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[RP] Fiat voluntas tuas *

Matalena
De dos, l'on ne percevait guère que deux silhouettes agenouillées. Proches à se toucher, leurs chevelures bouclées mêlées en une auréole noir de jais. Deux chaisnes longues immaculée d'où dépassaient leurs pieds nus, lavés à la source le matin même. Les mains jointes, les yeux mi-clos... Portant en leur cœur comme en leurs seins tous les secrets du monde. Les visages apaisés s'éclairaient d'une lumière intérieure que l'instant leur prodiguait. Alors n'existaient plus nul titres, nulle barrière humaine qui eussent pu séparer les deux femmes. Simplement la conscience de l'amour de Deos, de leur amitié réciproque, et des grappins qui semblaient tendre à enchainer leurs destinées l'une à l'autre. Enfin seules, elles se retrouvaient en ce qu'elle avait eut depuis toujours de plus privilégié : la prière.
La pasteur, sa ronde bedaine appuyée sur ses cuisses, prenait en cet instant la parole, de son chantant accent occitan qui résonnait entre les murs de Digoine comme une musicale aberration.


Gloria in excelsis Deo
Et in terra pax hominibus bonae voluntatis
Laudamus Te
Benedicimus Te
Adoramus Te
Gorificamus Te
Gratias agimus tibi propter magnam gloriam tuam *


A ses côtés, les lèvres gourmandes de la Saint just s'agitaient à l’unisson, continuité de parole dont l'harmonie se vérifierait quand elle prendrait à son tour le mot sans heurt. Que belle est la foi quand elle ne s’embarrasse de dogmes, guerres de religion et volonté de sang entre fraternelles patries. Dire qu'il en était encore pour penser que la Nouvelle Opinion n'était point Aristotélicienne... L'ignorance est le maître à penser de la haine, en ce qu'on craint toujours ce qu'on ne connait point. Mais ici, esseulées et pacifiées, la réformée n'était qu'heureuse, sa main dextre voguant sur les contours de son ventre avec plus d’apaisement qu'elle n'en montrait d'ordinaire vis-à-vis de sa future maternité.



*Que Ta Volonté soit faite

Gloire à Dieu dans le Ciel
et Paix sur la terre aux hommes qui L'aiment
Nous Te louons
Nous Te bénissons
Nous T'adorons
Nous Te glorifions
Nous Te rendons grâce pour Ton immense Gloire

_________________
Gnia
Que ne lui avait manqué, à la réformée clandestine, la communion des esprits dans la prière. C'est que la Saint Just ne prisait guère être seule avec Lui, craignant par trop Ses facéties. Et pourtant, c'était justement ce lien naturellement simple entre l'Unique et ses ouailles qui avait entre autres achevé de faire verser l'Infâme du côté de la lumière. Il y avait certes encore fort à faire pour parvenir à dissiper l'ombre qui auréolait la Comtesse de son inquiétante lueur, si tant est que même Lui y puisse quelque chose.
Là résidaient pourtant les derniers et plus sûrs espoirs.

Ainsi donc, Agnès avait retrouvé non sans plaisir la Ladivèze, pour toutes ses qualités, pour sa nouvelle condition qui offrait de grandes perspectives d'occupations aussi futiles qu'organiser des noces au plus vite, et surtout pour ce partage qu'elle ne pouvait guère avoir avec d'autres, pis encore en dehors de la Cité des Saules qui avait toujours plutôt bien abrité son secret.

A l'opposé de la musique teintée d'oc que formaient comme autant de notes les mots que prononçaient Matalena, Agnès poursuivit sur un autre ton, celui que d'aucuns trouveraient moins harmonieux à l'oreille. Ignorants que ceux-là, qui ne savaient reconnaitre là toute la musique mystérieuse de l'envoûtante Picardie.
Un discret sourire contrit fut glissé à celle qui se tenait à ses côtés, comme pour excuser le passage qui allait suivre et auquel l'on ne pouvait décemment couper.


Ô Unique,
En ce jour, je fais silence et m'introspecte.
Je me rappelle mes lâchetés, mes mensonges, mes reniements, mes démissions.
Par mes lèvres, j'ai pêché et m'en repens sincèrement.
Par mes gestes, j'ai pêché et m'en repens sincèrement.
Dans mon coeur, j'ai aussi pêché et m'en repens sincèrement.
Dans mes pensées et mes actes, j'ai pêché et m'en repens sincèrement.
Par mes choix, j'ai aussi préféré ma tranquillité à me souvenir les enseignements de tes prophètes.

