Mordric
[Une chevauchée inquisitrice.]
La question posée le surprit. Tellement que l'espace d'un instant, le Chapeauté ne la comprit pas.
Depuis quelques jours, l'homme paraissait presque son âge.
Chose rare, si l'on considérait que sa constitution habituelle ne laissait jamais transparaître ses excès; au fil des années, son visage s'était lissé, poli en un masque au sourire parfait.
Figure d'ange, plaisant et charmeur, seuls la solitude et quelques rares sous-fifres Montpellierains avaient la malchance de voir ses traits se brouiller au rythmes de ses humeurs.
Toujours en représentation, il se complaisait dans le rôle de l'homme qui ne souciait de rien. Mais depuis leur passage à Alais, le déguisement s'était craquelé. De petites cernes, un air absent, il ne paraissait plus si joyeux.
Rien d'alarmant si ces signes étaient apparus chez n'importe qui d'autres. Mais s'il s'était avéré qu'en ce monde il y eut une personne assez proche de lui pour comprendre ce qui se passait, elle s'en serait rendu compte sans l'ombre d'un doute.
Mais cette personne il ne l'avait pas rencontré. Et lui, ne croyait pas une minute qu'elle existe un jour.
Quoiqu'il en soit, une fois la surprise passée et quelques secondes de réflexions prises, l'interrogé regarda le Pair, son sourire revenu tel un bouclier dressé.
Charmante oui. Mais autant qu'elle le soit, je crois que certaines personnes ne sont pas capables d'offrir ce que l'on attend d'elles...
Une petite pause, pour regarder le paysage autour d'eux.
Elle m'aimait, elle m'aime peut être encore même. Mais encore maintenant je suis incapable de dire si cela a été réciproque... Ne serait-ce qu'un seul instant.
En un sens cela l'a été. Je suis ce que tout bon aristotélicien appellerait un débauché. Et si un curé m'entendait un jour en confession, je pense que je serais traqué tel un enfant du Sans-Nom.
J'ai visité tant de couches que ma mémoire ne peut se souvenir de la moitié d'entre elles. Je l'assume et sais qu'un jour je devrai le payer.
A mes semblables comme au Très-Haut.
Nouvelle pause pour se sourire. Un sourire plein d'une pitié qu'il s'adressait. Lucide de la vie qu'il menait.
Mais cette femme charmante, je n'ai jamais quitté sa couche. Alors oui, peut-être est ce la meilleure définition de l'amour que je puisse avoir et donner, mais ce n'était pas suffisant je crois... Elle est partit pour se protéger, je l'ai laissé fuir pour l'aider à le faire.
La réponse n'était peut-être pas suffisante mais à cet instant il ne savait que rajouter. Désirade partie, il s'était réfugié dans la compagnie des Blackney, rencontrés à Alais.
Des cousins peu ordinaires aussi différents que le jour et la nuit, mais à l'un comme à l'autre, il avait offert son affection. L'amour contre l'amitié. Il avait fait son choix.
Ses yeux se posèrent alors sur le Vicomte. Un pilier en ses Terres et quelque part, il était devenu un pilier de sa vie à lui. Voilà deux semaines qu'ils voyageaient ensemble et il s'était pris à craindre le moment où leur chemin se sépareraient. Le moment où il regagnerait Montpellier qui lui semblerait bien vide. La compagnie du Mendois, celles des cousins, l'agitation du convoi princier, la Fauve avec laquelle les missives s'échangeaient discrètement, même cette foutue bande de Lombards horripilants. Tout cela lui manquerait.
Et vous Votre Seigneurie ? Avez vous déjà connu l'amour ?
L'échange était lancé. Au jeu des questions, il y en avait toujours qui franchissait la limite de lindiscrétion.
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La question posée le surprit. Tellement que l'espace d'un instant, le Chapeauté ne la comprit pas.
Depuis quelques jours, l'homme paraissait presque son âge.
Chose rare, si l'on considérait que sa constitution habituelle ne laissait jamais transparaître ses excès; au fil des années, son visage s'était lissé, poli en un masque au sourire parfait.
Figure d'ange, plaisant et charmeur, seuls la solitude et quelques rares sous-fifres Montpellierains avaient la malchance de voir ses traits se brouiller au rythmes de ses humeurs.
Toujours en représentation, il se complaisait dans le rôle de l'homme qui ne souciait de rien. Mais depuis leur passage à Alais, le déguisement s'était craquelé. De petites cernes, un air absent, il ne paraissait plus si joyeux.
Rien d'alarmant si ces signes étaient apparus chez n'importe qui d'autres. Mais s'il s'était avéré qu'en ce monde il y eut une personne assez proche de lui pour comprendre ce qui se passait, elle s'en serait rendu compte sans l'ombre d'un doute.
Mais cette personne il ne l'avait pas rencontré. Et lui, ne croyait pas une minute qu'elle existe un jour.
Quoiqu'il en soit, une fois la surprise passée et quelques secondes de réflexions prises, l'interrogé regarda le Pair, son sourire revenu tel un bouclier dressé.
Charmante oui. Mais autant qu'elle le soit, je crois que certaines personnes ne sont pas capables d'offrir ce que l'on attend d'elles...
Une petite pause, pour regarder le paysage autour d'eux.
Elle m'aimait, elle m'aime peut être encore même. Mais encore maintenant je suis incapable de dire si cela a été réciproque... Ne serait-ce qu'un seul instant.
En un sens cela l'a été. Je suis ce que tout bon aristotélicien appellerait un débauché. Et si un curé m'entendait un jour en confession, je pense que je serais traqué tel un enfant du Sans-Nom.
J'ai visité tant de couches que ma mémoire ne peut se souvenir de la moitié d'entre elles. Je l'assume et sais qu'un jour je devrai le payer.
A mes semblables comme au Très-Haut.
Nouvelle pause pour se sourire. Un sourire plein d'une pitié qu'il s'adressait. Lucide de la vie qu'il menait.
Mais cette femme charmante, je n'ai jamais quitté sa couche. Alors oui, peut-être est ce la meilleure définition de l'amour que je puisse avoir et donner, mais ce n'était pas suffisant je crois... Elle est partit pour se protéger, je l'ai laissé fuir pour l'aider à le faire.
La réponse n'était peut-être pas suffisante mais à cet instant il ne savait que rajouter. Désirade partie, il s'était réfugié dans la compagnie des Blackney, rencontrés à Alais.
Des cousins peu ordinaires aussi différents que le jour et la nuit, mais à l'un comme à l'autre, il avait offert son affection. L'amour contre l'amitié. Il avait fait son choix.
Ses yeux se posèrent alors sur le Vicomte. Un pilier en ses Terres et quelque part, il était devenu un pilier de sa vie à lui. Voilà deux semaines qu'ils voyageaient ensemble et il s'était pris à craindre le moment où leur chemin se sépareraient. Le moment où il regagnerait Montpellier qui lui semblerait bien vide. La compagnie du Mendois, celles des cousins, l'agitation du convoi princier, la Fauve avec laquelle les missives s'échangeaient discrètement, même cette foutue bande de Lombards horripilants. Tout cela lui manquerait.
Et vous Votre Seigneurie ? Avez vous déjà connu l'amour ?
L'échange était lancé. Au jeu des questions, il y en avait toujours qui franchissait la limite de lindiscrétion.
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