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[RP] The Game*

--Nayko
*Le Jeu

Au milieu d'une forêt aux arbres décharnés et où règne un silence de mort, se trouve une masure abandonnée. Les murs extérieurs ont bien trop soufferts des intempéries et la moisissure a su avec son opportuniste "propre" conquérir ces terres boisées. Chaque fenêtre semble condamnée et la porte secondaire à l'arrière est barrée par un amas de rocs et de poutres. Sans doute appartenait-elle à une dépendance ayant décidée de reprendre son indépendance...?!

Les apparences sont trompeuses. Ce qui nous intéresse tout particulièrement, se trouve à l'intérieur. Nous allons vous le décrire comme si vous y étiez. Le visiteur imprudent perdra ses pas sur le seuil. Son regard intrigué se posera un court instant sur la lourde en chêne et à la taille grossière mais à la solidité sans faille. La mousse et le lierre ont pris possession de cette dernière comme pour la couvrir lors des longues nuits d'hiver. Les chausses de l'inconscient crépiteront sous les morceaux de verres qui parsèment le sol. Un reste de bouteille ou bien d'un vitrail ? Les multiples couleurs le laissent penser. La main fébrile se posera sur la poigneé et dans un grincement inquiétant, notre cher visiteur s'interrogera sur la blancheur des murs. La clarté est de mise en ce lieu. Ceci grâce à des puits de lumière disséminés adroitement le long du plafond. Du jamais vu. Et pour vos virées nocturnes, des torches fleurissent de partout. Dans chaque recoin se trouve un complexe réseau de canalisation ou ce qui semble en être... Si les tuyaux avaient une peau, leur carnation serait rouille. Au fond de cet interminable couloir, trônent admirablement quatre portes. Elles sont affublées d'un numéro et patientent sagement qu'on vienne les ouvrir pour en dévoiler les secrets. L'air, quant à lui, est sain. Point de moiteur, ni de froideur. A croire qu'un système issu d'un génie fou réchauffe le tout.

Quelques fois, au sein de cette quiétude, un bruit sourd de chaînes trainant à même le sol, perturbe cette félicité paradisiaque. Du blanc étincelant et du calme. Quoi de mieux ? Si ce ne sont ces plaintes, ce souffle court, qui peuvent déranger notre visiteur. Qui soudain se surprend à quelques bouffées de chaleur, une goutte de sueur perle le long de sa tempe. Et puis, un hurlement strident le fait fuir en vitesse...

Un jeu inclut son lot de règles. Aussi illogiques et extravagantes soient-elles. Qui pourrait s'en amuser ? Qui serait assez fou pour en émettre l'idée ? Qui de ces âmes possèdent le courage nécessaire pour tenter d'entamer une partie ? Surtout quand la chandelle, de ce jeu, vaut une vie. Aucun divertissement ne mérite le détour, sans véritable enjeu. Et là, il s'agit de sauver une personne, un être vivant. Et ceci au péril de sa propre vie.

Qu'êtes-vous capable de faire pour quelqu'un ?
Astana

La Nuit est déjà bien avancée, lorsque le corbeau vient se poser à la fenêtre, accompagné de sa malédiction. Astana est alors attablée à la mince table de bois qui lui sert de bureau, éparpillée entre encre, bouteilles, parchemins et plumes. La faible flamme de la bougie vacille, et quelques gouttes de cire viennent souiller le bois, peu à peu. Un croassement, un soupir, et une main qui se lève pour ouvrir la fenêtre sur l'oiseau. Le message une fois délivré, le volatile s'envole dans un battement d'ailes malheureux tandis que le carreau se referme sur la froide nuit au dehors. Quelques secondes s'écoulent, attendant que les tremblements qui ont saisi ses mains dus au manque d'alcool s'arrêtent. Et puis...

Le bougeoir s'écrase au sol en même temps que le vélin, alors que les étoffes s'enroulent, s'emmêlent, s'agitent autour du corps fébrile de la jeune femme.


Citation:

    Qu'êtes-vous capable de faire pour quelqu'un ? Qu'il soit un être cher ou un illustre inconnu ? Jusqu'où êtes-vous prête à repousser vos limites afin de connaitre la Vérité sur Vous ?

    Il s'agit de sauver une vie. La personne en question a beaucoup comptée pour Vous dans le passé. Il serait fâcheux que vous la condamniez à une mort certaine. Sachant que son agonie sera des plus douloureuses... J'ai ouï dire que ce n'était point ce genre de propos qui pourrait vous émouvoir. Mais veuillez bien reconsidérer la question. Laisseriez-vous lâchement périr une personne si chère à votre cœur ?

    Si la réponse est : Non. Bienvenue dans le Jeu.

    Dont voici les règles. Une proie a été placée dans une masure abandonnée aux portes et fenêtres piégées par un mécanisme de mon invention. La porte principale vous sera déverrouillée dès que vous aurez décidé de jouer. A l'intérieur, vous aurez accès à un couloir aux murs blancs. Au bout de ce dernier se trouve quatre portes fermées à double tour. Derrière l'une d'entre elles, se trouve celle que vous devez sauver. Pour en avoir la clé, vous devrez réussir à trouver une chose si précieuse, qu'elle permet aux Hommes d'atteindre les rênes du pouvoir.

    Quatre portes pour quatre personnes de votre entourage qui détiennent chacune, une clé. A vous de les retrouver...

N.


Un rire fou, vient briser le silence. Les nerfs. Ses iris toujours fixes sur le vélin, bien qu'à l'autre bout de la pièce désormais. Lorsque la vérité est trop crue, certains mécanismes se mettent en place d'eux-mêmes. Nier, renier, en bloc. Refuser d'admettre l'évidence. Elle essaie de se convaincre que tout ceci n'est qu'une mauvaise blague, qu'un fou est de passage dans les environs et qu'il a décidé de s'amuser un peu. Cependant, les tripes ne mentent pas, elles. C'est viscéral. Tout se déchire intérieurement, et la Carnivore se laisse choir à terre, recroquevillant ses jambes contre sa poitrine. Qui ? Pourquoi ? Où ? Les interrogations se bousculent, se chevauchent, à toute vitesse. Le coeur s'emballe dans un rythme effréné, et la reflexion se fait plus difficile.

Voilà bien longtemps qu'on ne l'a pas vue dans un tel état. La menace est trop sérieuse pour être prise à la légère. Mais comme à son habitude, le calme glacial reprend vite le dessus. Au bout de quelques minutes, peut-être. Une fois que l'angoisse a cédé la place à la maitrise de soi. Tout se gèle. A trop se laisser étouffer par ses émotions, le jugement s'en trouve altéré. Or là, toutes ses facultés lui sont indispensables. Ce n'est pas de l'insensibilité... du moins pas ici. Paniquer ne servirait à rien ; si ce n'est à perdre du temps. Les grains du sablier s'écoulent...


Elle se relève alors, attrapant un autre bougeoir pour s'éclairer, en venant se réinstaller à sa place initiale, tendue. Elle prend la plume, qui est trempée avec précipitation dans l'encre noire, pour venir couvrir non pas quatre mais six parchemins d'une écriture penchée, presque illisible. Mettre toutes les chances de son coté. Même si c'est un test. Jouer le jeu. Son jeu, son terrain : le sadisme. Le Maitre du jeu deviendrait victime sous peu.

Citation:

XXX,
    Je n'ai pas le temps de t'expliquer. Le temps me manque. S'il te plait, ne pose pas de questions.
    As-tu reçu quelque chose dernièrement ? N'importe quoi... Une clé, un objet, un code, une phrase que l'on t'aurais dite et que tu aurais trouvée curieuse ?
    Si oui, je t'en prie, fais-moi parvenir ce que tu as. Au plus vite.

Astana.

Scath. Lhyra. Andréa. Alzin. Le Mielleux. Et... le Poison, peut-être.
Sans plus attendre, la danoise quitte sa chaise pour enfiler sa pelerine avec empressement. Et d'empoigner le paquet de missives préparées, avant de claquer la porte du logement en quête d'un pigeonnier. Quitte à faire le pied de grue devant celui-ci jusqu'à ce qu'une réponse lui parvienne.

Pourvu que les personnes visées soient les bonnes...
Pourvu que le temps ne se perde pas en chemin...
Pourvu que les choix à faire d'ici peu soient les bons...
Pourvu que...

