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[RP] Qui m'aime me suive !

Mordric
[Une chevauchée inquisitrice.]

La question posée le surprit. Tellement que l'espace d'un instant, le Chapeauté ne la comprit pas.
Depuis quelques jours, l'homme paraissait presque son âge.
Chose rare, si l'on considérait que sa constitution habituelle ne laissait jamais transparaître ses excès; au fil des années, son visage s'était lissé, poli en un masque au sourire parfait.
Figure d'ange, plaisant et charmeur, seuls la solitude et quelques rares sous-fifres Montpellierains avaient la malchance de voir ses traits se brouiller au rythmes de ses humeurs.


Toujours en représentation, il se complaisait dans le rôle de l'homme qui ne souciait de rien. Mais depuis leur passage à Alais, le déguisement s'était craquelé. De petites cernes, un air absent, il ne paraissait plus si joyeux.
Rien d'alarmant si ces signes étaient apparus chez n'importe qui d'autres. Mais s'il s'était avéré qu'en ce monde il y eut une personne assez proche de lui pour comprendre ce qui se passait, elle s'en serait rendu compte sans l'ombre d'un doute.
Mais cette personne il ne l'avait pas rencontré. Et lui, ne croyait pas une minute qu'elle existe un jour.

Quoiqu'il en soit, une fois la surprise passée et quelques secondes de réflexions prises, l'interrogé regarda le Pair, son sourire revenu tel un bouclier dressé.


Charmante oui. Mais autant qu'elle le soit, je crois que certaines personnes ne sont pas capables d'offrir ce que l'on attend d'elles...

Une petite pause, pour regarder le paysage autour d'eux.

Elle m'aimait, elle m'aime peut être encore même. Mais encore maintenant je suis incapable de dire si cela a été réciproque... Ne serait-ce qu'un seul instant.
En un sens cela l'a été. Je suis ce que tout bon aristotélicien appellerait un débauché. Et si un curé m'entendait un jour en confession, je pense que je serais traqué tel un enfant du Sans-Nom.
J'ai visité tant de couches que ma mémoire ne peut se souvenir de la moitié d'entre elles. Je l'assume et sais qu'un jour je devrai le payer.
A mes semblables comme au Très-Haut.


Nouvelle pause pour se sourire. Un sourire plein d'une pitié qu'il s'adressait. Lucide de la vie qu'il menait.

Mais cette femme charmante, je n'ai jamais quitté sa couche. Alors oui, peut-être est ce la meilleure définition de l'amour que je puisse avoir et donner, mais ce n'était pas suffisant je crois... Elle est partit pour se protéger, je l'ai laissé fuir pour l'aider à le faire.

La réponse n'était peut-être pas suffisante mais à cet instant il ne savait que rajouter. Désirade partie, il s'était réfugié dans la compagnie des Blackney, rencontrés à Alais.
Des cousins peu ordinaires aussi différents que le jour et la nuit, mais à l'un comme à l'autre, il avait offert son affection. L'amour contre l'amitié. Il avait fait son choix.

Ses yeux se posèrent alors sur le Vicomte. Un pilier en ses Terres et quelque part, il était devenu un pilier de sa vie à lui. Voilà deux semaines qu'ils voyageaient ensemble et il s'était pris à craindre le moment où leur chemin se sépareraient. Le moment où il regagnerait Montpellier qui lui semblerait bien vide. La compagnie du Mendois, celles des cousins, l'agitation du convoi princier, la Fauve avec laquelle les missives s'échangeaient discrètement, même cette foutue bande de Lombards horripilants. Tout cela lui manquerait.


Et vous Votre Seigneurie ? Avez vous déjà connu l'amour ?

L'échange était lancé. Au jeu des questions, il y en avait toujours qui franchissait la limite de l’indiscrétion.
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Actarius
Cependant que le curieux messager espérait une réponse du côté du corps du convoi, à un peu moins d'une lieue de l'endroit deux hommes parlaient amour. La scène était d'autant plus étrange, que l'un et l'autre ne semblaient rien partager de commun. L'un couchait autant sur les filles que sur une réputation pas forcément engageante, l'autre couchait sur plusieurs titres et des valeurs aussi sobres qu'austères. Malgré l'incompréhension que souleva le récit un brin philosophe et détaché de Mordric, l'Euphor y trouva une certaine beauté, une forme de sacrifice qui le touchait véritablement. Lui aussi l'avait laissé fuir pour l'aider à se protéger de lui. Il avait connu l'amertume, la pesanteur d'une vie sans intérêt jusqu'à ce qu'elle reparut de son propre chef, jusqu'à ce qu'elle revint à lui à l'Hôtel de Clisson.

Des retrouvailles houleuses certes, mais doucement empruntes de ce regain de vie, de cet appel à la renaissance. Il savait ce que serait sa vie sans elle pour l'avoir éprouvé durant quelques semaines. Mais s'il ne voulait le revivre, il y aurait consenti... pour elle. Ainsi naquit un pont entre ses deux être si différents. L'édifice n'avait rien de vraiment solide, mais il était paru. Sans doute cela expliqua-t-il que le Phénix ne s'offusqua pas de l'indiscrétion de la question posée. Il en sourit même légèrement, le regard brillant d'une étrange lueur.


L'amour... je ne vis plus que pour et par lui, lâcha-t-il comme une irrémédiable sentence. Puis, tandis que ses iris balayaient l'horizon, il en revint à son prétexte, histoire de donner le change. C'est par là ! Vous voyez cette colline ? C'est le Boucas, en la longeant et en prenant au sud, on tombera immanquablement sur Nîmes... Bien... Il fit alors faire demi-tour à sa monture et ajouta avec désinvolture avant de lancer son cheval au trot vers le cortège. Vous devriez rester avec moi. Une phrase qui n'avait rien d'anodin, où il n'était plus seulement question de ce tour du Languedoc, mais aussi et surtout de la suite. Une proposition en somme.
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Mordric
La réponse fut courte et lui parut des plus sybillines.
Le Vicomte et le Chapeauté étaient véritablement deux hommes que tout opposait...
Pourtant il y eu bel et bien en cet instant l'embryon d'un rapprochement, l'étincelle d'une relation qu'il ne pouvait expliquer.
Quoiqu'il en soit il posa son regard sur le paysage, écoutant avec attention les indications du Pair et s'apercevant qu'il ne connaissait que trop mal son comté.
Rats des villes, il n'avait aucune connaissance de la géographie languedocienne, alors qu'il pouvait se promener les yeux bandés dans chacune de ses villes.

