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[RP] Correspondances : La Nature est un temple*

Vahanian
      La Nature est un temple où de vivants piliers
      Laissent parfois sortir de confuses paroles;
      L'homme y passe à travers des forêts de symboles
      Qui l'observent avec des regards familiers.

      Comme de longs échos qui de loin se confondent
      Dans une ténébreuse et profonde unité,
      Vaste comme la nuit et comme la clarté,
      Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

      Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
      Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
      - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

      Ayant l'expansion des choses infinies,
      Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens
      Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.*




Un jour de printemps au temps ensoleillé, le brun attendait une brune enchignonnée aux abords d’une forêt angevine afin d’aller chasser. La brise légère mais fraiche faisait mouvoir ses mèches rebelles, tant et si bien qu’il décida de se les attacher en queue de guerrier, à l’aide d’une lanière de cuir. Une fois ce problème réglé il s’adossa de nouveau à l’arbre sous lequel il patientait et replongea dans ses pensées, les yeux perdus dans le vague, la main droite tripotant machinalement le couteau qu’il avait passé à sa ceinture. Très tôt le matin, réveillé par un oiseau stupide qui était venu se fracasser contre lui, il avait pu réfléchir et préparer le matériel nécessaire. Au début il avait hésité, useraient-ils de collets, de filets, de fo… Finalement il s’était dit que pour chasser avec une femme poser des collets suffiraient. S’ils avaient le temps peut-être tenteraient-ils de s’approcher de la rivière pour choper quelques poissons. Ce style de chasse n’avait rien de très intense et était même méprisé des nobles, pourtant la patience payait et cela permettait de manger un peu de viande sans n’avoir à payer une somme exorbitante. Il soupira puis inspira doucement. L’odeur et les bruits de la forêt, rien de tel pour attaquer une matinée. Si la chasse en elle-même n’avait rien d’extraordinaire, se balader parmi les arbres et se faufiler sans bruit entre eux était l’une de ses activités favorites.

Il espérait que Lonie y prendrait plaisir également. Même si la perspective de tuer des animaux enchantait peu ou prou les femmes de ce royaume, Vahanian restait confiant. Elle n’était pas « les femmes ». Il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter. Qui sait, si ça se passait bien, peut-être pourrait-il réitérer l’expérience ? Un bruit le fit se détacher de l’arbre et se reconnecter à la réalité pour observer les alentours. Ce n’était qu’un bûcheron. En effet, afin de mieux se retrouver, il patientait près du petit local de la mairie qui, ouvert très tôt, prêtait des haches à qui voulait, moyennant un bois revendu pas trop cher. Il salua l’homme qui passait devant lui d’un hochement de tête puis tourna le regard vers la brune qui arrivait enfin. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres et y resta un instant, flottant comme un papillon sur une fleur. Il s’étira en baillant et marcha à sa rencontre, le visage redevenu neutre.

- ‘jour vous ! Z’êtes prête ? En forme ?

Demanda-t-il en la regardant de pied en cap. Il lui montra sa besace.

- Moi j’ai tout !

Il regarda derrière lui. On entendait déjà les premiers coups de hache de la journée.

- Il faudra s'éloigner d'ça. Autrement j'doute qu'on attrape quoi qu'ce soit.

Il pensa à lui tendre la main mais se ravisa.

- Vous m'suivez ?

La questionna-t-il avec un petit sourire.

______________________________________________
*Baudelaire - Les Fleurs du Mal - Correspondances
Lonie
Le soleil du matin doucement chauffe et dore

Le soleil du matin doucement chauffe et dore
Les seigles et les blés tout humides encore,
Et l'azur a gardé sa fraîcheur de la nuit.
L'on sort sans autre but que de sortir ; on suit,
Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.
L'air est vif. Par moment un oiseau vole avec
Quelque fruit de la haie ou quelque paille au bec,
Et son reflet dans l'eau survit à son passage.
C'est tout.*




Nan ce n’est pas vraiment tout, l’invitation avait été lancée la veille au soir, une ancienne promesse comme tant d’autres mais celle-ci allait enfin être tenue. Tôt dans la matinée, aux premières lueurs du jour la brune s’était éveillée dans une grange située à mi chemin entre la ville et l’exploitation forestière.

Doucement son corps s’était mis en mouvement puis délicatement avec ses doigts en guise de peigne le foin fut extirpé de ses cheveux, manquerait plus qu’il fasse une remarque la dessus…A cette pensée, un léger sourire vint se pointer à la commissure de ses lèvres. En un tour de main le chignon était monté, quelques mèches rebelles parsemaient son visage avec le vent.

Pour la tenue, il est vrai que le rouge n’était pas des plus discrets mais elle n’avait que ça et puis la technique de chasse utilisée d’après les brèves explications ne demandait pas non plus de se fondre avec la nature mais simplement de rester silencieux et immobile, chose qu’elle savait largement faire.