To be continued. **



** A suivre.
_________________
--Nayko
Les feuilles mortes en retard s'évanouissent lentement. Dernières étoffes pour un tapis d'une saison désormais démodée. L'orange et le rouge vont reprendre des couleurs mais d'une autre manière. La verdure sera le nouvel étendard pour ces jours qui filent en vitesse. Et dans ce décor entre fin et début, nous retrouvons notre visiteur. Sa respiration est rapide et bruyante. Malgré, la fraîcheur des timides avances du Printemps, le pauvre suffoque sous la chaleur. Ses vêtements sont bien trop lourds, bien trop étouffants et une sensation de vapeur désagréable s'échappe de la base de son ventre dans l'étroitesse de ce conduit en haillons avec le col en guise de cheminée.

Courir. Courir à en perdre haleine, en perdre la raison. Et surtout y perdre son chemin. Et c'est dans un labyrinthe grandeur nature que notre visiteur ira dépenser les restes de son énergie jusqu'à la nuit tombée. Là, où les loups affamés ou de sombres ombres pourront le dilapider de ce qu'il a de plus précieux.


Citation:
J'ose espérer que vous avez su trouver au moins un indice et le code qui en découle. Si ce n'est point le cas, vous m'en voyez fort marri. Je place beaucoup d'espoir en Vous. La dernière candidate a dépassé toutes mes espérances. Hélas, cela a mal fini...pour elle.

Afin de vous aider dans votre quête et que notre petit Jeu puisse continuer, je vais vous donner quelques explications. Nous avions convenu de choisir quatre personnes de votre entourage détenant chacune un indice d'une valeur inestimable. Après tout, l'enjeu est bien là. L'un de ces indices demande des connaissances sur ce que nous nommons l'art. Plus précisément la peinture. La seule chose que je puis vous dire : Une comparaison sous-entend une différence.
Concernant un autre indice, vous devrez vous tourner vers un code. Un code usité par un ancien ordre, qui fut renié par l'église alors qu'il arborait le symbole d'icelle sur le torse, une vraie marque de sang. Un temple...

Une fois que vous vous sentirez la force de poursuivre. Vous vous rendrez au sein d'une vieille chapelle abandonnée en terre Angevine. Vous y déposerez l'ensemble de votre recherche sous l'autel. Inutile d'attendre la venue d'une quelconque personne. Vous seriez perdante. A partir de là, vous prendrez direction Nord-Est jusqu'à atteindre un cours d'eau. Remontez le sens du courant et vous ne tarderez point à apercevoir une masure délabrée. C'est ici que nous pourrons débuter les réjouissances.

N
Astana

Le cheval galope à travers champs en d'immenses foulées, tout aussi nerveux que sa cavalière. Il fonce droit, sans demander son reste, et bat la campagne Angevine aussi rapidement qu'un oiseau fonçant sur sa proie. Le souffle jaillissant de ses puissants naseaux et ses sabots foulants la terre battue pour seuls bruits aux alentours. De son coté Astana relâche la bride, et se laisse tout simplement porter en se contentant de l'accompagner de mouvements de bassin, les mollets fermement collés contre les flancs de l'animal. Ainsi elle ressemble à l'Amazone partant en guerre contre son Ennemi. Ce qui n'est pas très éloigné de la vérité. Les azurées se posent un instant sur le ciel tandis que la nuit étire son voile sur l'ensemble de la plaine ; l'Aube se lèvera Rouge. Cette nuit quelqu'un y laissera sa vie. Un claquement de langue, et l'animal redouble d'allure, alors qu'une chapelle en ruine se profile à l'horizon.

Une fois arrivée à son seuil, elle tire sur les rênes et se laisse glisser à terre. La monture est attachée à un anneau de fer sur la façade du bâtiment en grande hâte, et la voila qui pousse les lourdes portes - ou du moins ce qu'il en reste - pour pénétrer à l'intérieur. Odeurs de lichen, pierre froide, bois humide et de renfermé qui se mélangent, emplissent ses narines, tandis qu'elle porte un regard intrigué sur l'Endroit. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à cette église en ruines dans laquelle elle s'était retrouvée avec Alzin, quelques mois auparavant. De raison à déraison, il n'y a qu'un pas. Elle cligne des yeux, une fois, deux fois, pour reprendre ses esprits. Et de s'avancer vers l'Autel, résignée à faire ce pourquoi elle est venue. Aussi étrange que cela puisse paraître, tous avaient répondu en joignant les indices parsemés ça et là... incompréhensibles, pour la plupart. Et si le temps lui manquait, il lui avait néanmoins fallu le prendre, ce Temps-là, pour étudier ce qu'elle avait sous les yeux. Quelques entorses à la loi et deux ouvrages volés avaient été nécessaires à sa réussite. Seul importait le résultat. Maintenant.

Elle attrape le chandelier posé sur l'autel et s'agenouille ; puis tire un vélin de la poche intérieure de sa pélerine, avant de glisser celui-ci à l'endroit indiqué.


Citation:

    Vous avez bien failli réussir votre entreprise. Malheureusement pour vous, j'ai bien plus de ressources que vous ne croyez.

    - GRVNG AXYGK SOTUXOY donne ALPHA URSAE MINORIS lorsque la clé est un G.
    - Les Templiers semblent éteints, mais leurs codes et leurs clés toujours passés sous le manteau. Si l'AMOUR est absent ici-bas, je vous conseille de quitter ce monde au plus vite. Autrement je vous y arracherai de mes mains.
    - Jolie peinture. Toutefois, l'anneau manquant au dessus de la fenêtre m'a donné du fil à retordre, j'en conviens.
    - Vous deviez être en manque d'inspiration, je suppose. Sont-ce des mots, ou des maux ? Simples fatalités. EXISTENCE FIN MORT / VIE POISON DESTIN

    Préparez-vous à devoir me rendre ce qui m'appartient de droit.
    A très vite,


A.


Comme stipulé dans la dernière missive reçue, Astana ne s'attarde pas. Telle l'ombre, elle se faufile hors du bâtiment aussi vite qu'elle s'y est insinuée et retrouve son imposante monture. De nouveau, elle observe le ciel. Non pas pour en admirer la couleur, ni même le mouvement des nuages, mais tout simplement pour repérer le Nord. La chance est avec elle, puisque la constellation de la Grande Ourse apparaît très clairement ; et de là, il lui est aisé de dénicher l'étoile polaire. Se repérer étant la première chose que l'on apprend lorsque l'on voyage seul. Femme sûrement, mais débrouillarde. Deux claquements de langue fendent l'air. Et le cheval de se mettre en route, direction le Nord-Est, direction Fatalité.
_________________
--Nayko
Furetant à l'orée du bois, les timides lueurs d'un jeune printemps s'éteignent en silence. La forêt si calme en journée s'éveille pour un ballet nocturne, une représentation étrange. Où le sonore du lointain se fait proche. Où la chouette hulule à la recherche de sa moitié depuis trop longtemps disparue. Où les bêtes sauvages sortent à l'abri du regard des hommes. Voici le théâtre de ces nuits, celles qui vous glacent le sang. Celles qui s'immiscent sous votre chair jusqu'à rompre vos os. Vous aurez beau vous débattre, votre corps lutter contre le froid. Vous ne pourrez y échapper.

Et la quiétude glaciale offre un spectacle étonnant. La cristallisation de l'air ou du moins sa représentation pour assister aux tourbillons incessants d'une fumée blanchâtre. Qui s'échappe avec volume, au rythme d'une course effrénée. Les hennissements se font saccades à l'instar de la décomposition d'une syllabe. Le fers viennent tantôt percuter un pavé d'un autre âge, tantôt s'enfoncer dans la poudre ébène. L'un offre un claquement caractéristique, l'autre s'étouffe dans les entrailles de la terre. On aime à penser que la moindre onde de choc. Aussi petite soit-elle, résonne à l'autre bout du Monde. Et que les pas perdus d'un million d'êtres humains se font échos, s'échouent au sein d'un noyau incandescent où les orchestres les plus mirifiques jouent de leurs symphonies avec les bribes, les notes de cette cacophonie originelle. D'une émulation sans faille, pour une compétition sans temps mort. La pierre aurait alors la valeur et la brillance d'une pépite d'or.

L’œil fébrile, le cou légèrement crispé, la crinière s’échevelant dans un galop ultime. Anhéler jusqu'à en observer l'écume qui se forme aux recoins du mors. Les vapeurs s'évadent d'une haleine chaude et fétide. Ils avancent jusqu'à Fatalité. Celle d'un destin. C'est que tout à une fin... Le vrai luxe est de pouvoir choisir la sienne.

