Daeneryss
Enfin chez nous.
Comme il fait bon de rentrer chez soi après quelques ballades, plus ou moins houleuses dans les campagnes perdues et hostiles du royaume. Il faut bien avouer que nous ne sommes pas toujours les bienvenus lorsque nous entrons dans une ville, ou lorsque nous nous perdons volontairement dans les alentours pour quelques repérages. Les regards inquisiteurs, les mouvements de recul à notre passage, nous ne connaissons que trop. Mais cela nous amuse, nous émoustille aussi, de voir ceux qui pourraient se méfier, alors que sous certains aspects, nous sommes mille fois moins dangereux que la moitié du royaume. Nous ne sommes pas lâches, nous n'abandonnerons jamais les nôtres. Nous ne sommes pas hypocrites, nous ne mâchons pas nos mots, même pour les grands. Nous ne sommes pas trouillards, nous avançons toujours, même lorsque la défaite semble cuisante. Notre fidélité devrait être louée plutôt que bafouée. Mais par moment, il est bon de rentrer à " la maison".
Les pavés familiers avaient résonné sous nos pas et l'air ambiant nous laissait respirer ce parfum un peu amer qui régnait dans les bas fonds de certaines ruelles. Il est clair qu'elles n'étaient pas toutes bien fréquentées, et d'autres étaient totalement dénuées d'éclairage. Les bruits - suspects ou non - nous faisaient de temps à autre tourner la tête pour regarder ce qu'il pouvait bien s'y passer. Pour ma part, je me sentais pour la première fois - depuis mon intégration - "chez moi". Je me sentais différente, plus épanouie, plus..sereine. Je venais enfin de trouver ma place au sein de ce Clan que j'appelais déjà " les Miens" depuis un long moment, mais quelque chose avait changé. Comme une évolution, comme un papillon, la chrysalide avait éclos pour laisser place au renouveau. C'est donc libérée que j'arpentais désormais notre quartier, le regard plus sûr lorsque je croisais celui des autres, où que nous soyons. Comme une future Corleone.
Le regard perdu dans le fond d'un verre de gnôle, je laisse l'alcool faire son uvre au fil des gorgées absorbées. Tout d'abord cette sensation de goût si fort qu'il est presque intenable en bouche, la première idée - pas toujours la meilleure - étant de vite avaler le liquide pour libérer les papilles. Alors se répand la chaleur d'un feu destructeur dans la trachée, la première gorgée faisant souvent tousser. Et puis, peu à peu, tout comme les autres avant moi je présume, je me suis habituée à ces deux premiers effets, pour mieux me laisser submerger par le troisième et dernier : l'ivresse. Au vu de son contenu, le verre que j'emprisonne dans ma main gauche ne m'a pas encore entamée au point de sentir la tête me tourner. On y verrait peut-être mes joues être plus rougies qu'à la coutume, et mon sourire se ferait également plus franc face aux inconnus. Encore faut-il bien me connaître...
Mais je trouve le temps long... Le nombre de jours, de semaines et de mois à arpenter les routes laissent une envie de bougeotte perpétuelle, à moins qu'il ne s'agisse de la gnôle qui me donne une sensation de temps allongé. L'alcool de mon verre tournoie doucement, au gré du tourbillon causé par mon poignet. Je ne le quitte pas du regard, sauf lorsqu'un bruit inhabituel se fait entendre, ou encore un courant d'air. Mais ici, qu'est ce qui semble inhabituel après tout ? Tout le monde fait un peu comme il veut, sachant pertinemment que la chute risque d'être rude si dérapage il y a. C'est pourquoi le brouhaha régnant en fond sonore reste comme une berceuse à mes oreilles, on s'habitue à tout. Sauf peut-être à ce silence - si court soit-il - alors que je porte pour la dernière fois mon verre à mes lèvres. Me brûler une ultime fois la gorge, sentir ce doux feu m'envahir, avant de laisser le verre rejoindre le bois quelque peu usé par endroit, et de chercher la cause de ma surdité temporaire.
Et je compris. Un court instant, ma vue doit aussi me faire défaut, à moins que je ne me sente ridicule à lever ainsi mon regard azuré vers le colosse qui se trouve encore proche de l'entrée. Lui et... sa valisette. Restant aussi immobile que possible, je m'accorde le droit du regard, le droit du détail. Aussi légers que le serait une caresse, mes yeux glissent sur l'individu pour mieux scruter ce qu'il est : Tatoué. Par endroit, certes, mais il correspondrait peut-être à celui que j'attends ici depuis plusieurs heures sûrement. Un regard vers le comptoir, l'autre vers l'entrant, avant de me redresser et quitter l'assise un tantinet inconfortable, laissant une sensation de fourmillement dans mon échine, pour mieux me diriger de quelques pas vers l'Inconnu, tout en replaçant cette fameuse mèche blanche qui me caractérise. D'une main ouverte vers le comptoir, la tête à peine inclinée sur le côté, je l'invite.
- A votre place, j'avancerai un peu encore. Et puis... pour prendre un verre, c'est mieux. Pour les affaires aussi. C'est sans doute pour cela que vous êtes ici, non ?
Tout en esquissant un sourire, mon regard se perd sur la valisette à laquelle il s'accroche comme à la vie.