Sa besace en bandoulière, un bocal en verre bien calfeutré à l’intérieur, Lonie marchait vers lui en sifflotant profitant que cela soit encore permis, elle avait vraiment hâte d’y être, d’apprendre de nouvelles choses elle qui avait soif de connaissances autant théoriques que pratiques.

Et puis la brune pourrait aussi utiliser ces moments en pleine nature pour lui raconter certaines choses sur sa passion dévorante de feuilles, les chenilles…Lui montrer aussi leurs œufs et pourquoi pas en récolter…Sa dernière trouvaille s’étant envolée, il lui fallait remplir ce vide assez rapidement.

Le lieu de rendez vous se tenait à quelques mètres maintenant et Vahanian arrivait à sa rencontre, aujourd’hui elle pourrait le nommer, personne ne pourrait l’entendre et même si l’effet était étrange, elle aimait le dire, comme un interdit que l’on brave consciemment.
A ses questions, elle répondit d’un sourire lié à un mouvement de tête puis lorsqu’il lui proposa de le suivre elle n’ajouta qu’un petit :


J’vous lâcherai pas, j’veux pas me perdre, allons y !

Si lui avait hésité à lui prendre la main, la sienne vint s’accrocher à son bras joint d’un magnifique sourire.


*P.Verlaine
Vahanian
      Plaisirs, ne tentez plus un cœur sombre et boudeur ! *




Avez-vous déjà vu chose plus fondante, plus belle et plus admirable que le sourire naturel d’une jolie femme éclairé par un soleil printanier ? Non ? Hé bien le brun non plus. Tant et si bien qu’un nouveau sourire se ficha sur ses propres lèvres, en retour. Il fit ensuite un pas vers les arbres tandis qu’une main fine se glissait pour attraper son bras. Effectivement le « J’vous lâcherai pas » était finalement à prendre au sens propre et non figuré. Pourtant se perdre dans une forêt n’était pas dramatique en soi, on pouvait chasser, pêcher, trouver un abri, faire un feu… Mais bon, les demoiselles étaient généralement moins au fait de ces choses pratiques. Enfin, pour l’heure Vahanian pris une direction hasardeuse ayant pour seul objectif de s’éloigner de la zone des arbres qu’on abattait pour les débiter en stères de bois. Evidemment le brun notait tout de même mentalement le trajet qu’ils effectuaient. Louvoyant entre les différents géants vert, posant le pied sur tantôt de l’herbe, de la mousse, des fleurs ou encore de la terre, tout simplement, ils finirent par atteindre un coin de la forêt où nul bruit – si ce n’est leurs pas, leur respiration etc. – ne venait perturber le calme relatif de la nature.

Se dégageant doucement de la poigne de la jeune femme, l’apprenti Maître Chasseur regarda la brune et ouvrit ensuite sa sacoche tout en parlant.

- Bien, maint’nant i’va nous falloir chercher des traces d’animaux. Dans l’coin j’ai entendu dire qu’on pouvait choper des oiseaux, des lapins et des lièvres. ‘préférez r’chercher quoi d’abord ?


Il vérifia qu’il avait tout et la referma. Pour l’instant éviter que leur odeur d’humain ne rebute les animaux à se laisser prendre. Repérer une coulée de lapereaux par exemple. Montrer à la brune comment on faisait un collet. En poser un. En poser d’autres. Attendre pas trop loin pour achever la pauvre bestiole qui se laisserait avoir. Abréger ses souffrances. Et enfin… Miam ! Il ajouta :

- On va chasser au collet ou au lacet. L’plus dur c’pas tant d’faire l’piège c’est d’fair’genre qu’on a touché à rin, pour pas qu’l’animal nous sente. Y’a donc plusieurs techniqu’pour pas s’faire repérer. Hm z’vez pas peur d’vous salir au moins hin à l'occasion ?




______________________________
*Baudelaire - Le Goût du Néant - Les Fleurs du Mal
Lonie


Ses bottes foulaient le sol forestier, elle prenait bien soin de marcher presque dans ses pas, le regard attentif aux moindres détails, chasser, elle savait mais plutôt les petites bestioles qu’elle adorait admirer.
Ses petons se relevaient pour ne pas se perdre dans les racines qui jonchaient le sol, ses mains écartaient de temps à autres quelques branches à hauteur de visage.
Il fallait vraiment la mériter cette expérience nouvelle alors, lorsque le cours allait démarrer c’est avec conviction qu’elle écoutait les conseils du spécialiste en la matière.

A sa première question qu’elle trouva fort surprenante, elle répondit par un haussement d’épaule, elle n’savait chasser ni l’un ni l’autre alors tout serait bon.
Et puis quand il continua dans ses explications, la brune fut rapidement larguée, collet, lacet ? Quelle différence ? Peur de me salir ?
A ce questionnement un leger sourire se posa brièvement sur le coin de ses lèvres pour répondre enfin :


J’vois pas trop bien comment sont fait vos pièges mais je n’demande qu’à voir et à tester, et puis pour c’qui est de m’salir…bha les fringues aussi beaux soient ils, ça s’lave tant qu’vous m’obligez pas à m’rouler dans du purin ça m’va. J’frai comme vous, montrez moi.