O Père, aie pitié.
Déos, prends pitié.
Je reconnais mes fautes.
Ne me rejette pas loin de toi.
Pour moi-même et pour le monde, écoute mon appel.
Je te le demande au nom de tes promesses.
Amen.


Et parce qu'il importait à la Saint Just le sincère repentir, qu'il fallait l'avouer, elle ne connaissait que trop bien ce difficile exercice d'humilité, et qu'à son oreille, tout ceci avait effet rassurant et libérateur, elle entonna un psaume sur le même sujet, car deux fois valent mieux qu'une, surtout si l'on jugeait de l'état de pêché aggravé dans lequel se trouvaient les deux brunes.
Pour l'une, il déformait son corps comme punition divine.
Pour l'autre, il abîmait son esprit, le tourmentant jusque dans son sommeil.


Misericorde au povre vicieux,
Dieu tout puissant, selon ta grand'clemence,
Use à ce coup de ta bonté immense,
Pour effacer mon faict pernicieux.
Lave moy, Sire & relave bien fort,
De ma commise iniquité mauvaise:
Et du péché, qui m'ha rendu si ord,
Me nettoyer d'eau de grace te plaise.
*

Un silence profond laissa résonner les dernières vibrations des voix dans l'air, tandis que la nuque humblement ployée, Agnès se laissait empreindre de l'atmosphère sereine où il n'y avait qu'elles et Lui.

Ou pas.


*[HRP : Psaume 51, Psautier de Genève. Clément Marot.]
_________________
Eusaias
Des soldats de plombs, certains peints en rouge, d’autres en caca d’oie étaient remués de part et d’autres d’une construction branlante en bois formant un semblant de château. Oui le puissant Blanc Combaz et son héritier jouaient aux soldats. D’une voix imitant sur divers tons celle de la crécelle le bourguignon tint devant son fils Lionel ce langage :

Versez l’huile sur le Blanc Combaz et sa bande, maman j’ai peur !
Mais Roi du Louvre on ne peut pas, vos vassaux se sont lustrés le derrière avec pour faire passer votre dernière « demande ».


Et les soldats rouges et les soldats caca d’oie s’entrechoquèrent à coup de bam, pif, pouf !

Envoyez les pairs ! Qu’ils l’attaquent !
Mais Roi du Louvre, ils sont biens trop occupés à chercher à prendre le pouvoir dans leurs provinces respectives !
Maman nous sommes perdus !


Pouuuuuum !

La bâtisse de bois s’écroula à l’aide de l’index paternel.

On a gagné le Louvre s’est écroulé ! Et de jeter le roi caca d’oie par l’une des meurtrières. Vonafred s’est enfuit ! Hahaha ! Vive le Prince Lionel ! Vive le Roi Eusaias !

Et les yeux étincelant du paternel regardèrent le jeune héritier.

On s’est bien amusé hein ? Ben maintenant faut faire ranger par les valets. En attendant on va retrouver ta mère voir ce qu’elle fiche…

Le Bourguignon se déploya et nettoya ses genoux pour enfin d’un claquement de doigts attirer l’attention du valet de porte avant de lui désigner les jouets au sol d’un index impérieux . Il prit alors la direction des appartements de son épouse où il découvrit les deux silhouettes de dos.
Une forte inspiration se fit entendre. D’une main douce il poussa son fils en avant pour qu’il aille rejoindre sa mère dans la prière alors que lui restait là, de marbre et romain.

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Lionel.blanc.combaz
Il ne comprend pas la moitié de ce que dit son père, mais il s'éclate, le gosse. Et s'il a compris une chose, c'est que Vonamachin c'est le méchant, et que son papa, c'est le roi. Tapant avec grande énergie sur l'un des soldats caca d'oie avec un soldat rouge, il suit donc le mouvement.

Paf ! T'as pas compris mon papa c'est le chef, t'es mort !

Les yeux bleux pétillent, les rires aigus fusent, et quand le soldat vert représantant le méchant est jeté négligamment par son père, ce héros, l'enfant lève les deux bras en signe de victoire.

Vive mon papa ! vive p'tit lion !