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Comme il fait bon de rentrer chez soi après quelques ballades, plus ou moins houleuses dans les campagnes perdues et hostiles du royaume. Il faut bien avouer que nous ne sommes pas toujours les bienvenus lorsque nous entrons dans une ville, ou lorsque nous nous perdons volontairement dans les alentours pour quelques repérages. Les regards inquisiteurs, les mouvements de recul à notre passage, nous ne connaissons que trop. Mais cela nous amuse, nous émoustille aussi, de voir ceux qui pourraient se méfier, alors que sous certains aspects, nous sommes mille fois moins dangereux que la moitié du royaume. Nous ne sommes pas lâches, nous n'abandonnerons jamais les nôtres. Nous ne sommes pas hypocrites, nous ne mâchons pas nos mots, même pour les grands. Nous ne sommes pas trouillards, nous avançons toujours, même lorsque la défaite semble cuisante. Notre fidélité devrait être louée plutôt que bafouée. Mais par moment, il est bon de rentrer à " la maison".
Les pavés familiers avaient résonné sous nos pas et l'air ambiant nous laissait respirer ce parfum un peu amer qui régnait dans les bas fonds de certaines ruelles. Il est clair qu'elles n'étaient pas toutes bien fréquentées, et d'autres étaient totalement dénuées d'éclairage. Les bruits - suspects ou non - nous faisaient de temps à autre tourner la tête pour regarder ce qu'il pouvait bien s'y passer. Pour ma part, je me sentais pour la première fois - depuis mon intégration - "chez moi". Je me sentais différente, plus épanouie, plus..sereine. Je venais enfin de trouver ma place au sein de ce Clan que j'appelais déjà " les Miens" depuis un long moment, mais quelque chose avait changé. Comme une évolution, comme un papillon, la chrysalide avait éclos pour laisser place au renouveau. C'est donc libérée que j'arpentais désormais notre quartier, le regard plus sûr lorsque je croisais celui des autres, où que nous soyons. Comme une future Corleone.
Le regard perdu dans le fond d'un verre de gnôle, je laisse l'alcool faire son uvre au fil des gorgées absorbées. Tout d'abord cette sensation de goût si fort qu'il est presque intenable en bouche, la première idée - pas toujours la meilleure - étant de vite avaler le liquide pour libérer les papilles. Alors se répand la chaleur d'un feu destructeur dans la trachée, la première gorgée faisant souvent tousser. Et puis, peu à peu, tout comme les autres avant moi je présume, je me suis habituée à ces deux premiers effets, pour mieux me laisser submerger par le troisième et dernier : l'ivresse. Au vu de son contenu, le verre que j'emprisonne dans ma main gauche ne m'a pas encore entamée au point de sentir la tête me tourner. On y verrait peut-être mes joues être plus rougies qu'à la coutume, et mon sourire se ferait également plus franc face aux inconnus. Encore faut-il bien me connaître...
Mais je trouve le temps long... Le nombre de jours, de semaines et de mois à arpenter les routes laissent une envie de bougeotte perpétuelle, à moins qu'il ne s'agisse de la gnôle qui me donne une sensation de temps allongé. L'alcool de mon verre tournoie doucement, au gré du tourbillon causé par mon poignet. Je ne le quitte pas du regard, sauf lorsqu'un bruit inhabituel se fait entendre, ou encore un courant d'air. Mais ici, qu'est ce qui semble inhabituel après tout ? Tout le monde fait un peu comme il veut, sachant pertinemment que la chute risque d'être rude si dérapage il y a. C'est pourquoi le brouhaha régnant en fond sonore reste comme une berceuse à mes oreilles, on s'habitue à tout. Sauf peut-être à ce silence - si court soit-il - alors que je porte pour la dernière fois mon verre à mes lèvres. Me brûler une ultime fois la gorge, sentir ce doux feu m'envahir, avant de laisser le verre rejoindre le bois quelque peu usé par endroit, et de chercher la cause de ma surdité temporaire.
Et je compris. Un court instant, ma vue doit aussi me faire défaut, à moins que je ne me sente ridicule à lever ainsi mon regard azuré vers le colosse qui se trouve encore proche de l'entrée. Lui et... sa valisette. Restant aussi immobile que possible, je m'accorde le droit du regard, le droit du détail. Aussi légers que le serait une caresse, mes yeux glissent sur l'individu pour mieux scruter ce qu'il est : Tatoué. Par endroit, certes, mais il correspondrait peut-être à celui que j'attends ici depuis plusieurs heures sûrement. Un regard vers le comptoir, l'autre vers l'entrant, avant de me redresser et quitter l'assise un tantinet inconfortable, laissant une sensation de fourmillement dans mon échine, pour mieux me diriger de quelques pas vers l'Inconnu, tout en replaçant cette fameuse mèche blanche qui me caractérise. D'une main ouverte vers le comptoir, la tête à peine inclinée sur le côté, je l'invite.
- A votre place, j'avancerai un peu encore. Et puis... pour prendre un verre, c'est mieux. Pour les affaires aussi. C'est sans doute pour cela que vous êtes ici, non ?
Tout en esquissant un sourire, mon regard se perd sur la valisette à laquelle il s'accroche comme à la vie.
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