Ensuite, son regard venait à se perdre ici et là, se demandant si l’endroit était propice à d’éventuelles trouvailles passionnantes comme quelques chenilles égarées.
Vahanian
    « Bonheur : faire ce que l'on veut
    Et vouloir ce que l'on fait. »
    F. Giroud




Le brun hocha du chef et laissa la brune regarder les alentours pendant qu’il réfléchissait. Lonie découvrait tout à fait – visiblement – le monde de la chasse, du moins celui qui ne concernait pas la chasse à la chenille. Peut-être devait-il donc tout lui expliquer dans les moindres détails ? « Montrez-moi ». Bien, il allait commencer par lui montrer les deux pièges : lacet et collet, et lui en expliquer les différences, au cas où celles-ci ne se verraient pas à l’œil nu d’une néophyte. Convaincu par son plan de début de cours de chasse, il sortit un collet qu’il avait pré-confectionné et un lacet. Un dans chaque main, sacoche posée au sol, il prit place sur la grosse racine d’un arbre et interpella la rêveuse.

- Hép ! ‘sseyez vous donc j’vais commencer par vous montrer la différence ent’collet et lacet pis ‘vais vous montrer c’mment on fait l’un pis l’aut’. D’acc’ ? Après… On s’mettra en chasse.

Une fois Lonie posée à ses côtés, il entreprit de commencer par lui expliquer ce qu’était qu’un collet.

- Alors, voyez, ça, c’te sorte de boucle en crin d’canasson, c’t’un collet. Ça s’accroche en hauteur à une branche pour que l’lapin quand i’court i’s’prenne tout seul la tête d’dans. Ça par cont’, c’t’une boucle aussi, en crin d’canasson aussi, mais ça s’use différemment. C’t’un nœud coulant qu’a b’soin qu’on l’tire pour coincer l’animal. En gros l’collet z’vez juste b’soin d’êt’dans les parages pour ach’ver l’animal. Que l’lacet faut vraiment qu’vous soyez là et alerte, vu qu’c’pas la conn’rie d’l’animal qui l’piège mais vot’réactivité. En gros ça s’ressemble beaucoup mais faut pas confond’.

Il tourna la tête vers la brune et la regarda, admirant ses cheveux et ses yeux au passage.

- Z’vez saisi ou faut qu’j’explique plus ? Si c’bon j’vous mont’comment fair’vot’collet ou lacet ‘vec un peu d’crin d’cheval. Pis après on s’cherch’une coulée et on pose l’collet. D’acc’ ?
Lonie
"Chaque détail prend de la valeur quand plus rien n'a de sens." *



Lonie s’était accroupie aux côtés de son maître de chasse, son attention tentait péniblement d’assimiler les vagues de détails qu’il lui offrait, la leçon était d’une précision minutieuse.
Fallait il vraiment tout retenir ?
Au milieu de cette verdure, il était presque impossible de garder une concentration de circonstance.
Et puis il y avait cette proximité, étrangement, l’espace d’un instant ses yeux n’avaient pu se poser sur son guide sans compter cette émotion de sentir son regard qui parfois glissait sur elle.
Oui, elle était silencieuse.

Et quand vient le moment de dire si elle avait bien tout assimilé, elle acquiesça d’un simple hochement de tête, comment exprimer qu’elle avait été perturbée par un rien, c’qui habituellement ne l’avait jamais troublée, valait mieux se taire, abréger cet instant pour s’en aller poursuivre la leçon mais cette fois de façon plus pratique.
Une mèche rabattue sur l’arrière, un léger sourire suivi d’un imperceptible souffle, elle se redressa pour montrer qu’çà lui allait parfaitement et qu’il pouvait continuer son enseignement.

C’est pour ça que nous sommes là non ? J’vous suis, j’espère retenir plus de choses en vous voyant faire.

Oui, elle venait d’avouer sa dissipation, tôt ou tard il l’aurait remarqué, surtout si d'ici peu, elle devait s’emmêler avec les crins de chevaux alors autant exposer dès à présent l’éventuelle maladresse dont elle fera certainement preuve.
Et puis il y avait une interrogation qu’il fallait qu’elle soumette

Dîtes ? Ça vous évoque un malaise à vous, cette chasse ?

*Frédéric Beigbeder
Vahanian
*~ Ou comment s’écarter d’un sujet ~*



La brune était jolie, jolie comme un cœur. Même de là où il était, il percevait son odeur. Une idée incongrue parfois se faisait insidieuse dans sa tête « et ses lèvres, quelle saveur ? ». Mais là pour une fois, il était concentré, tout à sa tâche de professeur. Enfin, pas tout à fait, mais assez pour ne pas commettre d’erreur. Et puis, une fois relevé, prêt à poursuivre, en chasse, il glissa un dernier coup d’œil à l’objet tentateur. Œil qui se mua rapidement en regard interrogateur.