On s’est bien amusé hein ? Ben maintenant faut faire ranger par les valets. En attendant on va retrouver ta mère voir ce qu’elle fiche…

Hochement de tête vif et répété, oui, on s'est bien amusé... retrouver ta mè...le sourire tombe un peu, puis l'enfant se résigne. Faut écouter le chef, même quand il dit de faire des choses moins marrantes. Comme aller voir maman. Oh elle est super, maman hein. Monter a cheval avec elle, c'est chouette. Mais avec maman, faut toujours etre sage et sérieux. Pfff. Suivant son père avec un regard désolé au valet qui rammasse ses jouets -non, il ne le plaint pas, qu'allez vous penser là. Il le jalouse. Le valet, lui, il va pouvoir jouer avec les jouets ! - et il suit son père en trainant des pieds.

Maman est a genoux, avec une autre dame. Comme le jour près du ruisseau, quand ils ont chanté, et comme bien d'autres fois encore. Il sait très bien qu'elle parle avec le bon dieu. Levant les yeux entendant la respiration sèche de son père, Lionel sourit. Papa aussi, il sait qu'il faut pas déranger maman quand elle parle au bon dieu, et il est contrarié passque du coup, il peut pas lui parler. Le sourire s'agrandit. Chouette, on a plus d'autre choix que de retourner jouer...

Non ? Pourquoi papa le pousse....?


Mais... j'veux rester 'vec vous, papa...

Phrase murmurée d'une voix pas très sûre, le cou tordu vers l'arrière pour supplier papa du regard, alors que tout en protestant faiblement, il fait tout de même deux pas en avant. Pas qu'il ait vraiment le choix, avec la grande main qui le pousse...
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Alycianne
[Me suis permis de squatter... S'il y a un souci, je peux virer le post, of course.]

Intriguée par des chants qui sonnaient à son oreille étrangement, étrangers, la jeunette a quitté sa chambre pour s'en rapprocher. Mue par une curiosité déchirante, irrésistiblement attirée par les appartements de la maîtresse de maison, donc. Sur les derniers mètres, elle a ôté ses chausses pour marcher le plus silencieusement possible : c'est qu'elle a la dérangeante impression de violer l'intimité des chanteuses, soudain.
Elle s'est arrêtée un peu avant l'entrée, au coin du couloir. Appuyée contre le mur, l'enfant écoute.

Le souffle court, elle est saisie par les paroles, et se trouve une furieuse envie de psalmodier avec ces femmes ces cantiques, de s'y fondre entièrement. Ne connaissant pas les paroles de ceux qu’elles entonnent et ne souhaitant pas spécialement révéler sa présence, la Petite Rouge se contente de fermer les yeux et, collée aux pierres froides, d'écouter.
Elle souhaite, elle aussi, se repentir, de quoi exactement, elle n'en sait rien. La pauvre n'a rien à se faire pardonner -sinon cette escapade intrusive- ! Quelle tragédie. Elle aimerait tant avoir quelque chose à partager avec le Très-Haut, se sentir au plus proche de Lui, et élever sa voix vers Lui comme le font la Saint-Just et son invitée.

L'enfant les envie, maintenant, de chanter ainsi, de pouvoir le faire sincèrement : elle les jalouse d'avoir péché, tout compte fait. Et loin de réaliser cet état de fait, elle se prend soudainement à détester ces chants répercutés sur les murs de pierre : ce sont des réformées, elles n'ont pas à déranger de leur religion une maisonnée aristotélicienne ! Brusque accès d'intolérance et de haine dirigée contre ces chants que quelques secondes auparavant elle écoutait avec ravissement et cette religion qu'elle connait peu en vérité.

Les voix se taisent. L'enfant rougit.
Prenant pleinement conscience de la bassesse de ses dernières pensées, elle se passe une main sur le front. Voilà qu'elle a quelque chose à se faire pardonner. Et c'est terriblement désagréable : elle, elle, la Sage, le Joyau, l'Exquise, comment a-t-elle pu ?
Écarlate de honte et de vêtements, la demoiselle s'enfuit.

