Vahanian
- La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.*
Un jour de printemps au temps ensoleillé, le brun attendait une brune enchignonnée aux abords dune forêt angevine afin daller chasser. La brise légère mais fraiche faisait mouvoir ses mèches rebelles, tant et si bien quil décida de se les attacher en queue de guerrier, à laide dune lanière de cuir. Une fois ce problème réglé il sadossa de nouveau à larbre sous lequel il patientait et replongea dans ses pensées, les yeux perdus dans le vague, la main droite tripotant machinalement le couteau quil avait passé à sa ceinture. Très tôt le matin, réveillé par un oiseau stupide qui était venu se fracasser contre lui, il avait pu réfléchir et préparer le matériel nécessaire. Au début il avait hésité, useraient-ils de collets, de filets, de fo Finalement il sétait dit que pour chasser avec une femme poser des collets suffiraient. Sils avaient le temps peut-être tenteraient-ils de sapprocher de la rivière pour choper quelques poissons. Ce style de chasse navait rien de très intense et était même méprisé des nobles, pourtant la patience payait et cela permettait de manger un peu de viande sans navoir à payer une somme exorbitante. Il soupira puis inspira doucement. Lodeur et les bruits de la forêt, rien de tel pour attaquer une matinée. Si la chasse en elle-même navait rien dextraordinaire, se balader parmi les arbres et se faufiler sans bruit entre eux était lune de ses activités favorites.
Il espérait que Lonie y prendrait plaisir également. Même si la perspective de tuer des animaux enchantait peu ou prou les femmes de ce royaume, Vahanian restait confiant. Elle nétait pas « les femmes ». Il ny avait donc pas lieu de sinquiéter. Qui sait, si ça se passait bien, peut-être pourrait-il réitérer lexpérience ? Un bruit le fit se détacher de larbre et se reconnecter à la réalité pour observer les alentours. Ce nétait quun bûcheron. En effet, afin de mieux se retrouver, il patientait près du petit local de la mairie qui, ouvert très tôt, prêtait des haches à qui voulait, moyennant un bois revendu pas trop cher. Il salua lhomme qui passait devant lui dun hochement de tête puis tourna le regard vers la brune qui arrivait enfin. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres et y resta un instant, flottant comme un papillon sur une fleur. Il sétira en baillant et marcha à sa rencontre, le visage redevenu neutre.
- jour vous ! Zêtes prête ? En forme ?
Demanda-t-il en la regardant de pied en cap. Il lui montra sa besace.
- Moi jai tout !
Il regarda derrière lui. On entendait déjà les premiers coups de hache de la journée.
- Il faudra s'éloigner d'ça. Autrement j'doute qu'on attrape quoi qu'ce soit.
Il pensa à lui tendre la main mais se ravisa.
- Vous m'suivez ?
La questionna-t-il avec un petit sourire.
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*Baudelaire - Les Fleurs du Mal - Correspondances