Lonie venait de lui poser une question à laquelle il ne s’attendait pas le moins du monde. Pourquoi diable la chasse lui évoquerait-elle un malaise ? Il dévisagea littéralement son élève du jour. Avait-elle quelques scrupules à tuer les animaux ? Non, elle avait été bouchère, elle devait donc s’être amplement fait à l’idée, d’autant qu’il n’était pas question de lever la main sur une chenille ou un papillon… Alors quoi, se sentait-elle mal ? Était-elle trop frêle pour chasser ? Avait-elle attrapé quelque mal inconnu en voyage ? Il fronça les sourcils, un peu inquiet.

- Non, p’quoi, z’llez défaillir ?...

Prêt à bondir vers elle pour l’empêcher de se fracasser la tête sur le sol, il continua de la regarder. Elle n’avait pas l’air si malade. Ni même plus pâle qu’à l’ordinaire. Certes les femmes étaient parfois étranges et pouvaient tourner de l’œil sans raison apparente mais tout de même, là… Bon, ils avaient marché un peu, mais pas de quoi manquer de souffle, de force ou que sais-je. Ou alors…

- A moins que ç’soit ma présenc’qu’vous gêne ?

Pourtant il n’avait rien fait ou rien dit de plus ou de moins que d'habitude, si ? Il s’était même lavé il n’y a pas si longtemps que ça encore… Alors quoi ? Oubliés les collets, les lacets, le crin de cheval, les coulées, les lièvres, les oiseaux… Cette étrange question avait tout balayé sur son passage. Seule subsistait dans l’esprit du brun une profonde perplexité mêlée de curiosité et du désir de comprendre.
Lonie
"Et si c’était la liberté de son cœur ?"*



La question lancée s’avérait retenir plus d’intérêt qu’elle n’avait pu imaginer avant que ses mots ne dépassent ses lèvres, dévisagée, plus que supportable à soutenir.
Il ne fallait pas flancher, ne pas montrer de faiblesse ni offrir d’ouverture dans ses défenses.


Vot’présence ?

Grillée ou vraie interrogation ? Elle feignait pourtant bien l’étonnement

Mais pas du tout.

Comme quand on cherche l’inspiration, le venin d’un mensonge à puiser, son regard détourné il fallait y répondre, s’expliquer de sa question, après tout c’est elle qui s’était menée là.
Et puis…


Bah, c’est qu’vous n’arrêtez pas d’dire qu’c’est facile, c’est simple, vous expliquez plein de choses et moi, j’comprends pas grand-chose.
Vous donnez tellement d’détails, j’suis complètement paumée, c’est désagréable d’emprunter un instant le corps d’un blonde… Ouais, j’vous écoute sans comprendre mais j’essayerai après avoir vu.


Le sourire était revenu, l’imposture prenait forme au milieu de cet océan de végétation, mais après tout, c’nétait pas tout à fait faux.
N’était elle pas un peu perdue ? Un regard sur l’horizon fermé afin de trouver une escale, et la suite vint naturellement dans une imitation très exagérée :


v’dîtes, c’est tout bête…Norf ! Aisé, pas compliqué du tout.. Norf !

Stoppée net à la retenue d’un rire, ses yeux vinrent lentement croiser l’obscurité des siens et à son tour l’observer.
Oui, elle avait dissimulé ses pensées.


*LJD Lonie
Vahanian
    Les mensonges les plus simples sont souvent les plus efficaces. Souvent.




Visiblement ce n’était pas les suggestions qu’il venait de faire qui pouvaient expliquer la question étrange de la brune. Celle-ci, admirablement étonnée, lui assura que non, ce n’était pas sa présence qui lui causait malaise. Soulagé, mais à court d’idées, il laissa échapper un petit soupir inaudible. Puis les bras du brun vinrent se croiser sur son torse tandis que ses yeux observaient toujours la jeune femme qui lui faisait face. Cette dernière semblait hésiter. Était-ce donc si difficile à dire ?

Elle finit tout de même par avouer ce qui la tracassait. Dépité, Vahanian l’écouta sans bouger. Ainsi il était donc mauvais professeur ? Elle l’avait laissé débiter tout son baratin, hoché du chef quand il lui avait demandé si elle avait compris alors qu’en fait elle était paumée depuis le début ? Il se renfrogna à cette constatation et recula de deux pas pour s’adosser à l’arbre derrière lui. Il était donc désagréable même en faisant des efforts, même avec elle ? Navrant. La dernière phrase, porteuse d’espoir, fit naître un sourire sur le visage de la belle brune. Il s’apprêtait donc à lui poser une question lorsque les yeux féminins qui scrutaient l’horizon vinrent de nouveau poindre dans sa direction. Et Lonie, dans une mimique exagérément ridicule, de l’imiter. Avec des Norf, s’il vous plait !

Le Berrichon grimaça tandis qu’arrêtée en plein élan, elle l’observait. Grognon, il grommelait dans la barbe qu’il n’avait pas. Finalement il lâcha :

- Chavais pas qu’j’étais si nul. F’llait l’dire avant qu’j’vous soulais la tête ‘vec mes ‘xplications à la mord-moi-l’nœud !