N'émettre aucun doute concernant la détermination de cette femme. Il le savait. Par contre, elle, était juste dans l'ignorance la plus absolue. Qui devait-elle sauver ? Où se rendait-elle ? Avait-elle seulement conscience que peu importe le résultat, le jeu aurait continué ? Parce que personne ne se rendra au sein de la chapelle abandonnée. Ce qui compte, c'est de jouer. Le divertissement. S'en amuser voire en souffrir quand il devient addiction. Ou quand la lassitude nous gagne...

La prédatrice de toujours se fait proie d'une nuit. Et quand elle atteindra la masure, la porte lui sera grande ouverte. Sur le mur gauche, à même la pierre, se trouve un creux dans lequel est déposé les quatre clés et un mot.


Citation:

Bienvenue,

Chacune de ces clés numérotées ouvrent une porte correspondante. Vous n'avez point le droit d'ouvrir plusieurs portes à la fois. Vous devez progresser étape par étape. L'ordre importe peu. Si vous transgressez cette règle élémentaire, la personne que vous êtes venue sauver; mourra.

Vous pourriez bien vous enfuir et renoncer mais il est trop tard.

N.


A la lecture de ceci, la jeune femme à la crinière ambrée et aux azurées grisonnant, sous la danse de la torche à proximité, sera prise au piège. Puisque la lourde en bois se trouvant juste derrière elle, se refermera pour ne plus jamais s'ouvrir.

Maintenant, que le Jeu commence...



Astana

L'animal est attaché à l'orée du bois et laissé là. Qu'il reste à l'écart du carnage imminent. Qu'une âme subsiste en dépit du reste. La Carnivore va se jeter dans la gueule du Loup, et il n'est pas dit qu'elle en ressorte. Il n'est dit nulle part non plus qu'il y a réellement quelqu'un à sauver, ni même que ces indices ont servi à quelque chose. Mais le Jeu veut cela, et il faut s'y plier. Ne pas suivre les règles reviendrait à remettre en question tous ses principes fondamentaux, à Elle. Les derniers grains de sable glissent entre ses doigts pour s'effacer à tout jamais, et elle ne les retient pas. Laisser place au Néant, le laisser tout envahir et agir dans son Ombre. Observer son Aura s'étendre au dessus de la masure abandonnée pour finalement y disparaître. Inspirer, expirer, et se mettre en marche. Malgré la fatigue, malgré la sueur qui perle goutte à goutte dans son dos, malgré ce palpitant rouge vif, rouge sang, qui s'embale à l'intérieur. Quelques feuilles mortes craquent, se brisent sous ses pas. Tout semble mort, sans vie aucune. Ici nait le cimetière des âmes dévastées. Un entre deux. Un autre monde. Une plateforme irrégulière où un faux mouvement peut vous faire basculer... d'un simple claquement de doigts.

Tout est si calme. Un silence de Mort règne. Même les bêtes de la forêt ne semblent pas vouloir hurler sous le clair de lune, cette nuit. Elle relève brièvement les yeux pour examiner la façade du bâtiment, avant de se saisir de la torche et de franchir le seuil de cette porte qui invite non pas à l'aventure mais plutôt à la perdition. Ainsi sa main plonge dans la cavité du mur, pour récupérer clés et parchemin. La mâchoire se resserre, les dents grincent, et puis... vlam ! Prise au piège. Aucun retour possible. C'est donc un Tombeau. Le sien, le leur. Le souffle est court, aussi cherche-t-elle à le reprendre, avant de transformer le vélin en cendres qui tourbillonnent dans l'air quelques secondes. Quelle belle allégorie de la Vie que celle-ci. Elle ravale ensuite sa salive face à ce couloir qui lui semble interminable. Reflexe étrange, mais nécessaire. Tout est question de psychologie. Tant que l'esprit va, le corps suivra...

... et effectivement, il suit. Le corps se meut lentement dans cet étroit couloir aux murs blancs, aseptisés, trop propres pour représenter quelque chose de sain. L'effet inverse est provoqué. Cela vous donne l'envie de vous replier sur vous même, dans un coin sombre. Chaque torche qui se trouve sur son passage est immédiatement enflammée. De temps à autre, un bruit sourd de chaînes se fait entendre, ce qui lui arrache un sursaut, quelques soubresauts. Il n'y a rien d'agréable à voir le chasseur devenir proie. L'écho se répand comme une onde de choc et inonde le couloir de son lot de malheur, de douleur. Qui ? Pourquoi ? Où ça ? ... Le couloir prend fin là où la hantise commence. Quatre portes, quatre clés, aucun ordre. Un, deux, trois, quatre... Quatre clés maintenues en une main qui se resserre machinalement autour d'elles.

Ses iris se posent successivement sur chacune des portes. Elles sont toutes identiques. Bien sûr, elle pourrait s'approcher, coller son oreille sur chacune d'elles dans l'expectative d'y desceller un quelconque bruit. Un signe. Mais non. C'est sur l'instinct que nous jouons ici. Celui qui vous prend aux tripes, qui vous sussurre quelques mots assurés et assumés au creux de l'oreille, celui qui argue : «C'est ici et non là que tu dois aller». Qui du Corbeau, de la Chouette et du Serpent prendra le dessus cette fois-ci ? La réponse vient finalement d'elle même.

Le chiffre Trois. Trois voix intérieures. Trois personnes présentes en ces lieux. Troisième porte. La clé tourne dans la serrure, la porte s'ouvre dans un grincement, et...

_________________
--Stan_
[Stan]



Quelques mois plus tôt...

Comme le chagrin ronge les âmes. De celles qui subissent de la vie les drames. Étincelle jaillissante pour s'atténuer dans un éclat meurtrit par une obscurité attrapeuse de rêves. Capture les rayons pour en faire des ombres. Et les fracassent contre terre. Elles se bousculent. Les trottoirs et les murs les figent pour mieux les perdre. Elles disparaissent. Elles sont "la suite" des damnés de ce siècle. Des marins. Aux mains torturées par les intempéries, par le travail harassant, par la fatigue aussi. Marins avec pour seul loisir que le jeu et le mauvais alcool. Les femmes ne font pas parties de ce monde là. Ou bien s'agit-il au mieux de sombres catins.

Aussi, quand Stan aperçoit une magnifique promesse se dissipant au milieu d'une foule crasseuse. Il tente de la poursuivre. Puisqu'il s'agit d'une de celle qu'on ne peut oublier dès lors que notre regard est foudroyé par la splendeur d'une minute qui parait être une éternité. Ses compagnons le raillent. Bien sûr qu'il n'a aucune chance. Mais il veut tenter de faire la différence. Sa différence. Seulement, sa belle s'envole au milieu de ce froid aux habits détrempés. Quelle triste humidité, quelle pauvre humanité. Il s'en retourne à son œuvre lors d'une journée interminable. Et d'une simple vision, elle devient obsession. Le soir venu, il rentre chez lui à toute hâte pour entamer la rédaction d'une lettre. Il sait à qui la donner. Un "ami" lui a confié qu'il s'en chargerait. Hélas, les mensonges sont légions et la sincérité est le bouclier des naïfs. Il passe une nuit entière à gratter sur sa feuille. S'il devait être mort, la plage blanche serait son cercueil.


Citation:

    A toi belle inconnue,

    Je t'écris cette lettre afin de te faire parvenir toute mon admiration. En couchant sur le papier les mots de mes maux. Tu comprendras peut être que tu m'as brûlé les ailes en ce lundi. J'ai bien vu comment tu m'as regardé et je sais ce que cela signifie. Je sais pertinemment que nous sommes faits pour être ensembles. Sinon qu'en serait-il autrement ? Mes amis disent qu'en réalité ceci ne veut rien dire. Et que sans doute tu observais la ligne d'horizon. Mais moi, je sais que c'est faux ! Ils sont juste jaloux qu'une femme comme toi, désire finir avec moi. Voilà tout. Je te donne rendez-vous près du clocher à minuit. Pour débuter ce qui aurait déjà du commencer.

    Stan,


L'être est issu de classe sociale de déshérités mais l'intelligence est là. Hélas, les journées passent sans une réponse à la clé. Au début, c'est l'incompréhension. Le manque de patience. Puis le début de la douce démence. Où se forme le torrent des interrogations malvenues. Aucun barrage ne peut le stopper. Il dévaste tout. La douleur morale devient physique.

"Pourquoi ?"