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Gnia
La fragile quiétude qui régnait dans la chambrée fut soudain rompue.
Dans son dos, Agnès pouvait percevoir des présences, confirmées par une profonde inspiration qu'elle savait appartenir à son époux et par un murmure enfantin qui signalait la présence de son fils.
Elle se tourna vers eux, s'apprêtant à les inviter à les rejoindre lorsqu'elle entendit un léger bruit de pas précipités qui s'éloignaient. Fronçant les sourcils, elle jeta un regard à son époux, lui intimant de rattraper et découvrir le curieux.


Allez voir, je vous prie. Et revenez ensuite, j'ai à vous parler.

Un regard contrit à sa voisine de recueillement puis elle tendit la main pour encourager son fils à la rejoindre.


Allons Lionel, approchez donc, votre père va revenir de suite. Et moi je vais vous présenter une très chère amie...

Elle se leva pour se saisir d'une aiguière et d'un bassin qu'elle posa non loin d'elle, tout en faisant signe à l'enfant de s'approcher. Si elle voulait qu'il se joigne à leurs prières, il fallait qu'il passe par la case lavage de mains, visage et pieds. Quoique pour les pieds, Agnès se gardait la possibilité d'y couper selon la bonne ou mauvaise volonté de son fils.
Tout en versant un peu d'eau dans le bassin, elle lui présenta celle qui l'avait aidé à venir au monde.


Lionel, je vous présente Matalena.
Quand vous étiez tout petit, elle vous a tenu dans les bras et c'est grâce à elle et à Dieu si vous êtes là, avec nous.


Certainement pas grâce à sa mère, qui de base avait tout fait pour se débarrasser de l'encombrante perspective d'une nouvelle mise bas. Sans succès, puisque l'indésiré s'était accroché à la vie et à son ventre, démontrant qu'il était aussi coriace que père et mère réunis. Et prouvant que la volonté de l'Unique ne pouvait guère être détournée.
Linge humide à la main attendant de venir débarbouiller ce qui devait l'être, elle poursuivit


Je vous propose de venir prier et chanter avec nous, pour remercier d'abord le Très Hauct.

Signe du menton en direction du plafond pour souligner de qui on parlait.

Et puis aussi pour votre père...

Ou comment utiliser sa progéniture pour atteindre l'autre parent et tenter de parvenir à ses fins.
Encore quelque chose dont il faudrait se repentir.

Ou pas.

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Eusaias
Le bourguignon n’avait pas vu sa fille, mais il avait entendu le bruit. L’épouse prend son regard noir, c’est vrai qu’elle risquerait beaucoup si elle était prise, mais à Digoine. Qui viendrait les ennuyer, un fou ou un futur cadavre ? Le visage se barra d’un sourire, après tout, les regarder prier pendant ou poursuivre un curieux qu’était le plus intéressant ?

Il sortit de la pièce et se lança à grande enjambées dans le couloir. Un bout de robe rouge fut aperçu prenant à droite au bout du couloir. Comme quoi, aucun ennui à Digoine pour les deux petites réformées. Il ralenti le pas.


Alycianne, ma fille, viens à moi !

Il rattrapa celle-là juste après.

Allons, où allais-tu ainsi ? Tu ne voulais pas être avec nous ?

Il plia les genoux tout en reposant ses mains, bras tendus, dessus. Bec en avant et à hauteur du visage de celle-là il lui offrit un doux sourire.
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Lionel.blanc.combaz
Les yeux toujours levés vers son père, Lionel espère contre toute logique que celui-ci change d'avis. Mais c'est compter sans la voix péremptoire de sa mère. Et l'enfant regarde, épaules affaissées, son héros et compagnon de jeux s'éloigner sans un mot ou un regard en arrière.

Allons Lionel, approchez donc, votre père va revenir de suite. Et moi je vais vous présenter une très chère amie...

Hum. S'il revient de suite, alors... L'enfant approche à contre coeur. Il ne se rappelle pas de cette femme qui l'a tenu dans ses bras. Et puis elle a un gros ventre, alors que ses bras et son visage sont pas gros. Elle est bizarre.


'Jour madame. Tu avez un gros vent' mais pas le reste. Bru elle est grosse pa'tout...?

Fasciné, les yeux fixés sur la bosse rebondie et le doigt levé dans sa direction au cas où c'etait pas assez clair, il écoute à moitié. Faut prier. Moins rigolo que jouer avec papa.

Et puis aussi pour votre père...

Coup d'oeil vers la porte. Prier pour papa, c'est bien non ? Mais l'enfant attend toujours qu'il revienne...