Il haussa les épaules, par réflexe, car il était pour une fois loin de s'en moquer.

- Pis d’solé d’vous souler ‘vec mes « Norf » pis ma façon d’causer. Hmpf.

Et vas y que je deviens bougon. Enfin, puisqu’elle pensait mieux comprendre en voyant, hé bien elle verrait. Il se dégagea de l’appui du chêne et ramassa sa besace. Une fois passée en travers de son torse, il en vérifia le contenu puis lança un regard à la brune.

- Bon bin j’vous emmerde pas plus 'vec mon blabla, allons en quêt’d’traces d’lapinous.

Et sans plus tergiverser, veillant à ne pas sortir de « Norf », il regarda et désigna l’Est.

- On va commencer par là bas. Si ç’vous va pas, dites le sacrénom !

Oui, il était un peu vexé.
Lonie
Je sais qu'il est des yeux, des plus mélancoliques
Qui ne recèlent point de secrets précieux ;
Beaux écrins sans joyaux, médaillons sans reliques,
Plus vides, plus profonds que vous-mêmes, ô Cieux !*



D’un mensonge à première vue bien ficelé, cette construction imaginaire de cet esprit tordu s’avérait finalement bien chancelante lorsque le maître se mit à douter de ses compétences.

Non, il n’avait pas failli à son rôle, l’élève n’avait pas écouté, trop distraite peut être.

Non il ne l’avait pas lassée de ses explications, elle avait égarée sa pensées dans son regard, perturbée par cette incompréhension naissante, elle avait perdu pied. Et puis son timbre de voix, sa façon de causer n’était que prétexte pour passer à autre chose avec pirouette maladroite.

La brune appréciait réellement ces instants bien qu’elle n’arrivait pas à désigner cette sensation étrange, la tenant en éveil, une nouvelle perception de l‘autre assez inhabituelle.

Pourrait-elle la maitriser comme elle aimait tenter de tout contrôler. A bien y réfléchir, elle n’était pas des plus douée à ce jeu là non plus. Ceux qui la connaissaient savaient éperdument qu’elle pouvait exploser pour un rien, en totale liberté de ses émotions de ses façons sans rien calculer. C’était ça aussi sa nature.

Au fur à mesure que son guide argumentait le pourquoi à cet air contrarié, le minois de la brune se désagrégeait en vilaines grimaces, l’effet escompté d’apporter un peu de légèreté à la situation se révèlait être un naufrage.


Vous n’pouvez pas admettre qu’vous avez un mauvais élève ? J’suis certaine que vos explications étaient limpides, j’crois qu’j’suis plus attentive visuellement, j’vous assure que j’vais vous regarder cette fois.


Elle n’ajoutera pas de : promis ou autre ineptie de la sorte, promettre elle ne le ferait plus jamais.


*C. Baudelaire « l’amour du mensonge »
Vahanian
    Cachez ces yeux que je ne saurais voir *



Notre cher bougon était fin prêt à s'en aller chasser. Sacoche parée, objectif fixé. Par réflexe il jeta tout de même un dernier coup d’œil à Lonie. Grave erreur dont il se rendit compte en voyant sa petite mine déconfite et grimaçante. Mais si jolie. Et puis le regard s'attarda... Longtemps et plus que nécessaire... Il s'attarda même alors qu'elle sortait une ineptie. Elle en cause ? Mauvaise élève ? Mais pourquoi donc ? Tss, ridicule. Involontairement, un léger sourire commença de naître sur ses lèvres tandis que la vexation s'évanouissait. Dès qu'il s'en rendit compte il gronda intérieurement. Pourquoi diable cette bourrique de jolie brune le faisait parfois bloquer ainsi ? Ridicule. Il secoua la tête pour éviter de finir en rêveries infinies. Grommelant quelque chose d'incompréhensible il détourna la tête.

- Dites pas d'sottises. J'ai compris, c'pas 'rave. Bon aller, on y va, j'vais vous montrer 'vant qu'i'fasse nuit quand mêm' !


Et sans autre forme de procès, il s'en fut donc vers l'Est, suivi de plus ou moins près par son élève du jour. Enjambant les racines, piétinant discrètement les feuilles, écartant branches et ronces, l'oeil aux aguets, l'oreille en alerte, il cherchait le fameux coin où proliféraient les lapins. Il est bon de noter que les lapins, pourvu qu'ils soient deux, prolifèrent évidemment partout... Ces bestioles se reproduisant peut-être même plus vite qu'elles ne réfléchissent. A l'image de certains hommes et/ou certaines femmes, sans doute. Bref, à force de scruter silencieusement les environs, il finit par repérer une magnifique trace. Les traits illuminés d'un sourire triomphant il se tourna vers la brune.

- Hép ! V'nez voir ! 'dmirez donc moi ça !


Il la laissa se pencher sur le petit tas de boulettes noires avant d'ajouter :

- C'sont des crottes d'lapin, oui m'dam'. Pis vu l'nomb'ça doit proliférer dans l'coin. Hin hin hin oui ceci est un rire pseudo machiavélique aller continuons, on approche du but !

