le silence du brun traduit simplement l'enlisement de ses pensées et sa réflexion. A la fois cette rousse lui plait, assurément, son humour, son insolence, sa manière d'effleurer son cou et la fois tous ses gestes et ses manières attisent sa colère. C'est bien là la faiblesse de ses résolutions : il les prend quand aucune femme ne se trouve dans les parages. Un cercle sans fin. Les femmes sont tentatrices donc on ne les touche plus mais comme elles tentent bien, on ne résiste pas donc elles sont tentatrices donc on ne les touche plus mais comme elles tentent bien...
Et au final Gautier arrivait même à se trouver en colère contre lui même et sa nature.
« Vous avez changé
lon vous dirait presque homme à présent ! »
Bien vrai qu'il avait changé. En avance, son corps était déjà pratiquement celui d'un homme et ses traits durcis formaient un visage angulaire. Quant à ses yeux, 'ils participaient effectivement à une grande part de son charme. La taquinerie le fit sourire, comme si, au final, la nature, qui était d'être séduit par cette femme, reprenait le dessus du profond agacement.
Il se laisse faire, simplement. Elle veut se faire entrepreneuse, apparemment. Tant qu'à avoir une femme qui s'offre à lui sans passer par la case séduction, autant en profiter n'est ce pas ? Elle marche ainsi, la logique de Gautier, quand il goutte les lèvres d'une belle rousse.
Le baiser est apprécié, savouré, le jeune homme y répond, se faisant plus doux que fougueux. Assurément, il n'était pas question pour l'instant d'aller plus loin sans même avoir prononcé une parole.
Le baiser est donc rompu, sans brusquerie. Un léger sourire barrait son visage. Sourire qui ne signifiait rien. Il était simplement destiné à ne pas paraitre sec.
Une bouteille de vin Bourguignon est attrapée, un verre au passage et le brun sert l'alcool à la Frayner.
Il avait bien saisi qu'elle aimait cela.
Le Vaisneau ne boit pas. Il n'a jamais apprécié les alcools ou les sucreries.
Il se contente de poser son séant sur un confortable fauteuil, s'y enfonçant tranquillement et reposant sa tête en arrière. Elle s'en offusquerait peut être mais qu'importe, ce n'était après tout pas lui qui l'avait invité.
- Vous n'aurez malheureusement plus très longtemps le loisir de me nommer comme vous le faites.
Gautier.de.vaisneau
Elle l'effrayerait presque. Le brun avait peur des fous car la folie ne suivait pas de logique et il était par conséquent difficile de les raisonner. Gautier maniant mieux l'esprit que la force, avait donc peur des fous. Mais la rousse pouvait être simplement un peu dérangée.
Les boucles ténèbres sont secouées.
- Pourquoi ? Elle n'est encore coupable de rien.
C'est l'esprit de juge qui prend le dessus. L'éphèbe veut tout juger. Et comme un bon juge est l'objectif, il ne se lie à rien ni à personne. Sauf à Maureen. Il faut toujours une exception.
Même le mariage ne signifie pour lui rien et ne lempêchera pas de juger en toute objectivité. Du moins tant qu'aucun sentiment ne l'attachera à Elisabeth. Oui, le mariage n'est qu'un pacte de fidélité.
- Je ne serai pas contre les biens mais...
Mais il trouvera bien une autre manière de s'en procurer.
Comme s'il marchait sur la crête d'une montagne en hésitant de quel côté descendre, il y a toujours cette oscillation entre colère et relâchement dans le plaisir. Simplement profiter de cette rousse qui, même dans son extravagance, le séduit. Le baiser avait choisi pour lui le chemin du plaisir mais à présent, le Vaisneau ne savait plus.
Finalement cela le fatigue d'être si intransigeant avec lui même. Dans quelques semaines il serait marié, il aura tout le temps d'être sage.
- Il est vrai que notre mariage est bien pitoyable, ainsi vêtu.
Le jeune homme quittait cette conversation pour en revenir à la lettre. La Musteile comprendrait peut être. Surement.
Pour s'en assurer, il clôt sa phrase sur un nouveau baiser. Il est cette fois ci d'avantage celui d'un conquérant que celui d'un époux qui doit embrasser sa femme parce qu'elle le désire. De la fougue et une main qui vient maintenir la tête dans la chevelure de feu. Le Vaisneau ne regrette pas d'être descendu de ce côté. Le paysage y est remarquable et la balade savoureuse.
Gautier.de.vaisneau
Elle croyait avoir gagné. Parfait. Il ne restait plus qu'à l'emmener jusqu'à l'entrée en se faisant passionné et brûlant. Oui. La plaquer ardemment contre la porte, glisser ses mains derrière elle pour trouver la poignée. Ouvrir puis la pousser soudainement dehors et refermer. Se laisser le droit de sourire, ensuite.
Oui, cela aurait très bien pu se dérouler ainsi. Avec un peu plus de résistance de la part du Vaisneau, c'est effectivement ce qu'il se serait passé. Et il aurait beaucoup ri, assurément. Un désir insatisfait entre les jambes, certes ; mais le chemin qu'il voulait suivre tracé avec plus de force.
Plus Gautier y pensait, étendu sur le dos, dans le grand lit, Scath nue, à moitié allongée sur lui, tous deux complètement enlacés et les cheveux de feu caressant son buste ; plus il regrettait. Comme si le contact de leurs peaux le brûlait, il voudrait qu'elle soit loin. Alors le brun ferme très fortement les yeux. Il suffit de le vouloir très fort, ce n'est qu'un rêve, il s'est endormi sur la lettre. Les yeux sont rouverts, prudemment. La Reyne rouge est toujours là, éclairée à la lumière du matin filtrée par les rideaux. Pourtant, la seule Reyne c'est la brune, Maureen. Gautier a trahi.
N'importe quel homme affirmerait que la nuit en avait valu la peine. Véridique. En matière d'amante, la rousse n'était comparable à aucune autre. Le jeune homme n'était pas un demi-puceau, comme certaines s'amusaient à le prétendre et pourtant Scath n'avait cessé de le surprendre. Elle ne possédait pas l'innocence de Maureen mais c'était tout autre chose, non moins affriolant.
Gautier s'extirpa doucement du lit pour se revêtir, espérant qu'elle se réveillerait. Il ne pouvait pas partir en la laissant seule ici mais ne souhaitait pas non plus qu'elle reste indéfiniment. Alors il lâcha sciemment une de ses bottes qui alla cogner contre le sol, lui donnant au passage tout ce dont il avait besoin : un bruit assez fort et soudain pour lui faire ouvrir les yeux.
- Peuchère !
Il ne savait pas bien ce que cela signifiait, à vrai dire. Une expression provinciale, qu'à force de l'entendre à longueur de journée dans la bouche de Maureen, lui venait toute seule à la bouche. Bon, si Scath ne se réveillait pas, c'est qu'il était tombé sur l'amante au bois dormant. Et aucune envie de lui donner un baiser pour qu'elle daigne ouvrir les yeux !