Anaon
- La Peur. Depuis combien de temps n'avait-elle pas ressentit la Peur? La véritable, la viscérale, celle qui vous agrippe les tripailles, qui vous font osciller entre coup de sang et terreur primaire. Ca vous dope et çà vous tétanise. C'est l'ivresse de l'adrénaline. La peur, elle l'avait au cur et à l'âme.
Ils n'avaient rien vu venir. Ils avaient voulut passer Loches et le calme du chemin avait cédé sa place au fracas des armes. Si soudain. Cohue d'hémoglobine, ballais de coup et de cris. Ils n'ont rien compris. L'instinct a tout juste eu le temps de se mettre en place. La fuite. Ne pas chercher à comprendre, une partie du groupe avait fuit et sauvé sa peau au plus loin. Et pour leurs plus grand dam, au lendemain il avait voulut faire demi-tour pour retrouver les autres. Les armées Tourangelles avaient sévit encore... et cette fois elle fut seule.
Seule. Beste traquée qui s'est réfugié sous le couvert des arbres. Pas de blessure, juste un entaille béante au cur qui lui a fait l'angoisse sévère. Seule. Allongée sur un suaire de mousse sauvage, un buisson épineux pour lui faire une couronne. Elle est restée pétrifiée, là, pendant deux jours, la tête de son cheval couché sévèrement serrée par l'étau de ses bras tout contre sa poitrine, la voute sylvestre pour seule horizon. C'est ainsi qu'elle va finir? C'est comme çà qu'elle va mourir la mercenaire? Là, au sein de la Touraine, le couvert de la foret pour lui faire un sépulcre? Elle a fermé les yeux. Elle a frémit en entendant les mouvements des armées et le claquement des bottes ferrées marteler le chemin encore trop près pour ses nerf. Elle avait voulut fuir bien plus loin, mais elle n'avait put et elle n'avait osé se redresser de peur de voir le carreaux d'une arbalète trouver refuge dans le cur de sa tête.
Ce fut l'attente. L'insupportable. L'attente de l'inévitable, comme l'accalmie qui précède la bataille. Elle avait la corde au cou, elle attendait seulement que le sol se dérobe sous ses pieds. Guetter l'instant d'une maigre chance, un moment de latence dans le rang des armées. Il a fallut deux jours. Deux jours pour que la faim et la soif tenaillent. Les muscles s'ankylosaient, le cheval devenait fou de l'immobilité imposée. Alors elle décida que se fut le bon moment. A la faveur de la nuit, la délaissée quitta la tombe qu'elle avait creusé de son poids. Et elle passa... Sous le regard des armées elle se fit invisible. Et elle passa... Délaissant Chinon derrière elle, elle n'attendit pas pour se remettre en selle en emprunter la route qui menait à Saumur à brides abattue.
Ils galopèrent comme jamais ils ne le firent, comme si la Camarde elle-même était sur leurs arrières. C'est quand le poil doré se couvrit d'écume, quand le souffle heurté de la monture flirta avec l'arrêt cardiaque que la balafrée décida de la pause. Un instant de repos qui ne le fut pas tant. Tapis dans les fourrés, un homme avait voulut se le jouer fine. Une femme et une monture seule, éreintées et laminées. Il crut que la chance lui faisait de l'il. Mais le malheureux n'avait choisit ni son jour, ni son heure. Et encore moins sa victime. Pour sûr, le malandrin se souviendra longtemps de ce visage à la balafre. Le brigand a lancé la première offensive et Anaon la dernière riposte. La mercenaire ne fit pas dans la dentelle. L'homme devint le réceptacle de toute la frustration accumulée, de tous les tourments qui la tenaillaient. Elle frappa, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle entende les os se briser sous ses mains, jusqu'à ce que les injures du misérable deviennent gazouillis infâmes. Son exutoire. C'est la violence qui lui suinta par tous les pores, brutale et sauvage. Et la balafrée abandonna son défouloir sur le bord du chemin. Elle reprit les rênes, les mains entachées de carmins.
Et bientôt se fut Saumur. Se fut le soulagement. Les portes qui sont franchies, la cavalcade qui prend fin et le pied qui retrouve enfin la terre-ferme. Elle était arrivée. Elle avait échappée aux armées, aux brigands et elle était là, derrière les remparts de Saumur dans la sécurité de ses murs. Territoire connu, tant de fois visité et apprécié. Et l'adrénaline fout le camp, il n'y en a plus besoin, le chaos est loin derrière elle. Mais la dope qui part la laisse exsangue. Instant de néant. Puis ce poids qui vient lui enserrer la poitrine. Elle fut comme prise de vertige.
Le regard se voila, la peur refit surface. Ils auraient dû être sept à franchir ses portes. Ils auraient dû être avec elle. Mais elle est seule. Seule... Tout le poids de ce mot s'abattit soudainement sur ses épaules. Tout les supposés de son sens. Seule. Jamais la balafrée ne s'était sentit aussi pommée et aussi démunie. Les autres sont quelque part, loin. Entre vie et mort peut être, entre deux corps d'une fosse commune, sait-on.... Nyam n'est pas là. Judas n'est pas là. Elle est seule. La terreur d'un deuil pour seule amante. La terrible absence pour seule compagne. L'incertitude pour Camarde.
Ils ne sont pas là....
C'est l'invective d'un charretier qui tira la mercenaire de son macabre mutisme. Et l'esprit ébranlé mit le corps en branle, dégageant la route qu'elle bloquait de sa présence. Le pas lourd se traina à l'aveuglette des ruelles avant de s'échouer sur le sol d'une taverne.
Taverne dans laquelle l'espoir naquit bien des jours plus tard.
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - [Clik]