Plié en deux, le regard équivalent peut-être à celui d'un lézard, il tâchait de trouver un terrier d'où pouvaient sortir les jeunes ou entrer les vieux. Après une bonne vingtaine de minutes passées dans cette inconfortable position et dans cette insoutenable attente, il trouva. Un sourire jusqu'aux oreilles il fit signe à Lonie de se rapprocher et s'accroupit à trois enjambées de l'entrée du terrier visiblement habité. Une fois la brune à ses côtés, il désigna les arbustes qui cachaient partiellement le trou, puis les nombreuses traces au sol.

- Voyez, i'sont dans l'coin. Y'a plein d'défection et plein d'traces dans l'sol. Là y'a un terrier. C'doit êt'plein d'lapins. On va poser not'collet sur les arbustes là, un peu en hauteur. Com'ça quand les couillons d'lapins sortiront ou rentreront pour choper la bouffe qu'on aura s'mé, i'pass'ront par l'collet qui s'resser'ra autour d'leur cou... Voyez l'idée ? Bien sur faudra camoufler l'truc. Pas tant d'visu que d'odeur. C'surtout ça qui nous grille général'ment.

Il tourna la tête vers son élève.

- Ouais moins d'blabla et plus d'action c'ça ?

Comme on le lui avait appris il y a longtemps, et comme il avait fait des centaines de fois sûrement depuis, il alla donc poser son collet, attaché à une branche, prêt à se resserrer au moindre passage de lapin ou de lièvre. Il masqua ensuite l'odeur humaine avec de la boue teintée d'excrements, s'essuya sur un bout de tissus emmené spécialement pour l'occasion - oui d'ordinaire il s'essuyait volontiers sur sa chemise ou ses braies mais là... Avec une dame on s'adaptait... Finalement il parsema le sol de thym, de trefles et autres aliments dont raffolent les lapins. Puis il s'écarta et avisa un arbre.

- On pourrait en poser deux trois quatre aut'dans l'coin pis grimper là pour attend'qu'est-c'vous en dites ? Bon faudrait s'serrer un chouilla sur c'te grosse branche là, mais on verrait p't'et'des ch'nilles ?

__________________________________________

* Adaptation de la célèbre phrase de Tartuffe « Couvrez ce sein que je ne saurais voir. » de Molière.
Lonie
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime!*




Des explications étaient versées sous ce regard insistant, après la pluie vint le beau temps, comme une légère touche chaleureuse qui s’illumine au coin des lèvres chassant ainsi l’instant d’avant.
Comme un grondement d’orage qui fuit, poussé par le vent, la leçon reprit son cours.
En élève modèle, elle le suivit pas à pas, une légère brise venant effleurer son visage, il ne fallait en aucun cas faire plus de bruits que lui, silencieuse et attentive, elle le regardait opérer.
D’un ton nuancé d’effervescence, le chasseur l’appela à venir le rejoindre, la brune obtempéra à ce rassemblement des troupes.
Intriguée, son regard observa cette fameuse trace qui l’avait rendu plus guilleret, si elle n’avait pas remarqué, il cru bon de définir ces petites choses noires. Il ne vit pas ses yeux rouler ni son sourire en coin, pour sur, elle n’aurait pas pris ça pour des fraises des bois.

Le temps d’observation fut un tantinet plus long, se tenant à l’écart elle vint le rejoindre qu’à son signal. S’en suivi un récit comme il aimait les faire, passionné et pointilleux de détails, elle s’était mise en position pour scruter ce fameux filon. Ni trop loin, ni trop près, juste à côté.

Plus d’action ? Oui !

La pratique commençait, les nœuds étaient habilement confectionnés, le choix des emplacements d’une stratégie redoutable, elle comprenait mieux ce temps passé à observer la coulée.
Et puis il y avait cet observatoire à investir, monter aux arbres, elle adorait depuis sa plus tendre enfance.
Oui c’était pour ouvrir son horizon qu’elle grimpait jadis dans les branches de l’hêtre, celui planté au centre du cloitre, ainsi, elle s’élevait toujours plus haut, un jour ce fut la fuite de ce couvent, un autre arbre pour complice.

Il était temps pour elle de montrer qu’elle avait examiné de toute son attention le moindre de ses gestes, la brune se saisit donc du matériel nécessaire en souriant, de tout son aplomb elle se mit à nouer le lien, le fixer aux branchages, dans l’axe du chemin tracé par les billes naturelles laissée comme le petit poucet par ces lapins.
Qu’ils devaient être idiots finalement, c’est ainsi que certains sont chassées et d’autres, chasseurs.
Satisfaite, un immense sourire aux lèvres, ses yeux vinrent se fixer sur lui.


Voyez, je crois qu’il n’est pas trop mal posé non ? Pour la branche, elle m’semble parfaite, d’ailleurs, l’premier arrivé !