Cela le fit sourire un instant... Un court instant pendant lequel, le Vicomte se lança au trot en direction du convoi. Un court instant avant que ne fut prononcée une phrase plus sybilline encore que la précédente. Ordre ? Proposition ? Conseil ?
Et jusqu'où ? Pourquoi ?

À cet instant, car tout cela n'était qu'une succession d'instants cruciaux, il se rendit compte de sa solitude et ô combien elle lui pesait. Ces derniers jours il n'avait eu de cesse de chercher à la combler, sans succès. Bien au contraire.
Son histoire avec Dési avait été un échec cuisant. Et tout autour de lui allait par paire. Tout s'efforçait de lui rappeler sa condition.
Les Blackney, les Pairs, la Fauve et sa Suzeraine. Il était même persuadé que la troupe de lombard se divisait par deux.
Lui au milieu de tout cela n'était qu'un élément instable... Ne pouvant s'intégrer entre les liens si forts qui les liaient en couples atypiques et plus différents les uns que les autres.
Et plus il recherchait leurs compagnies, plus sa solitude s'intensifiait.

Il faillit lui répondre oui.
Sans en savoir plus. Mais il se contenta de se taire, chevauchant silencieusement au côté d'Actarius. Le tour du Languedoc n'était pas finit, il y aurait d'autre occasion d'en parler, d'autant qu'ils arrivaient en vue du convoi et qu'un cavalier inconnu chevauchait dans leur direction.


Votre Seigneurie ? Un homme à vous ?
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Ingeburge
Côté convoi, l'on se laissait vivre. C'était en tous les cas vrai pour les Lombards qui, comme à leur habitude nonchalante, progressaient, tranquilles, insoucieux de tout, en queue de peloton comme l'avait exigé le chef de l'expédition, ce vicomte du Tournel qu'ils avaient croisé à plusieurs reprises et dont ils avaient compris que leur maîtresse lui tenait bien souvent tête et qu'il ne fallait pas lui chercher des poux. Aussi – mais surtout parce qu'Ingeburge avait laissé faire – ils se conformaient aux directives et fermaient la marche, laissant à la garde vicomtale le soin jaloux de protéger les flancs du lourd coche armorié. Les Lombards n'en avaient cure, la donne changeait invariablement quand tout le monde mettait pied à terre, il n'y avait qu'à voir la tête de la duchesse d'Auxerre tirait quand elle se voyait entourée de trop de visages inconnus. Là, en cet instant précis, son visage indifférent se parait d'une moue insatisfaite et Lombards et Languedociens s'empressaient d'intervertir leurs positions.

La Prinzessin, bien à l'abri dans sa voiture, se laissait elle aussi porter, quelque peu alanguie, les yeux encore gros de l'assoupissement qui l'avait prise plus tôt. La température, indubitablement, se faisait plus clémente et la route lui paraissait plus douce. Il lui semblait que l'atmosphère qui était à l'orage, à Mende, avait laissé place à un ciel dégagé, à peine voilé de blanchâtres nuées et elle n'avait pas à chercher bien loin pour comprendre ce phénomène météorologique qui n'existait que dans sa tête car pour qu'il y eût orage, il eût fallu que ce fût l'été : les relations entre Actarius et elle étaient beaucoup plus apaisées. L'on n'en était pas à la fonte des glaces, mais il y avait du mieux, à la faveur de toutes les attentions et de la tranquillité qui lui avaient été réservées et à la faveur d'un morceau d'étoffe immaculée et rebrodée de lettrines d'or. Et cette détente manifeste la poussait même, alors qu'elle s'étirait doucettement, à envisager de consentir à paraître enfin à l'ensemble du cortège, elle qui depuis le début du voyage s'était ingéniée à rester loin des regards, passant des quatre planches de son véhicule aux quatre murs de la chambre d'auberge qui lui était à chaque étape arrêtée. Elle ne pousserait pas la hardiesse à manger avec le reste du groupe mais elle se montrerait un peu plus et se fendrait peut-être d'une ou deux remarques. Ne serait-ce la présence d'Aelith et d'Håkon, elle ignorerait tout de ses compagnons de voyage et de fait n'en savait que ce qui lui était rapporté.

Nîmes était la prochaine étape, mais elle n'en était guère sûre, elle ne voyait rien des paysages, pas davantage des villes où ils cantonnaient et ne se préoccupait pas de leur destination, jugeant amplement suffisant le fait de savoir que c'était du Languedoc qu'ils avaient entrepris le tour et s'en remettant totalement, là où elle avait peur de lui par ailleurs, à l'Euphor. Si ce n'était pas Nîmes, elle l'espérait fortement en tous les cas, car Nîmes voulait dire qu'ils se rapprochaient de la mer et elle voulait la revoir cette Méditerranée qu'elle connaissait par Saint-Raphaël; ce serait ainsi un peu de ce fief-là, si loin, si proche, qui lui serait rendu. C'était là aussi une des raisons, en sus de son refus de voir Actarius, de sa claustration volontaire à Uzès. Ils avaient près, bien trop près de la Provence, et de Carpentras surtout, et sortir, examiner les alentours, c'eût été tenter le diable, risquer de vouloir passer la frontière et de pousser à l'est jusqu'à ce qui avait été chez elle, son domaine. Oui, elle espérait que c'était Nîmes car après, ils quitteraient cette route qui leur faisait longer la ligne de démarcation et ils verraient – enfin – la mer. Etrange d'ailleurs cette fringale maritime qui la prenait alors qu'elle avait passé de longues semaines à Montpellier sans jamais pousser jusqu'au rivage. Peut-être – sûrement – était-ce parce qu'elle finissait par se détendre et à s'acclimater.