'Cord...

Alors qu'il approche un peu plus encore, tendant son minois pour être débarbouillé par sa mère, la voix du héros raisonne dans le couloir et l'enfant fait un bond en l'air, les yeux brillants de joie.

Alycianne !

Oubliant le gros ventre intéressant, la prière pour papa et le risque de mettre maman en colère, il échappe de justesse au linge humide et fonce à la porte, trottinant de toutes ses forces jusqu'à rejoindre les jambes de son père.

Viens, Alycianne ! On va prier pour papa !

Si y a papa et Alycianne, ça sera forcément mieux que juste avec maman et la dame qu'il connait pas. Forcément. Non ?
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Matalena
Sourire. Comme toujours après un instant de prière, l'occitane s'en revenait sereine face à un avenir qui n'était pas sans lui inspirer pourtant des craintes certaines. Craintes quant au devenir de sa suzeraine, ombragé par un trône que l'on se disputait alors. Ombragé, plus personnellement, par l'enfantement et l'alliance avec un autre être, qui n'allait plus tarder. Mais baste, Deos seul décide, et sa confiance en l'homme de ses pensées, loin de s'être étiolée avec le temps, s'était vue renforcée par les récentes et nouvelles épreuves. Le manque, simplement, qui lui faisait se tordre les mains quand d'aventure elle y songeait de trop.
Mais ce n'était point l'instant pour ces enfantillages.
Et en parlant d'enfant, le petit gaillard qui lui faisait face de ses vastes yeux et ses grosses joues lui colla à la face un sourire plus large encore, chaleureux et bienveillant comme rarement.


Bonjour seigneur Lionel. N'ayez crainte, vous veniez de naitre lorsque nous nous sommes vus, il est normal que mon visage ne vous rappelle rien. C'est tout juste si je reconnais le votre !

Comme quoi, elle n'était pas prête d'être une mère accomplie, proprement incapable de communiquer avec un individu de moins d'une quinzaine d'années sans se rendre incompréhensible, ou peu s'en faut. A la question du môme, elle partie franchement d'un gros rire. Plaisant comme là où les adultes voient déjà pêchés et complications, un moutard ne voit qu'un étrange point technique de répartition de masse.

C'est que je ne suis pas grosse, en temps normal. J'ai un enfançon, là, dans mon ventre, qui va bientôt sortir.

Ah ! Horreur ! Une cannibale mangeuse de mômes !

C'est comme ça qu'on se reproduit, vous voyez. Comme les juments quand elles mettent bas des poulains, si vous avez déjà vu ça. Ou des chatons ? Sauf que là c'est pour les humains, mais ça marche pareil.

Mouais, essaies encore. Ou pas, car à peine tentée cette pitoyable explication au petit lion, celui-ci fuyait déjà vers les jupes de son paternel, si vous me passez l'expression. Haussant les épaules, la jeune femme se tourna vers Agnès avec un léger clin d’œil, se redressant péniblement avant de lui tendre la main.

Je crois que nous terminerons nos prières une autre fois, allons donc rejoindre votre famille. Il sera bien temps plus tard d'aborder ces questions.
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Gnia
Soupir. La Saint Just repose son nécessaire à débarbouillage pré-recueillement et regarde, une moue contrariée tordant les lèvres pleines, son fils prendre la poudre d'escampette. Elle avait espéré un instant prolongé de grâce, il s'était fait plus court qu'elle ne l'aurait aimé.
Elle se saisit de la main de Matalena, se releva et acheva d'aider son amie à en faire de même.


Vous avez raison. Si nous appartient de guider ceux qui souhaitent sur le chemin vers l'Unique, il ne nous appartient guère de les y contraindre...

Elle eut un fin sourire pour sa brune voisine puis se dirigea vers le coffre sur lequel elle avait déposé tantôt le bliaud simple qu'elle portait en guise de vesture d'intérieur. il fut prestement enfilé et tandis qu'elle chaussait ses mules brodées tout en ajustant une ceinture sur les hanches, le dos tourné, elle ironisa

Je vois que vous êtes aussi douée que moi lorsqu'il s'agit d'essayer de faire entendre à un enfantelet les choses de la vie...

Elle jeta un regard rieur à la Sombre et l'attendit près de l'huis resté ouvert. Elle s'engagea ensuite dans le couloir, retrouvant au premier coude Eusaias et Lionel.