Sans lui laisser le temps de réagir, elle bondit vers l’arbre pour s’y hisser avec facilité et lui fit signe pour qu’il la rejoigne.


*Aux arbres V.Hugo
Vahanian
    « The grass was greener,
    The light was brighter » *



Visiblement l’idée convenait à la jolie brune qui s’était donc empressée de montrer ce qu’elle avait appris, sourire aux lèvres. Et elle se débrouillait plutôt pas mal, pour une première fois et une élève soit disant dissipée. Il faut dire aussi que dans la chasse au collet le plus dur était peut-être la confection de ce dernier et le masque olfactif, non pas la pose. Mais aux vues de ce qu’elle venait de faire, il n’y avait a priori pas de raison pour que ces foutus lapins crétins** ne se prennent pas dans le piège. Vahanian esquissa un sourire. Ce dernier s’élargit en observant la brune dont les prunelles venaient de se fixer sur lui. Mais pas le temps de se perdre en une quelconque contemplation que Lonie balançait deux phrases avant de s’élancer vers l’arbre qu’il avait désigné plus tôt auparavant. Planté comme un idiot, il resta là un instant, les bras ballants tandis qu’elle se hissait déjà sur la branche repérée. Riant brièvement de sa lenteur et de la stupidité dont il pouvait faire preuve parfois avec elle, il s’empressa de s’ancrer à la réalité afin de monter. L’escalade fut moins ardue qu’il ne l’aurait cru et il fut bien vite aux côtés de sa « demie » Collection. Laissant échapper un soupir sous l’effort il s'installa en tâchant de ne pas trop la coller, malgré l’étroitesse de l’espace disponible. Enfin, une fois assis et callé, les mains fermement cramponnées à la branche sous ses fesses, jugeant qu’il ne gênait pas de trop sa voisine, il la regarda.

Le minois comme souriant, les jambes dans le vide, se moquant de ce sol si éloigné, Lonie était sûrement l’incarnation de la liberté, de la beauté simple et d’une farouche détermination. Dans des moments comme celui-ci, le brun se serait bien laissé aller à la folie qui le prenait de temps à autres. Cette irrépressible envie de l’embrasser, sans autre forme de procès. Mais l’appréciant, il ne s’y serait pas risqué. Premièrement parce qu’il n’était pas certain de ne pas se manger une baffe dans l’histoire, deuxièmement parce qu’il craignait qu’elle n’en soit offensée et troisièmement car il ne tenait pas à être rangé dans la même catégorie que les stupides – au bon goût ceci dit – qui s’agenouillaient devant elle au bout de 5 minutes en tavernes pour la demander en mariage. Bon jusqu'à maintenant, cette envie là il ne l’avait jamais eu. Toujours est-il qu’il détourna le regard afin de réprimer la pulsion et s’empressa même de trouver quelque chose à dire qui n’eut strictement rien à voir de près ou de loin avec sa voisine. A défaut il choisit d'aborder un thème qui était certes la passion de la brune mais qui, sans aucun doute, ne donnait aucune envie d'embrassade. Observant une feuille pendouillante, il s’exclama donc :

- Ah oui, ‘voulez chasser les ch’nilles ? Doit y’en avoir par là !


Jetant des regards sérieux et concentrés autour de lui, il ajouta :

- Ça aime les feuilles en plus ces bestioles, nan ? Pis com’ça si on chop’une ch’nille vot’journée s’ra pas perdue mêm’si les lapins sont pas assez cons pour c’te fois. Pas vrai ?


Il lui adressa un sourire sincère sans vraiment la regarder, puis repris sa quête de chenilles tout en surveillant les collets posés alentours du coin de l’œil. Si jamais un animal se prenait le cou là dedans il faudrait rapidement descendre afin d’abréger ses souffrances. La chasse il aimait ça, mais voir une pauvre bête souffrir inutilement, ça non.

__________________________
* High Hopes - Pink Floyd. [Traduction : "L'herbe était plus verte, la lumière était plus brillante"].
** Les lapins crétins - jeu.
Lonie
Docile à l’appel d’un arome,
D’un rayon ou d’une couleur,
L’atome vole vers l’atome
Comme l’abeille vers la fleur.

L’on se souvient des rêveries
Sur le fronton ou dans la mer,
Des conversations fleuries
Prés de la fontaine au flot clair,

Des baisers et des frissons d’ailes
Sur les dômes aux boules d’or,
Et les molécules fidèles
Se cherchent et s’aiment encor.

L’amour oublié se réveille,
Le passé vaguement renaît,
La fleur sur la bouche vermeille
Se respire et se reconnaît.

Théophile Gautier, Emaux et camées




Du haut de son juchoir, ses iris pétillants le fixaient avec une infinie douceur, derrière ses lèvres, un léger rire restait emprisonné, son désarroi était touchant.
Le sien, elle s’en interrogeait, il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas ressenti ces émotions troublantes.
Devait-elle s’y perdre et s’abandonner ? Pourrait-elle lutter ?