Les voix dans sa tête se bousculent, une sensation d'étouffement, que sa poitrine se compresse, que les murs se rapprochent dangereusement et que sa boite crânienne va exploser. Alors la routine chausse ses chausses usées et prend la route pour les sentiers en cette morne vallée. Sous une pluie battante, des milliers de fidèles se réunissent pour se lamenter. Quand le pèlerinage devient trop éreintant, on s'accorde une pause. Et c'est ce qu'il fait en renouvellent l'expérience de ses déboires. Il empoigne une nouvelle fois sa plume, l'encrier et transpire ses émotions sur le parchemin.


Citation:
    Ma chère Astana,

    Oui, surprise ! Je connais ton nom, c'est un gars au port qui me l'a avoué. Depuis ce jour, j'arrive à le crier au cœur même de mes songes. Malheureusement, tu y es souvent muette. Je n'ai pu entendre résonner le doux son de ta voix. La bande de jaloux continue de se moquer de moi. Ils prétendent que tu ne me répondras pas. Que s'il faut, tu observais l'homme derrière moi. Et qu'après des jours sans réponses, ni signes de vie, je devrais passer à autre chose. Mais je ne peux pas.

    J'espère que tu me répondras.
    Stan,

    P.S : Je suis persuadé que nous avons le même surnom. Astana, Stan. C'est notre destin.


On ne saura jamais si cette avant dernière missive est parvenue aux prunelles de la belle. Tout ce que l'on sait, c'est qu'elle fut orpheline de réponse(s). Et Stan continua de ruminer sa rage. Seul dans son coin. Et c'est lors d'une nuit d'orage, qu'il déchaina ses écrits. La rémige grince sous les assauts répétés d'une main énervée. Les ratures souffrent de la peine d'effacer les mots du commun ou de l'exception. Les bourreaux des oubliés pour une future lettre morte. Des tiraillements le long du canal carpien poursuivent et accompagnent cette danse macabre. La cadence est battue par les volets claquant avec force contre les vieilles pierres d'un mur à la solidité qui s’effrite. Chaque coups portés réprésentent une sculpture déformée, un pieux planté dans le poignet. En contre bas, les rats fuient les égouts pour prendre de la hauteur. Si même eux s'y mettent... L'eau ruisselle et nettoie les ruelles à sa manière. Pendant que les pauvres hères prennent à contre courant la course des rongeurs. L'instinct de survie a sauté quelques générations. Les uns savent, les autres meurent. Sélection naturelle. Et un jour prochain, les rats domineront le monde. Si ce n'est pas déjà le cas...

Citation:
    A celle qui répond jamais !

    Je te déteste ! Tu te moques de moi ! Maintenant, si on se recroise l'affaire sera différente. A vrai dire, je viens à toi ! Un type, que j'ai rencontré hier, m'a dit comment je pourrais te rencontrer. Il faut juste que je me rende dans une vieille masure abandonnée et là, nous serons ensembles à jamais !

    A très bientôt !
    Stan,


La clé tourne dans la serrure, la porte s'ouvre dans un grincement, et...
Le suspense s'estompe rapidement en rendant la monnaie de sa pièce à la victime prochaine. Un sourire inquiétant se dessine sur son visage, les yeux cernés, il s'approche le regard vissé dans celui d'Astana. Le pas est lent mais déterminé. Il va la faire souffrir, il veut la faire mourir.


Bonjour Astana, si tu ne veux pas de moi. Personne d'autres t'aura, j'en fais le serment. Je vais prendre ta vie et ensuite je mettrai fin à mes jours. Ainsi, nous resterons l'un à l'autre pour l'éternité !

Un ricanement et il s'élance sur elle avec rapidité. Elle a sans doute à peine le temps de se remettre de "la rencontre" et du choc qui s'en suit. Que lui, prit d'une folie "lucide", tente déjà de lui arracher ses vêtements. Mais on ne prend pas facilement, une femme de cet acabit. Elle doit reprendre le dessus, se débattre et se battre. Elle en a la force, le caractère et le vécu. Le sait-elle ? Espérons-le. Sinon, elle devra puiser au fond d'elle-même pour en sortir victorieuse. Si elle doit apprendre quelque chose, qu'on lui enseigne. Si elle doit se sublimer, qu'on lui montre qu'une lueur brille. Sinon...

Non loin de là, on peut ouïr des bruits de chaines trainant à même le sol...
Astana

et... le Doute.

Elle ne connait pas cet homme-là. Cette silhouette décharnée, vide de vie, animée d'une folie meurtrière dans les yeux. Celle qu'ont les animaux blessés. Lorsqu'il s'approche, elle fait un pas sur le coté, tout en l'observant. Sondant l'âme qu'elle a sous les yeux, doutant fortement de sa santé mentale. Qui viendrait de son propre chef se faire enfermer ici ? Pour quelles raisons ? Le rictus au coin des lèvres : celui des fous qui n'ont plus rien à perdre ; et dont la morsure peut s'avérer fatale. Quelques paroles assassines, vides de sens pour elle, signant leur arrêt de mort à tous les deux pour lui. Le temps ralentit quelques secondes, alors que la torche tombe au sol et que les clés suivent le même dessein. Et puis... le choc, deux corps qui se heurtent, s'entrechoquent. Des soupirs étouffés, une pélerine arrachée et une chemise soulevée. Des souvenirs qui s'imposent, se superposent. La lutte. Pour sa propre vie.

Son dos frappe le sol, violemment. Ce qui lui coupe le souffle et le laisse prendre le dessus, à califourchon sur elle. Ses yeux toujours plantés dans ceux de l'adversaire. Le liquide carmin perle et se fraye un chemin dans sa bouche ; la lèvre fendue palpite sous le joug du coup donné. Déjà essaye-t-il de l'étrangler qu'elle referme ses propres mains autour de son crâne, enfonçant ses pouces dans ses orbites pour le faire reculer et se créer une ouverture. Il hurle de douleur, et lâche prise. Son seul avantage : il est aussi faible qu'elle est déterminée à vivre. Corps à corps brutal, destinée animale. Tout n'est que Ténèbres, Incertitude, en cette cellule. Elle se redresse, il revient à la charge ; elle détache la dague de sa cuisse gauche, il attrape ses cheveux et frappe sa tête contre le mur. Sans qu'elle puisse faire quoi que ce soit. La vision se brouille, le sang coule, à demi consciente. Flottante.

Faiblesse du moment. Emotion. Surprise. Une fois encore, l'Etau referme ses griffes d'acier autour de son cou, elle gémit. Si lumière il y avait, on aurait pu voir que quelques larmes éphémères coulent le long de ses joues, alors que son souffle se fait plus court, plus saccadé. Il fut bruyant, il est plus que faible à présent. Malgré les muscles tendus et les veines gonflées de son cou qui prouvent qu'elle tente de résister. Le fil est mince, presque invisible. Il faut créer une diversion. Au prix de nombreux efforts, elle réussit à dégager une jambe de l'emprise de son corps. Elle frappe, cogne, contre le torse ennemi, essaie de se dégager complètement, du moins pense-t-il. Lui encaisse les coups malgré la douleur provoquée, resserrant son étreinte mortelle à chaque instant. En réalité, ses mains fouillent le sol à la recherche de la dague tombée dans le tumulte. Le dernier souffle, la dernière étincelle de vie est proche lorsqu'elle ... trouve la lame.

Avec rage, l'arme vient se planter dans le creux du cou de Stan. Le liquide jaillit, éclabousse, se répand pour souiller la peau diaphane. Mais ça ne suffit pas. L'espace d'une seconde, leurs regards se croisent. Celui d'Astana, qui était quelques instants auparavant paniqué, reprend son air glacial et sans pitié. La prise se desserre lorsqu'il comprend qu'il est déjà trop tard pour lui, pour eux. Il ne faut pas provoquer la fureur de la Carnivore. Parce qu'elle se jette alors sur lui, et plante par à-coups l'acier tranchant à travers son épiderme. Même s'il est déjà mort : Frénésie hypnotique. Son Être tout entier tremble : l'Adrénaline. C'est ainsi que Stan tue Stan. Une vie pour une vie. Une fois calmée, moins haletante, elle se penche et murmure à son oreille, comme s'il pouvait l'entendre :


Ma vie contre la tienne. Tu n'étais qu'un dommage collatéral.

Sans aucun remord pourtant. Elle se relève alors, maladroitement, et retourne dans le couloir à la blancheur aveuglante. La porte se referme sur son cadavre... qu'elle marque d'une main ensanglantée. Dague remise à sa place, clés et torches ramassées. Plus aucune place pour la hantise. Derrière chaque porte se trouvera une épreuve, et c'est maintenant qu'elle en saisit tout le sadisme. L'une de ses manches essuie le sang de son visage d'un geste dédaigneux.