Toujours indolente, elle en était là de ses rêveries d'embruns et d'air salin quand il lui sembla percevoir le bruit d'une cavalcade inusitée rompant avec la monotonie de son attelage et de son escorte. Soudain alertée, elle se redressa et tâcha de s'arranger quelque peu. C'était peut-être Lui qui s'approchait, ce devait être Lui , cela ne pouvait être que Lui et le cœur battant, elle achevait de caler une mèche de cheveux échappée de sa coiffure stricte attendant de reconnaître son timbre caractéristique. Si elle entendit des échanges, ce ne fut pas ceux qu'elle espérait et déçue que ce ne fût pas Lui, elle osa tirer le ridelet qui la dissimulait à l'extérieur. Elle constata par ses yeux ce que ses oreilles lui avaient d'ores et déjà révélé : ce n'était pas Lui. D'un œil éteint et indifférent, elle jaugea rapidement le cavalier inconnu et en conclut que c'était un messager, et comme l'homme n'avait pas l'air préoccupé par le coche, que ce n'était même pas un messager pour elle. Définitivement désintéressée, elle laissa retomber le morceau de velours et se laissa aller contre sa banquette. Ses pensées se tournèrent à nouveau vers la mer; elle s'y voyait, avec Lui.

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Back, work in progress
Aelith
Elle devait reconnaître qu'elle aimait le Languedoc.

Rien pourtant, n'avait joué en la faveur du pays, depuis que la Flamboyante y avait posé les pieds. Rien n'était allé de soi, de telle sorte qu'Aelith avait fini par croire qu'une étrange malédiction pesait sur ces terres qui différaient tant de celles de Bourgogne. Son absence loin d'Augy la taraudait: les travaux qui visaient à transformer quelque fermes en une brillante écurie ducale semblaient pourtant avancer, d'après les missives qu'elle recevait des maîtres d'oeuvre, mais elle n'était pas là pour le constater. Stephan ne lui avait plus donné de nouvelles depuis de trop nombreux jours, ce qui ne pouvait signifier que deux choses: un horrible accident était survenu, ou une sulfureuse brune avait ravi son coeur. La première option ne lui disait rien qui vaille. La seconde lui faisait régulièrement lever les yeux au ciel, dans le carosse qui les menaient vers Nîmes.

L'humeur de la Prinzessin semblait cependant s'être apaisée, et la Flamboyante n'avait plus eu à servir de rempart entre le Pair et la Froide. Elle avait suivi les conseils de Mordric et écrit à Messer Skip, qui lui avait diligemment rapporté des remèdes qu'elle suivait scrupuleusement, constatant avec joie que ses quintes de toux se faisaient moins nombreuses, et que le sang ne perlait plus au bord de ses lèvres. Quant à Mordric lui-même, elle appréciait sa prose par les missives qu'ils avaient pris coûtume de s'échanger.

La tendance sétait inversée. D'angoissée, elle était devenue sereine, et écoutait comme une berceuse le galop du messager qui venait à leur rencontre, adressant parfois un sourire à sa suzeraine que celle-ci pourtant, absorbée par ses pensées, ne semblait pas voir.

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Actarius
Un "non" tout ce qu'il y avait de plus laconique fit écho à la question de Mordric tandis que le messager approchait. Ce dernier, dont le faciès n'était pas sans rappeler celui d'un corbeau, arrêta bientôt sa monture et approcha d'un Vicomte dont les brousailleux sourcils se froncèrent. Il n'est jamais inutile de remettre en mémoire la carrure du Phénix qui n'avait rien d'un enfant de choeur. Même perché sur une vieille carne, il aurait semblé colossal. Et pour cause, l'Euphor avait le port naturellement altier. Ses larges épaules trônant sur un buste achilléen affirmaient une virilité certaine. Son visage avait abandonné depuis des années la finesse des traits de l'adolescents, il était désormais creusé par les sillons du temps. Quant à son regard d'ocre brûlé, il pouvait lui donner des allures vraiment inquiétantes, voire menaçantes encore appuyées par son collier de barbe diaboliquement taillé. Bref, il avait tout de celui auquel il ne faisait pas bon annoncer de mauvaises nouvelles. Las, le messager dut s'y résoudre. Il tendit au Pair une missive.

La dextre empoigna le pli sans ménagement et les yeux de Sienne se fixèrent bientôt sur les lignes tracées d'une main amie. Le vélin se froissa soudainement et fut rejeté en direction du messager. Un éclair de voix retentit, impérieux.
Despareis !* En oc ! Cela s'avérait rarement bon signe. La tempête grondait. Le responsable indirect le comprit remarquablement vite. Le premier il rebroussa chemin, doubla le convoi et s'estompa sans demander son reste. Cette première cavalcade fut suivie de près par un Mendois remonté qui s'arrêta à hauteur du rejeton Blackney. Le Normand fit l'objet d'un de ses regards sombres que le Mendois réservait d'ordinaire à la racaille ou à l'ennemi sur le champ de bataille.

Ecoute-moi bien jeune homme ! Je ne le répéterais pas vingt fois, s'exclama-t-il sans l'once d'un égard. Tu n'as aucun titre, tu n'as qu'un nom que ton père veut te renier. Ici, sur mes terres, tu n'es rien. Tu n'as pas même la valeur de mon palefrenier. Il va te falloir apprendre rapidement à ravaler ton arrogance. Ce n'est pas une main de femme qui te caressera la joue à la prochaine plainte que je recevrai à ton sujet. Tant que tu voyageras avec moi, tant que tu seras sous ma protection, tu vas te tenir bien tranquille ou crois-moi je te botterai le fondement avec une telle virulence que tu en pleureras les jours où tu devras rester en selle !

Convaincant ? Peut-être pas suffisamment, mais quiconque connaissait l'Euphor pouvait savoir qu'en cet instant, il se retenait déjà de ne pas passer aux actes. Lo respièch se merita, chaton ! Desbrembes pas, lo respièch se merita*, insista-t-il encore histoire d'être certain de s'être bien fait comprendre. Aicí siás pas-res, Enzo, pas-res encara. Deuràs aprene a tampar ta nautassa gola ! Clar ?*

On y était. Soldat de carrière, le Coeur d'oc savait mettre les formes lorsqu'il s'agissait de bien être entendu. En certaines occasions, il avait une définition bien précise de la manière douce et il venait d'en dévoiler un petit aperçu. Restait à savoir, si on lui donnerait l'occasion de passer à la manière forte.


* Disparais !

