Aethys
[Saumur, une taverne quelconque]
Il paraissait que tout se monnayait. Tout sachetait. Le pain, le vin, les frusques, les joyaux, les appartements privés des beaux quartiers de Paris, les piaules infâmes du fin fond de la Cour. Mais pas que la dignité, le désir, lamour, le bonheur. Tout sachetait. Quelques écus pour une passe, quelques pièces pour faire taire une rumeur, une bourse ou deux pour un mariage arrangé, une pile dor contre une fiole de paradis. Oui, tout en ce bas monde se payait. Tout avait son prix. Même la mort
La Gasconne sétira, tranquillement installée dans un coin de la taverne. La fenêtre entrouverte laissait un souffle insolent se perdre sur son minois, lui ramenant lodeur salée du port proche. Elle fronça le nez. Elle naimait pas ces fragrances agressives, cet air piquant qui la prenait à la gorge, ces embruns qui se permettaient de lui fouetter le visage. Locéan Une grimace macula ses traits fins. Voilà quelques temps désormais quelle était à Saumur, quelques temps quArrya lavait laissée seule dans cette nouvelle ville. Pourtant, étrangement, elle ne sy faisait pas. La ville était vivante, bruyante, ces habitants bigarrés. Et pourtant quelque chose clochait. La brunette se mordilla la lippe, signe de son mal être. Impossible de savoir quoi bien entendu mais, un sentiment ténu la prenait aux tripes à chaque fois quelle mettait le nez dehors. Trop peu de collines, trop peu de ces pierres blanches acérées qui faisaient ces terres, trop peu de landes bourbeuses, trop peu de flammes, de sang. Trop de fous... Et cette langue doil partout La Gasconne soupira. Peut être ne se sentait-elle tout simplement pas chez elle. Dun geste las, elle referma la fenêtre, se replongeant dans le boucan de la taverne. Comme dhabitude, elle était pleine, pleine de marins, de voyageurs, de quelques nobliaux aux regards froids et hautains, dune poignée de mineurs, dune multitude de libertins et de leurs compagnes outrageuses. Son regard erra un instant, les passant tous au crible. Aucun ne retenait son attention. Ses lèvres sétirèrent en un rictus orgueilleux.
Entre ses doigts, tourbillonna une coupe de vin. Mauvais bien entendu puisquil était dAnjou Sa langue émit un petit claquement sec alors quelle ingurgitait le liquide rougeâtre. La Guyenne lui manquait dans des moments comme celui-ci. Elle se revit une année en arrière, les doigts enroulés autour dune coupe de vin bordelais, dans les bras dun vieux fauteuil élimé, à la lumière des chandelles. Un sourire fin étira les purpurines alors que son regard se faisait vague. Ce temps était si loin désormais, enfouis dans les méandres de sa mémoire enfumée.
Au gré de leur errance, les ambres se posèrent sur un parchemin devant elle la ramenant à laffaire qui loccupait aujourdhui. Vendre la mort Une lettre non signée, une demande simple et concise. Lon voulait un poison, puissant rapide, ne laissant que peu de traces. Aethys recevait souvent ce genre de courriers. Quelques mots, peu dindications sur le pourquoi, juste la promesse dune poignée dor. Et cela lui suffisait amplement. Après tout, peu lui importait les causes. Un adversaire à faire disparaitre, une épouse trop regardante, un bâtard trop intrusif parfois on lui demandait lantidote, au cas où mais rarement. Ces affaires étaient souvent longuement réfléchies et ce nest pas tous les jours que lon croise la route dun empoisonneur.
Alors la porte souvrit et la brunette releva la tête. Elle ignorait tout de celui ou celle qui était derrière cette lettre. Mais elle savait quil ou elle la reconnaitrait sans peine. Dans la taverne sur le port, la plus proche des quais, une table libre au fond, une bouteille de vin et je vous attendrai. Voilà ce quelle avait répondu. La vente se ferait mais le prix, elle le déterminerait au cours de la discussion. A la tête du client toujours
La coupe se leva, retrouvant les lèvres alors que lattente sachevait.