Si c'est à sa vie à Elle qu'Il en veut. Et bien soit. Elle est prête. Qu'il vienne !

Une nouvelle clé tourne dans une serrure. La porte numéro Quatre...

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--Fear


[Fear]


La lourde lance une plainte dès lors qu'elle s'ouvre sur l'inconnu. La main entachée du sang de Stan se libère soudain. Le couloir aux murs blancs contrastent avec le noir de cette pièce. Vétuste et étouffante. Une antre, c'est ainsi que nous pourrions la définir. Une fois en son sein, le fugace étonnement de tout à l'heure cède sa place à la banalité la plus insipide. La porte se referme sur ses pas. Un scénario déjà vu et convenu. Ce qui reste à suivre ne l'est pas pour autant. Les multiples torches présentes offrent une lumière bien nourrie mais qui peine à lutter contre la noirceur des parois de la pièce. Soudain. On peut ouïr cette désormais sempiternelle ritournelle de chaines trainantes à même le sol. Un cliquetis caractéristique qui annonce sa présence. On peut l'entendre, se dire qu'il y a quelque chose ou quelqu'un en approche. Et en cela cette inconnue se pare du masque de l'angoisse, de l'inquiétude. Surtout quand les bruits se font de plus en plus pressants. On pourrait presque sentir son haleine chaude poindre dans le creux de ta nuque...

Un courant d'air s'échappe du fond de cette geôle lugubre et vient balayer les feux et leurs bribes d'espoir. La chevelure ambrée de la prisonnière virevolte avant de retomber en silence. Plongée dans l'obscurité totale, elle peut sentir qu'elle n'est pas seule. De cette compagnie dispensable, désagréable. Le chant de la ferraille flirtant avec la pierre est une symphonie à la proximité stressante. Puis place à une quiétude étonnante avant que s'élève dans les airs, une douce mélodie aux notes métalliques. Une invention folle d'un marteau miniature frappant sur une enclume aux allures d'instrument démoniaque. La rythmique est entêtante et à la fois apaisante. On semble plonger dans un rêve sibyllin dans lequel nous ne reviendrons jamais. La musique le précède toujours. Et quand elle s'achève, cette part de songe devient votre triste réalité.

Un vacarme assourdissant en invité surprise. Les canalisations se mettent à trembler pour donner au Jeu, un tout autre aspect. Prise au piège, la proie sent une humidité gelée embrasser la pointe de ses bottes, puis ses mollets, ses cuisses et ses hanches. Quelques instants plus tard, l'eau s'empare de la taille de la jeune femme. Qui une nouvelle fois ne peut que se débattre, lutter pour sa survie. Hélas, cela ne suffira peut être pas... Alors que dans le noir complet, l'eau continue de monter, l'oxygène ne tardera pas à être une denrée rare. La peur. La peur est la sensation de l'étrange. De la fuite, des plus bas instincts. La peur peut amener à tuer rien que sur une pulsion. A se surprendre à mettre sa vie au dessus des autres afin de réchapper à l'ultime sentence. Elle est naturelle. Vous paralyse de tout votre être, vous secoue, vous torture. Vous tremblez sous son impact. Vous suffoquez quand elle vous immerge dans un bain glacial. Elle vous brise mais elle le fait toujours pour votre bien...

Puis... Quelque fois, le sauveur n'est pas de nature divine. Il ne vient pas vous porter la salvation tant désirée. Il n'est rien d'autre que douleur et brutalité. Puisqu'une main puissante vient se saisir de l’entièreté du crâne de la candidate à sa propre noyade. D'un geste brusque, vient la tirer en arrière. Tétanisée, ne pouvant rien faire d'autre que subir, elle encaisse un choc. De quoi la faire sombrer dans les abysses...

Quelques heures plus tard, la cire des bougies coule lentement et vient s'évanouir en contre bas. Où se trouve la fameuse rescapée, entièrement nue et ligotée à une chaise en bois. A sa droite, deux autres sièges et à sa gauche, un seul, entièrement maculé de sang. A dire vrai, ses doigts de pied baignent dans une mare carmin. Nous nous trouvons dans le lieu d'un affrontement récent. Celui de Stan tuant Stan. Le miroir des noms pour deux destins différents. La luminosité forme un cercle au sol. De quoi laisser dans la pénombre son bourreau. Toujours cette même supplique, celle des fers heurtant sans cesse le moindre obstacle. Arrivera-t-elle à distinguer, de ses pupilles aveuglées, le visage de son futur meurtrier ? Ou bien n'en aura-t-elle point le courage ? Ou juste ne serait-ce que l'opportunité ?

Quand il s'avance et sort des ténèbres, son corps n'est que puissance. Un géant, une imposante masse musculeuse qui n'existe que pour obéir aux ordres et tuer. Sa tête est scarifiée, son crane glabre. Il porte ce qui pourrait se comparer à un masque de cuir couvrant entièrement sa bouche et son nez, avec une aération rudimentaire. Son torse ne s'encombre pas du futile des vêtements. Un corps marqué de cicatrices longilignes, de traces de coup de fouets aux crocs arracheurs de chairs. Mais aussi des brûlures sur une peau à la carnation halée presque rougeâtre se mêlant à du brun. Les veines ressortent et sculptent encore davantage les armes de cette formidable machine de guerre. Ses braies sont de mauvaise qualité. Tout juste de quoi couvrir sa masculinité et rien de plus. Au bout de ses chevilles et autour de ses poignets, les fameuses chaines qui l'asservissent. Passant les anneaux d'esclave de dextre à sénestre, il se place alors derrière elle pour les porter au cou de sa victime. Il l'étrangle de sa férocité habituelle. Aucune pitié. Jusqu'à ce que deux coups retentissent. Et là, il relâche son "étreinte". Se reculant légèrement, il finit par disparaitre complètement. Mais il est encore là, en attente...

Pour surgir et rugir dans un grognement étouffé, il assène une droite dévastatrice au visage de la blonde. Puis, une gauche au niveau de l'estomac. Les coups pleuvent. Sa peau pâle s'empourpre et elle ne peut être que passive serrant les dents. Avec le courage et la dignité d'une vraie guerrière. Ou bien d'une femme, tout simplement. Les assauts se font de moins en moins réguliers et la puissance perd de son intensité. L'endurance n'est pas le fort de l'homme. Il ne pourra assouvir ses besoins lors de ce premier passage. De cette prime rencontre, de l'ouverture de ce bal avec une invitation à danser avec le Diable. Après cette mise en bouche, il l'abandonne totalement inerte ou presque.

C'est alors qu'un murmure éclipse cette bestialité. Et une voix résonne alors. Celle du maitre du Jeu...



--Nayko



[Nayko]


D'une voix déformée par la proximité de sa bouche avec ce qui semble l'obstruer.

Bonjour !

Dans certaines légendes, on raconte que des hommes et des femmes naissent deux fois. La première est celle de la rencontre avec la dame à la robe bleue. La perte de la connexion, du lien entre la mère et son enfant. La souffrance physique enfante toujours des plus belles émotions et des œuvres les plus exceptionnelles. Malheureusement, il arrive que l'imprévu énonce ses pronostiques. Et la faucheuse se fait compteuse pour mettre en terre ceux qui viennent à peine de la fouler. Alors que d'autres, même avec toute la peine du monde, arriveront à arracher une bouffée d'air. Une envie de survivre à s'en déployer les poumons et hurler à en crever. La seconde est celle d'un mal si épouvantable, d'une épreuve si éprouvante qu'elle change jusqu'à l'os le martyr de cette horrible fatalité. Il ou elle se réveille avec une perception différente de ce qui l'entoure. Les rires n'ont plus la même valeur, le bonheur semble être une notion issue d'un ailleurs totalement insondable. Et la teneur de ce qui fut jadis n'est plus. On reste tapis dans les ténèbres, esseulé, on attend une main tendue qui ne vient jamais. Et on disparait, on disparait jusqu'à redevenir poussière. Ou s'en sortir doucement mais sûrement. Les écueils rendent plus forts, plus obstinés et quelque part meilleurs...

Fera-t-elle partie de cette deuxième catégorie ?

Son bâton frappe d'un coup sec. Une introduction. Un appel au calme, dira-t-on. Vêtu de noir de la tête aux pieds avec une cape qui entoure son corps en entier. Il est affublé d'un masque de théâtre et d'un chapeau couleur corbeau. Étonnante dualité de la confrontation entre la folie et la bonhomie, entre la violence et la jovialité. Propre sur soi en toutes circonstances alors que des restes humains jonchent le sol. Et qu'un tapis d'une liqueur rouge vient lécher les pieds d'Astana. Nul ne sait ce qui peut se cacher derrière la couardise d'un visage camouflé. A quoi pense-t-il devant la nudité de son divertissement ? Qu'espère-t-il au fond ?