* Le respect se mérite garçon ! Ne l'oublie pas, le respect se mérite.
* Ici tu n'es rien, Enzo, rien encore. Tu vas devoir apprendre à fermer ta grande gueule ! C'est clair ?

Mes excuses pour l'occitan boiteux.

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Gabrielle_blackney
On chevauche. On s’ennuie*.
Gabrielle avait rejoint le convoi des Pairs et se faisait la plus discrète possible. Elle ne savait pas bien qui étaient ces gens mais ils étaient importants. Elle s’était simplement renseignée sur la manière dont elle devait leur adresser la parole pour ne pas commettre d’impair au cas où. Elle savait que dans la voiture se trouvait une femme de très haut rang dont on l’avait prévenue qu’il était fort peu probable qu’elle entende le son de sa voix.
L’autre personnalité était Actarius. Un ami d’Alcalnn, ce qui suffisait à rendre Gabrielle extrêmement méfiante à son sujet. Elle l’avait pourtant croisé en taverne et il était fort différent de son cousin. Bien plus abordable, plus humain et plus… drôle.
Mais Gabrielle restait sur ses gardes. Si Actarius avait accepté de bon cœur sa présence parmi son escorte, elle savait bien, elle, qu’elle n’avait rien à faire là. Mais elle devait rejoindre Montpellier et les routes du Languedoc étaient infestées de brigands, on cherchait donc la sécurité là où on le pouvait.

On chevauche et on s’ennuie. Mais pas que. Il était là, Lui. C’est aussi pour ça qu’elle restait méfiante. Actarius avait été chargé par Alcalnn de remettre Enzo sur le droit chemin, mais le Vicomte semblait n’avoir aucune idée du fait que le jeune homme s’en était considérablement écarté à cause d’elle, ou pour elle, ou par elle. Gabrielle se sentait d’ailleurs vaguement coupable de ne rien lui avoir dit. Mais il fallait absolument qu’elle atteigne Montpellier où elle était attendue, et il n’était pas chose facile à dire à un homme inconnu qu’on partageait avec son cousin plus que ce que les mœurs admettaient communément.

Enzo était là donc. Elle l’avait retrouvé à Mende. La version officielle disait qu’il s’agissait d’un hasard. L’officieuse était qu’elle voulait le revoir et qu’il avait dit oui. C’était une folie, une erreur, mais il était là et c’était tout ce qui comptait. Gabrielle brûlerait dans les flammes éternelles de l’enfer pour sa passion irraisonnée et déraisonnable envers son cousin, mais peu lui importait. Enzo était là, avec sa mauvaise humeur, son air maussade, son petit sourire narquois et son arrogance. Enzo tel qu’en lui-même, ni plus ni moins.

Il y avait Mordric aussi dans ce convoi. Homme étrange et inssaisissable. Gabrielle l’aimait bien, mais une sombre mélancolie l’avait saisi depuis le départ soudain de Desirade. Gabrielle était bien placée pour savoir et comprendre que les relations humaines étaient compliquées, surtout les relations entre deux êtres de sexe opposé.
Elle soupira légèrement, elle se tenait à l’arrière du convoi, comme toujours, le cheval suivait tout seul et elle pouvait laisser ses pensées divaguer comme bon lui semblait. Par sécurité, elle ne s’était pas éloignée et collait au train d’Enzo et d’Audoin.

Gabrielle avait donc regardé d’un œil distrait le cavalier-messager arriver et remettre une missive à Actarius. En revanche, elle vit ce dernier remonter le convoi avec beaucoup plus d’intérêt, et un peu d’inquiétude.
Mais il s’arrêta à hauteur d’Enzo, ça n’était donc pas pour elle. Elle n’eut pas le temps d’en être soulagée qu’Actarius fit vibrer la calme campagne languedocienne sous sa colère. Oh comme il lui rappelait Alcalnn en cet instant ! Elle ferma les yeux un instant pour ne pas voir Enzo subir cette humiliation publique. Si elle ne comprenait pas l’occitan des dernières phrases, le ton employé était sans équivoque sur le contenu.
Elle rouvrit les yeux pour les poser sur Enzo et Actarius. Et elle retint son souffle en attendant la suite. Enzo, si arrogant et si fier saura-t-il se taire et subir?


*Rendons à JD Enzo ce qui lui appartient
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Mordric
L'occitan avait ce pouvoir impérieux qui faisait trembler ceux qui n'y étaient pas habitués.
Aussi lorsque le Chapeauté vit l'oiseau de mauvaise augure détaler comme un lapin, il n'en fut pas surpris. Ignorant tout du contenu de la lettre, il ne fallait pourtant pas être devin pour voir que le Pair était furieux. Mordric avait d'ailleurs assez entendu d'histoires sur la Tempête d'Euphor pour savoir qu'il valait mieux éviter d'être pris dans son souffle.

Pourtant... Oui, pourtant, lorsque le Vicomte lança son cheval vers le convoi, il le suivit, à quelques mètres derrière lui, pour ne pas entrer en collision s'il stoppait brusquement. Il n'osait pas demander ce qu'il se passait, il suivait, simplement. Comme il en avait été invité quelques minutes plus tôt.
Et lorsqu'ils s'arrêtèrent, il était aux premières loges pour voir l'ire se déchaîner.

Enzo... Ce petit con arrogant. Cette petite raclure qu'il adorait pourtant.
Ce jeune homme pour qui il avait de l'affection... Voilà qu'elle était la cible de le fureur du Phénix.
L'oc encore fut de mise, mais cette fois, comme pour le messager, il n'avait rien de chantant. Il était simplement impérieux, froid, menaçant.
Euphor menaçait Blackney, au nom de l'amitié entre les deux maisons certainement. Si au moins le normand pouvait se rendre compte qu'avoir été confié au Vicomte n'était pas rien. Avoir l'humilité pour le reconnaître, voilà peut-être ce qui manquait au rejeton d'Alcalnn...

Quoiqu'il en soit, pour une énième fois, depuis quelques jours le Chapeauté soupira. Il écoutait le sermon, les yeux posés sur Gabrielle, priant intérieurement pour qu'elle ne se mêle en rien à cette histoire. Elle qui pour lui, avait aussi pris de la place dans sa vie.
Et comme la jeune femme, ainsi que le Vicomte, il restait suspendu. Attendant réaction de l'héritier.