Laissez là donc, elle nous rejoindra plus tard s'il lui sied.
En sus, et comme je vous le disais tantôt, mon époux, j'ai à vous entretenir d'une chose d'importance.


Elle eut alors un de ces rares gestes tendres qui ne soit pas calculé à l'égard du Balbuzard et posa une main délicate sur sa nuque.

Allons donc prendre collation dans la grand salle.
Votre fille nous y rejoindra peut-être.


Et sans attendre de réponse, elle en prit le chemin, se retournant toutefois pour demander à son fils

Lionel, vous nous accompagnez ?
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Alycianne
Elle s'est arrêtée à l'appel de son père, mais n'est toutefois pas revenue sur ses pas pour le retrouver et se laisser accueillir par les serres du rapace. La demoiselle s'est passée une main froide, froide, sur sa joue rouge, chaude. A repris son souffle, tout en se demandant quelle mouche pouvait donc l'avoir piquée pour qu'elle détale comme une voleuse, et ce qu'elle pourrait bien répondre à son père puisqu'elle-même n'a pas bien saisi les raisons de son comportement.
Et c'est donc avec soulagement qu'elle entend le cri enfantin, Lionel est là, présence réconfortante d'un plus petit qu'elle et qui par son babillage incessant peut lui éviter les sujets de conversation les plus embarrassants.

La brunette se refait une tête à peu près normale (c'est à dire, pour elle, de se parer d'un petit sourire) et finit par rattraper le groupe qui s'apprête à rejoindre la grand salle. Au passage, elle chope la menotte du petit brun.


- Nous prierons plus tard, allons plutôt manger un bout, c'est que j'ai d'la petite faim, pas toi ?

Après avoir entraîné le gamin sur les pas de ses parents, pour marcher finalement à leur côté, elle s'adresse enfin à ceux-ci.

- Je me suis rendue compte en fait que je ne connais pas ce qu'est exactement la foy réformée. Une pose. Elle réfléchit. Regarde sa belle-mère, cette fois-ci. Pourriez-vous m'expliquer, plus tard, peut-être ?
Son regard glisse sur l'invitée. Bonjour.
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Eusaias
Le bourguignon se redressa pour écouter son épouse alors que sa fille, semblait hésiter. Il se gratta la tête avant d’acquiescer.

Vous avez raison madame ma mie. Les enfants nous allons manger quelques choses et discuter en la grande salle. Vous n’aurez qu’à nous rejoindre une fois que vous l’aurez décidé.

Puis il regarda son épouse, sa main toujours plaqué sur sa nuque. Voilà bien longtemps qu’elle ne l’avait pas touché avec douceur. Un sourire ravi prit naissance sur son faciès d’oiseau de proie.

Bavarder d’une chose importante ? Clodeweck est pestiféré ? Les Ottomans ont libéré Constantinople ? Innoncent à interdit à tous les hommes d’église de faire de la politique ?

Le sourire s’étira.

Que de bonnes nouvelles !

Ils prirent alors la direction prévue quand les deux enfants les rejoignirent. Les yeux du rapace se braquèrent, doux, sur la jeune « italo-bourguignonne » qui était sa fille. Voilà qu’elle s’intéressait à la réforme. N’était-il pas entrain de se faire désarçonner de son cheval romain par sa famille ? Il réprima un rire à l’idée…
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Lionel.blanc.combaz
Lionel, vous nous accompagnez ?

Comment c'est trop fastoche d'obéir quand on vous demande de faire ce dont vous avez envie !


Oui mère ! Charrife !

Et quelle perspective plus joyeuse, pour un garçonnet de trois ans, que d'aller main dans la main avec sa soeur préférée, sur les pas de ses parents, pour... manger ?

C'est bien simple. Rien. Alors tandis qu'Alycianne parle avec maman, et papa aussi (faites la queue, y en aura pour tout le monde) l'enfant, lui, reporte son attention sur la dame grosse d'un endroit seulement, qu'il a honteusement délaissée tout à l'heure.


J'a désolé pardon, tout à l'heure je veux voir Alycianne, alors je cours. Mais j'a écouté, hein. J'a même tout bien comprite. Vous a un tout petit enfanchon dans le bidon, oui. Que il va sortir, même.