Alors est-ce que mon petit Jeu vous amuse ? Je l'espère bien. Vous voici en très mauvaise posture...

Il n'ira pas plus en avant. Sans doute a-t-il peur de salir ses beaux habits. Penchant légèrement la tête sur le côté, une attentive contemplation de ses formes lacérées et marquées par les coups. Dans un geste de dédain extrême, il jette une lame dans sa direction. Elle devra se débrouiller pour la récupérer et trancher ses liens. Il dépose les clés restantes auprès de la porte. Et là, dans un fracas sans nom, les deux hommes quittent la pièce. La laissant se retrouver avec elle-même. Le jeu continue encore et toujours. Plus que deux portes et le tour est joué.


Va-t-elle gagner ?



Astana

... tout droit vers la geôle du Néant. Le Mal, et tout ce qu'il en résulte, en découle volontairement ou non.

Ce qui l'intrigue tout d'abord, ce sont ces murs noirs. Noirs charbon, noirs suie. Que la lumière peine à illuminer. Comme si, quoi qu'il se passe, quoi que l'on fasse, cette pièce soit destinée à rester plongée dans la pénombre la plus totale. Ce qui ne présage donc rien de bon pour la suite. Une fois n'est pas coutume ; la porte se referme sur elle en amenant son lot de frissons. Et bientôt, les chaînes reprennent leur ritournelle incessante, inquiétante. Ces quelques notes qui sont en quelque sorte les dernières que vos oreilles entendront avant la Fin. Mais la Fin de quoi, au juste ? Celle d'un monde, d'un univers ? De soi ? Une fois que tout n'est plus que poussière et cendres, que reste-t-il ? D'aucuns diront que la Mort est la Fin, d'autres diront plutôt que ce n'est que le Commencement. Elle en fait partie. Un courant d'effroi traverse la cellule, emportant avec lui les dernières touches de chaleur. Son attention se détourne de son objectif. Quelques secondes s'écoulent avant que tout ne se fasse Glace. Tac, tac, tac fait le marteau sur l'enclume. Tac, tac, tac fait son coeur. Tac... font le marteau et son coeur de concert... avant que tout ne s'arrête. Tout se fige.

Et puis c'est la débandade. Les canalisations au-dessus d'Elle qui rugissent soudainement, qui tremblent et donnent l'impression que les murs se rapprochent. Telle une triste hallucination. C'est le piège qui se referme sur sa Proie. Qui lui coupe toute retraite, alors que l'eau débute sa rapide ascension. Sa course contre la Vie. Le réflexe qui suit est vain... Elle essaie d'ouvrir la porte qui semble scellée. S'acharner dessus, ignorer cette eau dont la froideur n'a d'égale que celle d'un corps sans vie qui lui mord les os, épuiser ses forces déjà largement entamées. Frapper dessus jusqu'à en perdre haleine, croyant naïvement qu'elle finira par s'ouvrir. Première erreur. Car s'il y a bien une chose qui était prévisible : c'était cette réaction-là. Qui détourne l'attention, qui occupe si bien le corps et l'esprit que l'on en oublie ce qu'il se passe... Ailleurs. Aussi, lorsque cette main massive agrippe fermement son crâne, elle réalise qu'il est déjà trop tard. Que c'est peine perdue. Une bouffée d'air, c'est tout ce qu'il lui reste. Avant que sa figure n'entre en collision avec les épingles glaciales de l'eau. Une bouffée d'air, si vite gâchée... La rencontre avec les Abysses... Et puis... plus Rien.

Les derniers instants, les derniers soupirs, ne sont accompagnés de Rien.

Enfin...



Les premières lueurs...

Elle cligne plusieurs fois des yeux, alors qu'elle revient peu à peu à elle. Premier choc, sursaut. Deuxième choc, sursauts. Les poings se serrent puis se desserrent nerveusement, alors que ses poignets sont attachés aux accoudoirs de la chaise qui lui sert de trône. La mâchoire se crispe et étouffe une plainte en devenir. A demi aveugle, elle ne parvient à voir que quelques bribes succinctes ; à peine le temps de découvrir avec horreur le lieu où elle se trouve, ces trois autres chaises, que... La mélodie funèbre reprend son cours. La Bête sort de sa Cachette, la Carnivore a un mouvement de repli. Respirer devient une toute autre histoire. Cela devient une réelle épreuve, un poids, une poitrine à soulever alors qu'elle ne demande qu'à se rétracter... Il n'a rien d'un homme, il n'est pas animal non plus. Un monstre seulement, crée de toutes pièces. Harnaché de chaînes. Esclave de la volonté d'un Autre. Ce qui la terrasse réellement, ce n'est pas tant cette vision-là, mais plutôt cet effet miroir qu'elle provoque. Sa consonance, sa résonance. Alzin. Sa face cachée. Coté pile, coté face. Volte/face.

Ne rien pouvoir faire d'autre que subir. Assister à son exécution. Passive donc coupable. Et savoir, à cet instant précis, qu'elle ne lui offrira ni cris ni larmes. Qu'en cette geôle ne résonnera que l'écho des chaînes traînant au sol. La morsure de celles-ci contre son cou qui happent le souffle. Sa bouche qui s'ouvre qui emprisonner les dernières parcelles d'air, les azurées fixes sur le mur d'en face. Deux coups et la torture s'arrête. Curieusement, Astana se surprend à ricaner. Le rire est amère, sans appel. Elle pense «chien», «jouet», «le pire reste à venir»... Lorsque le premier coup survient, ouvrant sa pommette droite, elle a l'impression que sa tête valdinguera bientôt comme un vulgaire objet usagé que l'on jette dans un coin. Moins que rien, plus que tout. Elle serre les dents dans un grondement étouffé, et se reprend. Le deuxième coup, assené au niveau de l'estomac, fracture au minimum deux cotes au passage. Souffle coupé, et les os qui font «crac !». La douleur prend toute la place. Les autres coups pleuvent, achevant d'écorcher la peau diaphane, mais elle n'est déjà plus là. Ils assaisonnent un sol déjà maculé de carmin.

Lorsque le poing ganté de fer se lève et s'abat, c'est l'Alzin qui frappe. Un coup donné pour un coup rendu. La Haine engendre la Haine.

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Astana

L'Entrée du Maitre du Jeu marque la fin de ses souffrances... pour le moment. Ce qui est étonnant avec le corps humain, c'est qu'il fait lui-même ses propres réserves d'énergie. L'instant d'avant elle se pensait vidée de ses forces, et pourtant elle trouve le moyen de relever la tête pour le dévisager, de son oeil valide. Elle le toise, le regard fier. Rage qui coule dans ses veines. Je n'ai pas crié, je n'ai pas cillé. Et cette voix déformée, dessous le masque, nourrit cette Rage. Elle s'en abreuve, mais ne réponds pas. Il n'y a plus de place pour la Peur. Seul le souffle rauque se fait entendre. Et lorsqu'il lève une lame dans sa direction pour la jeter dans cette marre pourpre, elle a tout juste le temps de reconnaître là sa dague, qu'ils partent en dévastant tout.

Les minutes passent, et Astana n'a toujours pas bougé. Nayko aura détruit toutes les barrières qu'elle s'était donné tant de mal à mettre en place. Et l'aura en même temps débarrassée de tout questionnement secondaire, abstrait, de toutes ces fioritures... pour recentrer sa vision des choses sur l'Essentiel. L'homme est joueur, et tout n'est que symbolique. Sa nudité, le bain de sang... les cordes en guise de cordon... tout est réuni pour une seconde Naissance, une Renaissance. Ainsi veut-il savoir si elle veut vivre en étant toute Autre, ou mourir en étant comme Cela. Sauf qu'il ne s'agit pas seulement d'Elle. L'Existence même de plusieurs personnes est liée ici.

L'issue est incertaine. Le bois craque et s'échoue dans un grand fracas avec le corps meurtri de la Carnivore sur la chaise d'à coté, qui elle même se heurte à celle d'à coté. Jolis petits dominos. Une plainte étouffée, un gémissement, et ces quelques vaguelettes qui viennent lécher le bas de son visage. Le bruit est à la limite de l'insupportable. Cet ignoble grincement, frottement du bois que l'on traîne sur un sol souillé. Les pauses entre les mouvements en direction de l'arme libératrice sont longues. Astana manque d'air, de sombrer dans l'inconscient à chaque secousse. Mais elle est Seule. Et finalement, lorsque sa main empoigne la lame, elle n'y croit pas. Elle se met à rire, brusquement, violemment, malgré la douleur que cela impose à sa cage thoracique. D'un rire frénétique, fou.