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Ingeburge
Dos à lui, elle avait, tant bien que mal, tâché d'ôter ses chausses, sans se vautrer misérablement au sol – il n'était pas question qu'il voit la moindre parcelle de sa peau tout en essayant, durant cette opération délicate, de garder sa dignité. S'asseoir par terre? Inenvisageable. Il lui avait donc fallu se contorsionner, l'entreprise, après qu'elle eût retiré ses souliers de cuir, avait été périlleuse, mais s'était finalement vue couronnée de succès. Maintenant, elle évoluait pieds nus dans le sable, retenant d'une main sa houppelande et de l'autre le voile de mollequin qui s'agitait plus ou moins mollement sous la caresse de la brise marine. Visage tourné vers la mer, elle observait la houle, ravie, profitant de cet air méditerranéen qui lui avait tant manqué, rendue plus heureuse encore par sa présence à ses côtés. Mais, soudainement, il haussa la voix. Interdite, elle le regarda, toute trace de bien-être ayant disparu de son visage adamantin, la frayeur reprenant ses droits, cette frayeur délicieuse qui lui faisait craindre Actarius tout en étant indéniablement sous le charme. Mais pourquoi diable haussait-il la voix? Et quel avait été ce bruit d'enfer qui avait précédé ce changement d'atmosphère?

Il haussa la voix, à nouveau, et elle se débattit, mécontente de cette rupture dans la sérénité qu'ils partageaient enfin, comme ils en avaient entrevu les délices, sous la tente vicomtale, à Vincennes. Contrariée, elle cessa de marcher alors qu'il commençait de s'emporter. En fait, son coche venait de s'immobiliser, pour elle ne savait quelle raison, ce n'était pas elle qui avait arrêté d'avancer et sous son regard ahuri, ce n'était plus la mer qui s'étendait à perte de vue, c'était juste un pan de bois et une banquette qui se profilaient. Adieu la plage, adieu les rêveries marines. Les éclats de voix, en revanche, étaient toujours bel et bien audibles, mieux, ils l'étaient davantage.

Intriguée, elle tira le ridelet et passa la tête dans l'ouverture de sa portière. C'était effectivement Actarius qui donnait de la voix à l'extérieur, juché sur son cheval stationné en face d'un autre, cela elle ne l'avait pas rêvé, hélas. C'était un de ceux qui les avaient rejoints à Alais qui faisait les frais de l'ire de l'Euphor, le fils Blackney, pour une raison qui lui échappa tout à fait malgré son oreille tendue. C'était avec un drôle d'air qu'elle avait accueilli du rejeton d'Alcalnn dans leur troupe au moment où elle échangeait justement une correspondance fournie avec le duc de Mortain. Ce qu'elle ne manqua pas en revanche, ce furent la mine décidée du Magnifique, le regard noir qu'il jeta à son vis-vis et toute cette attitude qui dénotait qu'une colère froide s'était emparée de lui. Le passage à l'oc paracheva de conforter Ingeburge dans son constat. Si les subtilités lui échappèrent, elle en comprit les grandes lignes; avoir vécu un peu plus de quinze ans en Provence avait laissé des traces. Un frisson la traversa, tout autant craintif qu'admiratif, c'était cette part d'absolu qu'elle aimait tant en lui, cette part qu'elle avait retrouvée à Clisson, cette part d'absolu qu'il manifestait à nouveau et qui la laissait toute drôle.

Rentrant sa tête à l'intérieur de la voiture, elle indiqua à Aelith, tranquille malgré ce frémissement qui l'avait prise :

— Le vicomte du Tournel semble contrarié.
C'était le moins que l'on pût dire. Elle les connaissait ses colères, ne serait-ce qu'un peu. Elle en avait eu l'aperçu et il était à parier qu'un de ces jours, ce serait sur sa jolie petite tête que le courroux d'Actarius s'abattrait. Il en allait ainsi de leur relation comme du paysage vallonné qu'ils traversaient, des hauts et des bas à en donner le vertige. C'est pour cela qu'elle ajouta, penaude :
— Réjouissons-nous de ce que ce ne soit pas après moi qu'il en a.

Un sourire narquois fut adressé à la Chambertin, mais un sourire tout de même. Si elle avait mal vécu la froideur de sa vassale après que celle-ci eût joué les messagères à Mende et lui avait peine servi quelques mots depuis, les choses redevenaient, doucement, à la normale. Et Aelith, qui avait fait office de rempart une seule et unique fois en cette occasion, ne pourrait que l'admettre; elle aussi avait dû comprendre que la contrariété d'Actarius n'avait constitué qu'un échantillon de ce qu'il pouvait ressentir comme elle avait dû saisir qu'Ingeburge pouvait être pour le vicomte du Tournel une source inépuisable de fureur.

Olympienne, elle se saisit de son ouvrage de tapisserie et commença à jouer de l'aiguille. Combien de temps la scène durerait-elle? Elle n'en avait pas la moindre idée mais le fait qu'ils étaient immobilisés, autant s'occuper. Dans un soupir, elle dit :

— J'ose espérer qu'ils n'en auront pas pour long. Ce voyage est déjà suffisamment ennuyeux pour nous gratifier en sus de cet esclandre.
Avec méthode, elle repiqua la toile; son ouvrage figurait une plage. Un nouveau soupir ponctua sa phrase.
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Back, work in progress
Enzo.blackney
    « Arrogance. Je n'ai jamais cessé d'aimer ce nom aux sonorités douces qui s'associent d'emblée pour moi à celles d'élégance, comme pour m'inviter à songer que l'insolence et le mépris signent, au fond, une certaine distinction de l'esprit. »
    Résumé du livre Eloge de l'arrogance de Philippe Vilain.