Quoiqu’il en soit, Vahanian occupait une place particulière, évidement puisqu’il venait d’poser sa préférence à quelques centimètres d’elle.
Le balancement de ses bottes rouges semblait nerveux, ce regard masculin posé l’enveloppait doucement provoquant en elle une montée chaleureuse.

Elle réprima l’envie de se pencher sur son visage ne sachant pas le teneur de cet étrange sentiment, lui offrirait elle un chaste baiser sur la joue ? Ou…Autre chose ?
Nan, il y a des découvertes aussi ardentes soient elles qu’il faut parfois éviter pour ne pas s’y bruler.


Alors qu’enfin l’attention de son guide allait et venait sur les feuilles alentours, le silence fut brisé, la tension apaisée. Elle se devait d’répondre.

Oui ça mange les feuilles aussi, m’enfin je n’pense pas qu’on puisse chasser grand-chose d’ici enfin pour c’qui est des insectes, la marge de manœuvre est étroite non ?

Sa tête se penchait de droite à gauche pour à son tour l’observer, là, tout près, son attitude semblait fuyante, chose étonnante lorsqu’ on le connaissait bien c’t’homme.
Elle était bien et voulait lui faire sentir, son bras ne put s’empêcher de s’enrouler au sien alors que sa tête venait se caler contre son épaule. Dans un murmure elle lui souffla :


Pour l’moment on s’contente d’votr’chasse, j’vous emmènerai, à mon tour...Plus tard pour expérimenter ma passion.
Vahanian
    Troubles en sa présence,
    manques en son absence,
    soif de son essence,
    mais...



Oui, la marge de manœuvre était étroite. Tant pour la chasse aux chenilles que pour ignorer la présence de l’autre, tout près. Pourquoi cette fille lui faisait-elle cet effet là ? Le brun n’en avait strictement aucune idée. Pourtant ce n’était pas faute de s’être perdu dans les abimes de la question. Il faut dire que les sentiments n’étaient pas choses dont il avait expérience, ni choses sur lesquelles il aimait se pencher trop longtemps. Tandis que son regard foncé se perdait dans les buissons où étaient accrochés les pièges, un mouvement d’abord l’interpella. L’œil alerte pointa en direction de sa voisine. Et puis, un contact, dans un bruissement de tissus. Un bras qui s’enroule autour du sien. Une tête qui se loge au creux de son épaule. Un murmure qui flotte comme une caresse jusqu’à son oreille. Et pourtant, en somme, rien de si terrible. Il en a vu d’autres et pourtant… Voilà qu’il n’ose pas bouger. Non pas tétanisé, juste surpris. Lorsqu’on connaît la brune et son entrain pour le genre masculin, ou tout simplement le genre humain, il y a de quoi l’être. Et puis, la chair n’oublie pas les plaisirs, quoi qu’on s’impose. La brune est comme brûlante contre lui. Le genre de moment suspendu, en dehors du temps, où toute pensée s’arrête pour mieux laisser libre court au ressenti. Il coule un doux regard à la jolie jeune femme près de lui… Et puis… Reflexes, contraction des muscles, redressement un peu brusque.

- Là !

Le mot est enthousiaste, véritable « cri » du cœur. Lâché d’un ton très bas. Le bras est tendu, en direction d’une branche qui tressaute, en contrebas, dans les buissons. Il est fort à parier qu’un lapin est de sortie. Un sourire vient s’imposer sur la face Vahanianesque. La chasse vient de le sauver d’une erreur, d’une pulsion primaire, d’une envie toute simple que l’on doit souvent expliquer par la suite. Le sourire s’élargit avant de disparaître. Le chasseur guette sa proie à fourrure. La mine est concentrée. L’environnement n’existe plus vraiment, même la brune disparaît. La chasse au collet est moins intense que celle à l’arc ou que la traque. Mais le but poursuivi est le même. Piéger, acculer, frapper, tuer, manger. Seule la proie et son chasseur comptent. Un jeune lapin finit par pointer le bout de son nez, tout près du collet, tout près des baies qu’il apprécie tant. Mais il se fait méfiant. Il hume, il attend. Et enfin, petit à petit, rassuré par l’absence de présence anormale, il avance. Inexorablement il s’approche. Pris de confiance il bondit. Droit vers la mort. La tête la première dans le collet… Qui semble résister au choc et se refermer convenablement, comme il se doit.

Sans attendre, le brun se dégage doucement de l’étreinte féminine pour rejoindre le sol. Prestement il y parvient et se dirige vers l’animal. Le couteau est sorti, en un tour de main. Bientôt l’animal est saisi par les deux pattes arrières et voit sa gorge tranchée par la lame. Dernier soubresaut et il rend l'âme.

- Hmm, un p’tit lapin grillé au feu, rin d’tel com’repas.

Le V. s’adresse autant à lui-même qu’à Lonie. Et puis, se tournant vers elle, il esquisse un sourire, tandis que le couteau est essuyé sur la fourrure animale avant d’être rangé.

- Dites, l’ancienne bouchère, ç’vous dit d’dépecer l’lapinou ?
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