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Il paraissait que tout se monnayait. Tout sachetait. Le pain, le vin, les frusques, les joyaux, les appartements privés des beaux quartiers de Paris, les piaules infâmes du fin fond de la Cour. Mais pas que la dignité, le désir, lamour, le bonheur. Tout sachetait. Quelques écus pour une passe, quelques pièces pour faire taire une rumeur, une bourse ou deux pour un mariage arrangé, une pile dor contre une fiole de paradis. Oui, tout en ce bas monde se payait. Tout avait son prix. Même la mort
La Gasconne sétira, tranquillement installée dans un coin de la taverne. La fenêtre entrouverte laissait un souffle insolent se perdre sur son minois, lui ramenant lodeur salée du port proche. Elle fronça le nez. Elle naimait pas ces fragrances agressives, cet air piquant qui la prenait à la gorge, ces embruns qui se permettaient de lui fouetter le visage. Locéan Une grimace macula ses traits fins. Voilà quelques temps désormais quelle était à Saumur, quelques temps quArrya lavait laissée seule dans cette nouvelle ville. Pourtant, étrangement, elle ne sy faisait pas. La ville était vivante, bruyante, ces habitants bigarrés. Et pourtant quelque chose clochait. La brunette se mordilla la lippe, signe de son mal être. Impossible de savoir quoi bien entendu mais, un sentiment ténu la prenait aux tripes à chaque fois quelle mettait le nez dehors. Trop peu de collines, trop peu de ces pierres blanches acérées qui faisaient ces terres, trop peu de landes bourbeuses, trop peu de flammes, de sang. Trop de fous... Et cette langue doil partout La Gasconne soupira. Peut être ne se sentait-elle tout simplement pas chez elle. Dun geste las, elle referma la fenêtre, se replongeant dans le boucan de la taverne. Comme dhabitude, elle était pleine, pleine de marins, de voyageurs, de quelques nobliaux aux regards froids et hautains, dune poignée de mineurs, dune multitude de libertins et de leurs compagnes outrageuses. Son regard erra un instant, les passant tous au crible. Aucun ne retenait son attention. Ses lèvres sétirèrent en un rictus orgueilleux.
Entre ses doigts, tourbillonna une coupe de vin. Mauvais bien entendu puisquil était dAnjou Sa langue émit un petit claquement sec alors quelle ingurgitait le liquide rougeâtre. La Guyenne lui manquait dans des moments comme celui-ci. Elle se revit une année en arrière, les doigts enroulés autour dune coupe de vin bordelais, dans les bras dun vieux fauteuil élimé, à la lumière des chandelles. Un sourire fin étira les purpurines alors que son regard se faisait vague. Ce temps était si loin désormais, enfouis dans les méandres de sa mémoire enfumée.
Au gré de leur errance, les ambres se posèrent sur un parchemin devant elle la ramenant à laffaire qui loccupait aujourdhui. Vendre la mort Une lettre non signée, une demande simple et concise. Lon voulait un poison, puissant rapide, ne laissant que peu de traces. Aethys recevait souvent ce genre de courriers. Quelques mots, peu dindications sur le pourquoi, juste la promesse dune poignée dor. Et cela lui suffisait amplement. Après tout, peu lui importait les causes. Un adversaire à faire disparaitre, une épouse trop regardante, un bâtard trop intrusif parfois on lui demandait lantidote, au cas où mais rarement. Ces affaires étaient souvent longuement réfléchies et ce nest pas tous les jours que lon croise la route dun empoisonneur.
Alors la porte souvrit et la brunette releva la tête. Elle ignorait tout de celui ou celle qui était derrière cette lettre. Mais elle savait quil ou elle la reconnaitrait sans peine. Dans la taverne sur le port, la plus proche des quais, une table libre au fond, une bouteille de vin et je vous attendrai. Voilà ce quelle avait répondu. La vente se ferait mais le prix, elle le déterminerait au cours de la discussion. A la tête du client toujours
La coupe se leva, retrouvant les lèvres alors que lattente sachevait.
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