On chevauche. On s’ennuie.*

Un soupire, une main qui s'insurge dans les cheveux bruns en bataille qu'elle tente de dresser avec une étrange application. La chevelure Enzesque, toujours aussi brune, aussi en bataille, et constamment une mèche qui tombe devant les yeux. Une allure particulière d'ailleurs que cela lui donne. Il est donc bien droit sur sa monture, encore une différente. Une jument cette fois-ci. Donc, droit, les yeux vert observant les lieux avec aucun intérêt. Ça se regarde, et faut passer le temps. Car voyager c'est s'ennuyer. Et Dieu sait qu'Enzo déteste l'ennui. Ça le rend irritable, et mettre la pagaille pour se retirer de cette ignoble situation. Mais pour les rares fois de son existence il prend son mal en patience. Ils ne voyagent jamais longtemps, s'arrêtent souvent donc toujours moyen d'aller oublier sa mauvaise humeur dans quelques verres. Bref. Il chevauche, rennes en main, brigandine ajusté, bras d'armures et harnois de jambe. L'habitude. Gabrielle suit, non loin, tandis qu'Audoin le colle bien, ce qui fait sourire un peu le jeune Blackney. Pas un sourire ordinaire. Non, celui typiquement Enzo c'est-à-dire narquois et parsemé d'ironie. Une pointe d'amertume peut-être aussi. C'est donc totalement détaché qu'il voit arriver le messager. C'est que malgré tout, il s'est bien tenu le rejeton Blackney. Un léger accrochage à Mende, et quelques altercations ici et là. Faut bien que la jeunesse se fasse. Ou pas.

Enzo lui, n'a qu'une envie. Se poser, retourner à ses affaires que ce voyage ennuyant, déplaisant et qui ne servait à rien - pour lui - se finisse. Et rapidement. Il suivait certes, mais pas réellement par choix. Puis, à son plus grand malheur il se devait de se couvrir d'honneur avant d'avoir la possibilité de revenir auprès des siens. Du moins, de revenir sur les terres du père. Ce qui n'était pas du tout gagné pour le cadet Blackney, devenu héritier par la disparition de l'aîné. Sauf qu'une voix en oc l'interpella et c'est un Actarius, semblant furieux qui se pointa devant le jeune homme, qui au même moment arrêta sa monture. Les sinoples fixent le Pair, et les sourcils de se froncer légèrement, mains crispé sur les rennes, lorsqu'ils croisent le sombre regard de son interlocuteur.


- « Ehm. Je vois que vous êtes de bonne humeur... »

Légère grimace, une main se glissant dans sa chevelure et un soupire de quitter ses lèvres. Le Blackney regarde Mordric, légèrement méprisant. Toujours à suivre le Vicomte de près, lui ! De plus, il regardait Gabrielle, et ça... ça agaçait bien plus le jeune homme que les paroles du Pair.

- « Ehm. Sachez Monseigneur que mon père m'a obligé à annoncer qui j'étais. J'ai évité le gonfanon et le tabard, vous devriez en être heureux. »


Petite pause. Le temps de bien articuler et respirer en parlant.

- « Alors, si je ne suis rien, dites-moi donc comment dois-je m'annoncer ? »

Ainsi, Actarius ne devait pas savoir qu'il avait aussi, devant lui, un jeune homme qui fut dans la Garde Épiscopale. Ça n'avait plus réellement d'importance, car il avait démissionné, mais tout de même. Enzo n'était pas seulement le jeune homme arrogant et sans doute pas la description que son père se faisait de lui. Le nombre d'absences, et la mort de Nennya les avaient distancé tout deux, et à peine homme qu'il avait du faire la nounou pour sa capricieuse de sœur, alors qu'il aurait préféré être sur les champs de batailles. Et aujourd'hui, alors qu'un vent de liberté, qu'une envie de se détaché du carcan familiale se faisait sentir qu'il était mis en exil pour une faute qu'il ne considérait plus comme telle. À cette pensée son regard se déposa sur Gabrielle, puis revint rapidement sur Actarius.

- « Dites-moi Monseigneur. Venez-vous de confirmer ce que je pense tout haut et qu'on ne cesse de m'importuner pour me dire le contraire ? Effectivement, sans blasons, sans terres, ou autre emblème de reconnaissance nous sommes donc rien ? Cela confirme donc le contraire de ce que peuvent bien baratiner les gueux. Merci d'avoir eu l'amabilité de venir confirmer la hiérarchie d'Aristote. »

Oui, car pour Enzo, si les nobles existent, comme les riches et les pauvres, c'est parce qu'Aristote l'a décidé. Croyant, il adhère donc que la hiérarchie des hommes a été faites pour garder un équilibre, et surtout une certaine paix. Il est donc stupide qu'un gueux s'insurge contre son Seigneur. Et si le sang bleu coule dans ses veines, c'est que ça devait être ainsi, et qu'il faut accepter l'héritage de la noblesse et du pouvoir octroyé par cette dernière. Après tout, le jeune Blackney est aussi imbu et égocentrique.

- « Pour ce qui est la globalité de cette tirade, j'oserais dire que j'ai fait ce que vous m'avez demandé. J'ai dirigé vers vous en ce qui concernait les Laissez-passer. Car n'est-ce pas de la légère altercation à Mende donc vous venez d'être mise au courant ? Puis, ce n'était point mon souci si la Bourgmestre n'a pas demandé la liste ou même que la communication se fasse mal. C'est scandaleux de venir embêter les gens qui viennent se reposer dans une auberge ou taverne pour un laissez-passé. J'ai autre chose à faire que de rendre des comptes à des inconnus. »

Gueux de surcroit, mais il se retient de le dire. Il avait assez de respects pour Audoin, pour ne pas trop mettre de couche sur le sujet. Puis, ce dernier faisait bien son travail, même si certains commentaire de ce dernier, parfois, venait faire arquer les sourcils du jeune impudent. Mais Actarius n'avait pas fini, et entamait la fin en occitan, ce qui fit rire le jeune homme.

- « Sabi. Et je comprends et parle très bien le françois. Ma mère est bourguignonne de naissance, et passe beaucoup de temps à Paris. Le Gascon est donc ma seconde langue. Je peux passer a l'un ou a l'autre facilement. Pas besoin d'oser vous assurer que je comprenne ce que vous me dites en langue d'Oc. »

Oui, oui. Noté le présent. Le jeune homme n'assume toujours pas - malgré l'année qui est passé - le décès de sa tendre et chère mère. L'élément déclencheur de la névrose débutante qui habite Enzo. Celle qui l’étouffe, le trouble, le fait angoisser et lui donne ce besoin de supériorité.