Tête levée vers elle. Attention question qui tue dans 4, 3, 2...

Mais il sort par où ?
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Gnia
Une table avait été dressée, non loin des fenêtres à meneaux afin que chacun puisse bénéficier des heures du jours qui se faisaient nécessaires au sortir d'un hiver où la pénombre finissait par user les nerfs les plus aguerris.

Une pluie de questions s'abattit autour de la table à l'instant où Agnès y prenait place. Prenant le parti de sauver sa vassale tout autant que de ne pas laisser échapper la curiosité de la jeune Alycianne, tout en impliquant son époux la Saint Just fit d'une pierre plusieurs coups.


Lionel, votre père vous expliquera ce genre de détail, mais pas à table.

Alycianne, je serai fort aise de contenter votre curiosité quand il vous siéra. Et je pense que Matelena vous expliquera encore mieux que moi si vous souhaitez l'interroger.

D'ailleurs, à ce sujet...


Tandis que quelques domestiques amenaient viandes froides, jambons, fromages, verdures et sucreries, le tout accompagné d'une grande aiguière de vin, Agnès, fidèle à son manque de diplomatie annonça à son époux ce dont elle souhaitait l'entretenir sans autre forme que sa finesse légendaire à l'état brut.


La Damoiselle de Cohitte ici présente va prendre en épousailles le seigneur du Castèth Gélos, Maleus d'Assay.
Je les ai conviés à abriter leur échange de voeux sous la protection de Digoine et pensais tenir cérémonie dans cette même salle.
Culte réformé évidemment. Ce sont tous deux de zélés pasteurs...


La Comtesse se para de son sourire le plus enjôleur pour tenter d'atténuer la probable colère que son époux ne manquerait pas de laisser éclater, ne serait-ce que parce qu'elle le mettait devant le fait accompli.


Nous tiendrons culte icelieu vendredi en huit.
Vous viendrez, n'est ce pas ?


Et de picorer du bout des doigts quelques amandes sèches qu'elle grignota, l'air de rien, observant entre ses cils le faciès en lame de couteau du Balbuzard.

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Alycianne
Elle lui expliquera plus tard, ou l'autre femme. Cogite. C'est bon, cela lui convient.
Puis elle se penche vers son frère, et à l'oreille du gamin la jeune fille chuchote :

- Ça sort de par l'entre des jambes !
Regard conspirateur qui appuie l'affirmation, elle n'en dira pas plus, histoire de laisser planer le mystère.

S'intéressant maintenant de plus près à ce qui se trouve sur la table, l'enfant n'en tend cependant pas moins l'oreille. Et lorsqu'au détour d'une bouchée de pain l'on parle à la fois de l'ex-mercenaire Maleus, de culte réformé et de mariage, la gamine avale de travers. Tousse, crachote un peu, tourne au rouge, reprend son souffle. Arrose le tout d'une gorgée de vin. Et assimile enfin les informations. Son teint passe alors à vitesse éclair de cramoisi à blafard et ses mains lâchent le bout de pain entamé pour s'engouffrer sous la table. Voilà qu'elle n'a plus faim.

Maleus, elle l'aime bien, sans pour autant en avoir bon souvenir, souvenir d'ailleurs non sans lien avec l'image qu'elle se fait du culte réformé. Il faut savoir que l'une des rares fois où on lui a parlé de la Réforme, avant l'arrivée de la Saint-Just, c'était en Anjou, l'endroit étant en lui-même une explication à ses yeux (Anjou = Pays de fous*). Protégée par la duduche Josselinière de tous ceux qui ne pouvaient voir Eusaias en peinture (soit à peu près tout le monde), la souriante gamine avait subi des menaces assez sérieuses notamment du-dit mercenaire, et d'autre part sous pression d'un certain angevin, signé un papier la déclarant de foy réformée. Le scandale. Donc, pour conclure, parler en même temps de Maleus et de culte réformé, c'était faire rejaillir en elle une puissante impression d'être envahie en sa propre demeure par des fous sans honneur qui ne lui voulaient aucun bien.

D'où un raclement de chaise sans équivoque : la minette s'est levée, le visage grave, et son regard va immédiatement chercher réponse et vérité auprès du Balbuzard.

Papa, Papa, vous allez laisser faire ça ?

*D'après le Dictionnaire français - langage alyciannesque, édition 1459
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