Couper les liens d'une main, puis de l'autre. Avant de passer à ceux de son buste, puis des jambes, et des pieds. Alors que la progression des bleus, des ecchymoses, est encore plus rapide. Un panel de couleurs, du rouge sang à l'indigo. Cracher ses poumons, évacuer le liquide intrusif de sa bouche. Regarder ses mains tremblantes, tachées, avant d'attraper les clés restantes d'un geste possessif. Elle se traîne jusqu'à la porte, et se raccroche à la poignée pour se relever. Inspirer, expirer. Encore, encore, et encore. Et puis fermer les yeux pour se ressaisir, pour oublier sa nudité outrageusement dévoilée, sans moyen aucun pour la dissimuler. L'Apparition est Inquiétante.


C'est ça que vous voulez ?!!

Sa main droite vient frapper la porte avant de l'ouvrir d'un geste dédaigneux, à la volée.
Et de se diriger vers la porte numéro Une, d'une démarche mal assurée, le bras gauche replié sur ses cotes.
Morte ou Vive. Les portes tomberont toutes.

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--Enslave


    [Esclave de sa vie jusqu'à la libération...]

    Au temps des feuilles mortes qui virevoltent dans une "valse" infinie. Autant de lettres mortes aux plumes qui pleurent et se déchainent. Se déchainent. Puisque la volonté première de toute personne est de briser ses chaines. On vit grâce à l'autre, on meurt seul. Dès la naissance, notre corps est lié, fruit d'une passion ou d'un long râle aux parfums d'intérêts. Naitre, certes mais pourquoi ? Il y a de ces êtres qui fouleront la terre, marquant le sol tel l'éphémère pour disparaitre dans un abysse éternel. On ne se souviendra pas d'eux. Ils ne resteront point dans le marbre des grandeurs passés. Ils seront fantômes parmi les spectres. Alors que d'autres arriveront à se hisser aux sommets. Et sur la plus haute montagne, ils scruteront l'horizon à la quête de la plaine de la félicité. Leurs pas les guideront sans relâche tout au long de ce merveilleux pèlerinage. Malgré le fait d'avoir le chance d'espérer le bonheur et de puiser ce breuvage à la source, ils resteront leur vie entière à contempler ce que l'on ne peut toucher. Ce que l'on ne peut humer. Ce que l'on désire plus que tout. Sans avoir l'occasion de les côtoyer de près. Je vous parle des fées immaculées. Leur brillance est telle, qu'elles illuminent nos nuits pour en faire notre journée. Et la gourmandise est notre péché quand elles font couler le lait, de la "Voie Lactée". Les étoiles perchées aux confins du ciel où nul ne peut les décrocher. Parfois, il arrive aussi qu'un de ces corps céleste se détache de l'immensité pour venir graver son nom dans le roc d'un firmament embrasé. Étoile Filante. On se consume jusqu'à être dans l'impossibilité de brûler. Puis, on renait de ses cendres. Et c'est là que l'étincelle jaillit et se met à briller. Et si le Soleil venait à mourir, c'est avec ton éclat que le monde s'illuminerait.

    Hélas, le parcours est semé d'embûches. Le faste des Dieux aime aussi le fastidieux. Il faut un élément déclencheur. Une goutte, un grain de sable. Une différence. Une bougie qui s'éteint sans un bruit. Derrière la porte numéro une se trouve peut être l'un d'entre eux. La proie redevenue prédatrice impitoyable passera très bientôt le seuil. Pour assister à un spectacle grotesque mais toujours de circonstance. Celui d'un homme brisé. Aux mains, jambes amputées et aux yeux crevés. Son corps n'est plus. Des fils de fers l'emprisonnent et pénètrent dans sa chair de part en part pour se perdre dans les fixations aux quatre murs de la pièce. Au dessus de lui, un récipient contenant de l'huile, une torche à sa droite...

    On pourrait croire qu'il est mort. Le croire seulement. Sa poitrine se gonfle et se vide en cadence. Sa respiration est régulière jusqu'à ce qu'elle entre. Alors qu'encore une fois, la lourde en fer se referme. Les empreintes rouge sang embrassent ce sol si blanc. Entièrement nue, maquillée d'un liquide vermillon, fatiguée sans doute aussi. Elle est comme le jour de sa naissance. Et voici la première épreuve de sa nouvelle vie. Faire un choix. Choisir entre le Bien et le Mal. Choisir entre Elle et Lui. Un mot la toise légèrement de ses écrits dédaigneux.


    Citation:
    Qu'êtes-vous capable de faire pour quelqu'un ? Si ce quelqu'un est Vous...?
    A moins de trouver LA solution, vous ne sortirez jamais d'ici.

    N.


    Ses prunelles endolories liront ce texte avare en mots. A la fin. Vient le moment de poursuivre la mise en scène. Où voici l'heure de son réveil dans un cri strident. L'esclave supplie et demande de l'aide en bougeant avec la liberté qu'il lui reste...

    Sauvez-moi !!! Je vous en prie !! Sauvez-moi !!!




Astana

L'Horreur. Aucun qualificatif précis. Si ce n'est que son appréciation est propre à chacun. A des moments plus ou moins choisis, intempestifs. Cette sensation qui vous envahit, vous transperce de toutes parts, pour ne laisser place qu'à une vague de frissons qui hérissent votre échine, qui vous donne le vertige et la nausée. Là, maintenant, c'est à cela qu'elle assiste : l'Horreur. La scène figée sous ses yeux, faiblement éclairée, témoin d'une atrocité sans nom. Tout ce sang séché, qui souille le sol et l'homme tronc, comme si ces fils de fer n'obtiendraient guère plus de liquide vital. Comme si son corps tout entier ne pouvait se résoudre à céder une seule goutte supplémentaire. Sur cette constatation, elle essuie le Rouge qui peignait jusqu'alors son visage. Se rappeler qu'elle est toujours debout, en Vie. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une Autre. Etayer ce contraste flagrant par cette main portée à sa poitrine pour sentir son coeur battre. Malgré le parchemin qui semble la narguer, elle ne le lit pas, ce qui est écrit est tellement évident ; pas plus qu'elle ne réagit lorsque l'esclave se met à hurler. Astana ne contente de le dévisager, lentement, consciencieusement. Pour une fois, elle prend le Temps. D'imaginer une vie précédente à sa prochaine victime. Ce qu'il fut, ce qu'il aurait pu être. Elle lui dessine des yeux noirs charbons, des bras et des jambes à l'image de ce qu'il reste de son corps. Sans émotion pour autant. Le transfigurer plus Humain qu'il ne l'est à cet instant précis.

Peut-être pour garder en mémoire que s'il avait été différent, l'issue aurait pu être toute autre. Les rôles auraient pu être inversés, et ainsi aurait-elle été victime et lui bourreau. Mais il n'en est rien. Tout est une question de circonstances. De Moment(s). Ainsi, le potentiel agresseur n'est plus qu'un tronc, vivant certes, mais dépourvu de tout. Que connait-il à présent des émotions, de la vue, du toucher ? Rien. Plus que des Souvenirs. Or, ces derniers s'estompent, et les larmes qui coulaient jadis eurent vite fait de sécher pour laisser place à un Désert sans précédent. Tout n'est plus que sécheresse. Il n'a même plus les yeux pour pleurer, espérer, supplier. Il n'est plus grand chose… brisé de toutes parts, physiquement et mentalement. Conditionné à subir la volonté des autres. Dépendant. Esclave. Tragique bout de chair que l'on malmène pour un jeu stupide, offert en pâture aux Lions par un maître sans pitié. Maillon faible d'une chaîne alimentaire.

Astana n'a pas de pitié... non plus. Une vie pour une vie. Lorsqu'une se termine, une autre commence.


Ta Libération viendra bientôt.

Le ton monotone résonne. Claque dans l'air confiné de la pièce.
A Elle de s'approcher, d'enjamber les barbelés pour venir s'agenouiller près de ce corps meurtri, en oubliant cette nudité qui lui est invisible. Et sans ménagement, de prendre sa tête entre ses mains pour la porter contre son buste.