- « Clar. »


Sinoples assombrit, mains sur les rennes, Enzo de faire se déplacer sa monture pour contourner Actarius. Il n'a pas que ça à faire se disputer avec des gens. Il a un honneur a regagné on ne sait trop comment. Bienvenu dans la diplomatie Enzesque. Trop... trop. Peut-être. Le pire, c'est qu'à trop parler, il avait soif lui maintenant. Actarius était venu brimer son habituel comportement taciturne. Pas possible d'être tranquille au moins !

* Car on ne fuit pas les bonnes habitudes.
En Occitan : Je sais. C'est clair.

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© JD Alcalnn pour la citation. Création originale de JD Marin.
Actarius
Arrogant, insupportable. En cet instant-là, le Vicomte aurait volontiers pris plaisir à passer aux actes. Mais il demeura, son regard furieux toujours planté sur le chantre de la suffisance, le héraut de tout ce que le Mendois pouvait abhorrer en ce monde. Coeur d'Oc ancré dans une mer de valeur toujours un peu plus acide au fil de cette nouvelle génération arrogante, de jeunes premiers mal dégrossis. Magnifique à l'oeil intransigeant perché sur sa monture. Phénix enfin qui abattit un de ses serres enflammées sur l'épaule du Normand.

La bastança de tas paroletas benlèu frapaciona las subretas que lèvas, mas pas me. Esperi que sabes te patacar, per que tos desdusiments de chaton ne te pas faran retrapar ton onor.*

Ces paroles délivrées avec une certaine ironie et une pointe de défi furent les seules à franchir le seuil de lèvres à nouveau fermées. L'envie de dire plus n'avait jamais paru aussi faible chez ce bavard patenté. Ce simple échange avait suffi à faire naître une certitude. Cette mesquinerie ne prendrait fin que par les actes, cette supériorité serait ravalée lorsque la poussière ou le sable d'une lice seraient mordus. Le reste ne servirait de rien. Un esprit aussi mal embouché trouverait toujours un échappatoire, toujours une interprétation pour se donner contenance, pour placer l'interlocuteur en porte-à-faux en lui prêtant des propos qui n'étaient pas les siens, en s'essayant à pousser une logique étrangère et incomprise à des conclusions toutes personnelles. Le Louvre en regorgeait de ces gens et le Royaume en comptait de plus en plus, chose qui ne manquait jamais de faire râler l'Euphor, si prompt à grogner.

Du noir de la colère les iris se départirent pour embrasser une étrange lueur. Elles se détournèrent bientôt tandis que sa main relâchait son emprise virile sur l'épaule du jeune homme. Le temps approchait où le Blackney aurait l'occasion de montrer ce qu'il avait vraiment dans le ventre, où il devrait faire face à une réalité brutale: un guerrier féroce, rompu à l'art de la guerre et pleinement disposé à lui montrer qu'il avait bien des choses à apprendre encore. Puisque le nordiste lui refusait le moindre respect, il irait le chercher par la force. Telle était la seule solution qui parcourait l'esprit du Mendois au sourire retrouvé. La perspective de se dérouiller un peu n'avait rien de déplaisante, celle d'offrir une petite leçon musclée l'enchantait totalement.


Cavalem*, clama-t-il dans un Oc qu'il n'avait pas l'intention d'abandonner encore. Il avait lui aussi un orgueil plus que certain et ne comptait certainement pas se laisser dicter sa conduite par un garçon encore esclave de son petit univers propre.


* La suffisance de tes paroles impressionnent peut-être les soubrettes que tu lèves, mais pas moi. J'espère que tu sais te battre, car tes déductions de garçonnet ne te feront pas retrouver ton honneur.

* Poursuivons

Mes excuses pour l'occitan toujours boiteux.

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Enzo.blackney
Si le Chaton avait presque pu se moquer du Pair, là c'est la mâchoire du Blackney de se crisper, et d'être - presque - prit au dépourvue. La main qui s’abattit sur son épaule le fit se raidir littéralement. Audoin ne pouvait absolument rien faire dans cette situation, au risque de mettre Enzo dans une mauvaise posture, ou de se faire très mal voir par Actarius. Ce qui n'était pas plus bénéfique pour le jeune homme. La main est dur, virile, et il la sent très bien. Trop bien. S'il n'était pas commode et avec un caractère particulier, il y avait une chose que le jeune homme détestait le plus, et c'était d'être toucher. S'il se raidissait par automatisme au touché d'une femme, en ce qui concernait un homme c'était tout autre. Il se raidissait aussi, mais pas pour les mêmes raisons. Seul la main d'Audoin ne le dérangeait plus. Il y avait un contact physique, la distance ne pouvait plus être aussi présente que lorsqu'il y a ce genre de contact. Un malaise s'installe donc bien malgré lui. Son regard vert d'aller croiser celui du Magnifique. Tandis que les sourcils se froncent légèrement. Les paroles qu'il lui fut envoyé, en occitan toujours alluma le regard d'une certaine colère. Ses paroles. Ils les attendaient souvent. On le prenait pour ce qu'il n'était pas du tout. Autrement, il aurait pu carrément repousser cette main sur son épaule et partir. Simplement. Faire tourner sa monture et laisser le convoi en plan. Il aurait alors quitter le Languedoc, aux risques des représailles. Pourtant, il ne le fit pas. Pourquoi ? Dur à dire. Mais il ne le fit pas.

- « Tout comme mon père, vous dites des choses qui sont totalement fausse. »

Enzo regarda un peu Gabrielle, avant d'osé baisser la tête un peu. Oui, il laissait Actarius gagné, un peu pour la protéger. Il avait assez fait le coq, il était temps de se ranger pour éviter d'éveiller les soupçons sur sa relation avec Gabrielle. Il devait la garder secrète. Et il enterait ses envies, ses émotions pour ne pas faire face à tout ce qui se tramait dans sa tête. Ce fut un jeu, de l'orgueil, mais jamais juste une histoire de deux nuits. Les autres. Il en avaient peu. Non. Enzo n'était pas un coureur de jupons. Il avait la crainte des femmes, il dérapait seulement à certain moment. Le fils du Chat releva le menton, sourcils de nouveau froncés.

- « Sabi me pacatar... ne vous inquiétez pas. Alcalnn c'est très bien chargé de cette éducation. Et la Garde Épiscopale à fait le reste. »


La main quitte enfin l'épaule du garçon qui en profite pour faire avancer un peu sa monture. S'il ne tenait pas la conversation en occitan, c'était tout simplement pour montré qu'il avait aussi la langue de Paris dans le sang. Il aurait pu tout aussi bien tenté le patois normand, mais le Pair n'aurait sans doute pas compris. Et même si ça aurait été drôle, le Blackney n'était pas assez impétueux pour osé un tel affront. Reste néanmoins, que là, il se sentait un peu paumé.

Dans un boiteux occitan aussi : Je sais me battre.
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© JD Alcalnn pour la citation. Création originale de JD Marin.
Actarius
L'incident s'estompa tandis qu'il doublait le carrosse sur lequel se perdit son regard un instant. La Prinzessin apparaissait peu, trop peu. Cela le laissait quelque peu perplexe, sans toutefois le surprendre véritablement. L'aura mystérieuse qui entourait la Bourguignonne demeurait le plus souvent impénétrable pour lui. Il ne comprenait pas tout et s'accommodait avec maladresse de cette attitude qui échappait fréquemment à sa propre logique. Quoiqu'il en fut, sa monture finit par gagner l'avant du convoi qui s'ébranla à nouveau vers le sud.

L'étape de Nîmes avait coulé agréable, quelques jours pour oublier la petite altercation, quelques jours de discussion, de confidences, d'un aveu lâché par la cousine Blackney, une confession étrange et entière qui toucha le Phénix sans vraiment l'affecter. L'escale fut aussi l'occasion de grossir les rangs du cortège avec la jeune Mhayri. Puis, vint le temps du départ vers Montpellier. La modeste troupe prit au sud-est, à travers le sud de la Vaunage, par Vergèze, terre d'Eirwen, puis la baronnie de Lunel, le comté de Castries jusqu'à la grouillante capitale du Languedoc. Les paysages étaient bien moins vallonnés, accidentés permettant une progression rapide dans cet horizon coloré du vert printanier de l'herbe et des oliveraies, du jaune des champs, de l'ocre pâle des terres déjà prêtes à rougir sous les assauts d'un soleil de plomb, qui demeurait encore clément en ce début de saison. Les milles odeurs des plantes aromatiques se disputaient avec l'air marin porté par une légère brise.

Montpellier fut abandonnée quelques jours plus tard. La nouvelle escale, engloutie, semblait avoir rapproché quelques membres du convoi. Cela se remarqua durant le trajet, une espèce de tension régnait entre le duo formé par les Blackney et l'électron libre Mordric désormais accompagné de sa tavernière. Il se jouait des choses étranges dont le coeur échappait à un Mendois dont l'esprit restait bien trop occupé. Chose qui le rendait peu bavard et plutôt solitaire. On le retrouvait ainsi souvent loin du convoi, jouant les éclaireurs dans un relief à nouveau onduleux et boisé. Il traversa la rivière du Pan en premier, et de même longea le lac de Salagou en avant-garde isolée pendant que le reste du cortège progressait à hauteur de la baronnie du Pouget. Il se formait à l'approche du pays lodévois, entrée vers la région des Grandes Causses, une flore diversifiée où l'aubépine et le genévrier se développaient en abondance avant de laisser place à des futaies de plus en plus présentes pour se fondre finalement en de vaste forêts où le chêne régnait en maître.

Bien des événements se jouèrent au pied de la Causse du Larzac, dans cette vallée de la Lergue où s'étendait Lodève. Il y eut une vive mise au point entre le Vicomte et le jeune Blackney. Tous deux semblaient définitivement faits pour ne jamais se comprendre et s'apprécier. Le conflit menaçait à chaque rencontre, si bien que la tension avait abouti à un ultimatum clairement posé. Un choix demandé qui sembla décider la cousine à prendre ses distances avec le convoi dès le retour à Montpellier, qui serait encore traversé pour rejoindre Béziers. Le duo Mordric/Valeriane décida lui de reprendre le chemin de la capitale bien plus tôt que prévu. Sans savoir exactement ce qui se tramait, le Mendois devenait de plus en plus perplexe sur l'influence que les Blackney avaient sur le cortège. Aussi, n'avait-il pas accueilli d'une mauvaise oreille la décision de Gabrielle au contraire de celle de Mordric qui l'avait proprement chagriné.

Puis, plus fondamental que tout pour lui: l'envoi d'une proposition à Son Altesse. Leur voyage commun se déroulait bien, sans heurt, mais sans aucun véritable contact non plus. Le Mendois, happé par son devoir, en négligeait son coeur et entreprit un soir d'y remédier avant qu'il ne fût trop tard avant que ce voyage ne se terminât. Une rencontre avait été offerte... et acceptée sous certaines conditions tandis que le groupe avait retrouvé Montpellier pour une courte escale sur la route de Béziers. Le lendemain, la lance avait repris son chemin. Elle longeait désormais la côte méditerranéenne. La mer demeurait pourtant invisible, bien qu'omniprésente dans l'atmosphère. La petite chaîne montagneuse de la Gardiole, derrière laquelle se cachait Mireval, constituait un premier obstacle au panorama, puis s'élevait celle du Roc Nègre, du Roc de l'Aigle à hauteur de Gigean. Certes, on apercevait parfois cette grande tâche bleue, mais elle se dérobait le plus souvent. Elle se dévoila totalement à Poussan, non loin de laquelle on avait une vue imprenable sur le port de Sète et l'étang du Thau. Il voulait le partageait, mais quelque chose le retenait. Ce n’était pas encore le moment. Il ne fallait pas, pas à cet instant-là. Ainsi, se mura-t-il dans son silence, cacha-t-il son enthousiasme devant cette mer, cette promesse d’une rencontre. Peut-être la sentirait-elle, peut-être son regard s’échapperait-il quelques instants du carrosse, peut-être penserait-elle alors à lui…

Bientôt, les remparts biterrois apparurent. Derrière eux, se jouerait bientôt une scène à laquelle le Mendois ne s’attendait pas. Il ne voyait que cette promenade et commençait déjà de ruminer au sujet de celle-ci, de se morfondre dans ses doutes.

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