Tu entends ? C'est le son d'un coeur qui bat, qui vit. Les battements du tien cesseront bientôt. Si ce n'est pas de ma main, ce sera de celle de l'homme qui se tient derrière cette porte. Ta place n'est pas ici, pas dans ce monde... Sais-tu ce qui coule sur toi, le ressens-tu seulement ? C'est de l'huile. A coté de nous se trouve une torche. Il souhaite que je te brûle vif. Mais je n'en ferai rien... Je ne suis pas aussi cruelle que lui. Ta mort, ta libération, sera bien plus rapide, et indolore.

Sur ces mots, elle se dégage légèrement. Suffisamment pour le laisser respirer. Tout en maintenant fermement sa nuque. Pourtant, il ne se débat pas. L'Acceptation... Brûler vive une personne n'a jamais fait partie de ses jeux favoris. D'ailleurs, la Blondeur aux allures de Faucheuse ne l'a jamais pratiqué. Elle ne commencera pas aujourd'hui, pas cette nuit. C'est pour cela que la main hyaline prolongée de l'arme brillante se lève et se porte à sa gorge dénudée. Il tressaille, mais ne dit mot. Quelques secondes passent, et alors que le Silence se fait pesant, la vie est arrachée d'un coup vif pour sectionner sa jugulaire. Spasmes du corps qui se vide des dernières parcelles de vie. Une lèvre inférieure mordue alors qu'elle attend cette fin. Cette mort-ci la marquera à jamais, elle le sait... sans pour autant chercher à se l'expliquer. Et une fois que le souffle n'est plus, elle se relève douloureusement pour déverser le reste d'huile sur le corps inanimé, presque cérémonieusement.

Prendre la torche. Faire quelques pas en arrière, et la jeter ainsi. Les premières flammes apparaissent aisément, rouge-orangées. Sorte d'incinération, sans offrandes ni prières quelconques. Et rester là, quelques instants, à observer tout ceci. La mâchoire crispée, une main plaquée à la fois sur son nez et sa bouche, pour atténuer l'odeur nauséabonde qui fait surface. Astana se retourne alors et ouvre la porte de la cellule déverrouillée, la dernière clé en main. Que le Maitre du Jeu éteigne donc l'incendie en devenir si ça lui chante. Une porte se ferme violemment, une autre s'ouvrira bientôt.

Le rideau tombe. Fin de l'Acte III.

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Alzin
[Quel Monde...?]

A défaut d'y laisser des plumes, les anges y perdent de leur dignité. D'une démarche lasse, ses pieds frôlent le réconfort des vêtements posés à même le sol. Son corps est une plage de sable fin à la carnation opaline. De multiples cicatrices embrassent ses formes sculptées par une divinité, une nuit chaude d'été. Des jambes interminables qui n'ont à la grâce d'égale que la chute de ses reins. Un corps harmonieux, élancé aux esquisses de délice qui perdraient bien volontiers les mains de tout un chacun. Mais on ne peut que toucher avec les yeux. Et les siens ne sont que saphirs dont on vient admirer, mirer et espérer. Un regard d'une beauté froide qui foudroie non pas d'effroi. Mais fige le contemplateur dans un abysse où il s'égare pour une éternité. Sa bouche pulpeuse à la fois boudeuse flirte avec le radieux quand elle s'illumine sous un sourire mirifique. Les moindres traits de son visage à ses légères rides deviennent alors symphonie magnifique. L'extase s'enivre des effluves sublimes provenant des jardins de la Félicité, quand les prunelles s'offrent un moment de plaisir, au paradis. Quand elles se posent sur ce ventre splendide. Qui ne peut se donner qu'aux êtres du Magistral. Les autres ne pourront que le convoiter avec envie et attendre leur annonce Fatale...

Elle poussera la dernière porte, sans doute avec nonchalance. Alors que les flammes consument les restes de sa dernière victime. La croiser revient à mourir deux fois. Dès lors qu'on l'aperçoit, qu'elle entre dans notre vie et quand elle nous quitte, qu'on la perd et qu'elle disparait à jamais. Voici le destin des pauvres mortels qui errent avec l'unique espoir de la voir décrocher le firmament alors qu'elle s'élève dans l'atmosphère. La réalité est un combat que nul ne peut esquiver. Voici leur dernier acte, leur ultime échange de coups. Elle, s'approchant, le corps meurtri. Lui, enchainé, le torse nu laissant place à un florilège de blessures car les cicatrices sont leurs poèmes. Présent, attendant la Fin, sur une chaise inconfortable. Et sans mot dire, ils s'observent. Alors que leur prison de verre s'enflamme et que leur univers brûle.

Quel Monde ? Pour Toi et...moi ?

Tu sais... Des crocs acérés de ces montagnes qui nuits et jours harcèlent le ciel. Rien n'est éternel, tout se meurt, tout se fait oublier. Les visages s'effacent et les rires se glacent. Tu vogues par vents et marées. Ne laissant aucune place à l'amertume. La joliesse est devenue pour Toi, une coutume. Et si l'Homme glisse ses doigts dans ta longue chevelure ambrée aux multiples nitescences, c'est qu'il désire un instant, aux allures d’Éternité, s'emparer de la préciosité de tes joyaux cachés. De tes azurées, tu procures à l'âme vagabonde le plus beau des périples en suivant une contemplation qui prend naissance dans un mouvement d'inaction. Être ici, puis Ailleurs. Se voir affubler des larmes de Zeus dégoulinant sur des haillons tiraillés par une vie de lassitude et soudain se retrouver aux confins du Monde.

La vie y prend tous ses droits. Point de mer à la salinisation mortelle, ni de brumes de soufre. Juste la chance de côtoyer un court moment, une étendue où se mélange sur une palette de couleurs vives, l'émeraude, le carmin et l'or. Avec l'exquise langueur d'une fumée mirant son reflet dans cette eau arc-en-ciel, tentant de temps à autre de faire plier le Soleil pour une danse magistrale dans un décor d'anthologie. Mais le voyageur conquis aux charmes des prunelles de la belle aura peut être droit d'observer l'immensité d'une vallée de givre. Là, où la pureté n'est plus une simple conception mais une réalité. Et vue du Ciel, l’Étoile Filante, nous fera découvrir cette immensité dont les veines apparentes ne sont que dessins de glaces, que n'auraient pas reniés les Saints de glace.

    Poussière de safran, lames ivoirines & de Psyché,
    Éros chantant en larmes, élégie divine & Immaculée,
    L'enluminure d'une flamboyance atmosphérique & Prodigieuse,
    Étincelle à la fragrance unique & Somptueuse,

    L’Étoile Filante...

    Le choc est une Onde, Ondine s'égraine à chaque secondes,
    Reniant cette Nature immonde, le Jardin d’Éden devient un Nouveau Monde,
    Quand les appas que dévoilent sa robe illuminée, dépossèdent de leurs beautés,
    De la Supernova, la Naine Rouge à Cassiopée toutes les richesses de la Voie Lactée,

    L’Étoile Filante...

    Nul ne peut prétendre brûler les ailes, de celle au talent inné du Vol,
    Statue de sel ou Reine en dentelle et à la couronne d'Auréole,
    Le miel est le mets des Astres, sous la dorure de l'As,
    Embrasse les cœurs, orphelin de désastres, le temps est un jeu que rien n'efface,

    L’Étoile Filante...

    Quand l'Infini est vide abyssal, le Savoir devient étroitesse d'esprit,
    Elle ravive la flamme, embellit les pétales, et offre son Éclair de Génie,
    Pour que l'un soit Ozone, l'autre Osmose et le dernier éclose de la plus mirifique des roses,
    Subjuguée telle une Amazone, les étoiles filantes ne cessent briller jusqu'à l'Apothéose,

    Mon Étoile Filante....


    Quel Monde ?

      Quel Monde ?

        Pour Toi et...moi ?


Le feu détruit tout sur son passage. Alors que les deux ennemis rapprochés se scrutent toujours dans un silence étonnant. Puis les remontrances s'effritent du mur des reproches injustifiées. Il relève doucement la tête, un petit sourire vient poindre aux coins de ses lèvres.

Tu n'aurais pas du venir... Tu ne peux me sauver. Je suis fait prisonnier et pour ses chaines, il n'existe pas de clés...

Dit-il d'une voix étouffée alors que la toiture commence à prendre feu et la charpente de s'effondrer. La chaleur se fait de plus en plus intense. Et les restes d'Hier se muent en cendres, Aujourd'hui. Il se redresse et hume son parfum avant de la rejeter une dernière fois d'un ton autoritaire.

Va-t-en !
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